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CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 12 décembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 12 décembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 10
Demande : 15/15179
Date : 12/12/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6648

CA PARIS (pôle 5 ch. 10), 12 décembre 2016 : RG n° 15/15179

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que la société Établissements Z. allègue à titre subsidiaire la nullité du contrat de location pour fraude au droit bancaire en s'appuyant, dans le corps de ses écritures, sur les dispositions de l'article L. 313-3 du code de la consommation qui définit le prêt usuraire, alors que ces dispositions visent les prêts et, de surcroît, ne sont pas applicables aux prêts accordés à une personne morale se livrant à une activité commerciale ; qu'elle effectue un rapprochement entre cet article et l'article L. 442-6 alinéa 2 du code de commerce pour « s'interroger » sur le caractère proportionné de l'avantage acquis, au regard du coût de la location, par la société intimée, laquelle pourra revendre le matériel à l'issue du contrat sans pour autant avoir été contrainte de respecter la législation applicable aux crédits-bailleurs ;

Considérant, cependant, que le contrat de location ne présente aucun caractère illicite pas plus qu'il ne constitue un avantage manifestement disproportionné au sens de l'article L. 442-6 alinéa 2 du code de commerce ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 10

ARRÊT DU 12 DÉCEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/15179. Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 juin 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014045171.

 

APPELANTE :

SARL ÉTABLISSEMENTS Z.

ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Véronique V., avocat au barreau de PARIS, toque : E1859, Représentée par Maître Laurent M., avocat au barreau de NICE

 

INTIMÉE :

SAS OPHILIAM SERVICES & SANTE

ayant son siège social [adresse], N° SIRET : YY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Véronique L., avocat au barreau de PARIS, toque : C2374

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 novembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Edouard LOOS, Président, rédacteur, Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Conseillère, Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère, qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière auquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Vu le jugement prononcé le 24 juin 2015 par le tribunal de commerce de Paris qui a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, débouté la SARL Établissements Z. de son exception d'incompétence matérielle et territoriale et s'est déclaré compétent, a condamné cette société à payer à la société Ophiliam services & santé la somme de 73.634,73 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2014, ordonné la capitalisation des intérêts de retard et condamné la société Établissements Z. à restituer à la société Ophiliam services & santé les équipements, objet du contrat de location n° G11-00067, dans les quinze jours suivants la signification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard et ce, pendant 60 jours après quoi il serait à nouveau statué, et débouté la société Ophiliam services et santé de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions du 1er décembre 2015 de la société Établissements Z., appelante, qui demande à la cour, au visa des articles L. 622-13, L. 624-9 et R. 622-22 du code de commerce et 1110, 1116 et 1131 du code civil, de réformer le jugement, de juger que la résiliation du contrat est intervenue le 7 décembre 2013, qu'aucune déclaration de créance n'a été effectuée par la société Ophiliam à compter de ladite résiliation ni aucune demande en revendication formulée, de l'autoriser à faire publier le dispositif de la décision à intervenir dans deux journaux à tirages nationaux et aux frais de l'intimée, de juger que la créance de résiliation et le droit de propriété de la société Ophiliam sont inopposables à la procédure collective, subsidiairement de prononcer la nullité du contrat de location financière et de condamner la société Ophiliam à lui payer la somme de 57.415,12 euros TVA en vigueur au jour du payement en sus et à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance du 12 janvier 2016 prononcée par la délégataire de la première présidente de cette cour qui a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement,

Vu les dernières écritures du 30 septembre 2016 de la société Ophiliam services et santé qui conclut, au visa des articles L. 622-13, R. 622-21 alinéa 2 et L. 442-6 du code de commerce et 1134 du code civil, de confirmer la décision déférée, de déclarer irrecevable l'appelante dans ses demandes de nullité du contrat de location et demande à la cour, y ajoutant, d'enjoindre à la société Établissements Z. de communiquer toute information concernant les équipements, objet du contrat de location, et la situation actuelle de ces équipements sous astreinte de 100 euros par jour durant 60 jours, et de condamner cette société à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant que le 4 juillet 2011 la société Établissements Z. a souscrit auprès de la société GC financement pour une durée de 60 mois un contrat de location portant sur des biens d'équipement de sa boulangerie moyennant un loyer mensuel de 1 952,89 euros hors taxes, le premier loyer étant payable le 7 juillet 2011 ; que ce contrat a été cédé le même jour par la société GC financement à la société Ophiliam services & santé qui a acquis le matériel loué pour la somme totale de 119 526,24 euros TTC ; qu'une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société de la société Établissements Z. par jugement du 13 décembre 2012 du tribunal de commerce de Nice qui a désigné la SCP P.-M., prise en la personne de Me Marie-Sophie P. M., en qualité de mandataire judiciaire ; que le 25 février 2013, la société Ophiliam services & santé, ci-après dénommée Ophiliam, déclarait auprès de ce mandataire une créance chirographaire d'un montant total de 102.769,04 euros ; que mises en demeure par la société Ophiliam le 25 février 2013 de prendre parti sur la poursuite du contrat, Maître P. M., ès-qualités, et la société Établissements Z. ont fait part de leur accord sur cette poursuite, que le dernier payement ayant été effectué par cette société le 21 novembre 2013, la société Ophiliam l'a mise en demeure par lettre recommandée du 3 avril 2014 de lui régler la somme de 17.782,08 euros au titre des impayés puis l'a informée par lettre recommandée du 22 avril suivant de ce qu'elle entendait mettre en jeu la clause de résiliation de plein droit avant de l'assigner en payement des loyers impayés et de l'indemnité de résiliation devant le tribunal de commerce de Paris qui a statué dans les termes susvisés ; que par jugement du 3 avril 2014, le tribunal de commerce de Nice a arrêté le plan de sauvegarde de la société Établissements Z. sur une durée de sept ans ;

Considérant que l'appelante critique le jugement en ce qu'il a retenu comme date de résiliation du contrat le 26 avril 2014 alors qu'aucun payement n'ayant été effectué après le 21 novembre 2013, le contrat a été résilié de plein droit au plus tard le 7 décembre 2013, date de la prochaine échéance ; qu'en l'absence de déclaration au passif de la créance résultant de cette résiliation, cette créance est inopposable à la procédure collective durant l'exécution du plan ; qu'il en va de même de la restitution du matériel qui ne pouvait être ordonnée par le tribunal faute de revendication devant le juge-commissaire, ce matériel étant inaliénable du fait du jugement arrêtant le plan, l'appelante estimant en être devenue propriétaire ; que, subsidiairement, cette société conclut à la nullité du contrat pour fraude au droit bancaire au visa de l'article L. 442-6 alinéa 2 du code de commerce, pour réticence dolosive de la part de l'intimée, ou erreur ou bien encore pour absence de cause ;

que la société Ophiliam objecte que la société Établissements Z. aurait dû l'informer ou saisir le juge-commissaire afin que la résiliation du contrat puisse être constatée en application de l'article R. 622-13 alinéa 2 du code de commerce ce qu'elle n'a pas fait de sorte qu'aucune résiliation de plein droit n'est intervenue le 7 décembre 2013 ; qu'elle rappelle que la résiliation est intervenue après l'adoption du plan de sauvegarde de sorte qu'elle n'avait pas à déclarer sa créance et que l'inopposabilité de son droit de propriété ne peut plus être invoquée par le débiteur lorsqu'il ne fait plus l'objet de la procédure ; qu'elle réfute l'argumentation développée par l'appelante tendant au prononcé de la nullité du contrat de location ;

 

Considérant, ceci exposé, qu'il est constant que la société Établissements Z. et le mandataire judiciaire ont accepté la poursuite du contrat de location financière ; qu'il appartenait dès lors à cette société, en application de l'article R. 622-13 alinéa 2 du code de commerce qui dispose que « le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L .622-13 et à l'article L.622-14, ainsi que la date de cette résiliation » de saisir le juge-commissaire ou d'informer la société Ophiliam de son incapacité à poursuivre les versements ; que ne l'ayant pas fait, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé la date de la résiliation au 26 avril 2014, date de la réception par l'appelante de la lettre recommandée avec avis de réception que lui a adressée la société Ophiliam le 22 avril 2014 pour lui notifier la mise en jeu de la clause de résiliation de plein droit ; que l'intimée ayant résilié le contrat postérieurement au prononcé du jugement adoptant le plan de sauvegarde, n'avait pas à déclarer sa créance d'indemnité de résiliation ; que la société Z. ne peut valablement se prévaloir des termes de la lettre du 18 octobre 2013 que le conseil de la société Ophiliam a fait parvenir à Maître P. M., ès-qualités, pour l'informer qu'à défaut de régularisation sous huitaine cette société entendait procéder à la résiliation pure et simple du contrat dès lors que la régularisation, qui portait sur les loyers des mois de juillet, août et septembre 2013, est intervenue ;

Considérant que s'agissant de la restitution du matériel loué, la société Établissements Z. prétend que c'est à tort que le tribunal de commerce de Paris a ordonné sa restitution en l'absence d'exercice de l'action en revendication devant le juge-commissaire, le droit de propriété du loueur étant de ce fait devenu inopposable à la procédure et le matériel loué, devenu sa propriété, étant désormais compris dans le périmètre du fonds de commerce, lequel a été déclaré inaliénable par le jugement arrêtant le plan de sauvegarde de sorte que la mesure d'inaliénabilité emporte l'insaisissabilité des biens loués ;

Mais considérant que le droit de propriété du loueur ne devient pas inopposable à la procédure collective ; que certes n'étant plus opposable de plein droit, le loueur doit respecter les modalités de l'action en revendication ; qu'il en va différemment lorsque, comme en l'espèce, le bailleur forme sa demande en restitution après le jugement arrêtant le plan de sauvegarde et alors que le matériel, objet du contrat de location, a été conservé par le débiteur ; qu'en outre, la mesure d'inaliénabilité prononcée par le tribunal ne vise que le fonds de commerce, dont est propriétaire la société Établissements Z., et non les biens dont elle n'est que locataire ;

que le jugement déféré à la cour sera donc confirmé sans qu'il soit nécessaire de faire injonction à l'appelante, comme le sollicite la société Ophiliam, de communiquer toute information concernant ces équipements et leur situation actuelle faute d'élément sur la dissipation prétendue de ces biens ;

Considérant que la société Établissements Z. allègue à titre subsidiaire la nullité du contrat de location pour fraude au droit bancaire en s'appuyant, dans le corps de ses écritures, sur les dispositions de l'article L. 313-3 du code de la consommation qui définit le prêt usuraire, alors que ces dispositions visent les prêts et, de surcroît, ne sont pas applicables aux prêts accordés à une personne morale se livrant à une activité commerciale ; qu'elle effectue un rapprochement entre cet article et l'article L. 442-6 alinéa 2 du code de commerce pour « s'interroger » sur le caractère proportionné de l'avantage acquis, au regard du coût de la location, par la société intimée, laquelle pourra revendre le matériel à l'issue du contrat sans pour autant avoir été contrainte de respecter la législation applicable aux crédits-bailleurs ;

Considérant, cependant, que le contrat de location ne présente aucun caractère illicite pas plus qu'il ne constitue un avantage manifestement disproportionné au sens de l'article L. 442-6 alinéa 2 du code de commerce ;

que l'appelante conclut également à la nullité du contrat de location pour vice du consentement en arguant tout à la fois de la réticence dolosive du commercial de la société Ophiliam qui ne l'aurait pas informée de ce qu'au terme dudit contrat elle ne deviendrait pas propriétaire des équipements loués, de l'erreur qui a consisté pour elle à croire que l'opération financière proposée lui permettrait d'acquérir ces équipements et de l'absence de cause en s'interrogeant sur l'utilité objective du contrat de location financière pour le preneur ;

Mais considérant que le contrat litigieux porte l'intitulé, figurant en caractères gras et majuscules, de « CONTRAT DE LOCATION », que l'article 1 des conditions générales précise sans ambiguïté que « l'objet du présent contrat est la location, aux clauses et conditions stipulées ci-dessous, d'un équipement défini aux conditions particulières dénommé ci-après « l'équipement » (...) », que l'article 12 intitulé « Restitution » et libellé en caractères gras et majuscules, stipule que « à la date d'expiration du contrat ou dans les cas de résiliation ci-après, le locataire devra restituer les équipements au loueur (...) » ; que le locataire ayant paraphé chacune des pages des conditions générales du contrat n'a pu être trompé ni se méprendre sur sa portée ;

que n'est pas plus pertinent le moyen tiré de l'absence de cause, l'appelante soutenant à ce titre que le payement de la totalité des mensualités, soit 117.173,40 euros, dépasse significativement le coût du matériel loué, soit 101.938,80 euros hors taxes, et qu'elle ne devient pas propriétaire du matériel en fin de contrat ; qu'en effet, ni le coût ni l'objet du contrat, à savoir la location sans option d'achat, ne privent de cause le contrat, l'appelante ayant obtenu la mise à disposition d'un matériel neuf pour meubler son magasin en contrepartie du versement d'un loyer mensuel ; que la société Établissements Z. sera, en conséquence, déboutée de sa demande en nullité du contrat ;

Et considérant qu'il y a lieu d'allouer à la société Ophiliam une indemnité au titre de ses frais irrépétibles, la demande formée du même chef par l'appelante étant rejetée.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

CONDAMNE la société Établissements Z. à payer à la société Ophiliam services & santé la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toutes autres demandes,

CONDAMNE la société Établissements Z. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT

C. BURBAN                         E. LOOS