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CASS. CIV. 1re, 18 janvier 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 18 janvier 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 15-26105
Décision : 17-81
Date : 18/01/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:C100081
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 81
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6720

CASS. CIV. 1re, 18 janvier 2017 : pourvoi n° 15-26105 ; arrêt n° 81

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Ayant relevé que le rapport de droit en cause ne se limitait pas aux obligations contractuelles, la référence de l’article 26 au « présent contrat » ne concernant que le droit applicable, et devait s’entendre des litiges découlant de la relation contractuelle, la cour d’appel, hors toute dénaturation, en a souverainement déduit, des dispositions impératives constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige, que la clause attributive de compétence s’appliquait à la rupture brutale du contrat ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 18 JANVIER 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 15-26105. Arrêt n° 81.

DEMANDEUR à la cassation : Société Riviera Motors

DÉFENDEUR à la cassation : Société Aston Martin Lagonda

Mme Batut (président), président. SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 septembre 2015), qu’assignée devant la juridiction française par la société Riviera Motors, la société Aston Martin Lagonda Limited a soulevé une exception d’incompétence fondée sur la clause attributive de juridiction aux tribunaux anglais contenue dans le contrat de concession signé entre elles ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société Riviera Motors fait grief à l’arrêt de déclarer la juridiction judiciaire française incompétente, alors, selon le moyen :

1°/ que si les articles 18, 20 et 26 du contrat du 30 septembre 2003 organisaient, en cas de différend relatif à l’exécution des obligations contractuelles, une procédure de règlement optionnel permettant aux parties de recourir à un tiers expert ou d’intenter une action judiciaire dans les conditions prévues par l’article 26, lequel soumettait le contrat au droit anglais et à la « compétence exclusives des juridictions anglaises », il était expressément prévu, par l’annexe 5 D, alinéa 2, que « en cas de différends relatifs à la résiliation, chaque partie peut recourir aux juridictions étatiques compétentes en vertu de la législation nationale, quand bien même l’expert aurait été saisi et rendu une décision » ; qu’en retenant que cette disposition se serait bornée « à renvoyer à la compétence de la juridiction étatique compétente - laquelle se définit, par référence à l’article 26, comme la juridiction anglaise », et qu’elle ne dérogeait « donc en rien à la clause attributive de l’article 26 », sans faire aucune référence à la locution « en vertu de la législation nationale », laquelle signifiait nécessairement que la juridiction étatique compétente au sens de l’annexe 5 D était le tribunal interne compétent selon le droit interne, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis, et a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ qu’en déclarant la clause attributive de compétence prévue par l’article 26 du contrat applicable à la rupture brutale de la relation établie entre les parties, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si cette clause, qui liait indissociablement la compétence du juge anglais et l’application du droit anglais et désignait ainsi un ordre juridique globalement compétent, n’aboutissait pas à faire échec aux dispositions impératives de l’article L. 442-6-I-5°, qui relèvent de l’ordre public économique, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de ces dispositions ;

3°/ qu’à défaut de viser les différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence, la clause attributive de compétence internationale figurant dans un contrat de distribution n’est pas applicable à une action en responsabilité délictuelle fondée sur la rupture brutale d’une relation commerciale établie ; qu’en déclarant applicable, en l’espèce, la clause attributive de compétence prévue par l’article 26 du contrat, aux motifs que « le rapport de droit en cause » ne se limitait « aux obligations contractuelles », mais qu’il devait « s’entendre des litiges découlant de la relation contractuelle », là où cette clause ne comportait aucune référence aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence, la cour d’appel a violé l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu’ayant relevé que le rapport de droit en cause ne se limitait pas aux obligations contractuelles, la référence de l’article 26 au « présent contrat » ne concernant que le droit applicable, et devait s’entendre des litiges découlant de la relation contractuelle, la cour d’appel, hors toute dénaturation, en a souverainement déduit, des dispositions impératives constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige, que la clause attributive de compétence s’appliquait à la rupture brutale du contrat ; que le moyen n’est pas fondé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Riviera Motors aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Aston Martin Lagonda Limited la somme de 3.000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-sept.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Riviera Motors

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la juridiction judiciaire française incompétente pour connaître du litige et d’avoir renvoyé la SA Riviera Motors à mieux se pourvoir ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que « que le contrat de concession conclu les 30 septembre et 2 octobre 2003 entre les sociétés Aston Martin Lagonda Limited et Riviera Motors prévoit, en son article 18 (7) : « Tout désaccord relatif à la résiliation sera porté devant un tiers expert conformément à la procédure mentionnée à l’article 20 (« Résolution des Différends ») ; en son article 20 « Résolution des Différends » : (1) « Les parties au présent contrat sont habilitées à porter les différends relatifs à l’exécution de leurs obligations contractuelles au titre du présent Contrat devant un expert tiers indépendant aux fins de résolution, comme précisé au paragraphe 1 de la Pièce jointe 5 D. (2) La référence aux obligations contractuelles figurant à l’article 20(1) ci-dessus comprend notamment ce qui suit : (a) les obligations en matière de fourniture ; (b) la fixation ou l’atteinte des objectifs de vente ; (c) la mise en œuvre des exigences relatives au stock; (d) la mise en œuvre d’une obligation de fournir ou d’utiliser les véhicules de démonstration; (e) les conditions relatives aux ventes de marques différentes; (f) la question de savoir si la résiliation du présent Contrat est justifiée par les raisons évoquées dans l’avis; (g) le versement de dommages et intérêts au titre de l’article 18, paragraphe (11); (h) la validité et le respect des Normes Fondamentales applicables aux Concessionnaires ». (3) la procédure de résolution des différends mentionnée à l’article 20(1) ne saurait porter préjudice au droit de l’une des parties d’intenter une action judiciaire conformément à l’article 26, en cas de différend »; en son article 26 « Loi applicable /Juridiction » : « Le présent Contrat est soumis à la loi anglaise et les parties se soumettent de façon irrévocable à la compétence exclusive des juridictions anglaises » ; que l’article 26 du contrat prévoit, en termes généraux : - « les parties se soumettent de façon irrévocable à la compétence exclusive des juridictions anglaises » - la compétence exclusive de la juridiction anglaise ; que cet article ne limite pas cette compétence aux litiges de nature contractuelle ; que, si l’annexe 5 D, alinéa 2, invoquée par Riviera, stipule qu’ « en cas de différends relatifs à la résiliation, chaque partie peut recourir aux juridictions étatiques compétentes en vertu de la législation nationale, quand bien même l’expert aurait été saisi et rendu une décision. » - traduction de « compétent national court » proposée par Aston Martin (pièce n° 27 communiquée par Aston Martin) et non contestée par Riviera - cette disposition se borne à renvoyer à la compétence de la juridiction étatique compétente - laquelle se définit, par référence à l’article 26, comme la juridiction anglaise - et ne déroge donc en rien à la clause attributive de l’article 26 qui ne souffre d’aucune exception ; que par ailleurs, cette clause n’est pas en contradiction avec l’article 23, alinéa 1er du Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) - qui dispose que « si les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un Etat membre, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un Etat pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat membre sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties » ; que le rapport de droit en cause ne se limite pas en effet aux obligations contractuelles - la référence de l’article 26 au « présent contrat » ne concernant que le droit applicable - mais doit s’entendre des litiges découlant de la relation contractuelle; que la clause attributive de compétence s’appliquant, dans ces conditions, à la rupture brutale de la relation établie entre les parties, la Cour infirmera le jugement entrepris, dira la juridiction judiciaire française incompétente pour connaître du présent litige et renverra Riviera à mieux se pourvoir; que, par suite de cette incompétence, la Cour n’a pas pouvoir d’ordonner à Riviera de restituer à Aston Martin les sommes reçues à titre provisoire en exécution du jugement du tribunal de commerce du 3 décembre 2013 ; qu’Aston Martin sera déboutée de sa demande de ce chef » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d’une part, que si les articles 18, 20 et 26 du contrat du 30 septembre 2003 organisaient, en cas de différend relatif à l’exécution des obligations contractuelles, une procédure de règlement optionnel permettant aux parties de recourir à un tiers expert ou d’intenter une action judiciaire dans les conditions prévues par l’article 26, lequel soumettait le contrat au droit anglais et à la « compétence exclusives des juridictions anglaises », il était expressément prévu, par l’annexe 5 D, alinéa 2, que : « en cas de différends relatifs à la résiliation, chaque partie peut recourir aux juridictions étatiques compétentes en vertu de la législation nationale, quand bien même l’expert aurait été saisi et rendu une décision » ; qu’en retenant que cette disposition se serait bornée « à renvoyer à la compétence de la juridiction étatique compétente - laquelle se définit, par référence à l’article 26, comme la juridiction anglaise », et qu’elle ne dérogeait « donc en rien à la clause attributive de l’article 26 », sans faire aucune référence à la locution « en vertu de la législation nationale », laquelle signifiait nécessairement que la juridiction étatique compétente au sens de l’annexe 5 D était le tribunal interne compétent selon le droit interne, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis, et a violé l’article 1134 du code civil ;

Alors, d’autre part, et en toute hypothèse, qu’en déclarant la clause attributive de compétence prévue par l’article 26 du contrat applicable à la rupture brutale de la relation établie entre les parties, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si cette clause, qui liait indissociablement la compétence du juge anglais et l’application du droit anglais et désignait ainsi un ordre juridique globalement compétent, n’aboutissait pas à faire échec aux dispositions impératives de l’article L 442-6-I 5°), qui relèvent de l’ordre public économique, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de ces dispositions ;

Alors, enfin, et en tout état de cause, qu’à défaut de viser les différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence, la clause attributive de compétence internationale figurant dans un contrat de distribution n’est pas applicable à une action en responsabilité délictuelle fondée sur la rupture brutale d’une relation commerciale établie; qu’en déclarant applicable, en l’espèce, la clause attributive de compétence prévue par l’article 26 du contrat, aux motifs que « le rapport de droit en cause » ne se limitait « aux obligations contractuelles », mais qu’il devait « s’entendre des litiges découlant de la relation contractuelle », là où cette clause ne comportait aucune référence aux différends relatifs à la responsabilité encourue du fait d’une infraction au droit de la concurrence, la cour d’appel a violé l’article 23 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000.