CA MONTPELLIER (2e ch.), 28 mars 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6797
CA MONTPELLIER (2e ch.), 28 mars 2017 : RG n° 14/09466
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En l'espèce la SARL ART, à titre subsidiaire, a présenté en première instance et maintient en cause d'appel, par voie d'appel incident, une demande reconventionnelle de condamnation de la SAS SCT à lui payer une somme de 31.346,75 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement unique allégué des dispositions de l'article L. 442-6 I, 1° et 2° du code de commerce, invoquant notamment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties.
Cette demande ainsi fondée relevait donc de la compétence exclusive d'un tribunal de commerce spécialisé en première instance, en l'occurrence celui de Marseille, et non du tribunal de commerce de Montpellier devant laquelle elle a été présentée à titre reconventionnel. Peu importe en effet, au regard de ces règles particulières de compétence spécialisées, que d'autres demandes aient été aussi présentées devant la juridiction de première instance non spécialisée ni que celle-ci n'ait pas statué sur la demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6-I du code de commerce dans son jugement dont appel.
L'appel incident portant sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée à titre subsidiaire par la SARL ART, sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 1° et 2° du code de commerce, doit donc être déclaré irrecevable devant la cour d'appel de Montpellier, en conséquence ; la présente cour demeure par contre régulièrement saisie de l'appel principal interjeté par la société SCT et les moyens de défense invoqués par la SARL ART, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une disjonction. »
2/ « En toute hypothèse la connaissance et l'acceptation par le souscripteur des tarifs applicables, selon cette clause pré-imprimée, ne se réfère à aucun document particulier et notamment pas à la grille tarifaire produite (pièce n° 33). Dès lors, cette mention doit être interprétée comme se référant au seul document tarifaire dont la remise à la SARL ART n'est pas contestée par les parties, en l'occurrence l'étude comparative des 15 lignes mobiles, susvisées, étant relevé que le contrat du 9 février 2012 ne comporte lui-même aucune mention des tarifs applicables. »
3/ « Mais cette partie d'une des 4 doubles feuilles constituant le contrat des parties, n'est pas signée par la SARL ART et elle ne se trouve pas au verso de l'une des feuilles qu'elle a signée. Elle ne peut donc lui être opposée contractuellement, d'une part. D'autre part le « Bulletin de souscription », signé le 9 février 2012 par la SARL ART, constitue la première des 4 doubles feuilles constituant l'original du contrat produit par la SAS SCT et il apparaît que celui-ci ne comportait en annexe aucune grille tarifaire. Le seul tarif dont il est justifié qu'il était porté à la connaissance de la SARL ART est donc l'étude comparative erronée susvisée ».
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 28 MARS 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/09466. Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 NOVEMBRE 2014, TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : R.G. n° RG 2012023404.
APPELANTE :
SAS SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATION SCT
Représentée par Maître Florian K., avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant, Assisté de Maître LE B., loco Maître K., avocat plaidant
INTIMÉE :
SARL AGENCE RAPID TRANSPORTS
Représentée par Maître Sylvie C., avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 31 janvier 2017
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 FÉVRIER 2017, en audience publique, Monsieur Bruno BERTRAND ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Madame Laure BOURREL, Président de chambre, Madame Brigitte OLIVE, conseiller, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES
ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Madame Laure BOURREL, Président de chambre, et par Madame Sylvia TORRES, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SAS Société Commerciale de Télécommunications (SCT) fournit des services et matériels de télécommunication aux professionnels et commerçants.
Le 19 septembre 2005, la SARL Agence Rapid Transports (ART), entreprise spécialisée dans le transport routier de marchandises, établie à [ville M.], a souscrit un contrat de téléphonie fixe avec la société ACT. Ce premier contrat a été résilié le 22 février 2008.
Un second contrat de téléphonie fixe a été conclu le 17 avril 2008, qui a été résilié le 1er décembre 2009.
Le 9 février 2012, la société ART a conclu un nouveau contrat relatif à la gestion de deux lignes téléphoniques fixes et 15 téléphones mobiles avec la société SCT. Elle a ensuite résilié les deux contrats par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 avril 2012, arguant du bénéfice d'une période d'essai de deux mois convenue dans la convention des parties.
La société ART a payé les 4 factures correspondant aux lignes fixes pour les mois de février à mai 2012 et a réglé partiellement les 3 factures correspondant aux lignes mobiles pour les mois de mars à mai 2012.
Le 30 mai 2012 la SAS SCT a accepté la résiliation des deux lignes téléphoniques fixes mais refusé celle des 15 lignes mobiles, considérant que la faculté de résiliation durant la période d'essai de deux mois ne concernait que les abonnements fixes.
Le 30 juin 2012 la société ART a reçu une facture de la société SCT correspondant à des « services ponctuels divers, frais de résiliation anticipée », d'un montant de 35.176,75 euros TTC, qu'elle a refusé de régler.
Par acte d'huissier délivré à la société ART le 11 décembre 2012, la société SCT l'a assignée devant le tribunal de commerce de Montpellier, aux fins de voir constater la résiliation du contrat d'abonnement téléphonique à ses torts exclusifs, et obtenir sa condamnation à lui payer :
- la somme de 5.364,75 euros au titre des factures impayées,
- la somme de 35.176,75 euros à titre d'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2012.
Devant le tribunal de commerce la société ART, à titre subsidiaire, sollicitait la condamnation reconventionnelle de la société SCT à lui payer une somme de 35.176,75 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 1° et 2° du code de commerce.
Par jugement contradictoire en date du 5 novembre 2014, le tribunal de commerce de Montpellier a notamment :
- prononcé la nullité du contrat pour dol, retenant que la société SCT avait frauduleusement obtenu l'engagement contractuel de la société ART en lui promettant une économie de 54,3 % sur ses dépenses de télécommunications, ce qu'elle n'a pas tenu ensuite,
- débouté la société SCT de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société ART de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la société SCT à payer à la société ART une somme de 1.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Par déclaration d'appel parvenue au greffe de cette cour le 17 décembre 2014, la société SCT a interjeté appel de ce jugement.
L'appelante a conclu en dernier lieu le 13 avril 2016 et l'intimée également, le même jour.
La cour d'appel de Montpellier, dans un arrêt avant dire droit rendu le 21 juin 2016 a notamment :
- ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'examen du dossier à la mise en état,
- enjoint à la société ART de conclure dans les 3 mois du prononcé de cette décision, sur la compétence de la cour d'appel de Montpellier, au visa des dispositions de l'article L. 442-6-III du code de commerce et de l'article D.442-3 du même code, donnant compétence exclusive à la cour d'appel de Paris pour connaître des jugements rendus en application des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,
- enjoint aussi à la société ART de conclure sur l'éventuelle disjonction de l'instance, seule sa demande reconventionnelle étant partiellement fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,
- enjoint à la société SCT de répondre à ces conclusions dans un délai de 3 mois,
- sursis à statuer sur toutes les demandes des parties.
Dans ses dernières conclusions n° 6 transmises au greffe de la cour le 9 novembre 2016, la SAS SCT sollicite notamment, au visa des articles 1134 et suivants du code civil :
- qu'il lui soit donné acte de son rapport à justice sur la compétence de la cour d'appel de Montpellier et l'éventuelle disjonction de l'instance au regard des règles de compétence spéciales prévues par les articles L. 442-6-III et D. 442-3 du code de commerce,
- l'infirmation du jugement entrepris,
- le rejet de toutes les demandes, fins et conclusions de la SARL ART,
- le constat de la validité du contrat du 9 février 2012,
- le constat du défaut de paiement par la société ART des factures des mois de mars à juin 2012,
- le prononcé de la résiliation de ce contrat aux torts exclusifs de la société ART,
- la condamnation de la société ART à lui payer une somme de 5.346,75 euros TTC au titre des factures impayées,
- la condamnation de la société ART à lui payer la somme de 31.215,60 euros TTC à titre d'indemnité de résiliation, avec intérêts au taux légal depuis le 29 octobre 2012,
- la condamnation de la société ART aux dépens, ainsi qu'à lui payer une somme de 4.500,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions n° 7 transmises au greffe de la cour le 8 novembre 2016, la SARL Agence Rapid Transports sollicite notamment :
- que la cour retienne sa compétence pour statuer sur sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts, au motif que le texte de l'article D.442-3 du code de commerce n'est pas applicable en l'espèce, le tribunal de commerce de Montpellier ayant statué sans faire application de l'article L. 442-6 du code de commerce,
- subsidiairement, que la cour d'appel se déclare compétente pour statuer sur les demandes des parties qui ne sont pas fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et ordonne la disjonction entre ces demandes,
- la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité pour dol du contrat d'abonnement téléphonique du 9 février 2012,
- subsidiairement l'annulation du contrat pour erreur sur la substance de l'engagement souscrit, au visa des articles 1108, 1109 et 1110 du code civil,
- plus subsidiairement, l'annulation des clauses de durée et d'indemnité de résiliation, pour dol ou erreur,
- plus subsidiairement, la résolution judiciaire de ce contrat, en application de l'article 1184 du code civil,
- plus subsidiairement, le rejet de la demande de la société SCT, injustifiée en son montant,
- très subsidiairement, la suppression de la clause pénale, manifestement excessive, ou sa fixation à la somme symbolique de 1 euro,
- le rejet de la demande en paiement des factures, injustifiée quant aux postes facturés,
- à titre infiniment subsidiaire, la condamnation à titre reconventionnel, sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6 I, 1° et 2° du code de commerce, de la société SCT à lui payer une somme de 31.346,75 euros à titre de dommages et intérêts,
- la condamnation de la société SCT à lui payer une somme de 3.500,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 janvier 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
SUR LA PROCÉDURE :
Il est de principe, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article D. 442-3 du code de commerce, ainsi que l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt prononcé le 6 septembre 2016 (pourvois n° 14-27085 et 15-15328), que la cour d'appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce et que l'inobservation de ce texte est sanctionnée par une fin de non-recevoir.
Peu importe à cet égard que la demande en paiement de dommages et intérêts présentée en première instance par une des parties ait été fondée indistinctement sur les articles 1134 et 1184 du code civil avec l'article L. 442-6-I, 5° du code de commerce.
En l'espèce la SARL ART, à titre subsidiaire, a présenté en première instance et maintient en cause d'appel, par voie d'appel incident, une demande reconventionnelle de condamnation de la SAS SCT à lui payer une somme de 31.346,75 euros à titre de dommages et intérêts, sur le fondement unique allégué des dispositions de l'article L. 442-6-I, 1° et 2° du code de commerce, invoquant notamment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations respectifs des parties.
Cette demande ainsi fondée relevait donc de la compétence exclusive d'un tribunal de commerce spécialisé en première instance, en l'occurrence celui de Marseille, et non du tribunal de commerce de Montpellier devant laquelle elle a été présentée à titre reconventionnel. Peu importe en effet, au regard de ces règles particulières de compétence spécialisées, que d'autres demandes aient été aussi présentées devant la juridiction de première instance non spécialisée ni que celle-ci n'ait pas statué sur la demande fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6-I du code de commerce dans son jugement dont appel.
L'appel incident portant sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée à titre subsidiaire par la SARL ART, sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 1° et 2° du code de commerce, doit donc être déclaré irrecevable devant la cour d'appel de Montpellier, en conséquence ; la présente cour demeure par contre régulièrement saisie de l'appel principal interjeté par la société SCT et les moyens de défense invoqués par la SARL ART, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une disjonction.
SUR LA NULLITÉ ALLÉGUÉE DU CONTRAT DU 9 FÉVRIER 2012 :
Sur la nullité pour dol ou subsidiairement, pour erreur sur la substance :
La SARL ART fait valoir à l'appui de ses prétentions que :
- elle a été démarchée par une commerciale de la société SCT, qui promettait des économies de 54,40 %, soit une somme de 7.974,28 euros par an pour elle, par rapport aux offres des opérateurs concurrents (Bouygues et Orange), concernant les 15 lignes mobiles, outre deux lignes de téléphone fixe,
- elle n'a accepté de signer le contrat, le 9 février 2012, que parce que la commerciale lui avait aussi certifié qu'elle bénéficierait d'une période d'essai de deux mois,
- le seul tarif dont elle a eu connaissance le jour de la signature du contrat est celui qui était porté sur l'étude comparative lui ayant été remise,
- le double exemplaire du contrat signé, sur les 4 premières feuilles seulement, ne lui a pas été remis ce jour-là mais plusieurs jours après seulement, par courrier reçu le 27 février 2012,
- alors qu'on lui avait promis 5.460 minutes de communication au prix de 572,60 euros HT, la première facture reçue était de 3.087,45 euros HT pour seulement 3.688 minutes,
- les feuillets signés de ce contrat ne permettaient pas de connaître la durée du contrat, qui est de 4 ans, ni les conditions de sa résiliation,
- elle n'a pu, le 9 février 2012, prendre connaissance des conditions générales et particulières, notamment de la clause 18-2 relative à la résiliation anticipée,
- la société SCT a manqué à son obligation de fournir une prestation pour un montant substantiellement inférieur,
- elle a aussi manqué à son obligation de fournir un service de qualité.
La SAS SCT répond notamment que :
- le contrat du 9 février 2012 n'est pas affecté par un dol,
- l'économie annoncée dans le contrat concernant l'offre de téléphonie mobile, qui ressort des forfaits et options indiqués dans le tableau comparatif et dans la grille tarifaire remis au client, a été respectée,
- la société ART a été facturée à ce montant parce qu'elle dépassait la durée des forfaits initialement souscrits,
- ni le contrat, ni le tableau comparatif ne font état d'une « data » illimitée, il ne s'agit donc pas d'un forfait illimité mais de forfaits ajustables,
- il n'y a pas d'erreur sur la durée de l'engagement,
- la première page du bulletin de souscription, dans la partie relative aux observations complémentaires, mentionne que la période d'essai est exclue pour le service mobile,
- les conditions générales et particulières du contrat, rédigées au verso des bulletins de souscription, sont lisibles,
- le prix correspondant à la prestation avait été communiqué avant le jour de conclusion du contrat, dans la grille tarifaire, conformément à l'article 16 des conditions particulières,
- les dispositions contractuelles sont donc bien opposables à la société ART.
[*]
Il résulte des dispositions de l'article 1116 du code civil, en vigueur à la date de conclusion du contrat litigieux, que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Concernant la demande subsidiaire, l'article 1110 du code civil, dans sa version alors en vigueur, disposait que l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Dans son jugement déféré, dont la confirmation est demandée par la SARL ART, le tribunal de commerce de Montpellier avait considéré que deux manœuvres frauduleuses étaient imputables à la SAS SCT, qui constituaient un dol justifiant l'annulation du contrat d'abonnement téléphonique du 9 février 2012 :
- la remise d'une offre commerciale, d'étude comparative, promettant sans réserves une économie de 54,3 % sur le coût des télécommunications supporté à cette date par la société Agence Rapid Transports, laquelle baisse de coût ne s'était pas vérifiée lors des premières factures adressées,
- le défaut de remise de l'exemplaire du contrat d'abonnement lui étant destiné à la date de sa signature, le 9 février 2012, qui l'avait empêchée de lire l'intégralité de cette convention, jusqu'à ce qu'il lui soit adressé le 27 février 2012, considérant que si la SA ART avait pu le lire elle n'aurait pas contracté.
Le second motif d'annulation pour dol est mal fondé et doit être écarté. En effet, le défaut de remise immédiate à la SARL ART de son exemplaire du contrat signé par elle le 9 février 2012, dans l'attente de sa signature par la SAS SCT le 27 février suivant, n'a pas pu vicier son consentement, qui était déjà donné à ce moment.
Il ressort de l'étude comparative entre la consommation de la société ART au titre de ses 12 lignes mobiles facturées par la société Bouygues au prix global de 914.50 euros HT pour 3.100 minutes et au titre de ses 3 lignes mobiles facturées par la société Orange au prix global de 314,29 euros HT pour 1.200 minutes, et la proposition de 15 lignes mobiles par la société SCT, que celle-ci proposait 15 forfaits pour un total de 5.460 minutes pour 572,60 euros HT, soit un gain calculé de 53,40 % aboutissant à une économie de 7.874,28 euros par an.
Or il s'avère que cette étude, portant l'en-tête de la société SCT Télécom et rédigée au nom de Mme B., dont il n'est pas contesté qu'elle était mandatée en qualité de commerciale par cette société (pièce n°1), est erronée. Le cumul des forfaits proposés était en réalité de 4.080 minutes et non de 5.460 minutes, en raison d'une erreur concernant le forfait de 3 h 00 indiqué pour un coût de 51,40 euros HT et 1.800 minutes, alors que ce forfait n'offrait que 180 minutes (3 x 60 minutes) et que le forfait de 1.800 minutes, également offert par ailleurs, était facturé, lui, à la somme de 277,00 euros HT.
Dès lors, le coût exact de la proposition de la société SCT était de (572,60 euros - 51, 40 euros + 277,00 euros) = 798,20 euros et le gain sur la facture par rapport au prix payé alors par la société ART aux opérateurs Bouygues et Orange, qui était de 1.228,79 euros pour 4.300 minutes, était ramené à 35 % au lieu de 53,40 %, et ce pour un nombre de minutes d'appels téléphoniques inférieur de 5 %. à la situation du moment.
En conséquence, l'économie annuelle promise, passait de 7.874,28 euros HT à 5.167,098 euros HT, avec, en outre, une diminution du nombre de minutes d'appels de 2.640 par an, alors que la proposition susvisée comportait, au contraire, une hausse prévue du nombre de minutes d'appel incluses dans les forfaits de (5.460 ' 4.300) = 1.160 minutes x 12 mois = 13.920 minutes, globalement.
D'autre part, le contrat de service de téléphonie mobile signé le 9 février 2012 par la société ART mais seulement le 27 février 2012 par la société SCT, n'indiquait aucun tarif de communication pour chacun des forfaits souscrits, pas plus qu'il n'indiquait le coût des deux abonnements téléphoniques fixes souscrits dans le même contrat (pièce n°2).
La lecture de ce contrat ne permettait donc pas à la SA ART de s'apercevoir du caractère erroné de la proposition qui lui avait été faite ; en outre il a aussi été modifié, les parties remplaçant un forfait de 15 h 00 par un forfait de 10 h 00, mais sans indiquer le coût de ce dernier (téléphone n° 06.78.41.75.33), qui ne figurait pas comme tel non plus dans l'étude comparative remise à la cliente.
La société SCT soutient, sans en rapporter la preuve, qu'il a été remis à la SARL ART, à la date de conclusion du contrat, une grille tarifaire qu'elle verse aux débats (pièce n°33) mais que la société ART conteste avoir reçue (page 7 de ses conclusions).
Le jour de la signature du contrat, pour la SAS SCT est le 27 février 2012, date à laquelle elle a apposée sa signature sur le contrat, alors que le consentement de la SARL ART avait été donné le 9 février 2012, et les deux exemplaires du contrat adressés, pour leur signature, à la société SCT. Il n'est donc nullement établi que la grille tarifaire avait été remise le 9 février 2012, lorsqu'elle a donné son consentement dont elle argue qu'il était vicié, à la SARL ART, plutôt que le 27 février 2012, lors du retour de l'exemplaire signé du contrat par la société SCT.
La société SCT invoque aussi la présence, au recto d'une page du contrat du 9 février 2012, relative à la téléphonie mobile d'une clause pré-imprimée figurant dans le rubrique intitulée « Mandat de gestion de la portabilité de numéros mobiles », ainsi rédigée notamment :
« Le Client déclare avoir pris connaissance et accepter les conditions générales et particulières relatives au service figurant au verso du présent contrat et les tarifs applicables ».
Elle soutient que la signature de cette feuille par le représentant légal de la SARL ART le 9 février 2012 atteste de la connaissance qu'il avait de ces informations.
Mais il s'avère qu'au verso de cette feuille, dans le contrat original produit, ne figure aucune mention, celle-ci étant vierge, d'une part ; tandis que les conditions générales des services figurent dans une double page distincte, le contrat étant composé de 4 doubles pages non reliées entre elles et les conditions générales et particulières figurant toutes sur les feuilles ainsi situées en fin de contrat, non signées à cet endroit par le souscripteur. Il ne peut donc être considéré que le signataire de cette mention avait pu effectivement prendre connaissance, sur la feuille signée de conditions générales censées se trouver au verso, contrairement à ce qu'indique la clause.
En toute hypothèse la connaissance et l'acceptation par le souscripteur des tarifs applicables, selon cette clause pré-imprimée, ne se réfère à aucun document particulier et notamment pas à la grille tarifaire produite (pièce n° 33). Dès lors, cette mention doit être interprétée comme se référant au seul document tarifaire dont la remise à la SARL ART n'est pas contestée par les parties, en l'occurrence l'étude comparative des 15 lignes mobiles, susvisées, étant relevé que le contrat du 9 février 2012 ne comporte lui-même aucune mention des tarifs applicables.
La SAS SCT invoque ensuite une des clauses des conditions particulières des service de téléphonie mobile (article 16 ' Dispositions financières), figurant en très petits caractères d'imprimerie au sein des 8 feuilles dactylographiées en fin de contrat, ainsi rédigée notamment :
« Le prix du service et des services optionnels souscrits est défini dans la grille tarifaire annexée au Bulletin de souscription et remise au Client lors de la souscription du service de téléphonie mobile. Le client reconnaît en avoir reçu une copie et accepter ces tarifs. »
Mais cette partie d'une des 4 doubles feuilles constituant le contrat des parties, n'est pas signée par la SARL ART et elle ne se trouve pas au verso de l'une des feuilles qu'elle a signée. Elle ne peut donc lui être opposée contractuellement, d'une part.
D'autre part le « Bulletin de souscription », signé le 9 février 2012 par la SARL ART, constitue la première des 4 doubles feuilles constituant l'original du contrat produit par la SAS SCT et il apparaît que celui-ci ne comportait en annexe aucune grille tarifaire.
Le seul tarif dont il est justifié qu'il était porté à la connaissance de la SARL ART est donc l'étude comparative erronée susvisée.
En conséquence la facturation de la SAS SCT ne correspondait nécessairement pas à l'étude comparative, erronée, remise à la SARL ART et qui a servi de base tarifaire à la convention signée par elle le 9 février 2012, au détriment de cette dernière, pour un montant important.
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que le consentement de la SARL ART a été vicié par la communication d'informations inexactes sur le coût réel des abonnements téléphoniques mobiles souscrits dans le contrat signé par elle le 9 février 2012 ; mais la preuve de l'intention dolosive de la société SCT n'est cependant pas rapportée en l'espèce.
Celle-ci a manifestement commis une erreur dans le calcul de la proposition d'abonnement, en comptabilisant 1.800 minutes au lieu de 180 minutes, et s'est ensuite montrée gravement négligente dans l'élaboration du contrat, faute d'y indiquer le coût des divers forfaits souscrits et des options éventuelles modifiant le seul prix porté à la connaissance de sa cliente, sans qu'il puisse en être déduit toutefois un comportement volontairement dolosif de sa part.
Par contre, l'ensemble de ces indications erronées portaient ainsi sur les qualités substantielles de la prestation de service offerte, en l'espèce le coût forfaitaire d'abonnement par rapport aux abonnements alors détenus par la société ART, motif déterminant de sa décision de changer d'opérateur téléphonique. En effet, la formulation de l'étude comparative est très claire quant à l'aspect essentiel du tarif dans l'obtention du consentement de la société ART, alors que cela entraînait en outre pour elle des conséquences matérielles et financières supplémentaires en sa défaveur : 30 euros HT par ligne mobile transférée selon la facture du 31 mars 2012, soit une dépense supplémentaire de 450 euros HT au total.
Ceci caractérise donc une erreur provoquée par la société SCT, qui n'apparaît pas inexcusable à l'égard de la SARL ART, et qui portant sur la substance de la convention, justifie son annulation, en application de l'article 1110 du code civil.
Il convient donc de confirmer, par ces motifs substitués, le jugement déféré, ayant prononcé l'annulation de la convention du 9 février 2012, portant sur la souscription des 15 abonnements mobiles.
Il y a lieu de relever à cet égard que les deux abonnements téléphoniques fixes également souscrits à la même date avaient été résiliés à l'amiable entre les parties ainsi qu'il résulte de l'échange de correspondances en date des 6 avril (pièce n° 7) et 30 mai 2012 (pièce n° 14) mais qu'ils constituaient un même ensemble contractuel avec les abonnements aux 15 lignes mobiles et sont donc annulés avec ceux-ci.
SUR LES DEMANDES PRINCIPALES EN PAIEMENT DE LA SAS SCT :
La SAS SCT soutient notamment que :
- la société ART, qui a résilié le service de téléphonie fixe le 4 avril 2012, devait faire reprendre ses lignes fixes par l'opérateur de son choix, ce qu'elle n'a fait que le 2 mai 2012 et le 5 juin 2012 ; elle est donc tenue, en application de l'article 13.2 des conditions particulières, de lui payer la somme de 100,00 euros, sollicitée au titre de la désactivation de la suspension du service,
- elle n'a commis aucune faute dans l'établissement de ses factures, dont elle sollicite le paiement, ainsi que de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée, opposable à la SARL ACT, à hauteur de la somme totale de 5.346,75 euros TTC.
La SARL ART lui répond notamment que :
- la somme de 137,17 euros sollicitée au titre de l'abonnement fixe (facture n°2012.06.000859), pour le mois de juin 2012, n'est pas due, le contrat ayant été résilié depuis le 4 avril 2012,
- en ce qui concerne les factures de téléphonie mobile émises le 31 mars 2012 (3.692,59 euros), le 30 avril 2012 (1.675,19 euros) et le 31 mai 2012 (658,65 euros), seule une somme de 816,85 euros était due, qu'elle a déjà réglée, le surplus correspondant à des sommes non identifiables, qui ne sont pas dues,
- l'indemnité de résiliation anticipée constitue une clause pénale manifestement excessive et avait été faussement calculée dans l'assignation introductive d'instance, qui doit être réduite.
Compte-tenu de l'annulation du contrat souscrit les 9 et 27 février 2012, toutes les demandes en paiement de la société SCT fondées sur l'application de ce contrat doivent être rejetées et le jugement confirmé de ces chefs, en l'absence de toute demande des parties au titre des conséquences juridiques à tirer de l'annulation prononcée.
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :
Il y a lieu de confirmer aussi le jugement en ce qu'il a décidé d'allouer à la SARL ART la somme de 1.500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile que devra lui payer la SAS SCT, condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu les articles 4, 5, 6, 9, 12, 16 et 125 du code de procédure civile,
Vu les articles 1109, 1110, 1116, 1134 et 1315 du code civil,
Vu les articles L.110-3, L. 442-6 et D.442-3 du code de commerce,
- Déclare irrecevable l'appel incident portant sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée à titre subsidiaire par la SARL Agence Rapid Transports, sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 1° et 2° du code de commerce,
- Confirme, par substitution de motifs, le jugement du tribunal de commerce de Montpellier prononcé le 5 novembre 2014, en ce qu'il a prononcé l'annulation de la convention des parties signée les 9 et 27 février 2012, mais pour erreur sur la substance et non pour dol,
- Le confirme aussi en ce qu'il a rejeté les demandes de la SAS Société Commerciale de Télécommunication en paiement d'une indemnité contractuelle de résiliation de cette convention à hauteur de la somme de 31.215,60 euros TTC, ainsi que des factures impayées à hauteur de la somme de 5.346,75 euros TTC, résultant de l'application du contrat annulé,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Condamne la SAS Société Commerciale de Télécommunication aux dépens d'appel,
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Ainsi prononcé et jugé à Montpellier le 28 mars 2017.
Le greffier, Le président,
B.B.