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CASS. COM., 18 octobre 2016

Nature : Décision
Titre : CASS. COM., 18 octobre 2016
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. commerciale
Demande : 14-27212
Décision : 16-887
Date : 18/10/2016
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:CO00887
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 887
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6535

CASS. COM., 18 octobre 2016 : pourvoi n° 14-27212 ; arrêt n° 887

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Mais attendu que l’arrêt constate qu’au soutien de ses deux demandes indemnitaires, tant pour faute à l’occasion des négociations sur le renouvellement du bail commercial que pour le déséquilibre significatif auquel le bailleur aurait tenté de la soumettre à l’occasion de ces négociations, en violation des dispositions légales sur les pratiques restrictives de concurrence, la société H&M invoque le comportement de son bailleur lors des négociations sur le renouvellement du bail commercial qui les liait et met en cause, plus particulièrement, les conditions du refus de renouvellement ; qu’en l’état de ces constatations, exemptes de dénaturation, faisant ressortir que la solution du litige nécessitait l’examen préalable des conditions dans lesquelles avait été exercé le droit d’option conféré au bailleur par l’article L. 145-57 du code de commerce, la cour d’appel a retenu à bon droit que le litige requérait une appréciation du respect du statut des baux commerciaux, qui relève de la compétence du tribunal de grande instance, et qu’en considération de l’article L. 442-6, III du code de commerce, qui attribue aux juridictions civiles comme aux juridictions commerciales la connaissance des litiges relatifs à l’application de cet article, et de la compétence territoriale des juridictions parisiennes, qui n’était pas discutée, le contredit formé par la société H&M devait être rejeté ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 14-27212. Arrêt n° 887.

DEMANDEUR à la cassation : Société H&M

DÉFENDEUR à la cassation : Société Deka 54, aux droits de la Société Hammerson Haussmann 54

Mme Mouillard, président. SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte et Briard, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur contredit (Paris, 30 septembre 2014), et les productions, qu’en 1998, la société Hammerson Haussmann 54, aux droits de laquelle se trouve la société Deka 54 boulevard Haussmann (la société Deka) a donné à bail à la société H&M Hennes & Mauritz (la société H&M) des locaux commerciaux situés à Paris ; qu’après la notification d’une demande de renouvellement du bail et l’échec des négociations relatives à la fixation du loyer renouvelé, la société Deka a exercé son droit d’option lui permettant de refuser le renouvellement, en contrepartie d’une indemnité d’éviction ; qu’invoquant une rupture fautive des négociations relatives au renouvellement de son bail et reprochant au bailleur d’avoir tenté de la soumettre à un déséquilibre significatif à l’occasion de ces négociations, la société H&M a assigné la société Deka devant le tribunal de commerce de Paris en réparation de ses préjudices, lequel s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société H&M fait grief à l’arrêt de déclarer mal fondé son contredit alors, selon le moyen :

1°/ que le tribunal de commerce connaît des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux, de celles relatives aux sociétés commerciales et de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes tandis que, par exception, les contestations en matière de baux commerciaux autres que celles relatives au prix du bail révisé ou renouvelé sont portés devant le tribunal de grande instance ; que dans la présente espèce, le litige était relatif à des pratiques restrictives de concurrence exercées par la société Deka à l’encontre de la société H&M en instaurant un déséquilibre significatif dans les relations commerciales ; que le litige portait également sur la faute de la société Deka dans la rupture des pourparlers ; qu’ainsi, ces litiges n’impliquaient pas de faire application des dispositions propres aux baux commerciaux ; que dès lors, ils ne relevaient pas expressément du tribunal de grande instance mais du tribunal de commerce ; que les questions juridiques en cause n’ayant pas un lien direct avec les dispositions spécifiques relatives aux baux commerciaux, la cour d’appel ne pouvait réserver le présent litige au tribunal de grande instance sans violer les articles L. 721-3 du code de commerce et R. 211-4 du code de l’organisation judiciaire ;

2°/ que le litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les questions soulevées par le présent litige, à savoir la faute dans la rupture des pourparlers et le déséquilibre significatif dans les relations commerciales entre la société H&M et la société Deka, ne relèvent pas expressément du tribunal de grande instance ; qu’en effet, ces critiques n’impliquent pas de faire application des règles propres aux baux commerciaux mais uniquement de celles relatives à l’exercice fautif et déloyal d’un contrat ; qu’en jugeant néanmoins que le litige nécessitait d’apprécier les conditions dans lesquelles a été refusé le renouvellement du bail et que cela impliquait nécessairement de vérifier le respect du statut des baux commerciaux, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi l’article 4 du code de procédure civile ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu que l’arrêt constate qu’au soutien de ses deux demandes indemnitaires, tant pour faute à l’occasion des négociations sur le renouvellement du bail commercial que pour le déséquilibre significatif auquel le bailleur aurait tenté de la soumettre à l’occasion de ces négociations, en violation des dispositions légales sur les pratiques restrictives de concurrence, la société H&M invoque le comportement de son bailleur lors des négociations sur le renouvellement du bail commercial qui les liait et met en cause, plus particulièrement, les conditions du refus de renouvellement ; qu’en l’état de ces constatations, exemptes de dénaturation, faisant ressortir que la solution du litige nécessitait l’examen préalable des conditions dans lesquelles avait été exercé le droit d’option conféré au bailleur par l’article L. 145-57 du code de commerce, la cour d’appel a retenu à bon droit que le litige requérait une appréciation du respect du statut des baux commerciaux, qui relève de la compétence du tribunal de grande instance, et qu’en considération de l’article L. 442-6, III du code de commerce, qui attribue aux juridictions civiles comme aux juridictions commerciales la connaissance des litiges relatifs à l’application de cet article, et de la compétence territoriale des juridictions parisiennes, qui n’était pas discutée, le contredit formé par la société H&M devait être rejeté ; que le moyen n’est pas fondé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société H&M Hennes & Mauritz aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Deka 54 boulevard Haussmann la somme de 3.000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille seize.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour la société H&M Hennes & Mauritz.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir déclaré mal fondé le contredit formé par la société H & M HENNES & MAURITZ ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS PROPRES QU’ « aux termes de l’article R. 211-4, 11° du Code de l’organisation judiciaire, le tribunal de grande instance a compétence exclusive pour statuer en matière de baux commerciaux à l’exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé ; que, par acte du 28 juin 2013, la société H&M a saisi le tribunal de commerce de demandes tendant à voir, essentiellement, dire que DEKA a rompu fautivement la négociation relativement au renouvellement de son bail et condamner celle-ci à lui verser 335.000 € à titre de réparation ; dire que DEKA a tenté de soumettre H&M à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et condamner celle-ci à lui verser 11.700.000 € en réparation de son préjudice ; qu’elle Invoque par conséquent tant la violation des dispositions légales sur les pratiques restrictives de concurrence que le comportement fautif de son bailleur à l’occasion des négociations surie renouvellement du bail commercial qui les liait, mettant en cause en particulier les conditions du refus de renouvellement ; qu’il ressort du Ill de l’article L. 442-6, incriminant les pratiques restrictives de concurrence dénoncées par la société H&M, que l’action peut être introduite en cette matière devant la juridiction civile ou devant la juridiction commerciale; qu’aucune exclusivité de la juridiction commerciale n’est donc instituée ; que la prétendue violation de ces dispositions concerne les négociations des parties en vue du renouvellement d’un bail commercial ; que le moyen tiré de la rupture fautive de ces négociations dont la société H&M soutient qu’elles ont été déloyales, requiert de la juridiction saisie l’appréciation des conditions dans lesquelles a été refusé ce renouvellement, et partant, du respect du statut des baux commerciaux ; qu’ ainsi, le litige impliquant de se référer au statut des baux commerciaux pour en vérifier la bonne application, et les dispositions spéciales du code de commerce invoquées prévoyant une compétence partagée entre les juridictions civiles et commerciales, le caractère exclusif de la compétence du tribunal de grande instance en matière de baux commerciaux implique de lui renvoyer l’examen d’un litige relatif aux conditions du renouvellement d’un bail commercial, peu important dès lors la qualité de commerçants des deux parties ; que c’est par conséquent à bon droit que le tribunal de commerce a renvoyé l’affaire pour être jugée devant le tribunal de grande instance de Paris, en soulignant de surcroît avec pertinence que ce tribunal a été saisi par la société H&M quelques jours après l’assignation introductive de la présente instance devant le tribunal de commerce d’une demande tendant à faire juger que le droit d’option exercé par la société DEKA l’a été de mauvaise foi, développant à ce titre des moyens proches de ceux qu’elle soulève dans la présente procédure ; que seule la compétence matérielle de la juridiction saisie est contestée, les parties s’accordant sur la compétence territoriale des juridictions parisiennes ; qu’il suit de là que le contredit formé par la société H&M est mal fondé; qu’il y a lieu de rappeler qu’il n’appartient pas à la cour saisie d’un contredit de confirmer ou d’infirmer la décision critiquée ; que la société H&M, partie perdante, devra supporter la charge des frais du contredit » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « Tout d’abord, que l’article L. 442-6 III du code de commerce pose le principe d’une compétence partagée entre lui-même et le TGI pour statuer sur les pratiques restrictives énoncées par l’article L. 442-6 du même code : « l’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente... » ; que si le tribunal de commerce est une juridiction spécialisée compétente pour connaitre les litiges relatifs aux pratiques restrictives sus énoncées il ne s’agit pas pour autant d’une compétence exclusive ; que le tribunal constate que 5 jours après avoir assigné DEKA devant le Tribunal de commerce, H&M a assigné DEKA devant le tribunal de grande instance de Paris le 3 juillet 2013 pour demander au TGI de dire que le droit d’option exercé par DEKA est nul et sans effet sur le bail ; que pour tenter de faire juger ce droit nul, H&M soutient que le droit d’option a été exercé de mauvaise foi, que le refus de renouvellement a été brutal, que DEKA s’est livrée à une violence économique à l’encontre de H&M en vue de la contraindre d’accepter ses exigences et qu’en conséquence DEKA a fait dégénérer son droit en abus ; que le tribunal constate que, bien que les demandes soient quelque peu différentes, nullité demandée devant le TGI, indemnité devant le TC, les moyens utilisés dans les deux instances sont très semblables ; que le présent litige porte sur le comportement prétendument fautif de DEKA lors des négociations concernant le renouvellement du bail commercial ; que H&M soutient que l’exercice du droit d’option par DEKA est manifestement fautif ou encore s’adosse aux dispositions spécifiques du statut des baux commerciaux (l’article L. 145-10 du code de commerce) pour soutenir que DEKA disposait d’un délai de trois mois à compter de la signification de la demande de renouvellement de H&M pour refuser le renouvellement ou pour proposer un nouveau loyer; que ce faisant, H&M se réfère étroitement aux régies régissant le statut des baux commerciaux et que pour se prononcer sur le caractère ou non abusif de l’exercice du droit d’option, fi faut tout d’abord apprécier la validité ou pas de son exercice ; qu’il est patent que le droit au renouvellement et le droit d’éviction relèvent spécifiquement de la matière des baux commerciaux ; qu’il résulte des dispositions de l’article R. 145-23 du code de commerce que le tribunal de grande instance dispose d’une compétence exclusive pour statuer sur les contentieux qui concernent une règle spécifique du statut des baux commerciaux ; que le tribunal de céans se déclarera incompétent au profil du tribunal de grande instance de Paris » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS, D’UNE PART, QUE le Tribunal de commerce connaît des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux, de celles relatives aux sociétés commerciales et de celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes tandis que, par exception, les contestations en matière de baux commerciaux autres que celles relatives au prix du bail révisé ou renouvelé sont portés devant le Tribunal de grande instance ; que dans la présente espèce, le litige était relatif à des pratiques restrictives de concurrence exercées par la SARL DEKA 54 BOULEVARD HAUSSMANN à l’encontre de la société H & M HENNES & MAURITZ en instaurant un déséquilibre significatif dans les relations commerciales ; que le litige portait également sur la faute de la SARL DEKA 54 BOULEVARD HAUSSMANN dans la rupture des pourparlers ; qu’ainsi, ces litiges n’impliquaient pas de faire application des dispositions propres aux baux commerciaux ; que dès lors, ils ne relevaient pas expressément du Tribunal de grande instance mais du Tribunal de commerce ; que les questions juridiques en cause n’ayant pas un lien direct avec les dispositions spécifiques relatives aux baux commerciaux, la Cour d’appel ne pouvait réserver le présent litige au Tribunal de grande instance sans violer les articles L. 721-3 et R. 211-4 du Code de l’organisation judiciaire ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE le litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les questions soulevées par le présent litige, à savoir la faute dans la rupture des pourparlers et le déséquilibre significatif dans les relations commerciales entre la société H & M HENNES & MAURITZ et la SARL DEKA 54 BOULEVARD HAUSSMANN, ne relèvent pas expressément du Tribunal de grande instance ; qu’en effet, ces critiques n’impliquent pas de faire application des règles propres aux baux commerciaux mais uniquement de celles relatives à l’exercice fautif et déloyal d’un contrat ; qu’en jugeant néanmoins que le litige nécessitait d’apprécier les conditions dans lesquelles a été refusé le renouvellement du bail et que cela impliquait nécessairement de vérifier le respect du statut des baux commerciaux, la Cour d’appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi l’article 4 du Code de procédure civile.