CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 9 mars 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6778
CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 9 mars 2017 : RG n° 16/01324
Publication : Jurica
Extrait : « Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 442-6 2° du code de commerce dans sa version issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 invoquées seulement à titre de moyen pour la première fois en cause d'appel en vertu desquelles « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers » (…) « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » n'ont pas vocation à s'appliquer aux relations entre un banquier et son client lesquels ne sauraient être considérés comme des partenaires commerciaux au sens de ce texte du seul fait d'une ouverture d'un compte courant quelqu'en soit la durée, relations qui sont régies par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier précité ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 9 MARS 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/01324. Jugement (R.G. n° 2014018663) rendu le 6 janvier 2016 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.
APPELANTE :
SA CIC Nord-Ouest
représentée par son président du conseil d'administration domiciliée en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Ghislain H., du cabinet Adekwa, avocat au barreau de Lille, substitué par Maître V.
INTIMÉ :
M. X.
né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [...], représenté par Maître Laurence P.-L., avocat au barreau de Lille
DÉBATS à l'audience publique du 4 janvier 2017 tenue par Marie-Annick Prigent magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie Hainaut
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Marie-Annick Prigent, président de chambre, Elisabeth Vercruysse, conseiller, Marie-Laure Aldigé, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 9 mars 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président et Clara Dutillieux, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 décembre 2016
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société Établissements X., société à responsabilité limitée ayant une activité de commerce de gros de fruits et légumes, avait ouvert son compte courant bancaire auprès de la banque CIC Nord-Ouest. Après avoir mis en demeure son client de ne plus fonctionner à découvert, la banque lui a accordé par acte sous seing privé en date du 5 septembre 2012 un crédit professionnel destiné au financement de sa trésorerie d'un montant de 30.000,00 euros remboursable en 36 mensualités de 889,06 euros au taux d'intérêt de 4,25 %. Par acte sous seing privé en date du même jour, M. X., gérant de la société Établissements X., s'est porté caution personnelle et solidaire du prêt sur une somme de 36.000,00 euros, couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités et intérêts de retard pour la durée de 60 mois.
Par jugement en date du 15 octobre 2012, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert à l'égard de la société Établissements X. une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement en date du 11 septembre 2013. Par décision en date du 20 septembre 2013, le juge commissaire près le tribunal de commerce de Lille Métropole admettait la créance de la banque au passif de la procédure de liquidation judiciaire à hauteur de 31.616,75 euros à titre chirographaire. Par courrier en date du 9 septembre 2014, la banque CIC Nord-Ouest recevait du mandataire un certificat d'irrecouvrabilité de sa créance.
Suite à une mise en demeure de payer infructueuse, la SA CIC Nord Ouest a assigné par acte en date du 29 octobre 2014 M. X. devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer en sa qualité de caution la somme de 31.572,72 euros, au titre du prêt professionnel de 30.000,00 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 4,25 % à compter du 22 octobre 2014.
Suivant jugement rendu contradictoirement et en premier ressort le 6 janvier 2016, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
- constaté que la banque CIC Nord-Ouest a commis une faute à l'égard de la société Etablissements X. suite à l'arrêt brutal de tout concours bancaire ;
- condamné la banque CIC Nord-Ouest au paiement de la somme arbitrée de 30.000 euros à M. X. pour perte de chance de ne pas avoir eu besoin de contracter un engagement de caution ;
- débouté M. X. de ses demandes plus amples ou contraires ;
- dit que la caution de M. X. n'était pas, au moment de son engagement, disproportionnée au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation et, qu'en l'absence d'anomalies apparentes, la banque n'a pas commis de faute en se fiant aux renseignements portés par M. X. sur la fiche de déclaration de patrimoine ;
- condamné M. X. en sa qualité de caution solidaire de la société Etablissements X. au paiement de la somme de 31.572,72 euros au titre du prêt professionnel de 30.000 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,25% à compter du 22 octobre 2014 et, ce jusqu'à parfait paiement ;
- débouté la banque CIC Nord-Ouest de l'ensemble de ses autres prétentions, fins et conclusions
- ordonné la compensation entre les créances respectives des parties ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile ;
- partagé par moitié les frais et dépens de la présente instance, taxés et liquides à la somme de 81,12 euros en ce qui concerne les frais de greffe.
La banque CIC Nord-Ouest a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 décembre 2016, l'appelante demande à la cour, au visa des articles L. 622-28 du code du commerce, 1153, 1134 et 1234 et 2288 du code civil et 664 du code de procédure civile :
- de la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes ;
- de juger que la demande de M. X. relative à l'indemnité conventionnelle constitue une demande nouvelle au sens des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, et, en conséquence, le déclarer irrecevable en cette demande et, en toute hypothèse l'en débouter ;
- de débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a reconnu que la caution de M. X. n'était pas, au moment de son engagement, disproportionnée au sens de l'article L. 341-4 du code de la consommation et, qu'en l'absence d'anomalies apparentes, la banque n'a pas commis de faute en se fiant aux renseignements portés par M. X. sur la fiche de déclaration de patrimoine, et en ce qu'il l'a condamné en sa qualité de caution solidaire de la société Etablissements X. au paiement de la somme de 31.572,72 euros au titre du prêt professionnel de 30 000,00 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,25 % à compter du 22 octobre 2014 et, ce jusqu'à parfait paiement ; et statuant à nouveau ;
- de condamner M. X. en sa qualité de caution solidaire de la société Etablissements X. au paiement de la somme de 31.572,72 euros au titre du prêt professionnel de 30.000,00 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,25 % à compter du 22 octobre 2014 et, ce jusqu’à parfait paiement ;
- de le condamner à lui payer la somme de 2.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- de le condamner à lui payer la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 26 juillet 2016, au visa des articles 1244-1, 1134, 1147, 2288 du code civil, L. 313-22 du code monétaire et financier, L. 442-6 du code de commerce et L. 341-1 du code de la consommation, l'intimé demande à la cour de :
- débouter la banque CIC Nord-Ouest de l'ensemble de ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;
A titre principal,
- constater que la banque CIC Nord-Ouest a commis une faute à son égard dans le cadre de la rupture de son concours financier ;
- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la banque CIC Nord-Ouest à lui payer la somme de 30.000,00 euros à titre de dommages et intérêt et ordonné la compensation entre les créances respectives des parties ;
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes plus amples ou contraires,
- constater la disproportion de l'engagement de caution qu'il a souscrit à l'égard de la banque CIC Nord-Ouest ;
- en conséquence, juger que la banque CIC Nord-Ouest ne peut se prévaloir de l'engagement de caution souscrit ;
- constater que la banque CIC Nord-Ouest a manqué à son devoir de mise en garde à son égard et en conséquence, la condamner à lui payer la somme de 35.000,00 euros, en réparation du préjudice subi ;
A titre subsidiaire,
- constater que la banque CIC Nord-Ouest a manqué à son obligation d'information à son égard et en conséquence, prononcer la déchéance de son droit aux intérêts,
- déduire des sommes demandées par la banque les sommes de 2.564,14 euros et de 2.513,69 euros ;
- modérer la clause pénale à hauteur de 1 euros ;
- lui accorder un délai de 24 mois pour s'acquitter de la dette ;
En tout état de cause,
- condamner la banque CIC Nord-Ouest à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la banque CIC Nord-Ouest de sa demande tendant à sa condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros pour résistance abusive.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.
Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que la banque CIC Nord-Ouest fait essentiellement valoir :
- qu'elle n'a commis aucun abus de son droit de mettre fin au découvert autorisé à hauteur de 40.000,00 euros au regard des dispositions de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier dans la mesure où elle a respecté l'obligation de préavis de deux mois alors qu'elle n'était redevable d'aucune obligation de motivation et que le prêt qu'elle a consenti à la société Établissements X. était plus avantageux que les facilités de caisse génératrices d'agios et de frais de commission importants ;
- que les dispositions de l'article L. 442-6 du code du commerce afférentes à la vente n'ont pas vocation à s'appliquer aux relations entre le banquier et son client, qu'au surplus, elle n'a commis aucun abus d'une position dominante ;
- qu'elle justifie avoir satisfait à son obligation de se renseigner par la production de la déclaration de patrimoine de l'intimé lequel échoue à démontrer, d'une part, une disproportion de son engagement de caution à ses biens et revenus au moment de sa conclusion, et, d'autre part, que son patrimoine actuel ne lui permet pas de faire face à ses obligations ;
- qu'elle n'était redevable d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de M. X., caution avertie en sa qualité de gérant de la société emprunteuse,
- que la caution lui est redevable de la somme de 31.572,72 euros, laquelle prend en compte le paiement intervenu à hauteur de 2.351,69 euros ;
- que l'intimé est irrecevable à demander pour la première fois en cause d'appel la réduction du montant de la clause pénale, lequel n'était en tout état de cause pas manifestement excessif ;
- qu'elle ne saurait être déchue de son droit aux intérêts puisque qu'elle justifie avoir satisfait à l'obligation annuelle d'information de la caution prévue par les dispositions de l'article L. 312-22 du code monétaire et financier,
- qu'aucun délai de paiement ne saurait être accordé à l'intimé faute pour celui-ci de justifier du moindre élément afférent à sa situation personnelle,
- que l'intimé a commis une résistance abusive.
Quant à M. X., il soutient essentiellement :
- que la banque CIC Nord-Ouest a commis une faute en rompant de manière brutale tout concours bancaire durant l'été 2012 au mépris, d'une part, des prescriptions de l'article L. 313-12 du code du commerce, en particulier de l'obligation de motiver sa décision de rupture et de l'obligation de respecter un délai de préavis de 60 jours, et, d'autre part, des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce dans la mesure où la banque a compromis irrémédiablement l'équilibre financier de la société Établissements X. ;
- que cet arrêt fautif de tout concours financier, en ce qu'il a contraint la société Établissements X. à devoir rembourser d'importantes mensualités du crédit professionnel et l'a privée de toute souplesse de gestion, est à l'origine de ses difficultés financières et par ricochet de l'action en paiement dirigée à l'encontre de la caution ;
- que son engagement de caution était disproportionné à ses revenus mensuels et à son patrimoine constitué de sa résidence principale acquise en indivision sous le régime de la séparation de biens avec son épouse et grevé d'une sûreté ;
- que la banque CIC Nord-Ouest a manqué à son obligation de mise en garde à son égard dans la mesure où il doit être considéré comme une caution profane pour avoir contracté en dehors de son domaine professionnel ;
- que la banque CIC Nord-Ouest a commis un défaut de prudence dans l'obligation des garanties réclamées à son encontre,
- que l'appelante ne justifie pas du montant de sa créance, qu'il convient en tout état de cause de prendre en considération, d'une part, la somme de 2.564,14 euros constituée par le solde positif du compte professionnel de la société Établissements X., et d'autre part, la somme de 2.513,69 euros correspondante aux paiements effectués par la caution ;
- que le montant de la clause pénale est manifestement excessif ;
- que la banque CIC Nord-Ouest doit être déchue de son droit aux intérêts en raison du non-respect de son obligation annuelle d'information de la caution ;
- que ses revenus de l'ordre de 2.000 euros par mois justifient l'octroi de délais de paiement ;
- qu'il n'a commis aucune résistance abusive.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur la responsabilité de la banque pour la rupture de son concours financier :
L'article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa version issue de loi n°2009-1255 du 19 octobre 2009 applicable au présent litige dispose : « Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. »
Il résulte de l'article précité que lorsqu'une banque a consenti de manière réitérée un découvert renouvelable à son client assimilable à une ouverture de crédit tacite, elle ne peut l'interrompre qu'à la condition de notifier à son client par écrit son intention de mettre fin à son concours et de respecter effectivement un délai de préavis de soixante jours minimum. La banque n'est en revanche débitrice d'une obligation d'information sur les motifs de sa décision de mettre fin unilatéralement à son concours que si son client le lui demande expressément.
Sur ce
En l'espèce, au vu des relevés de compte courant de la société Établissements X. produits par l'intimé entre le mois de janvier 2011 et septembre 2012, il apparaît que le solde du compte courant de la société Établissements X. arrêté au 15 de chaque mois était sur cette période régulièrement débiteur pour des sommes oscillant entre 32.000,00 euros à 43.000,00 euros. Il s'évince de la réitération de ces facilités de caisse que la banque avait autorisé sa cliente la société Établissements X. à avoir un découvert de manière renouvelée et lui avait ainsi tacitement consenti un concours à durée indéterminé, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.
Il résulte de la lettre recommandée en date du 29 juin 2012 avec avis de réception signé le 3 juillet 2012 par le gérant de la société Établissements X. que la banque CIC Nord-Ouest a bien notifié par écrit à sa cliente sa décision d'interrompre l'autorisation de découvert à hauteur de 40.000,00 euros à l'expiration d'un délai de préavis fixé au 5 septembre 2012, date à compter de laquelle la banque lui demandait que ses comptes fonctionnent « en position strictement créditrice ». Dans la mesure où l'intimé n'établit pas que la société Établissements X. aurait sollicité de la banque des explications sur les raisons de l'interruption de son concours, le moyen tiré de l'absence de motivation de la dénonciation du concours par la banque est inopérant.
Par ailleurs, si aux termes de sa notification la banque accorde à sa cliente un préavis de deux mois avant de mettre fin à l'autorisation de découvert à hauteur de 40.000,00 euros, il convient de vérifier si l'appelante a effectivement respecté ce délai de préavis alors qu'elle a refusé dix lettre de changes pour une somme totale de 3.237,00 euros le 3 juillet 2012 en raison d'une provision insuffisante. En l'espèce, l'analyse des relevés de comptes bancaires met en évidence que ces rejets sont intervenus non pas pour sanctionner l'existence d'un simple découvert ‘puisque la banque continuait d'accepter malgré une position débitrice du compte de nombreux débits ‘mais le dépassement d'un découvert supérieur à 40.000,00 euros. En effet, au 2 juillet 2012, le solde bancaire était débiteur de 43.070,48 euros (entre le 16 juin au 2 juillet 2012 débits cumulés de 24.754,31 euros pour des crédits cumulés de 20.954,17 euros alors que le solde était débiteur à hauteur de 39 270,34 euros au 15 juin 2012). Par ailleurs, il s'évince des comptes que la banque CIC Nord-Ouest avait déjà par le passé refusé dans des conditions similaires des lettres de changes pour provision insuffisante du compte bancaire. Ainsi, le 20 avril 2012 la banque avait refusé 11 effets pour une valeur de 2.868,33 euros alors que le découvert était supérieur 40.000,00 euros. Pareillement, par courrier du 11 mai 2012, la banque avait informé son client préalablement au rejet de chèques pour défaut de provision.
Ces éléments viennent corroborer le contenu du courrier de notification de la banque quant au montant du découvert autorisé et établir ainsi que celui-ci s'élevait bien à hauteur de 40.000,00 euros. Dès lors, le refus opposé par la banque en juillet 2012 pour défaut de provision au paiement de quelques effets de commerce portant le solde débiteur au-delà du découvert tacitement autorisé ne saurait s'analyser comme la mise en œuvre du refus du concours bancaire, lequel correspond au refus de tout solde débiteur.
Le prêt de trésorerie de 30.000,00 euros consenti par la banque CIC Nord-Ouest à la société Etablissements X. a été débloqué le 5 septembre 2012 date de la fin de la période de préavis, et l'intimé ne justifie pas de ses allégations selon lesquelles la banque aurait interrompu son concours avant ce terme.
Il résulte de ce qu'il précède que contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal de commerce, la banque CIC Nord-Ouest a respecté les dispositions de l'article L. 313-12 du code du commerce, et ne saurait donc engager sa responsabilité sur ce fondement.
Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce dans sa version issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 invoquées seulement à titre de moyen pour la première fois en cause d'appel en vertu desquelles « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers » (…) « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » n'ont pas vocation à s'appliquer aux relations entre un banquier et son client lesquels ne sauraient être considérés comme des partenaires commerciaux au sens de ce texte du seul fait d'une ouverture d'un compte courant quelqu'en soit la durée, relations qui sont régies par l'article L. 313-12 du code monétaire et financier précité.
L'intimé ne justifie pas plus d'une faute dans la mise en œuvre de son droit de mettre fin au découvert autorisé
Il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a estimé engagée la responsabilité de la banque pour rupture fautive et brutale de son concours bancaire.
Sur la disproportion de l'engagement de caution :
Aux termes de l'article L. 332-1 du code de la consommation dans sa version codifiée à droit constant de l'ancien article L. 341-4 par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation entrée en vigueur le 1er juillet 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Le caractère averti ou non du dirigeant est indifférent pour l'application de l'article L. 341-4 du code de la consommation.
Selon ce texte, la proportionnalité de l'engagement de la caution au regard de ses facultés contributives est évaluée en deux temps : au jour de la conclusion du contrat de cautionnement et, à supposer l'existence d'une disproportion à cette date, au jour de son exécution, la caution pouvant revenir à meilleure fortune.
S'il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus au jour de celui-ci, c'est au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il l'appelle le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.
La disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement souscrit et des biens et revenus de chaque caution, et en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d'engagements de caution. C'est la situation financière globale de la caution, c'est -à-dire ses « facultés contributives » qui doit être appréhendée au jour de l'engagement. La proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie.
Au sens de ce texte et de la jurisprudence subséquente, une disproportion manifeste au regard des facultés contributives de la caution, est une « disproportion flagrante et évidente pour un professionnel normalement diligent » entre, d'une part, les engagements de la caution, d'autre part ses biens et revenus.
L'exigence de proportionnalité impose au créancier de s'informer sur la situation patrimoniale de la caution, c'est-à-dire l'état de ses ressources, de son endettement, et de son patrimoine, ainsi que de sa situation personnelle (régime matrimonial).
Le contrôle de l'établissement de crédit repose sur les informations communiquées par les cautions sur une fiche de renseignement. L'établissement bancaire n'est pas tenu de vérifier, en l'absence d'anomalies apparentes, l'exactitude des informations contenues dans la fiche de renseignement. La communication des informations repose sur le principe de bonne foi, à charge pour les cautions de supporter les conséquences d'un comportement déloyal.
Sur ce
En l'espèce, aux termes de la fiche patrimoniale afférente à sa situation produite par l'appelante que l'intimé a remplie lors de la conclusion de son engagement de caution, M. X. précisait être marié sous le régime de la séparation de biens, indiquait des revenus annuels à hauteur de 12 000 euros en qualité de gérant de la société Établissements X., évaluait à hauteur de 400.000,00 euros le montant son patrimoine immobilier constitué d'une maison acquise en 2010 grevée d'une inscription hypothécaire au profit de la banque CIC Nord-Ouest, et ne faisait état au titre de ses charges que d'un seul crédit immobilier à hauteur de 58.200,00 euros remboursable jusqu'au 25 mars 2012 par des échéances mensuelles de 673,63 euros. Il ressort par ailleurs des termes de la lettre recommandée signée le 24 septembre 2013 par l'intimé qu'il avait également souscrit un engagement de caution afférent à un prêt professionnel de 7.000,00 euros souscrit le 28 octobre 2011 par la société Établissements X. sur une période de 12 mois, lequel était donc presque intégralement remboursé au 5 septembre 2012.
Alors même que M. X. supporte la charge de la preuve du caractère disproportionné de son engagement par rapport à ses biens et revenus au jour de celui-ci, il ne produit strictement aucune pièce afférente à sa situation financière ni ne précise et encore moins ne justifie la valeur vénale de la part lui appartenant en propre sur le bien immobilier. Or, il apparaît qu'après déduction du montant du crédit, le patrimoine immobilier du couple s'élevait à hauteur de 341 800 euros, de sorte que même en ne retenant qu'une part appartenant à la caution à hauteur de la moitié, son patrimoine était cinq fois supérieur au montant de son engagement.
Au vu de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a estimé que l'engagement de caution souscrit par M. X. n'était pas manifestement disproportionné au sens de l'article précité du code du commerce.
Sur l'obligation de mise en garde du banquier :
En vertu de l'article 1147 du code civil, le banquier est débiteur d'une obligation de mise en garde à l'égard de la caution non avertie en vertu de laquelle il doit d'une part, attirer son attention sur le risque d'endettement né de l'octroi des prêts au débiteur principal, notamment le risque de défaillance de l'emprunteur, d'autre part, lui exposer les risques de l'opération en tenant compte de ses propres facultés contributives.
Le caractère averti de la caution s'évalue au regard des aptitudes de celle-ci à comprendre la portée de son engagement, à apprécier le risque inhérent à l'engagement et de son expérience dans les affaires, mais aussi en fonction du niveau d'information sur la situation financière du débiteur principal.
Sur ce
En l'espèce, M. X., en sa qualité de gérant de la société Etablissements X., fonction dont provenait l'intégralité de ses revenus mensuels, était directement intéressé au fonctionnement de l'entreprise cautionnée et avait dès lors parfaitement connaissance de son fonctionnement et de sa situation financière, et ce d'autant plus qu'il est constant qu'il avait acquis une expérience professionnelle en ce domaine puisqu'il exerçait son activité depuis une vingtaine d'années.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé que M. X. n'avait pas la qualité de profane et l'ont débouté de sa demande tendant à voir engager la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de mise en garde.
Par ailleurs, l'intimé ne justifie pas plus d'un défaut de prudence fautif du banquier lors de la conclusion du cautionnement de nature à engager sa responsabilité.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande de condamnation de l'appelante au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 35.000,00 euros.
Sur le montant de l'obligation garantie :
L'article 2288 du code civil dispose que celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts :
La caution sollicite la déchéance de la société Établissements X. de son droit aux intérêts non pas sur pour manquement à son obligation d'information annuelle sur le fondement de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier comme l'indique l'appelante, mais sur le fondement de l'article 341-1 du code de la consommation pour manquement de la banque à son obligation d'informer la caution dès le premier incident de paiement.
Cet article, désormais codifié par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation entrée en vigueur le 1er juillet 2016 aux articles L. 333-1 et L. 341-1, dispose : « Sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée. » Ces dispositions sont applicable à toute caution personne physique.
Sur ce
En l'espèce, la société Établissements X. produit une lettre recommandée avec avis de réception adressée à la caution signée le 24 septembre 2013 aux termes de laquelle elle l'informe que par effet du jugement de liquidation judiciaire l'intégralité des sommes dues au titre des crédits souscrits par la société Établissements X. devient exigible et lui réclame en sa qualité de caution solidaire la somme de 649,67 euros concernant le cautionnement d'un prêt professionnel de 7.000,00 euros souscrit le 28 octobre 2011 et la somme de 32.671,68 euros concernant le cautionnement litigieux, soit après compensation avec la somme de 2.564.14 euros correspondante au solde créditeur du compte de la société Établissements X., une somme totale de 30.757,21 euros.
La société Établissements X. ne justifie pas avoir avant ce courrier averti la caution d'une défaillance du débiteur principal, ni même ne justifie des incidents de paiement antérieurs à la liquidation judiciaire, et ce alors même qu'aux termes de son décompte en date du 19 septembre 2013, elle réclamait des intérêts échus à hauteur de 1.161,18 euros. Or, l'analyse de son décompte en date du 21 octobre 2014 met en évidence qu'il s'agissait bien d'intérêts moratoires dans la mesure où ces intérêts ne sont pas repris comme des éléments des ‘échéances de retard ‘et qu'ils ont continué à courir après la déchéance du terme. Il en résulte donc nécessairement que des incidents de paiement étaient intervenus avant la date du 19 septembre 2013, lesquels avaient engendré des intérêts moratoires.
Dans ces conditions, la caution n'ayant pas été avertie de la défaillance de l'emprunteur dans le mois de l'exigibilité de l'échéance et des éventuels arriérés, il y a lieu de la décharger des intérêts de retard retenus par la banque jusqu'au 19 septembre 2013 et de dire que M. X. ne sera redevable des intérêts moratoires au taux contractuel de 4,25 % qu'à compter du 24 septembre 2013, date de son information.
Sur la demande de réduction de la clause pénale :
En application de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, la demande de réduction de la clause pénale formulée par l'intimé ne constitue pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'elle ne vise qu'à écarter la demande en paiement formulée par l'appelante. Cette demande est donc recevable, et il y a lieu de statuer sur son bien-fondé.
En vertu de l'article 1152 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
En l'espèce, la caution ne justifie pas en quoi l'indemnité conventionnelle stipulées aux termes des conditions générales du crédit cautionné à hauteur de 5 % des montants échus est manifestement excessive. L'intimé sera donc débouté de sa demande de réduction de la clause pénale.
Sur la créance de la banque :
Au vu des décomptes produits par la société Établissements X., M. X. est redevable du capital restant dû à hauteur de 30.000,00 euros outre la somme de 1.500,00 euros au titre de la clause pénale.
La somme 31 500,00 euros sera augmenté des intérêts moratoires au taux contractuel de 4,25 % à compter du 24 septembre 2013, date d'information de la caution.
Par ailleurs, dans la mesure où cette somme ne tient compte ni du solde créditeur de 2.564,14 euros de la société Établissements X. ni des paiements effectués par la caution à hauteur d'un montant non contesté de 2.513,69 euros suivant le décompte de la banque en date du 21 octobre 2014, il y a lieu par compensation de déduire la somme totale de 5.077,83 euros.
Il y a donc lieu de réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté ces demandes de compensation, et condamner M. X., au titre de son engagement de caution solidaire de la société Établissements X., à payer à la banque CIC Nord-Ouest la somme de 26.422,17 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,25 % à compter du 24 septembre 2013.
Sur la demande de délais de paiement :
Aux termes de l'article 1244-1 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues ; par décision spéciale et motivée, il peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital ; en outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
En l'espèce, l'intimé ne produit pas la moindre pièce justificative afférente à sa situation ni ne formule de proposition concrète d'apurement de sa dette. En conséquence, il sera débouté de sa demande de délais de paiement.
Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive :
Il résulte des articles 1382 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.
En l'espèce, l'appréciation inexacte de la portée de son engagement par la caution qui avait d'ailleurs obtenu gain de cause au premier degré n'a pas dégénéré en abus, et il y a lieu de débouter la société Établissements X. de sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre, et de confirmer en cela les premiers juges.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie condamnée, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En l'espèce, l'intimé sera condamné aux entiers dépens et à payer à l'appelante la somme de 1.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté :
- M. X. de son action en responsabilité intentée à l'encontre de la banque CIC Nord-Ouest pour manquement à son obligation de mise en garde,
- la banque CIC Nord-Ouest de sa demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de M. X. au titre de la résistance abusive.
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare recevable la demande de réduction de la clause pénale formulée par l'intimé.
Déboute M. X. de son action en responsabilité intentée à l'encontre de la banque CIC Nord-Ouest pour rupture du concours bancaire accordé à la société Établissements X.
Déboute M. X. de ses demandes de réduction de la clause pénale et de délais de paiement.
Dit que la caution n'est redevable des intérêts moratoires au taux contractuel de 4,25 % qu'à compter du 24 septembre 2013.
Condamne M. X. à payer à la société Établissements X. au titre de son engagement de caution du prêt souscrit le 5 septembre 2012 par la société Établissements X. à payer à la société Établissements X. la somme de 26.422,17 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,25 % à compter du 24 septembre 2013.
Condamne M. X. aux entiers dépens et à payer à la société Établissements X. la somme de 1.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes non-présentement satisfaites.
Le Greffier Le Président
C. Dutillieux M.A. Prigent