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CA LIMOGES (ch. civ.), 3 décembre 2014

Nature : Décision
Titre : CA LIMOGES (ch. civ.), 3 décembre 2014
Pays : France
Juridiction : Limoges (CA), ch. civ.
Demande : 13/01416
Date : 3/12/2014
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Legifrance
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6510

CA LIMOGES (ch. civ.), 3 décembre 2014 : RG n° 13/01416

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Cela étant, la loi du 17 mai 2011 (article 2) a inséré dans l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales un article III bis dont le contenu est le suivant : […].

Cette loi a été publiée au Journal Officiel le 18 mai 2011, ses dispositions sont donc entrées en vigueur le 19 mai 2011. Si la loi (article 2) dispose qu’un décret précisera les modalités d’application du présent III bis, elle n’indique pas que son entrée en vigueur sera retardée ou conditionnée par ce décret. Il est alors considéré qu’en l’absence d’une telle précision, la loi est immédiatement applicable, même si elle prévoit des actes réglementaires pour son application, à condition qu’elle se suffise à elle-même (en ce sens Cour de Cassation, 3e civile, 2 décembre 1981).

Il ressort de l’article précité que le fait générateur des obligations des services d’eau potable est constitué par la constatation par le service gestionnaire d’une augmentation anormale du volume d’eau consommé par un usager. La loi détermine que dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé, il en informe sans délai le client. Elle fixe le volume d’eau au-delà duquel la consommation doit être considérée comme anormale.

Il résulte ainsi de ces éléments que compte tenu de leur caractère explicite, suffisamment clair et précis, les dispositions de la loi du 17 mai 2011 étaient applicables dès le lendemain de la publication de celle-ci, nonobstant l’absence encore du décret d’application dont elle faisait état. Il ne s’agit pas d’une application rétroactive de la loi mais d’une application immédiate de celle-ci, laquelle date du 17 mai 2011, et alors que la situation litigieuse est postérieure. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/01416. Affaire : demande en paiement du prix et/ ou tendant à faire sanctionner le non paiement du prix.

Le trois Décembre deux mille quatorze la Chambre civile de la cour d’appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

 

ENTRE :

Madame X.

de nationalité Française, née le [date] à [ville], Profession : Conseil, demeurant [adresse], représentée par Maître Hélène LEMASSON, avocat au barreau de LIMOGES, APPELANTE d’un jugement rendu le 9 OCTOBRE 2013 par le TRIBUNAL D’INSTANCE DE LIMOGES

 

ET :

COMMUNE DE BUSSIERE BOFFY

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Raphaël SOLTNER, avocat au barreau de LIMOGES, INTIMÉE

 

Selon avis de fixation du Conseiller de la Mise en Etat, l’affaire a été fixée à l’audience du 5 novembre 2014 pour plaidoirie avec arrêt rendu le 3 décembre 2014. L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2014. Conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile, Monsieur BALUZE, magistrat rapporteur, assisté de Madame AZEVEDO, Greffier, a tenu seul l’audience au cours de laquelle Monsieur BALUZE a été entendu en son rapport, Maîtres LEMASSON et SOLTNER, avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l’adoption de cette procédure.

Après quoi, Monsieur BALUZE, Conseiller, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 3 décembre 2014 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Monsieur BALUZE, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur BALUZE, Conseiller faisant fonction de Président, de Monsieur PUGNET et de Monsieur SOURY, Conseillers. A l’issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l’arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR

ÉLÉMENTS du LITIGE/ PROCÉDURE/ DEMANDES :

Les parties exposent que Mme X. a hérité le 28 octobre 2011 d’une maison d’habitation située au lieu dit le [P.], commune de Bussière Boffy, appartenant auparavant à une personne âgée décédée le 10 avril 2011 et qui ne l’occupait plus depuis plusieurs années.

Elle a constaté une fuite au système d’alimentation en eau le 30 octobre 2011.

La commune lui a adressé une facture d’eau en date du 9 mars 2012 pour 8.154,50 € faisant mention d’un relevé au 1er novembre 2011 de 5.610 m ².

Elle a contesté cette facturation.

 

Par jugement du 9 octobre 2013, le Tribunal d’Instance de Limoges a statué essentiellement ainsi :

- Reçoit Mme X. en sa contestation du titre exécutoire portant date du 18 avril 2012 ; l’y déclare partiellement fondée ;

- Déclare le titre exécutoire émis le 18 avril 2012 contre Mme X., au bénéfice de la COMMUNE de BUSSIERE BOFFY, valable et de plein effet pour la somme de 4.077,25 euros.

- Déclare Mme X. non fondée dans sa demande d’écrêtement.

- Dit n’y avoir lieu a application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

- Partage par moitié entre les deux parties les dépens, à l’exception des dépens afférents à l’exécution forcée du présent jugement qui seront à la charge entière [de] Mme X.

*

Mme X., appelante, présente les demandes suivantes :

- RÉFORMER dans son intégralité le jugement rendu par le Tribunal d’instance de Limoges le 9 octobre 2013.

En conséquence :

- PRONONCER l’annulation du titre exécutoire qu’a fait délivrer la Commune de Bussière Boffy à l’encontre de Mademoiselle Mme X. le 18 avril 2012 pour recouvrement d’une somme totale de 8.154,50 euros.

- DÉBOUTER la Commune de l’intégralité de ses demandes.

- DIRE et JUGER que la Commune est responsable du dysfonctionnement du compteur d’eau ayant généré cette surconsommation d’eau.

- En conséquence CONDAMNER la Commune à indemniser la requérante du préjudice subi à hauteur de la somme de 8.154,50 euros et dire que cette somme se compensera avec le montant de la facture.

- Subsidiairement, DIRE ET JUGER qu’en application de l’article L. 2.224-12-4 du code général des collectivités territoriales Mademoiselle X. ne peut être tenue qu’à la somme de 2,90 euros.

- CONDAMNER la Commune de Bussière Boffy au paiement d’une somme de 3.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

- LA CONDAMNER aux entiers dépens.

*

La commune de Bussière Boffy demande d’infirmer le jugement et de :

- DÉCLARER le titre de perception émis à la demande de la Commune de BUSSIERE BOFFY en date du 18 avril 2012 valable ;

- CONDAMNER Madame X. à verser à la Commune de BUSSIER BOFFY la somme de 8.154,50 euros ;

- REJETER l’intégralité des demandes formées par Madame Mme X. ;

- REJETER la demande de condamnation de Madame Mme X. au titre de l’article 700 du Code de procédure pénale ;

- CONDAMNER cette dernière à verser à la Commune de BUSSIERE BOFFY la somme de 3.000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER Madame Mme X. aux entiers dépens.

*

Il est renvoyé aux conclusions des parties déposées par Mme X. le 19 février 2014 et par la commune de Bussière Boffy le 26 juin 2014.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Il n’est pas produit de pièce sur la dévolution successorale de l’immeuble à Mme X. et plus particulièrement la date à laquelle elle est devenue propriétaire de ce bien.

Quoiqu’il en soit, si la fiche d’intervention de VEOLIA du 7 novembre 2011 mentionne « changer RA fuite après CPT douille de purge » (soit changer robinet d’arrêt fuite après compteur douille de purge), intervention faite le 7 novembre 2011, il ne peut s’en déduire nécessairement que le robinet d’arrêt était lui-même défectueux.

Et, en outre, il n’est pas établi que Mme X. ou son auteur aurait signalé un dysfonctionnement à ce sujet.

Le compteur a affiché au 7 novembre 2011 une consommation de 5.610 m ² de telle sorte que l’eau transitait nécessairement par celui-ci.

Il ressort de la fiche précitée et des lettres de VEOLIA du 28 mars 2013 et 12 juillet 2013 qu’il y avait une fuite après le compteur, dans le regard, plus précisément sur la douille de purge.

En l’état de ces éléments, la facture litigieuse serait due par Mme X.

*

Cela étant, la loi du 17 mai 2011 (article 2) a inséré dans l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales un article III bis dont le contenu est le suivant :

« Dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation susceptible d’être causée par la fuite d’une canalisation, il en informe sans délai l’abonné. Une augmentation du volume d’eau consommé est anormale si le volume d’eau consommé depuis le dernier relevé excède le double du volume d’eau moyen consommé par l’abonné ou par un ou plusieurs abonnés ayant occupé le local d’habitation pendant une période équivalente au cours des trois années précédentes ou, à défaut, le volume d’eau moyen consommé dans la zone géographique de l’abonné dans des locaux d’habitation de taille et de caractéristiques comparables.

L’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne s’il présente au service d’eau potable, dans le délai d’un mois à compter de l’information prévue au premier alinéa du présent III bis, une attestation d’une entreprise de plomberie indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations.

L’abonné peut demander, dans le même délai d’un mois, au service d’eau potable de vérifier le bon fonctionnement du compteur. L’abonné n’est alors tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne qu’à compter de la notification par le service d’eau potable, et après enquête, que cette augmentation n’est pas imputable à un défaut de fonctionnement du compteur.

A défaut de l’information mentionnée au premier alinéa du présent III bis, l’abonné n’est pas tenu au paiement de la part de la consommation excédant le double de la consommation moyenne. »

Cette loi a été publiée au Journal Officiel le 18 mai 2011, ses dispositions sont donc entrées en vigueur le 19 mai 2011.

Si la loi (article 2) dispose qu’un décret précisera les modalités d’application du présent III bis, elle n’indique pas que son entrée en vigueur sera retardée ou conditionnée par ce décret.

Il est alors considéré qu’en l’absence d’une telle précision, la loi est immédiatement applicable, même si elle prévoit des actes réglementaires pour son application, à condition qu’elle se suffise à elle-même (en ce sens Cour de Cassation, 3e civile, 2 décembre 1981).

Il ressort de l’article précité que le fait générateur des obligations des services d’eau potable est constitué par la constatation par le service gestionnaire d’une augmentation anormale du volume d’eau consommé par un usager.

La loi détermine que dès que le service d’eau potable constate une augmentation anormale du volume d’eau consommé, il en informe sans délai le client. Elle fixe le volume d’eau au-delà duquel la consommation doit être considérée comme anormale.

Il résulte ainsi de ces éléments que compte tenu de leur caractère explicite, suffisamment clair et précis, les dispositions de la loi du 17 mai 2011 étaient applicables dès le lendemain de la publication de celle-ci, nonobstant l’absence encore du décret d’application dont elle faisait état.

Il ne s’agit pas d’une application rétroactive de la loi mais d’une application immédiate de celle-ci, laquelle date du 17 mai 2011, et alors que la situation litigieuse est postérieure.

Le décret intervenu (le 24 septembre 2012) est d’ailleurs assez succinct.

En l’espèce la consommation antérieure était de 1 m ² (relevé 20 juin 2008 : 1, relevé 24 juin 2009 : 1, estimé 22 juin 2010 : 1, estimé 23 juin 2011 : 1).

La commune n’a pas avisé Mme X. de la consommation de 5.610 m² manifestement sans proportion avec les relevés ou estimations antérieures.

La douille de purge est un simple accessoire de la canalisation d’eau et la législation susvisée s’applique donc à une fuite l’affectant.

L’information prévue légalement devait, en raison du texte de loi précité, aviser l’abonné, au moins en substance, des dispositions de l’article L. 2224-12-4-III-bis alinéa 2 (l’abonné n’est pas tenu au paiement... s’il présente au service d’eau potable, dans le délai d’un mois... une attestation... indiquant qu’il a fait procéder à la réparation d’une fuite sur ses canalisations).

A défaut de cette information, la sanction légale est celle de la limitation du paiement au double de la consommation moyenne.

En l’espèce, ce montant est donc le suivant : 8.154,50 € : 5610 m ² = 1, 45 €/ m² x 2 = 2,90 €.

Mme X. est donc tenue au paiement, en vertu du titre exécutoire du 18 avril 2012, validé dans le principe, de la seule somme de 2,90 euros, et non de celle de 8.154,50 euros.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles.

La Cour n’intègre pas dans les dépens de la présente procédure (de première instance et d’appel) ceux d’éventuelle exécution forcée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt Contradictoire, mis à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Réforme le jugement,

Déclare valable le titre exécutoire émis le 18 avril 2012 par le Maire de la commune de Bussière Bofy, mais à concurrence de la somme de 2,90 euros,

Dit n’y avoir lieu de condamner Mme X. à payer 2,90 euros à la commune de Bussière Boffy, celle-ci disposant à ce sujet du titre susvisé,

Rejette les autres demandes, notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supportera la moitié des dépens.

LE GREFFIER,                   LE PRESIDENT,

E. AZEVEDO.                      D. BALUZE.