CA BASTIA (ch. civ.), 4 janvier 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6679
CA BASTIA (ch. civ.), 4 janvier 2017 : RG n° 15/00702
Publication : Jurica
Extrait : « Il ressort des éléments ci-dessus qu'au moment de l'acceptation de l'offre de prêt, Mme X. était pleinement informée de l'étendue de son engagement par cette clause de réservation de propriété avec subrogation, qui se distingue parfaitement du contrat de prêt par sa position en fin de page, son titre en caractères gras, son encadré, son impression en caractères suffisamment grands pour être lisibles, son langage parfaitement clair et compréhensible. Mme X. ne pouvait avoir aucun doute, au moment de la signature, sur la suspension de l'effet translatif de propriété de la vente et sur l'identité du véritable propriétaire du véhicule jusqu'à son paiement intégral du bien.
Cette clause ne comporte donc aucun élément ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au sens de l'article L. 132-1, ancien et applicable à l'espèce, du code de la consommation.
L'existence et la validité de la clause ainsi que le paiement du prix du véhicule par le prêteur ne sont contestés ni par le subrogeant ni par le bénéficiaire de la subrogation. Celui-ci est tiers au contrat de vente. Le fait que les articles L. 311-20 à L. 311-25 du code de la consommation organisent dans l'intérêt du consommateur l'interdépendance du contrat de vente et du contrat de prêt ne fait pas obstacle, en l'absence de disposition légale contraire, à ce que l'organisme de crédit puisse bénéficier d'une subrogation conventionnelle.
Enfin la clause de subrogation prévoit explicitement que cette subrogation sera effective à l'instant même du paiement par le prêteur de sorte qu'il est indubitable que le vendeur a manifesté expressément sa volonté de subroger le prêteur avant même de recevoir le paiement et a donc satisfait à la condition de concomitance posée par l'article 1250-1° du code civil. »
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 4 JANVIER 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/00702. Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal d'Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 29 juin 2015, enregistrée sous le n° ??.
APPELANTE :
Société CREDIPAR
agissant par son représentant légal domicilié audit siège, ayant pour avocat Maître Pierre Henri V., avocat au barreau de BASTIA
INTIMÉE :
Mme X.
née le [date] à [ville], ayant pour avocat Maître Emmanuel M., avocat au barreau de BASTIA (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 octobre 2016, devant la Cour composée de : Mme Christine LORENZINI, Présidente de chambre, Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, Mme Judith DELTOUR, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Mme Nelly CHAVAZAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 4 janvier 2017.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Mme Christine LORENZINI, Présidente de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte d'huissier en date du 10 mars 2015 la société anonyme Crédipar a assigné Mme X. devant le tribunal d'instance de Bastia pour obtenir, au visa des articles L. 331-9 du code de la consommation, 2367 et suivants du code civil et R. 222-11 du code des procédures civiles d'exécution, validation d'une ordonnance rendue par le juge de l'exécution le 19 janvier 2015 de restituer dans le délai d'un mois le véhicule acheté le 23 novembre 2010 par Mme X. au moyen d'un prêt d'un montant de 6.200 euros au taux de 5,50 % remboursable en 60 mensualités, consenti par la société Crédipar qui se prévalait d'une clause de réserve de propriété au profit du vendeur auquel elle se disait subrogée.
Par jugement en date du 29 juin 2015 le tribunal d'instance de Bastia statuant par décision contradictoire a, vu les articles R. 222-11 du code des procédures civiles d'exécution, 1134, 1315, 1249, 1250-1° du code civil, L. 311-20 à L. 311-25, L. 311-32 du code de la consommation :
- dit que la SA Crédipar ne pouvait être assimilé à une tierce personne,
- constaté qu'elle ne produisait pas la quittance subrogative prévue à la clause contractuelle constituant la preuve de la subrogation dont elle se prévaut,
- débouté la SA Crédipar de ses demandes de restitution et d'appréhension du véhicule,
- déclaré nulle et non avenue l'ordonnance de restitution du 15 janvier 2015,
- laissé les dépens à la charge de Crédipar.
La société anonyme Crédipar a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 21 août 2015.
Selon ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 5 novembre 2015, et auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, Crédipar demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du tribunal d'instance de Bastia en date du 29 juin 2015,
statuant à nouveau,
vu les articles L. 331-9 du code de la consommation et 2367 et suivant du code civil,
- de dire que Crédipar est propriétaire du véhicule Peugeot 107 Trendy du fait de la clause de réserve de propriété,
- d'ordonner à Mme X. de restituer ce véhicule dans un délai d'un mois à compter de la décision à venir,
- de dire qu'à défaut la société Crédipar pourra appréhender le véhicule et que le prix de vente du véhicule sera affecté au règlement de sa créance,
- de condamner Mme X. aux entiers dépens.
La société Crédipar expose notamment que par jugement du 18 novembre 2014 le tribunal d'instance de Bastia a prononcé le rétablissement personnel sans liquidation de Mme X. mais a débouté la société Crédipar de sa demande de restitution du véhicule ; que malgré une mise en demeure en date du 12 décembre 2014 Mme X. ne l'a pas rendu ; que par ordonnance du 19 janvier 2015 le juge de l'exécution lui a fait injonction de le restituer ; que Mme X. a fait opposition à cette ordonnance.
Elle reproche au tribunal d'instance d'avoir considéré à tort que le prêteur Crédipar ne pouvait bénéficier d'une subrogation conventionnelle de l'article 1250 al.1 du code civil car il ne saurait être assimilé à une tierce personne et qu'il n'était pas établi que la subrogation soit intervenue en même temps que le paiement. Elle fait valoir que le contrat de crédit comporte une clause de réserve de propriété au profit du vendeur du véhicule jusqu'à paiement intégral du prix de vente de celui-ci, avec subrogation au profit de la société Crédipar ; que Mme X. n'a pas respecté les échéances du contrat de crédit souscrit et reste devoir la somme de 4 233,83 euros ; que le bien n'est par conséquent jamais entré dans son patrimoine et reste la propriété de Crédipar. La société Crédipar déclare justifier du versement du prix au concessionnaire Peugeot et souligne que la subrogation du prêteur s'est effectuée concomitamment au paiement.
Selon elle l'effacement de la dette de l'intimé par son rétablissement personnel ne vaut pas paiement et ne fait donc pas obstacle à la mise en œuvre de la clause de réserve de propriété. La saisie appréhension du véhicule qui continue d'appartenir à Crédipar ne constitue pas une procédure d'exécution à l'encontre des biens du débiteur.
Selon ses dernières écritures communiquées par voie électronique le 16 décembre 2015, et auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, Mme X. demande à la cour :
au visa des articles 1244-1 du code civil et des articles 696 et 700 du code de procédure civile,
- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- de condamner la société anonyme Crédipar à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
- de condamner la société anonyme Crédipar aux dépens d'appel,
à titre subsidiaire,
- de juger que la clause de réserve de propriété est abusive,
- de la déclarer en conséquence réputée non écrite,
- de débouter la SA Crédipar de toutes ses demandes,
- de condamner la société anonyme Crédipar à lui payer la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
- de condamner la société anonyme Crédipar aux dépens d'appel,
à titre infiniment subsidiaire,
- de constater que la dette s'élève à la somme de 3.508,21 euros,
- de dire n'y avoir lieu à ordonner la restitution du véhicule,
- d'accorder à Mme X. les plus larges délais de paiement,
- de débouter la SA Crédipar de l'ensemble de ses demandes, de dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
Elle souligne que le prêteur ne produit pas la quittance subrogative permettant à la cour de savoir si la subrogation a eu lieu en même temps que le paiement, la pièce n°8 comportant deux dates les 13 et 14 décembre 2010 alors que le contrat a été signé le 23 novembre 2010, et aucun prix.
Excipant de l'article L. 132-1 ancien du code de la consommation sur la protection du consommateur contre les clauses abusives, Mme X. conteste la validité formelle de la clause de réserve de propriété en raison de son absence de lisibilité et d'intelligibilité, du fait qu'il est difficile de la distinguer du contrat de prêt. Sur le fond, elle relève l'incompatibilité de la subrogation au profit du prêteur eu égard à la nature du crédit accessoire à une vente et au lien d'interdépendance entre le contrat de vente et celui du crédit qui interdit d'assimiler le prêteur à une tierce personne au sens de l'article 1250 1er alinéa du code civil. Selon elle la réserve de propriété induit en erreur le consommateur sur l'étendue de son droit de propriété en le privant des dispositions protectrices de la loi relative au surendettement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2016 et l'affaire renvoyée pour être plaidée le 20 octobre 2016.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI LA COUR :
Aux termes de l'article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ; elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'article 2367 du code civil dispose que la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet payement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.
L'article 1250-1° du code civil énonce que la subrogation dans les droits du créancier au profit d'une tierce personne est conventionnelle lorsque le créancier recevant son payement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le payement.
En l'espèce Mme X. a désiré financer son achat d'une peugeot 107 Trendy auprès du concessionnaire Peugeot de Bastia, la Société Insulaire, par un prêt souscrit auprès de la société anonyme Crédipar.
L'offre préalable de prêt en date du 23 novembre 2010 comporte en fin de page 2 un paragraphe intitulé « Stipulation d'une clause de réserve de propriété avec subrogation au profit de Crédipar ».
Le paragraphe énonce :
« Les conditions et la mise en jeu de cette clause figure au verso : a) Constitution de la clause de réserve de propriété : le vendeur et l'acheteur du bien faisant l'objet du présent financement déclarent expressément et d'un commun accord que le transfert de propriété dudit bien est différé jusqu'au paiement intégral de son prix de vente. b) Subrogation : le montant du crédit sollicité par l'acheteur devant permettre le règlement du solde du prix de vente, le vendeur déclare qu'il entend subroger le prêteur conformément à l'article 1250-1 du code civil, dans le bénéfice de la réserve de propriété. Cette subrogation sera effective à l'instant même du paiement effectué au profit du vendeur par le prêteur. La présente quittance constituera à elle seule la preuve valable et suffisante de la subrogation ainsi intervenue. (...) ».
Ce paragraphe est signé par le concessionnaire automobile et par Mme X. qui a apposé en outre son cachet.
Au verso de cette page, dans le chapitre « Autres conditions générales » il est écrit à l'article 9 : « Si vous êtes défaillant à vos obligations, le prêteur pourra notamment présenter requête au juge compétent aux foins d'être autorisé à se faire restituer le véhicule, en vue de sa réalisation (...) ».
Il ressort des éléments ci-dessus qu'au moment de l'acceptation de l'offre de prêt, Mme X. était pleinement informée de l'étendue de son engagement par cette clause de réservation de propriété avec subrogation, qui se distingue parfaitement du contrat de prêt par sa position en fin de page, son titre en caractères gras, son encadré, son impression en caractères suffisamment grands pour être lisibles, son langage parfaitement clair et compréhensible. Mme X. ne pouvait avoir aucun doute, au moment de la signature, sur la suspension de l'effet translatif de propriété de la vente et sur l'identité du véritable propriétaire du véhicule jusqu'à son paiement intégral du bien.
Cette clause ne comporte donc aucun élément ayant pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au sens de l'article L. 132-1, ancien et applicable à l'espèce, du code de la consommation.
L'existence et la validité de la clause ainsi que le paiement du prix du véhicule par le prêteur ne sont contestés ni par le subrogeant ni par le bénéficiaire de la subrogation. Celui-ci est tiers au contrat de vente. Le fait que les articles L. 311-20 à L. 311-25 du code de la consommation organisent dans l'intérêt du consommateur l'interdépendance du contrat de vente et du contrat de prêt ne fait pas obstacle, en l'absence de disposition légale contraire, à ce que l'organisme de crédit puisse bénéficier d'une subrogation conventionnelle.
Enfin la clause de subrogation prévoit explicitement que cette subrogation sera effective à l'instant même du paiement par le prêteur de sorte qu'il est indubitable que le vendeur a manifesté expressément sa volonté de subroger le prêteur avant même de recevoir le paiement et a donc satisfait à la condition de concomitance posée par l'article 1250-1° du code civil.
L'extinction de la créance par le redressement personnel dont a bénéficié Mme X. n'a pas opéré paiement de la créance. Il est constant que Mme X. n'a pas réglé l'intégralité des mensualités de remboursement. C'est donc à bon droit que la société anonyme Crédipar invoque la clause de réserve de propriété et demande la restitution du véhicule et à défaut l'autorisation de l'appréhender.
Mme X. demande subsidiairement que le montant de sa dette vis à vis de Crédipar soit fixée à la somme de 3.508,21 euros conformément à une lettre d'information annuelle de Crédipar en date du 9 janvier 2015. La société Crédipar verse aux débats l'offre préalable de crédit, le plan d'amortissement et un décompte faisant état d'un capital restant dû de 4.233,83 euros. Or il ressort de la lettre de Crédipar invoquée par l'intimée que le total du capital restant dû à cette date et de l'arriéré était en fait de 4.359,76 euros. La dette sera donc fixée au montant réclamé par Crédipar.
Mme X. qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la société anonyme Crédipar est propriétaire du véhicule Peugeot 107 Trendy détenu par Mme X.,
Ordonne à Mme X. de restituer le véhicule Peugeot 107 Trendy dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir,
Dit qu'à défaut la société Crédipar pourra appréhender le véhicule et que le prix de vente sera affecté au règlement de sa créance,
Dit que le montant de la créance de la société anonyme Crédipar est de quatre mille deux cent trente-trois euros et quatre-vingt-trois centimes (4.233,83 euros),
Déboute Mme Mari V. du surplus de ses demandes,
Condamne Mme Mari V. aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
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