CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 février 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6761
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 22 février 2017 : RG n° 14/08413
Publication : Jurica
Extrait : « La décision de la société B. de rompre ou non la relation commerciale a été soumise à l'obtention du label en cause, obtention qui ne correspond pas à une modification des prix ou des délais de paiement, au sens de l'article L. 442-6, mais pourrait couvrir une modification substantielle des modalités de vente et des services ne relevant pas des obligations d'achat ou de vente. […] Il n'est pas soutenu que l'exigence de ce label (d'un coût selon ce contrat de 3.630 euros pour l'audit initial et de 3.270 euros pour l'audit de suivi annuel, et facture pièce 36 intimée) constituerait une exigence supplémentaire manifestement abusive financièrement, au sens de l'article L. 442-6 (un compte de résultat de la société CLV faisant état d'un chiffre d'affaires annuel de 2.288.627 euros). […] La société CLV était informée du statut du bureau Véritas, au moins depuis le 20 février 2013 lorsqu'il lui a indiqué que la commission avait émis un avis défavorable, et il n'apparaît pas qu'elle ait alors contesté la légitimité de cet organisme, évoquant même dans son courrier du 24 juin 2013 à la société B. faisant état du 2ème avis défavorable de la commission l'éventualité d'une nouvelle visite du bureau Veritas dans ses locaux aux cours de laquelle les points de manquement relevés pourraient être « parfaitement maîtrisés ». […] La société CLV s'est vue adresser par le bureau Véritas un rapport d'audit le 17 mai 2013, elle ne peut tirer argument du fait que le bureau Véritas n'aurait pas répondu aux courriers qui lui étaient adressés, cet organisme n'étant pas en la cause, et le non-respect qu'elle dénonce du processus de labellisation n'établit pas que les conditions d'obtention de ce label étaient abusives.
Au vu de ce qui précède il n'apparaît pas démontré par la société CLV que le fait pour la société B. de soumettre la poursuite de leurs relations commerciales à l'obtention d'une labellisation par la « convention relative à la labellisation sociale de prestation de services dans le domaine du travail à façon de viande » qui vise à ériger « le respect des réglementations sociales comme critère de performance », et dont elle ne démontre pas que l'obtention ou non serait fonction de données subjectives, constitue une condition manifestement abusive, au sens de l'article L. 442-6-I-4ème du code de commerce. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/08413 (8 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 mars 2014 - Tribunal de Commerce de NANCY - R.G. n° 2012009744.
APPELANTE :
SARL CHAMPAGNE LORRAINE VIANDES
Immatriculée au RCS de Chaumont sous le numéro XX, en liquidation judiciaire représentée par Maître Hervé D. ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représenté par Maître Louis G. de l'ASSOCIATION G. & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R249, Ayant pour avocat plaidant Maître Guillaume B., avocat au barreau de CHÂLONS EN CHAMPAGNE
INTIMÉE :
SA GROUPE B.
Immatriculée au RCS de Quimper sous le numéro YY, ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Thierry S. de l'AARPI S.A. ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : E0280,Ayant pour avocat plaidant Maître Jacques G., avocat au barreau de QUIMPER
PARTIE INTERVENANTE :
Monsieur Hervé D., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL CHAMPAGNE LORRAINE VIANDES
ayant son siège social [adresse], Représenté par Maître Louis G. de l'ASSOCIATION G. & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R249, Ayant pour avocat plaidant Maître Guillaume B., avocat au barreau de CHÂLONS EN CHAMPAGNE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Monsieur François THOMAS, Conseiller, rédacteur, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : M. Vincent BRÉANT
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Champagne Lorraine Viandes (ci-après « la société CLV ») est spécialisée dans la transformation et la conservation de viande de boucherie.
La société Groupe B. (ci-après « la société B. ») est le leader européen de l'industrie de transformation des viandes.
Le 2 janvier 2001, la société CLV a conclu un contrat de sous-traitance à durée indéterminée avec la société Arcadie Centre Est.
Le 8 novembre 2006, à la suite de l'acquisition du groupe Arcadie par la société B., un contrat de sous-traitance à durée indéterminée a été conclu entre la société CLV et la société B., aux termes duquel la société CLV s'est engagée à procéder aux travaux de découpe et de désossage des viandes et produits carnés pour le compte de la société B.. Ce contrat indique que toute partie pourra y mettre fin, en respectant un délai de préavis d'un mois, avec envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception.
Le 31 juillet 2007, le SY.NA.FA.VIA (Syndicat national du Travail à Façon des Viandes), le SNIV (Syndicat National de l'Industrie des Viandes) dont Monsieur B. est président, et la Coop. De France « Bétail et Viandes » ont régularisé la « convention relative à la labellisation sociale de la prestation de services dans le domaine du travail à façon de la viande ».
Après avoir évoqué avec la société CLV l'intérêt pour elle de tenter d'obtenir ce label social, la société B. lui a notifié, le 1er octobre 2012, la fin de toute collaboration au 16 novembre 2012.
Le 10 octobre 2012, la société CLV a saisi en référé le président du tribunal de commerce de Nancy pour qu'il soit fait injonction à la société B. de prolonger le préavis initialement accordé ; l'affaire a fait l'objet d'un renvoi au fond devant le tribunal de commerce de Nancy.
Le 26 octobre 2012, une réunion s'est tenue entre les parties, au cours de laquelle il a été convenu d'un allongement du délai de préavis au 31 mars 2013, tout en précisant que durant ce délai, la société CLV devrait tout mettre en œuvre pour obtenir le label social.
A deux reprises, la société CLV a reçu une décision négative de la commission de labellisation qui s'est prononcée sur la base d'un audit du bureau Veritas.
Par courrier du 26 avril 2013, la société B. a indiqué à la société CLV que la résiliation serait effective au 30 juin 2013, cette date étant repoussée au 31 août 2013.
Notamment par courrier du 27 juin 2013 la société B., informée par la société CLV de sa non-labellisation, lui a indiqué que le délai était repoussé au 12 juillet 2013, confirmant ainsi sa décision de rompre du fait de l'absence d'obtention de ce label.
La société CLV a alors de nouveau saisi le président du tribunal de commerce de Nancy en référé pour solliciter à titre principal, le maintien judiciaire du contrat.
Par ordonnance en date du 29 août 2013, le juge des référés du tribunal de commerce de Nancy, a ordonné le maintien des relations contractuelles pour une durée de 12 mois.
Par jugement en date du 21 mars 2014, le tribunal de commerce de Nancy a :
- dit que la rupture des relations commerciales établies par la SA Groupe B. résulte de son préavis délivré le 27 juin 2013, et que le préavis à respecter à compter de cette date est de 10 mois,
en conséquence,
- dit que la relation commerciale sera définitivement rompue à compter du 27 avril 2014,
- déclaré la SARL Champagne Lorraine Viandes mal fondée en l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
- l'en a déboutée,
- condamné la SA Groupe B. à payer à la SARL Champagne Lorraine Viandes la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Groupe B. aux dépens du présent jugement,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
La cour est saisie de l'appel interjeté par la société Champagne Lorraine Viandes du jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 21 mars 2014 mais seulement en ce qu'il a débouté la société CLV de sa demande indemnitaire.
Le 29 octobre 2014, le tribunal de commerce de Chaumont a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société CLV, et désigné aux fonctions de liquidateur judiciaire Maître D., lequel est intervenu volontairement à l'instance devant la cour d'appel.
Par conclusions du 27 mars 2015, Maître Hervé D., ès qualités de liquidateur de la société Champagne Lorraine Viandes, demande à la cour de :
Vu l'article L. 442-6 du code du commerce,
Statuant sur l'appel relevé par la société Champagne Lorraine Viandes à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy en date du 21 mars 2014,
- déclarer recevable et bien fondé le présent appel,
- donner acte à Maître Hervé D., mandataire judiciaire agissant ès qualité de liquidateur de la société Champagne Lorraine Viandes de ce qu'il limite son appel au rejet de la demande indemnitaire qu'elle avait formée en première instance,
- infirmer la décision entreprise de ce chef dans les limites de l'appel,
Et statuant à nouveau,
- condamner la société Groupe B. à verser une indemnité de 100.000 euros à Maître Hervé D., mandataire judiciaire agissant ès qualité de liquidateur de la société Champagne Lorraine Viandes en réparation du préjudice subi par cette dernière, outre intérêts de droit à compter de l'introduction de la demande en justice,
- condamner la société Groupe B. à payer à Maître Hervé D., mandataire judiciaire agissant ès qualité de liquidateur de la société Champagne Lorraine Viandes une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Groupe B. aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Par conclusions du 30 octobre 2015, la société Groupe B. demande à la cour de :
- confirmer intégralement le jugement du tribunal de commerce de Nancy en date du 21 mars 2014 en ce qu'il a statué dans les termes suivants
« Dit que la rupture des relations commerciales établies par la SA Groupe B. résulte de son préavis délivré le 27 juin 2013 et que le préavis à respecter à compter de cette date est de 10 mois,
En conséquence,
Dit que la relation commerciale sera définitivement rompue à compter du 27 avril 2014,
Déclare la SARL Champagne Lorraine Viandes mal fondée en l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
L'en déboute »,
- débouter, en conséquence, Maître D. ès-qualités de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions développées en cause d'appel,
Réformant pour le surplus,
- condamner Maître D. ès-qualités à payer à la société B. la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, de 1ère instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux le concernant, par Maître Thierry S., Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Le jugement est contesté seulement en ce qu'il a débouté la société CLV de sa demande indemnitaire.
Sur l'existence d'un chantage économique :
La société CLV rappelle les termes de l'article L. 442-6-I-4° du code de commerce et soutient que les conditions nouvelles relatives à la labellisation lui ont été imposées par la société B. et ont substantiellement modifié les obligations mises à sa charge, qu'elle n'y a jamais consenti de manière libre et y a été contrainte sous la menace d'une rupture des relations commerciales.
Elle dénonce le caractère abusif de ces nouvelles conditions et critique la procédure d'obtention du label, qui prévoit la réalisation d'un audit nécessaire à l'obtention du label par un tiers indépendant désigné spécialement par la commission de labellisation, alors que le bureau Veritas, qui a réalisé son audit, est en réalité un membre de cette commission.
Elle fait état de sa dépendance économique vis-à-vis de la société B., qui était son seul client.
La société B. conteste avoir procédé à un chantage destiné à obtenir des avantages abusifs de la société CLV, qui avait accepté sans équivoque sa demande tendant à l'obtention de ce label, et soutient que la charge financière induite pour cette obtention n'est pas de nature à créer un déséquilibre significatif entre les parties. Elle remarque que le délai accordé à la société CLV afin de tenter d'obtenir cette labellisation était suffisant et lui a permis de se présenter à deux reprises.
Elle conteste tout abus et soutient que la société CLV ayant accepté que l'obtention du label entre dans le champ contractuel, son défaut de labellisation constitue une inexécution contractuelle.
Elle affirme que sa demande tendait à exiger de ses partenaires commerciaux l'obtention d'un label par lequel ceux-ci s'engageaient à respecter la loi dans l'exercice de l'activité qui fait l'objet du contrat liant les parties, et qu'il ne tenait qu'à la société CLV de se mettre en conformité avec le droit social pour continuer à travailler avec la société B..
Sur ce
L'article L. 442-6-I-4ème du code de commerce réprime le fait, « pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers,... d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat ou de vente ».
En l'occurrence, la société B. a demandé en 2012 à la société CLV d'obtenir un « label social de la prestation de service du travail à façon des viandes », condition non prévue par le contrat conclu entre les sociétés le 8 novembre 2006 et qui n'a pas fait l'objet d'un avenant, alors que le contrat prévoit expressément l'adoption d'avenant pour toute modification du contrat.
A la suite du courrier de la société B. du 1er octobre 2012 indiquant qu'il serait mis fin à la relation commerciale entre les deux sociétés au 16 novembre 2012, ce préavis a été prolongé au 31 mars 2013, la société CLV s'engageant à tout mettre en œuvre pendant ce délai pour obtenir le label dont l'obtention conditionnait ainsi la poursuite de relations commerciales ultérieures, un défaut d'obtention signifiant un arrêt des relations au 1er avril 2013. Ce préavis a encore été étendu plusieurs fois (pièces 12 et 14 appelante), jusqu'au 31 août 2013.
La décision de la société B. de rompre ou non la relation commerciale a été soumise à l'obtention du label en cause, obtention qui ne correspond pas à une modification des prix ou des délais de paiement, au sens de l'article L. 442-6, mais pourrait couvrir une modification substantielle des modalités de vente et des services ne relevant pas des obligations d'achat ou de vente.
Pour autant, si la société CLV soutient que la condition d'obtention du label lui a été imposée, ses courriers des 8 février (« comme nous nous y étions engagés, la société Veritas a dépêché deux auditeurs dans l'entreprise les 15 et 16 janvier... ») et 30 avril 2013 (« nous avons pris contact avec le SYNAFAVIA... nos avocats respectifs se sont accordés pour que cette affaire soit renvoyée dans l'attente du fameux label ») révèlent qu'elle avait accepté de soumettre sa candidature à l'obtention de ce label, même si elle l'a ensuite présentée comme une exigence de la société B. (courrier de la société CLV du 19 juillet 2013 « le groupe B. nous a demandé en 2010 de supporter le coût d'un label social... nous nous sommes pliés à cette exigence »).
La cour relève que la signature le 20 décembre 2012 par la société CLV de l'acceptation du « contrat relatif à la labellisation social de la prestation de service du travail à façon de viandes », et l'indication par elle que la période souhaitée pour l'audit était les 15 et 16 janvier 2013, confirme aussi qu'elle acceptait de soumettre sa candidature à l'examen d'obtention de ce label.
Il n'est pas soutenu que l'exigence de ce label (d'un coût selon ce contrat de 3.630 euros pour l'audit initial et de 3.270 euros pour l'audit de suivi annuel, et facture pièce 36 intimée) constituerait une exigence supplémentaire manifestement abusive financièrement, au sens de l'article L. 442-6 (un compte de résultat de la société CLV faisant état d'un chiffre d'affaires annuel de 2.288.627 euros).
Par ailleurs, si la société CLV met en avant le fait que le bureau Veritas soit à la fois le « tiers indépendant » désigné par la commission pour réaliser l'audit et membre de cette même commission, la convention de labellisation datée de 2008 conclue entre les parties à la commission et le bureau Véritas établit bien que celui-ci est mandaté pour la réalisation des audits et assurer la gestion administrative de la commission de contrôle, et prévoit expressément que le bureau Véritas est membre de cette commission et décideur sur le dispositif de gestion.
La société CLV était informée du statut du bureau Véritas, au moins depuis le 20 février 2013 lorsqu'il lui a indiqué que la commission avait émis un avis défavorable, et il n'apparaît pas qu'elle ait alors contesté la légitimité de cet organisme, évoquant même dans son courrier du 24 juin 2013 à la société B. faisant état du 2ème avis défavorable de la commission l'éventualité d'une nouvelle visite du bureau Veritas dans ses locaux aux cours de laquelle les points de manquement relevés pourraient être « parfaitement maîtrisés ».
La société CLV s'est vue adresser par le bureau Véritas un rapport d'audit le 17 mai 2013, elle ne peut tirer argument du fait que le bureau Véritas n'aurait pas répondu aux courriers qui lui étaient adressés, cet organisme n'étant pas en la cause, et le non-respect qu'elle dénonce du processus de labellisation n'établit pas que les conditions d'obtention de ce label étaient abusives.
Au vu de ce qui précède il n'apparaît pas démontré par la société CLV que le fait pour la société B. de soumettre la poursuite de leurs relations commerciales à l'obtention d'une labellisation par la « convention relative à la labellisation sociale de prestation de services dans le domaine du travail à façon de viande » qui vise à ériger « le respect des réglementations sociales comme critère de performance », et dont elle ne démontre pas que l'obtention ou non serait fonction de données subjectives, constitue une condition manifestement abusive, au sens de l'article L. 442-6-I-4ème du code de commerce.
Le fait que la société CLV se trouve en situation de dépendance économique à l'égard de la société B. ne peut justifier en l'espèce une autre appréciation de la durée du préavis nécessaire que celle à laquelle a procédé le tribunal de commerce, et l'appelante ne peut se fonder sur ses propres écrits pour avancer que la société B. avait demandé à bénéficier d'une exclusivité.
Sur le montant du préjudice :
La société CLV estime que le comportement de la société B. lui a causé un préjudice moral et commercial, celle-ci ayant abusé de son droit de rompre les relations contractuelles et engagé sa responsabilité à son égard, ce d'autant qu'elle était en situation de dépendance économique.
Elle soutient avoir été suspendue à la décision unilatérale de la société B. de poursuivre ou non la relation contractuelle ce qui l'a conduite à préparer sa déclaration de cessation de paiements au cours de l'été 2013, et ajoute que ses 42 salariés ont envisagé un licenciement économique.
Elle soutient également que la société B. n'a pas respecté les dispositions du jugement du tribunal de commerce de Nancy ayant fixé le terme de leurs relations au 27 avril 2014, ayant dès le 22 avril 2014 interdit l'accès au site de production à 10 de ses salariés de la société CLV. Elle affirme que son liquidateur judiciaire est fondé à solliciter réparation de son préjudice du fait notamment par la violation des dispositions du jugement, qui constitue un fait nouveau postérieur au jugement susceptible de faire l'objet d'une indemnisation à hauteur d'appel.
La société B. affirme n'avoir commis aucune faute, ayant seulement demandé à la société CLV de respecter le droit du travail et d'en justifier par l'obtention d'un label correspondant.
Elle relève que la société CLV ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande de réparation d'un préjudice moral, que l'incertitude créée par l'envoi d'un préavis de rupture assorti d'une proposition de remplacement n'est pas indemnisable dès lors que cette situation offre la possibilité, en se mettant en conformité avec les exigences de son cocontractant, de poursuivre les relations.
Elle rappelle que des mesures ont été prises pour que, dès le mois de septembre 2013, les contrats de travail des salariés soient repris par la société Tradevia, qui a succédé à la société CLV.
Elle affirme que la situation de dépendance économique de la société CLV n'a pas d'incidence sur la gravité de la rupture, s'agissant d'une dépendance 'choisie', et elle-même n'ayant jamais exigé le bénéfice d'une exclusivité. Enfin, elle estime que l'argument tiré de l'incident du 22 avril 2014 est inopérant, la réalité des faits relatés n'étant pas démontrée.
Sur ce
Il convient de relever que la société CLV ne produit aucune pièce pour justifier de la réalité du préjudice commercial et moral dont elle fait état, ni des faits dont elle allègue pour l'établir.
Par ailleurs, l'incertitude subie par ses employés quant au maintien de leur emploi ne peut donner lieu, de la part de la société, à une demande en réparation, étant relevé que la société B. avait indiqué dès le mois d'août 2013 que le successeur de la société CLV allait reprendre l'ensemble des contrats de travail.
La société CLV a été informée le 1er octobre 2012 de la volonté de la société B. de rompre le contrat, et cette rupture est intervenue le 27 avril 2014, plus de 18 mois après, sans que la société CLV ne justifie des démarches qu'elle avait engagée pour diversifier sa clientèle, ce d'autant qu'elle n'établit pas comme précédemment relevé que l'intimée avait exigé une exclusivité à son profit, de sorte qu'elle ne peut faire état utilement de sa dépendance économique.
Enfin, si la société CLV soutient qu'alors que le préavis fixé par le tribunal de commerce dans son jugement du 21 mars 2014 était prévu jusqu'au 27 avril 2014 et que dix de ses employés ont été empêchés, le 22 avril 2014, d'accéder au site par la société B., elle ne produit pour le démontrer qu'un courrier de son conseil, qui ne saurait suffire à établir ce grief.
Dès lors, et faute de démontrer que la société B. n'a pas respecté le préavis fixé, le mandataire judiciaire ne saurait solliciter de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes :
La partie appelante succombant au principal, sera condamnée au paiement des dépens.
Étant condamnée au paiement des dépens, elle sera condamnée à payer à la société B., sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, une somme que l'équité commande de fixer à 4.000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 21 mars 2014 en toutes ses dispositions,
DÉBOUTE Maître D. ès-qualités de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions développées en cause d'appel,
CONDAMNE Maître D. ès-qualités à payer à la société B. la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE maître D. au paiement des entiers dépens, de 1ère instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux le concernant, par Maître Thierry S., Avocat.
Le Greffier La Présidente
Vincent BRÉANT Irène LUC