CA BASTIA (ch. civ. A), 14 décembre 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6659
CA BASTIA (ch. civ. A), 14 décembre 2016 : RG n° 15/00674
Publication : Jurica ; Legifrance
Extrait : « À l'appui de sa demande de nullité du contrat de location, l'appelant fait valoir que celui-ci porte sur un appareil de type « Lumisculpt » qui en l'espèce n'est pas revêtu du marquage et donc ne pouvait pas être commercialisé, en se prévalant des dispositions de la directive européenne 93/42/CEE, de l'article R. 5211-12 du code la santé publique et de l'article 1128 du code civil. […]
Contrairement au premier juge, la cour estime que l'appelant oppose des arguments et moyens de droit exposés ci-dessus, qui mettent en cause de façon sérieuse la validité du contrat de location liant les parties et sur lesquels, toutefois, faute de compétence, le juge des référés ne peut statuer.
Au vu de ces éléments, au sens des dispositions de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, l'obligation au paiement à la charge de M. X., à l'égard de la SA Natixis Lease en vertu du contrat litigieux, est sérieusement contestable. »
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00674. Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Président du TGI de BASTIA, décision attaquée en date du 15 juillet 2015, enregistrée sous le n° 15/00247.
APPELANT :
M. X.
né le [date] à [ville], ayant pour avocat Maître Charles Éric T., avocat au barreau de BASTIA
INTIMÉE :
SA NATIXIS LEASE
prise en la personne de ses représentants légaux, assistée de Maître Gilles A., avocat au barreau de BASTIA, Me Stéphane B., avocat au barreau de PARIS, Maître Sophie L., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 octobre 2016, devant M. François RACHOU, Premier président, et Micheline BENJAMIN, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. François RACHOU, Premier président, Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller.
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Mme Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2016.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 10 avril 2007, la SARL Actilease a consenti à M. X., médecin, une location portant sur différents matériels médicaux pour une durée de 60 mois et moyennant un loyer mensuel de 1.209,71 euros TTC, aux termes de cet acte, ce contrat a été cédé à la SA Natixis Lease.
Les deux matériels objet de ce contrat de location, à savoir, un Lumisculpt dont le numéro de série est 6768XXX et une pièce à main Evolution dont le numéro de série est 6763YYY, ont été réceptionnés sans réserve par M. X. et la facture correspondante a été réglée par la société Natixis Lease.
Par avenant du 3 avril 2009, la SA Natixis Lease a consenti un rééchelonnement et réévaluation des loyers versés par M. X., à compter du 25 juillet 2008.
A la suite de plusieurs impayés de loyers, le 23 février 2012 la société Natixis Lease a adressé une mise en demeure à M. X., réceptionnée par ce dernier le 27 février 2012, de régler, sous huitaine, la somme de 2.232,87 euros correspondant aux échéances des loyers des mois de novembre 20l1, décembre 2011 et janvier 2012.
Par courrier du 11 février 2013, la SA Natixis Lease a informé M. X. de la résiliation du contrat de location, l'a mis en demeure de lui régler la somme de 23.759,80 euros et de lui restituer les matériels dont elle est demeurée propriétaire.
Ce courrier a été retourné à la société bailleresse, M. X. ne résidant plus à son adresse habituelle située au [adresse]
Par acte d'huissier du 29 mai 2015, la SA Natixis Lease a assigné en référé M. X., devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bastia, en vue d'obtenir la résiliation du contrat de crédit location au 6 mars 2012, la condamnation de ce dernier au paiement de diverses sommes, ainsi que la restitution du matériel loué.
Par ordonnance contradictoire du 15 juillet 2015, juge des référés a :
Au principal,
- renvoyé les parties à se pourvoir et cependant, et par provision :
- déclaré être compétent
- constaté la résiliation du contrat de crédit location au 6 mars 2012
- condamné M. X. à payer à la société Natixis Lease, la somme de 23.759,80 euros (vingt trois mille sept cents cinquante neuf euros et quatre vingt centimes) avec intérêts au taux de 1,5 % par mois à compter de l'exigibilité de chacune des échéances de loyers impayées et au taux légal à compter du 6 mars 2012, date de résiliation du contrat, par mois, sur le montant total de l 'indemnité de résiliation de 19.569,94 euros (dix neuf mille cinq cents soixante neuf euros et quatre vingt quatorze centimes), et ce jusqu'à parfait paiement,
- condamné M. X. à restituer à la société Natixis Lease les matériels objets du contrat de location n° 720945/00, à savoir 1 Lumisculpt dont le numéro de série est 67XXX et 1 pièce à main Evolution dont le numéro de série est 6763YYY,
- autorisé, en tant que de besoin, la société Natixis Lease à en reprendre possession en tout lieu où ils se trouvent, au besoin avec l'assistance de la force publique,
- condamné M. X. à payer à la société Natixis Lease une indemnité d'utilisation, à compter du 6 mars 2012, date de résiliation du contrat, jusqu'à restitution effective des matériels, d'un montant de 833,98 euros TTC (huit cents trente trois euros et quatre vingt dix huit centimes) par mois,
- condamné M. X. à payer à la Société Natixis Lease, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. X. de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. X. de ses demandes,
- condamné M. X. aux dépens.
Par déclaration reçue le 6 août 2015, M. X. a interjeté appel de cette ordonnance.
Par ses conclusions reçues le 1er octobre 2015, l'appelant demande à la cour d'infirmer en tous points l'ordonnance de référé entreprise et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- dire n'y avoir lieu à référé,
A titre subsidiaire,
- prononcer la nullité du contrat de location souscrit par lui, le 10 avril 2007,
- débouter subséquemment la société Natixis Lease de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Natixis Lease à lui payer la somme totale de 52.273,94 euros à titre de restitution des loyers par lui payés au titre du contrat annulé,
A titre encore plus subsidiaire,
- dire et juger que la clause du contrat de location mettant à la charge du locataire une indemnité correspondant aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation comporte des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce,
- prononcer, dès lors, la nullité de cette clause fondée sur une cause illicite, en application de l'article 1131 du code civil,
- débouter en conséquence la société Natixis Lease de sa demande d'un montant de 19.569,94 euros fondée sur cette clause entachée de nullité,
- la débouter subséquemment de sa demande d'un montant de 1.956,99 euros correspondant à 10 % des sommes définies par la clause frappée de nullité,
En tout état de cause,
- condamner la société Natixis Lease à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ses conclusions reçues le 16 novembre 2015, la SA Natixis Lease demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance du 15 juillet 2015 entreprise en toutes ses dispositions,
- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes,
- le condamner à lui payer la somme de 5.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2016.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions sus-visées et à l'ordonnance déférée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande principale :
Le juge des référés a considéré que M. X. ne fournissait aucun élément justifiant d'une contestation sérieuse et que les arguments développés par ce dernier étaient inopérants, relevant que celui-ci, en sa qualité de médecin et de professionnel de santé était informé des caractéristiques du matériel litigieux.
Il a aussi retenu que l'application du marquage CE de conformité sur les appareils n'était pas justifiée et, par ailleurs, qu'aucun élément ne permettait d'établir son incompétence pour statuer sur la demande de résiliation, s'agissant d'un contrat de location.
Devant la cour, M. X. soutient à nouveau, à titre principal, qu'il n'y a lieu à référé, en raison de l'existence de contestations sérieuses fondées sur les textes en vigueur et la jurisprudence de la Cour de Cassation.
A l'appui de sa demande de nullité du contrat de location, l'appelant fait valoir que celui-ci porte sur un appareil de type « Lumisculpt » qui en l'espèce n'est pas revêtu du marquage et donc ne pouvait pas être commercialisé, en se prévalant des dispositions de la directive européenne 93/42/CEE, de l'article R. 5211-12 du code la santé publique et de l'article 1128 du code civil.
Il invoque une procédure qui a été introduite par onze médecins, devant le tribunal administratif de Montreuil, menée au contradictoire avec la société Natixis.
M. X. invoque aussi le caractère abusif de l'article 10 du contrat de location, qui impose au locataire, en cas de résiliation, à la fois de restituer le matériel et de payer l'intégralité des loyers restant à courir à compter de la date de résiliation jusqu'à la fin du contrat, en demandant le bénéfice des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, issue de la loi du 4 août 2008 dite « Loi pour la modernisation de l'économie » qui a étendu aux relations entre professionnels les mécanismes de protection contre les clauses abusives.
De son côté, la SA Natixis Lease réplique que les arguments exposés par l'appelant ne constituent pas des contestations sérieuses au sens de l'article 808 du code de procédure civile, les dispositions du contrat de location étant parfaitement explicites et validées de manière systématique par les juridictions, notamment dans le cadre des procédures de référés.
Contrairement au premier juge, la cour estime que l'appelant oppose des arguments et moyens de droit exposés ci-dessus, qui mettent en cause de façon sérieuse la validité du contrat de location liant les parties et sur lesquels, toutefois, faute de compétence, le juge des référés ne peut statuer.
Au vu de ces éléments, au sens des dispositions de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, l'obligation au paiement à la charge de M. X., à l'égard de la SA Natixis Lease en vertu du contrat litigieux, est sérieusement contestable.
Dans ces conditions, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de dire qu'il n'y a pas lieu à référé.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il n'est pas inéquitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties seront donc déboutées de leur demandes respectives à ce titre tant pour la première instance que pour la procédure d'appel.
Les parties supporteront chacune leurs entiers dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les procédures de première instance et d'appel,
Déboute les parties de tous autres chefs de demandes,
Dit que les parties supporteront chacune leurs entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT