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CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 6 avril 2017

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 6 avril 2017
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 16/00418
Date : 6/04/2017
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/01/2016
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2017-006702
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6803

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 6 avril 2017 : RG n° 16/00418 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Les dispositions relatives aux courtes prescriptions sont de droit étroit et ne peuvent être étendues à des cas qu'elles ne visent pas expressément. Aux termes des dispositions de l'article L. 34-2 du code des postes et des communications électroniques, la prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-1 du même code pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement. La prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité. L'article L. 32, 6 du même code, définit un « services de communications électroniques » comme « les prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques ».

Il résulte de l'articulation de ces dispositions que la prescription annale stipulée par le législateur au bénéfice de l'usager pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur s'applique non seulement au prix de l'abonnement mais également aux frais de résiliation, lesquels sont bien dus par l'usager à l'opérateur en contrepartie des services de communications électroniques. »

2/ « En l'espèce, la SCT ne conteste pas avoir fourni des communications électroniques à la SARL Midi Gascogne aux termes du contrat conclu le 10 avril 2012. L'usager a résilié ce contrat par courrier du 28 octobre 2013 et aux termes d'un courrier en date du 30 octobre 2013, la SCT a vainement demandé à la SARL Midi Gascogne le paiement de l'indemnité de résiliation anticipée. Cette somme étant bien due en paiement des prestations de communications électroniques, l'opérateur disposait d'un délai d'une année à compter de la résiliation pour agir en justice. Or, la société SCT a assigné au fond la SARL Midi Gascogne par acte en date du 25 novembre 2014, soit après l'acquisition du délai de prescription. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 6 AVRIL 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/00418. Jugement (R.G. n° 2014003859) rendu le 21 octobre 2015, par le tribunal de commerce de Douai.

 

APPELANTE :

SAS société commerciale de télécommunication (SCT)

prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Guilhem d'H., avocat au barreau de Lille

 

INTIMÉE :

SARL Midi Gascogne

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Isabelle C., avocat au barreau de Douai, assistée de Maître B. Z., avocat au barreau de

 

DÉBATS à l'audience publique du 04 janvier 2017 tenue par Marie-Annick Prigent magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-Marie Hainaut

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Marie-Annick Prigent, président de chambre, Elisabeth Vercruysse, conseiller, Marie-Laure Aldigé, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 avril 2017 après prorogation du délibéré initialement prévu le 9 mars 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président et Clara Dutillieux, greffier en chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 décembre 2016

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La société commerciale de télécommunication (ci-après la SCT) qui a pour objet la fourniture de services téléphoniques, a conclu avec la SARL Midi Gascogne le 14 février 2012 un contrat portant sur des prestations de téléphonie, avec une période d'essai de 2 mois, lequel a été résilié par l'usager par courrier du 2 avril 2012. Les parties ont conclu un nouveau contrat le 10 avril 2012 que l'usager a résilié par courrier du 28 octobre 2013.

Par courrier en date du 30 octobre 2013, la SCT a vainement demandé à la SARL Midi Gascogne le paiement d'indemnités au titre de la résiliation anticipée.

Par acte d'huissier en date du 25 novembre 2014, la SCT assigné la SARL Midi Gascogne devant le tribunal de commerce de Douai, lequel a, par jugement contradictoire en date du 21 octobre 2015 :

- débouté la SARL Midi Gascogne de sa fin de non-recevoir relative à la prescription de l'action ;

- dit que le code de la consommation ne s'applique pas au présent litige ;

- dit que la résiliation du contrat est faite à l'initiative de la SARL Midi Gascogne à ses torts exclusifs ;

- condamné la SARL Midi Gascogne à payer à la SCT la somme de 2.200 euros hors taxes au titre de l'indemnité de résiliation augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation ;

- condamné la SARL Midi Gascogne à payer à la SCT la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SARL Midi Gascogne aux dépens.

La SCT a interjeté appel de ce jugement le 22 janvier 2016, limitant son appel à la seule réduction de l'indemnité de résiliation anticipée à laquelle la SARL Midi Gascogne a été condamnée.

 

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 30 juin 2016, la SCT demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, de :

- confirmer le jugement du 21 octobre 2015 en ce qu'il a :

* débouté la SARL Midi Gascogne de sa fin de non-recevoir relative à la prescription de l'action ;

* dit que le code de la consommation ne s'applique pas au présent litige ;

* dit que la résiliation du contrat est faite à l'initiative de la SARL Midi Gascogne à ses torts exclusifs ;

* condamné la SARL Midi Gascogne à payer à la SCT la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réformer le jugement du 21 octobre 2015 en ce qu'il a débouté la SCT du surplus de sa demande au titre de l'indemnité de résiliation et :

* condamner la SARL Midi Gascogne au paiement de la somme de 22.503,82 euros en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du jour de la signification de la présente assignation ;

* condamner la SARL Midi Gascogne au paiement de la somme de 3.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamner la SARL Midi Gascogne aux entiers dépens.

 

Aux termes de ses conclusions d'appel récapitulatives signifiées par voie électronique le 20 mai 2016, la SARL Midi Gascogne demande à la cour, au visa des articles 1134, 1152, 1157, 1162, 1164 du code civil, L.34-2 du code des postes et télécommunication, 122 du code de procédure civile ; L. 132-1 du code de la consommation, d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et :

In limine litis, déclarer irrecevable, comme étant prescrite, l'action de la SCT contre la SARL Midi Gascogne ;

Sur le fond :

- juger que la résiliation en date du 2 avril 2012 est parfaitement valable ;

- juger que la résiliation du 28 octobre 2013 est parfaitement valable ;

- juger que les dispositions du code de la consommation et spécialement l'article L. 132 s'appliquent au cas d'espèce ;

- débouter la SCT de l'intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Douai du 21 octobre 2015 en ce qu'il a jugé que le montant de l'indemnité contractuelle de résiliation d'un montant de 22.503,82 euros TTC constitue une clause pénale excessive ;

- réformer le jugement pour le surplus ;

- réduire le montant de cette indemnité à la somme à la somme de 500 euros ;

- débouter la SCT de l'intégralité de ses demandes contraires ou plus amples.

A titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Douai du 21 octobre 2015 en ce qu'il a réduit le montant de l'indemnité contractuelle de résiliation à la somme de 2.200 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation ;

- réformer le jugement pour le surplus ;

- débouter la SCT de l'intégralité de ses demandes contraires ou plus amples.

En toutes hypothèses,

- condamner la SCT à la somme de 2 .500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

- condamner la SCT aux entiers dépens de première instance et d'appel.

 

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux dernières écritures des parties.

Pour la clarté des débats, il sera seulement indiqué que la SCT fait essentiellement valoir que :

- son action n'est pas prescrite dans la mesure où la courte prescription de l'article L. 34-2 du code des postes et télécommunication n'a pas vocation à s'appliquer à une demande en paiement d'une indemnité de résiliation dès lors que les textes spéciaux, d'interprétation stricte, ne sauraient être étendue à des situations voisines qui n'y sont pas expressément incluses, que les indemnités de résiliation ne peuvent être assimilées à une fourniture de communications électroniques au sens de ce texte du seul fait qu'elles découlent d'un contrat portant sur la fourniture de communications électroniques, qu'aucune dispositions du code des postes et des télécommunication ne consacre de principe d'unité des prescriptions découlant d'un même contrat ;

- la SARL Midi Gascogne étant une société commerciale, les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation ne s'appliquent pas ; et son consentement à l'ensemble des conditions générales a été pleinement donné par sa signature du bulletin de souscription aux termes duquel elle a reconnu avoir pris connaissance des conditions générales et particulières de vente ;

- elle pouvait se prévaloir des dispositions des conditions générales relatives au paiement d'une indemnité de résiliation en cas de résiliation anticipée par l'usager n'intervenant pas dans un délai de préavis de 15 jours avant la fin de la période d'essai ; qu'en effet le principe prévoyant que les règles spéciales dérogent aux règles générales ne vaut que lorsqu'une règle spéciale déroge à une règle générale, que la seule mention aux conditions particulières d'une période d'essai de deux mois n'est pas constitutive d'une règle spéciale pour le préavis durant la période d'essai ; que c'est dans ce contexte qu'il faut analyser la portée de la mention « annulation des frais de résiliation » sur le second contrat laquelle concernait nécessairement sa renonciation à se prévaloir des frais de résiliation dus au titre du premier contrat ;

- l'indemnité de résiliation correspond à une clause de dédit et non à une clause pénale.

 

Pour sa part, la SARL Midi Gascogne soutient essentiellement que :

- l'action de la SCT est prescrite car l'assignation a été délivrée en dehors du délai prévu par l'article L. 34-2 du code des postes et des télécommunication, cette courte prescription ayant vocation à s'appliquer aux frais de résiliation réclamés par le prestataire de service au regard de la définition des prestations de communication électroniques par l'article L. 32-6° du même code et du principe général de droit selon lequel les actions dérivant d'un même contrat obéissent au même délai de prescription ;

- elle ne devait aucun frais de résiliation pour la résiliation du premier contrat intervenue pendant le délai de 2 mois de la période d'essai stipulé aux conditions particulières sans délai de préavis alors que les conditions particulières d'un contrat prévalent sur les conditions générales, ce dont il s'évince que la mention « annulation des frais de résiliation » sur le second contrat concerne ce dernier contrat de sorte que la SCT ne peut lui réclamer aucun frais à ce titre ;

- subsidiairement, le tribunal de commerce a justement qualifié de clause pénale la clause afférente aux frais de résiliation anticipée ;

- les personnes morales ne sont pas exclues de la protection que le code de la consommation accorde aux consommateurs ainsi qu'aux non professionnels contre les clauses abusives, et un contractant peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code susvisé lorsque le contrat conclu n'a pas un rapport direct avec son activité professionnelle.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur la fin de non-recevoir résultant de la prescription de l'action :

L'article 122 du code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Les dispositions relatives aux courtes prescriptions sont de droit étroit et ne peuvent être étendues à des cas qu'elles ne visent pas expressément.

Aux termes des dispositions de l'article L. 34-2 du code des postes et des communications électroniques, la prescription est acquise, au profit des opérateurs mentionnés à l'article L. 33-1 du même code pour toutes demandes en restitution du prix de leurs prestations de communications électroniques présentées après un délai d'un an à compter du jour du paiement. La prescription est acquise, au profit de l'usager, pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur appartenant aux catégories visées au précédent alinéa lorsque celui-ci ne les a pas réclamées dans un délai d'un an courant à compter de la date de leur exigibilité.

L'article L. 32, 6 du même code, définit un « services de communications électroniques » comme « les prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques ».

Il résulte de l'articulation de ces dispositions que la prescription annale stipulée par le législateur au bénéfice de l'usager pour les sommes dues en paiement des prestations de communications électroniques d'un opérateur s'applique non seulement au prix de l'abonnement mais également aux frais de résiliation, lesquels sont bien dus par l'usager à l'opérateur en contrepartie des services de communications électroniques.

 

Sur ce :

En l'espèce, la SCT ne conteste pas avoir fourni des communications électroniques à la SARL Midi Gascogne aux termes du contrat conclu le 10 avril 2012. L'usager a résilié ce contrat par courrier du 28 octobre 2013 et aux termes d'un courrier en date du 30 octobre 2013, la SCT a vainement demandé à la SARL Midi Gascogne le paiement de l'indemnité de résiliation anticipée.

Cette somme étant bien due en paiement des prestations de communications électroniques, l'opérateur disposait d'un délai d'une année à compter de la résiliation pour agir en justice. Or, la société SCT a assigné au fond la SARL Midi Gascogne par acte en date du 25 novembre 2014, soit après l'acquisition du délai de prescription.

En conséquence, elle est forclose en son action en paiement, et le jugement déféré sera infirmé de ce chef, et en conséquence, en l'intégralité de ses dispositions.

Il sera ainsi fait droit à la demande de l'intimée tendant à voir déclarer l'appelante irrecevable en son action en paiement diligentée à son encontre.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l'équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l'autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, la SCT, partie perdante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à la SARL Midi Gascogne la somme de 2.500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré en l'ensemble de ces dispositions ;

Statuant à nouveau :

Déclare irrecevable la SCT en son action en paiement exercée à l'encontre de la SARL Midi Gascogne au titre des frais de résiliation du contrat de service de téléphonie en date du 10 avril 2012.

Condamne la société SCT aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à la SARL Midi Gascogne la somme de 2.500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

Le Greffier                Le Président

C. Dutillieux              M.A. Prigent