CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 28 novembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6562
CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 28 novembre 2016 : RG n° 15/01664 ; arrêt n° 659
Publication : Jurica
Extrait : « En l'espèce, le premier juge a exactement considéré que la demande relative à l'absence de bordereau de rétractation dans l'offre préalable acceptée le 22 novembre 2006, introduite par Monsieur X. plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de loi 2008-561 du 17 juin 2008, est atteinte par la nouvelle prescription quinquennale de l'article L. 110-4 I du code de commerce et comme telle irrecevable et le jugement dont sera donc confirmé sur ce point.
Il en va de même de la demande relative à la présence de clauses abusives dans les conditions générales des deux offres préalables, présentée par Monsieur X. en appel, comme de celle relative à l'absence de bordereau de rétraction dans les lettres d'information sur les conditions de renouvellement du contrat en date des 25 juin 2007, 24 juin 2008 et 24 juin 2009, formulée par Monsieur X. dans l'assignation introductive d'instance, mais sur laquelle le premier juge a omis de statuer. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 28 NOVEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/01664. Arrêt n° 659. Décision déférée du 13 mars 2015 - Tribunal d'Instance de Muret.
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par Maître Lyse F., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
SAS CREALFI
Représentée par Maître Jérôme M.-D. de l'ASSOCIATION CABINET D'AVOCATS D. & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 28 juin 2016 en audience publique, devant la Cour composée de : D. FORCADE, président, M. MOULIS, conseiller, C. MULLER, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : H. ANDUZE-ACHER
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par D. FORCADE, président, et par J. BARBANCE-DURAND, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre préalable acceptée le 30 septembre 2006, la SAS CREALFI a consenti à Monsieur X. un crédit d'un montant maximum de 2.000 euros utilisable par fractions, assorti de moyens de paiement et remboursable par mensualités de 30 euros par tranche de 750 euros de capital restant dû au taux d'intérêt de 14,843 % l'an.
Suivant offre préalable acceptée le 22 novembre 2006, le montant du capital disponible a été porté à 3.700 euros.
Par courrier recommandé en date du 11 décembre 2013, le prêteur a informé l'emprunteur qu'il prononçait la déchéance du terme et l'a mis en demeure de régler la somme de 3.112,16 euros au titre du solde du crédit.
Par acte d'huissier en date du 29 décembre 2014, Monsieur X. a fait assigner la SAS CREALFI devant le tribunal d'instance de MURET sur le fondement des articles L. 311-1 et suivants et de l'article 1147 du code civil afin de faire constater que l'action en paiement de la SAS CREALFI est éteinte du fait de la forclusion, qu'elle n'a pas respecté ses obligations légales, qu'elle encourt la déchéance du droit aux intérêts et que ses demandes en paiement sont irrecevables et d'obtenir paiement des sommes de 4.444,29 euros au titre de la déchéance des intérêts, de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, le tout sous bénéfice de l'exécution provisoire.
La SAS CREALFI a conclu, au visa des articles L. 311-37 du code de la consommation et 1134 du code civil, à titre principal à l'irrecevabilité de la demande de déchéance du droit aux intérêts comme prescrite, à titre subsidiaire à l'absence de forclusion opposable à son action en paiement et à la conformité de l'offre de crédit aux obligations légales, reconventionnellement au paiement par Monsieur X. de la somme de 2.429,91 euros outre intérêts au titre du crédit selon décompte arrêté au 6 janvier 2015 et de celle de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, et au prononcé de l'exécution provisoire.
Par jugement en date du 13 mars 2015, le tribunal a rejeté l'exception de forclusion présentée par Monsieur X., a déclaré irrecevable comme prescrite l'action intentée par lui concernant l'absence de bordereau de rétractation sur l'offre du 22 novembre 2006, l'a condamné à payer à la SAS CREALFI la somme de 2.219,55 euros avec intérêts conventionnels à compter du 9 décembre 2013 et celle de 210,36 euros à titre de clause pénale contractuelle, ainsi qu'aux dépens, et a dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts compensatoires, application de l'article 700 du code de procédure civile ni exécution provisoire.
Suivant déclaration en date du 7 avril 2015, Monsieur X. a relevé appel général de ce jugement, avant de conclure le 8 juillet 2015.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 mai 2016, il demande à la cour, réformant le jugement dont appel, au visa des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, 1315 du code civil et L. 110-4 du code du commerce, de débouter la SAS CREALFI de l'intégralité de ses demandes, de déclarer irrecevable comme forclose la demande de paiement formulée par celle-ci, de constater que l'offre de prêt de novembre 2006 ne contient pas de bordereau de rétractation, que l'offre de prêt contient des clauses abusives et que les courriers annuels de reconduction ne contiennent aucun bordereau-réponse, de prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts et de condamner la SAS CREALFI à lui restituer la somme de 4.444,29 euros au titre des intérêts, frais et pénalités indûment perçus et celle de 2.429,91 euros payée en exécution du jugement entrepris et de la condamner à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant ceux de première instance.
Dans ses dernières conclusions (2) signifiées par voie électronique le 20 mai 2016, la SAS CREALFI demande à la cour, au visa des articles L. 311-37 du code de la consommation et 1134 du code civil, de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jérôme M.-D., avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la forclusion de l'action en paiement :
En droit, l'article L. 311-37 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable aux contrats de crédit conclus avant le 1er mai 2011, dispose que les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Ce délai biennal de forclusion court à compter du premier incident de paiement non régularisé.
Dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, il peut également courir à compter du dépassement du montant maximum de crédit autorisé, qui constitue un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur, sauf restauration ultérieure du crédit ou augmentation de son montant par la souscription d'une nouvelle offre régulière.
En l'espèce, si le non-paiement par Monsieur X. des mensualités s'élevant alors à 150 euros chacune a porté le solde du crédit aux sommes de 3.765,32 euros au 31 octobre 2010, de 3.830,33 euros au 30 novembre 2010 et de 3.726,24 euros au 28 février 2011, soit au-delà du montant maximum autorisé de 3.700 euros, ce dépassement n'a pas perduré et a été restauré à bref délai grâce aux mandats encaissés le 24 décembre 2010 pour un montant de 300 euros et le 22 mars 2011 pour un montant de 600 euros, sans se reproduire ensuite, de sorte qu'il ne saurait constituer un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur et faisant courir le délai biennal de forclusion.
Il y a donc lieu de rechercher la date du premier incident de paiement non régularisé, ce en fonction de la règle d'imputation des paiements édictée par l'article 1256 du code civil ainsi qu'en conviennent les parties.
À cet égard, Monsieur X. justifie avoir réglé, depuis le premier incident de paiement en octobre 2010 jusqu'à la déchéance du terme en décembre 2013, 300 euros le 24 décembre 2010, 600 euros le 22 mars 2011, 450 euros le 23 juin 2011, 350 euros le 7 février 2012, 60 euros le 8 mars 2012, 150 euros le 28 juin 2012, 188,64 euros le 20 septembre 2012, 43 euros le 30 octobre 2012, 243 euros le 17 janvier 2013 et 200 euros le 5 avril 2013, soit la somme totale de 2.584,64 euros, à imputer, non seulement sur les mensualités échues d'un montant chacune de 150 euros jusqu'en juin 2011, de 120 euros jusqu'en janvier 2012, puis de 43 euros, mais aussi sur les indemnités de 8% appliquées par la SAS CREALFI sur les échéances impayées excepté en octobre 2012 (soit 12 euros par mois jusqu'en juin 2011, 9,6 euros par mois jusqu'en janvier 2012, puis 3,44 euros ou une somme approchante jusqu'en avril 2013).
Il en résulte, sans avoir égard aux montants échus impayés figurant sur le document intitulé « position de compte » produit par l'organisme de crédit, qui présentent des anomalies, notamment en février 2012 où ils passent de 720 euros à 50,06 euros avec un règlement de 350 euros seulement, en dehors de tout report d'échéances allégué, que le premier incident de paiement non régularisé date au plus tard de décembre 2012, et non d'octobre 2012 comme le soutient Monsieur X., ni d'avril 2013 comme le soutient la SAS CREALFI.
Dès lors, la demande reconventionnelle en paiement formée en première instance lors de l'audience du 27 février 2015 apparaît atteinte par la forclusion de l'article L. 311-37 ancien du code de la consommation et comme telle irrecevable et le jugement dont appel sera infirmé sur ce point.
Sur la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts :
En droit, l'action en déchéance du droit aux intérêts pour non-conformité de l'offre préalable est soumise à la prescription de l'article L. 110-4 I du code de commerce applicable aux obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants, prescription dont le délai court à compter de la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé, ce qui n'est pas contesté.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ce au 19 juin 2008, lendemain de sa publication au Journal Officiel, cette prescription a été réduite de dix ans à cinq ans, étant rappelé qu'en vertu de l'article 26 II de cette loi, les dispositions réduisant la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l'espèce, le premier juge a exactement considéré que la demande relative à l'absence de bordereau de rétractation dans l'offre préalable acceptée le 22 novembre 2006, introduite par Monsieur X. plus de cinq ans après l'entrée en vigueur de loi 2008-561 du 17 juin 2008, est atteinte par la nouvelle prescription quinquennale de l'article L. 110-4 I du code de commerce et comme telle irrecevable et le jugement dont sera donc confirmé sur ce point.
Il en va de même de la demande relative à la présence de clauses abusives dans les conditions générales des deux offres préalables, présentée par Monsieur X. en appel, comme de celle relative à l'absence de bordereau de rétraction dans les lettres d'information sur les conditions de renouvellement du contrat en date des 25 juin 2007, 24 juin 2008 et 24 juin 2009, formulée par Monsieur X. dans l'assignation introductive d'instance, mais sur laquelle le premier juge a omis de statuer.
Seule celle relative à l'absence de bordereau de rétraction dans les lettres d'information ultérieures, également formulée dans l'assignation, n'est pas prescrite.
Toutefois, elle n'apparaît pas fondée dès lors que la lettre d'information en date du 30 juin 2010, seule versée aux débats sur cette période, ne renferme aucune proposition de modification des conditions du crédit qui justifierait de permettre à l'emprunteur de s'y opposer en utilisant un bordereau-réponse annexé conformément à l'article L. 311-9 ancien du code de la consommation, et elle sera donc rejetée.
Sur les demandes annexes :
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Monsieur X. tendant à la restitution de la somme de 2.429,91 euros payée en exécution du jugement dont appel dès lors que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.
Les parties étant l'une et l'autre perdantes, les dépens de première instance et d'appel seront répartis par moitié entre elles, sans application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de forclusion présentée par Monsieur X. et l'a condamné à payer à la SAS CREALFI les sommes de 2.219,55 euros avec intérêts conventionnels à compter du 9 décembre 2013 et de 210,36 euros, ainsi qu'aux dépens,
Le CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉCLARE la SAS CREALFI irrecevable en sa demande en paiement, forclose,
DÉCLARE Monsieur X. pour partie irrecevable en ses demandes de déchéance du droit aux intérêts, prescrites, et l'en DÉBOUTE pour le surplus,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu du jugement dont appel,
CONDAMNE Monsieur X. et la SAS CREALFI à moitié chacun des dépens de première instance et d'appel, à recouvrer directement par Maître Jérôme M. D., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du même code en appel.
Le greffier Le président