CASS. COM., 5 avril 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6551
CASS. COM., 5 avril 2016 : pourvoi n° 14-23906 ; arrêt n° 329
Publication : Legifrance
Extrait (arrêt d’appel) : « … ces clauses, qui prévoient forfaitairement le versement d’indemnités par la partie manquant à ses obligations, constituent des clauses pénales en application de l’article 1152 du Code civil ; que les dispositions des articles 6 et 7 du contrat de prêt vise à compenser forfaitairement la perte d’intérêts, et donc de revenus résultant pour la Banque de la réduction de la durée et de son financement, de sorte qu’elles assurent l’équilibre économique du contrat sans revêtir un quelconque caractère abusif ou comminatoire ».
Extrait (arrêt de cassation) : « Mais attendu qu’après avoir relevé que l’indemnité de recouvrement de 5 % prévue par l’article 8 du contrat de prêt a pour seule vocation de couvrir forfaitairement les frais de la banque en cas de procédure consécutive à la défaillance du débiteur, l’arrêt retient que c’est à bon droit que la banque en sollicite le versement, faisant ainsi application des dispositions contractuelles librement consenties ; qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel a retenu qu’il ne s’agissait pas d’une clause pénale ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 5 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 14-23906. Arrêt n° 329.
DEMANDEUR à la cassation : SCP X.-Y., liquidateur de la société Maison du cadeau
DÉFENDEUR à la cassation : Société Banque CIC Est
Mme Mouillard (président), président. Maître Blondel, Maître Le Prado, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à la SCP X.-Y., ès qualités, du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Maison du cadeau ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 21 avril 2005, la société Banque CIC Est (la banque) a consenti un prêt à la société Maison du cadeau, puis, celle-ci ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, a déclaré sa créance comprenant les échéances impayées et à échoir, une indemnité conventionnelle d’exigibilité de 7 % des montants échus, une indemnité conventionnelle d’exigibilité de 7 % du capital restant dû et une indemnité de recouvrement de 5 %, outre les intérêts conventionnels majorés de 3 % ; que soutenant que les clauses prévoyant ces trois indemnités et ces intérêts constituaient des clauses pénales, le mandataire judiciaire, devenu liquidateur, a contesté la déclaration de créance en ce qu’elle portait sur les indemnités et les intérêts conventionnels majorés ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que le liquidateur fait grief à l’arrêt d’admettre la créance de la banque au passif de la liquidation de la société pour les sommes de 349,22 euros à titre d’indemnité conventionnelle d’exigibilité des montants du prêt échu et 728,81 euros à titre d’indemnité conventionnelle d’exigibilité de 7 % du capital restant dû alors, selon le moyen, qu’après avoir rappelé que les articles 6 et 7 permettent d’assurer l’équilibre économique du contrat sans revêtir un quelconque caractère abusif ou comminatoire, la cour retient que c’est vainement que le mandataire liquidateur argue de prétentions manifestement excessives, de nature à préjudicier aux créanciers, aux cautions et aux coobligés de la société en liquidation ; qu’en statuant de la sorte, la Cour de cassation ne peut savoir si la cour s’est prononcée en contemplation de l’article 1152 du code civil, ou si elle s’est prononcée uniquement par rapport aux dispositions de l’article 1134 du même code, en sorte que cette irréductible équivoque fait que la Cour de cassation n’est pas à même d’exercer son contrôle de légalité de l’arrêt au regard des textes précités et de l’office du juge en présence d’une clause pénale dont le caractère manifestement excessif était invoqué ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’après avoir rappelé la teneur des clauses litigieuses et les avoir qualifiées de clauses pénales susceptibles de modération, la cour d’appel, en retenant que le liquidateur contestait vainement le caractère excessif des prétentions de la banque, s’est, contrairement à l’allégation du moyen, prononcée au regard de l’article 1152 du code civil ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que le liquidateur fait grief à l’arrêt d’admettre une créance d’indemnité de recouvrement de 5 % alors, selon le moyen, qu’une telle indemnité de recouvrement de 5 %, telle que prévue par l’article 8 des conditions générales du contrat de prêt, s’analyse en une clause pénale ; qu’en refusant une telle qualification, la cour méconnaît son office au regard de l’article 12 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’après avoir relevé que l’indemnité de recouvrement de 5 % prévue par l’article 8 du contrat de prêt a pour seule vocation de couvrir forfaitairement les frais de la banque en cas de procédure consécutive à la défaillance du débiteur, l’arrêt retient que c’est à bon droit que la banque en sollicite le versement, faisant ainsi application des dispositions contractuelles librement consenties ; qu’en l’état de ces motifs, la cour d’appel a retenu qu’il ne s’agissait pas d’une clause pénale ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que l’arrêt admet au passif de la société une créance d’intérêts conventionnels majorés de 3 % ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, sans donner aucun motif à l’appui de l’admission d’intérêts majorés, que contestait le liquidateur, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il admet au passif de la société Maison du cadeau les intérêts conventionnels majorés de 3 % sur les créances de la société Banque CIC Est, l’arrêt rendu le 10 juin 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens ;
Condamne la société Banque CIC Est aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille seize.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par Maître Blondel, avocat aux Conseils, pour la société X.-Y., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l’arrêt infirmatif sur ce point d’avoir admis la créance de la Banque CIC Est au passif de la liquidation de la SARL Maison du Cadeau notamment pour les sommes de :
- 349,22 euros à titre d’indemnité conventionnelle d’exigibilité des montants du prêt échu ;
- 728,81 euros à titre d’indemnité conventionnelle d’exigibilité de 7 % du capital restant dû ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QU’aux termes de l’article 1152 du Code civil :
« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire » ; qu’il résulte des dispositions des articles 6 et 7 du contrat de prêt en date du 21 avril 2005, que si l’emprunteur ne respecte pas l’un des termes de remboursement, il sera redevable d’une indemnité égale à 7 % des montants échus, ainsi que d’une indemnité égale à 7 % des montants à échoir ; que ces clauses, qui prévoient forfaitairement le versement d’indemnités par la partie manquant à ses obligations, constituent des clauses pénales en application de l’article 1152 du Code civil ; que les dispositions des articles 6 et 7 du contrat de prêt vise à compenser forfaitairement la perte d’intérêts, et donc de revenus résultant pour la Banque de la réduction de la durée et de son financement, de sorte qu’elles assurent l’équilibre économique du contrat sans revêtir un quelconque caractère abusif ou comminatoire, en sorte que c’est vainement que la SCP X. Y. argue de prétentions manifestement excessives, de nature à préjudicier aux créanciers, aux cautions et aux coobligés de la société en liquidation ;
ET AUX MOTIFS ENCORE qu’il est constant que les échéances du prêt n’ont plus été réglées à compter de mai 2011 et que la SARL Maison du Cadeau a été placée en redressement judiciaire le 8 septembre 2011 par la Tribunal de commerce de SEDAN ; que c’est donc à bon droit que la banque CIC Est sollicite le versement de la somme de 349,22 euros correspondant â l’indemnité de 7 % sur les montants échus, outre la somme de 728,81 euros au titre de l’indemnité de 7 % du capital restant dû ; que par ailleurs, l’indemnité de recouvrement de 5 % prévue par l’article 8 du contrat de prêt a pour seule vocation de couvrir forfaitairement les frais de la Banque en cas de procédure consécutive à la défaillance du débiteur, en sorte que c’est également à bon droit que la Banque sollicite le versement de cette indemnité de recouvrement, faisant ainsi application des dispositions contractuelles librement consenties ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE, D’UNE PART, la Cour, après avoir fait état de la circonstance que les dispositions des articles 6 et 7 du contrat de prêt visent à compenser forfaitairement la perte d’intérêts et donc de revenus résultant pour la banque de la réduction de la durée de son financement, de sorte que lesdites clauses assurent l’équilibre économique du contrat sans revêtir un quelconque caractère abusif ou comminatoire, après avoir cependant rappelé que ces clauses qui prévoient forfaitairement le versement d’indemnités par la partie manquante à ses obligations, constituent des clauses pénales en application de l’article 1152 du Code civil, la Cour méconnaît ce qu’implique l’article 12 du Code de procédure civile en affirmant par ailleurs que les clauses en questions ne seraient pas comminatoires alors que le propre d’une clause pénale est de revêtir ce caractère ;
ALORS QUE, D’AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, après avoir rappelé que les articles 6 et 7 permettent d’assurer l’équilibre économique du contrat sans revêtir un quelconque caractère abusif ou comminatoire, la Cour retient que c’est vainement que le mandataire liquidateur argue de prétentions manifestement excessives, de nature à préjudicier aux créanciers, aux cautions et aux coobligés de la société en liquidation ; qu’en statuant de la sorte, la Cour de cassation ne peut savoir si la Cour s’est prononcée en contemplation de l’article 1152 du Code civil, ou si elle s’est prononcée uniquement par rapport aux dispositions de l’article 1134 du même Code, en sorte que cette irréductible équivoque fait que la Cour de cassation n’est pas à même d’exercer son contrôle de légalité de l’arrêt au regard des textes précités et de l’office du juge en présence d’une clause pénale dont le caractère manifestement excessif était invoqué.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir admis une créance d’indemnité de recouvrement de 5 % ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE l’indemnité de recouvrement de 5 % prévue par l’article 8 du contrat de prêt a pour seule vocation de couvrir forfaitairement les frais de la banque en cas de procédure consécutive à la défaillance du débiteur ;
que c’est donc également, à bon droit, que la banque CIC Est sollicite le versement de cette indemnité de recouvrement, faisant ainsi application des dispositions contractuelles librement consenties ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QU’une telle indemnité de recouvrement de 5 % telle que prévue par l’article 8 des conditions générales du contrat de prêt s’analyse en une clause pénale ; qu’en refusant une telle qualification, la Cour méconnaît son office au regard de l’article 12 du Code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION :
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est reproché à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir admis des intérêts conventionnels majorés de 3 % ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE dans les conclusions d’appel (cf. p. 4 des conclusions de Maître Y..., agissant ès qualité, du 7 février 2014), il était soutenu que les intérêts conventionnels majorés de 3 % s’analysaient en une clause pénale, pénalité susceptible d’être réduite ; qu’en ne consacrant absolument aucun motif à cet aspect de son arrêt infirmatif, la Cour méconnaît l’article 455 du Code de procédure civile et viole l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.