CA PARIS (pôle 1 ch. 8), 21 octobre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6513
CA PARIS (pôle 1 ch. 8), 21 octobre 2016 : RG n° 16/11575 ; arrêt n° 557
Publication : Jurica
Extrait : « L'article 82 du code de procédure civile dispose que le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci. Si le contredit donne lieu à perception de frais par le secrétariat, la remise n'est acceptée que si son auteur a consigné ces frais. Il est délivré récépissé de cette remise. Le principe est que le contredit doit être formé dans les 15 jours du prononcé du jugement et non du jour de sa notification ou de la délivrance d'une copie exécutoire. En effet, en cette matière spécifique sur la seule compétence, le délai de contestation est bref et son point de départ n'est pas, comme usuellement, la date de notification de la décision mais celle de son prononcé à la seule condition toutefois que les parties aient bien été informées du jour où la décision allait être rendue.
Or il n'est pas contesté en l'espèce et cela résulte également de l'examen du jugement du 22 octobre 2015 qu'à l'audience du 25 juin 2015 au cours de laquelle les parties représentées par leur conseil ont été entendues, le président, à l'issue des débats, les a avisées de la date de la décision et de son prononcé par mise à disposition au greffe. […]
Il importe peu, comme le soutient la société G. que par suite d'un défaut de paiement des frais de greffe par la partie demanderesse à l'instance principale, la société SEVEA, le jugement du 22 octobre 2015, contrairement à ce qui est indiqué dans le jugement n'ait été communiqué aux parties que le 5 novembre 2015. En effet, outre l'absence de preuve de cette affirmation contredite par les mentions mêmes du jugement, il a été rappelé que le délai ne court qu'à compter du prononcé de la décision elle-même et non d'une éventuelle notification. Cette argumentation est donc sans emport sur le point de départ du délai pour former contredit de la décision du tribunal de commerce de Vienne. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 CHAMBRE 8
ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/11575. Arrêt n° 557 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 octobre 2015 -Tribunal de Commerce de Vienne.
DEMANDERESSE AU CONTREDIT :
G. FRERES SARL
Représentée par Maître Sophie D.-R., avocat au barreau de Lyon
DÉFENDERESSE AU CONTREDIT :
SEVEA SAS
Représentée par Maître Éric Z., avocat au barreau de Vienne
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 septembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Sylvie KERNER-MENAY, Présidente de chambre, M. Thomas VASSEUR, Conseiller, Mme Mireille de GROMARD, Conseillère, Qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Patricia PUPIER
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Sylvie KERNER-MENAY, présidente et par Mme Véronique COUVET, greffière présente lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société SEVEA, centrale de référencement, a conclu, en 2012, avec la société G. FRERES, un contrat ayant pour objet d'assurer à cette dernière l'accès à un marché important constitué de réseaux de distribution d'adhérents à la centrale et auprès desquels les fournisseurs peuvent commercialiser leurs produits dans le secteur des plantes.
La société SEVEA a adressé à la société G. FRERES deux factures, une première émise le 12 mars 2013 pour un montant de 10.342,22 euros et une seconde émise le 17 juin 2013 pour un montant de 17.222,90 euros. La société G. FRERES conteste le montant de ces factures et a notifié à la société SEVEA, le 15 octobre 2013, qu'elle n'entendait régler que la somme de 4.524,20 euros.
Par acte d'huissier de justice signifié le 7 avril 2014, la société SEVEA a assigné la société G. FRERES, devant le tribunal de commerce de Vienne, aux fins d'obtenir la condamnation de la société G. FRERES à verser à la société SEVEA la somme restant due de 23.040,92 euros majorée des intérêts de retard et la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.
In limine litis, la société G. FRERES a soulevé l'incompétence du tribunal de commerce de Vienne au motif que la clause attributive de compétence figurant au contrat et désignant le tribunal de commerce de Vienne était inapplicable au litige. Elle a demandé au tribunal de commerce de Vienne de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Lyon.
Elle précise qu'elle soulève au fond l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I du code de commerce qui prévoit la mise en cause de la responsabilité contractuelle du co-contractant en cas de déséquilibre significatif dans les relations commerciales. Elle ajoute qu'il résulte des dispositions des articles D. 442-3 du code de commerce que les actions relatives à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce relèvent de la compétence de huit tribunaux de commerce dont celui de Lyon pour les litiges relatifs au ressort des cours d'appel de Chambéry, Grenoble, Lyon et Riom.
La société SEVEA a conclu au rejet de cette exception considérant que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ne s'appliquaient pas au présent litige en l'absence de déséquilibre significatif dans le contrat et a sollicité en conséquence l'application de la clause attributive de compétence prévue par le contrat.
Par jugement du 22 octobre 2015, le tribunal de commerce de Vienne a déclaré recevable mais mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société G. FRERES. Il a relevé que la société G. FRERES ne produisait aucun document où cette question du déséquilibre significatif était relevée et que la lecture du contrat ne faisait à l'évidence pas apparaître de clauses relevant de cette notion.
Il a ainsi considéré que la clause attributive de compétence prévue au contrat devait s'appliquer. La procédure sur le fond a été renvoyée à une audience ultérieure.
Par acte daté et déposé le 18 novembre 2015 au greffe du tribunal de commerce de Vienne, la société G. a formé contredit de compétence à l'encontre de ce jugement et déposé des conclusions motivées.
La cour d'appel de Grenoble, par arrêt du 3 mars 2016 a ordonné la réouverture des débats en sollicitant les explications des parties sur la fin de non-recevoir qu'elle a soulevé d'office quant à la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris pour statuer sur un litige portant sur les dispositions des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce. Par arrêt du 4 mai 2016, elle a jugé que seule la cour d'appel de Paris était compétente pour statuer sur le contredit dont s'agit et a ordonné le renvoi du dossier de l'affaire au greffe du tribunal de commerce de Vienne aux fins de sa transmission prés le greffe de la cour d'appel de Paris.
Elle a considéré qu'il résultait des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce qui sont d'ordre public que la cour d'appel de Paris avait seule compétence pour statuer au second degré sur les contestations des décisions des premiers juges qu'il s'agisse des décisions statuant au fond du litige ou des décisions statuant sur la compétence dès lors que le litige vise l'article L. 442-6.
Suivant des conclusions sur le contredit de compétence déposée le 2 septembre 2016 et soutenues oralement à l'audience du 16 septembre 2016, la société G. FRERES demande à la cour d'appel de Paris de déclarer recevable et bien fondé son contredit de compétence ; de constater que les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce sont valablement invoquées par elle comme moyen de défense ; de dire que le tribunal de commerce de Lyon est seul compétent pour connaître de cette demande ; d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Vienne qui s'est déclaré compétent et de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Lyon.
La société G. FRERES sollicite également la condamnation de la société SEVEA au remboursement, à son profit des frais du contredit ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
A titre liminaire, elle soutient que le contredit formé est recevable. Elle précise que le jugement du tribunal de commerce de Vienne rendu le 22 octobre 2015, n'a été mis à disposition des parties que le 5 novembre 2015 en raison du défaut de paiement des frais de greffe par la société SEVEA, demanderesse à l'instance principale. Elle précise en effet, qu'usant de son droit de rétention, le greffe du tribunal de commerce de Vienne n'a pas permis aux parties de prendre connaissance du jugement avant cette date. Elle ajoute qu'en ce qui la concerne elle n'a eu connaissance du jugement que le 13 novembre. Elle souligne qu'elle a formé contredit le 18 novembre 2015, soit dans le délai légal calculé avec un point de départ le 5 novembre 2015 et que son contredit est donc recevable.
Elle ajoute encore que la cour d'appel de Grenoble a jugé le contredit recevable dans ses deux arrêts du 3 mars 2016 et 4 mai 2016.
Sur le bien-fondé du contredit, elle expose que les articles L. 442-6-1 et D. 442-3 du code de commerce font échec à la clause attributive de compétence stipulée dans contrat en raison de leur caractère d'ordre public.
La société G. FRERES constate que les jurisprudences invoquées par son adversaire qui tendent à faire prévaloir les clauses attributives de compétence sont relatives à des litiges à dimension internationale inapplicables au litige purement national, objet de la présente procédure.
Elle soutient que pour que le renvoi devant les juridictions spécialisées s'opère, le litige ne nécessite pas d'avoir été introduit sur le fondement de l'article L. 442-6. Le renvoi est obligatoire dès lors que ces dispositions sont invoquées comme moyen de défense.
A titre subsidiaire, elle soutient que sa demande est bien fondée en raison de l'existence de clauses dans le contrat créant un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce.
La société SEVEA, suivant conclusions déposées et soutenues à l'audience du 16 septembre 2016, soutient d'abord que le contredit a été formé hors délais. Elle précise qu'il résulte de la lecture de la décision du tribunal de commerce qu'une copie exécutoire a été délivrée aux parties, le 22 octobre 2015. Le contredit ayant été formé le 18 novembre 2015 soit 27 jours après la date de la signification de la décision, le contredit formulé au-delà du délai légal de 15 jours est irrecevable.
Sur ce point encore, elle précise qu'il n'est pas possible de tirer de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble qu'elle aurait déjà statué favorablement sur la recevabilité du contredit.
La société SEVEA soutient à titre subsidiaire que le contredit est infondé. Elle indique que le contrat mentionne de façon explicite une compétence exclusive au profit du tribunal de commerce de Vienne en cas de litiges relatifs au contrat. Elle demande de confirmer la décision du tribunal de commerce de Vienne et de rejeter l'exception d'incompétence.
Elle précise qu'il ne résulte ni de la rédaction des textes, ni de la jurisprudence que les dispositions de l'article D. 442-3 du code de commerce sont d'ordre public. Elle affirme que bien au contraire la jurisprudence consacre la prévalence des clauses attributives de compétence juridictionnelles sur les dispositions spéciales de l'article D. 442-3 du code de commerce.
Enfin, elle indique qu'en toute hypothèse le contrat qui la lie à la société G. FRERES ne comporte pas de clauses constitutives d'un déséquilibre significatif ; que dès lors les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce n'ont pas à s'appliquer à l'espèce.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Il convient en premier lieu d'observer que la cour d'appel de Grenoble n'a aucunement tranché la question de la recevabilité du contredit ni dans sa décision du 3 mars 2016, ni dans celle du 4 mai 2016. Dès lors, la présente cour demeure saisie de cette fin de non-recevoir.
L'article 82 du code de procédure civile dispose que le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci. Si le contredit donne lieu à perception de frais par le secrétariat, la remise n'est acceptée que si son auteur a consigné ces frais. Il est délivré récépissé de cette remise.
Le principe est que le contredit doit être formé dans les 15 jours du prononcé du jugement et non du jour de sa notification ou de la délivrance d'une copie exécutoire.
En effet, en cette matière spécifique sur la seule compétence, le délai de contestation est bref et son point de départ n'est pas, comme usuellement, la date de notification de la décision mais celle de son prononcé à la seule condition toutefois que les parties aient bien été informées du jour où la décision allait être rendue.
Or il n'est pas contesté en l'espèce et cela résulte également de l'examen du jugement du 22 octobre 2015 qu'à l'audience du 25 juin 2015 au cours de laquelle les parties représentées par leur conseil ont été entendues, le président, à l'issue des débats, les a avisées de la date de la décision et de son prononcé par mise à disposition au greffe.
Le jugement précise en outre en bas de la première page qu'une copie exécutoire a été délivrée le 22 octobre 2015 aux conseils de chacune des parties.
Ainsi, les parties ont eu connaissance de la date de mise à disposition de la décision et en ont en outre reçu copie le même jour. Dès lors, le délai pour former contredit a valablement commencé à courir le 22 octobre 2015 et la déclaration formée le 18 novembre 2015 doit être déclarée irrecevable car manifestement hors délai.
Il importe peu, comme le soutient la société G. que par suite d'un défaut de paiement des frais de greffe par la partie demanderesse à l'instance principale, la société SEVEA, le jugement du 22 octobre 2015, contrairement à ce qui est indiqué dans le jugement n'ait été communiqué aux parties que le 5 novembre 2015. En effet, outre l'absence de preuve de cette affirmation contredite par les mentions mêmes du jugement, il a été rappelé que le délai ne court qu'à compter du prononcé de la décision elle-même et non d'une éventuelle notification. Cette argumentation est donc sans emport sur le point de départ du délai pour former contredit de la décision du tribunal de commerce de Vienne.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société SEVEA à hauteur de 2.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Déclare irrecevable le contredit formé par la SARL G. FRERES suivant déclaration du 18 novembre 2015 auprès du greffe du tribunal de commerce de VIENNE ;
Renvoie les parties devant le tribunal de commerce de VIENNE ;
Condamne la SARL G. FRERES à payer à la société SEVEA la somme de deux mille euros (2.000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL G. FRERES aux dépens de la procédure de contredit ;
Le Greffier, Le Président,