CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 4 mai 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6830
CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. B), 4 mai 2017 : RG n° 15/10269 ; arrêt n° 2017/109
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Il doit d’abord être rappelé que la stipulation d’une obligation en monnaie étrangère est licite dès lors qu’elle est prévue, non comme instrument de paiement, mais comme unité de compte et que s’agissant d’un contrat de droit interne, elle doit être en relation directe avec l’activité de l’un des cocontractants. En l’espèce Jyske Bank ayant la qualité de banquier, la clause, en relation directe avec son activité, est valide.
Les actes notariés précisent que les prêts sont consentis pour des montants respectifs de 520.000 et 34.000 euros « ou l’équivalent à la date de tirage du prêt, dans l’une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais ». L’expression « principales devises européennes » ne peut être cantonnée aux pays de la zone euros ou aux pays de l’Union Européenne, les parties ayant manifestement choisi d’ouvrir une large possibilité de choix de la monnaie de compte en y intégrant le Dollar américain et le Yen Japonais. La Suisse est un pays européen, d’ailleurs membre d’instances comme le Conseil de l’Europe et compte tenu du poids du francs suisse dans les échanges monétaires internationaux, il ne peut être sérieusement dénié que le CHF constitue l’une des principales devises européennes. […]
Le choix de la devise CHF ne constitue donc pas une faute contractuelle, mais la stricte application, par les emprunteurs, auxquels seuls ce choix appartenait, des dispositions conventionnelles des contrats de prêt. »
2/ « En l’espèce, la conversion, qui n’est qu’une faculté pour la banque, est soumise à un seuil de déclenchement qui échappe à sa volonté et vise à la prémunir du risque d’augmentation du montant en capital du prêt en cas d’appréciation de la monnaie de compte choisie par les emprunteurs, ce qui diminuerait mécaniquement l’effet de son hypothèque inscrite sur le bien immobilier des emprunteurs pour une valeur en euros. Elle constitue ainsi une modalité de gestion du risque bancaire corrélatif à la diminution des garanties prises dont la valeur est exprimée dans une autre devise que celle choisie par le client.
Elle ne crée donc aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, étant observé qu’à la lecture des relevés (roll-over) les emprunteurs disposaient eux aussi de cette faculté de conversion, sans même que leur soit imposé un seuil de déclenchement. »
3/ « Il est incontestable en revanche que Jyske Bank n’a pas procédé à la conversion du prêt conformément aux dispositions contractuelles puisque la conversion n’a pas été effectuée en Livres Sterling mais en euros le 9 août 2011, sans que les époux X. aient donné leur accord à cette modification de leur contrat de prêt.
Il est exact qu’à la suite de mouvements importants des marchés financiers, elle a avisé les appelants dès le 13 janvier 2011 (pièce 5 de l’intimée) des risques que l’appréciation du CHF faisait peser sur le montant de leur prêt, les informait qu’elle procéderait à la conversion dès que le taux de change dépasserait un certain seuil et que cette conversion s’effectuerait en euros. Cependant, le défaut de réponse des époux X. ne peut s’analyser en un acquiescement à une modification substantielle de leur contrat, s’agissant de la monnaie de compte de leur prêt.
La conversion opérée le 9 août 2011, en violation des dispositions de l’article 11 précité est par conséquent fautive et les justifications données par l’intimée relatives au fait que les garanties fournies par les époux X. portent sur des biens en euros et que le choix de l’euro est plus favorable aux emprunteurs sont sans portée. Faute d’avoir exercé la faculté de conversion dans les conditions du prêt, la conversion opérée le 9 août 2011 est sans effet et le prêt doit être réputé s’être poursuivi dans la monnaie de compte initiale, choisie par les époux X., soit le franc suisse, comme l’a exactement décidé le premier juge et comme le souhaitaient les époux X. dans leur mise en demeure du 20 octobre 2011.
Cette seule faute contractuelle n’est pas suffisamment grave pour que soit prononcée la résolution judiciaire des contrats de prêts, ceux-ci pouvant se poursuivre dans les conditions initiales. Le jugement doit être confirmé sur ce point. Les époux X. qui seront replacés dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés si la conversion litigieuse n’avait pas été opérée, ne justifient pas d’un préjudice distinct. »
4/ « Les appelants soutiennent enfin que le taux effectif global n’est pas mentionné de manière claire puisqu’il n’est fait aucune référence au taux Libor, à sa définition et sa détermination. Or en l’espèce, l’offre de prêt n° 1 précise que le taux du prêt est variable et constitué du Libor + 1,5 points (soit à la date de l’offre 3,65 %), le taux étant révisable à l’issue de chacune des périodes de remboursement en fonction du taux Libor applicable à la date du terme de la période concernée. Le Libor étant un taux public du marché monétaire des devises, il n’a besoin d’aucune définition particulière.
Pour le second prêt, le taux variable est celui de Jyske Bank Funding Rate + 1,5 points, le taux Jyske Bank Funding Rate étant le taux de financement permettant à la banque d’obtenir un montant identique au prêt, dans la monnaie du prêt, pour la durée du prêt, sur les marchés interbancaires deux jours ouvrables avant le premier jour de la période au cours de laquelle courent les intérêts. Ce taux est donc parfaitement défini et déterminé ou déterminable à chacune des périodes considérées.
Pour chacun de ces deux prêts, le taux effectif global à la date de l’offre est précisé, ce taux devant naturellement évoluer s’agissant d’un prêt à taux variable, licite.Aucune déchéance du droit aux intérêts n’est donc encourue ».
5/ « En effet, l’établissement de crédit, tenu de ne pas s’immiscer dans les affaires de son client, n’est tenu d’aucune obligation de conseil et la souscription de ces deux prêts multidevises ne constitue pas un produit spéculatif mettant à la charge de l’établissement de crédit un devoir de mise en garde particulier. En effet, l’emprunteur raisonnablement diligent est à même de comprendre qu’un emprunt dont la monnaie de compte est en devise étrangère, est nécessairement soumis aux aléas des variations du taux de change. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
HUITIÈME CHAMBRE B
ARRÊT DU4 MAI 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/10269. Arrêt n° 2017/109. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 18 mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/01433.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représenté par Maître Nicolas B., avocat au barreau de NICE, assisté de Maître David S., avocat au barreau de NICE, substituant Maître B.
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représentée par Maître Nicolas B., avocat au barreau de NICE, assistée de Maître David S., avocat au barreau de NICE, substituant Maître B.
INTIMÉE :
Société JYSKE BANK A/S
prise en la personne de son directeur général, dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Isabelle F. de la SELARL L. F. & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Aurélie B., avocat au barreau de PARIS substituant Maître Dominique T. de la SCP B. & MC K., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 28 février 2017 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Mme DUBOIS, conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de : Madame Valérie GERARD, Président de chambre : Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller, Madame Anne DUBOIS, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 4 mai 2017
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 mai 2017, Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
À la suite d’une offre émise le 30 juin 2004, acceptée le 29 juillet 2004, la SA Jyske Bank A/S (Jyske Bank) a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X., par acte notarié du 19 novembre 2004, un prêt multi-devises (prêt n° 1) d’un montant en capital de 520.000 euros ou « l’équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l’une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais », avec un taux variable correspondant à celui de Jyske Bank Funding Rate + 1,50 % (soit à la date de l’offre un total de 3,65 %) remboursable en 80 trimestrialités de 6.500 euros.
Le montant du prêt a été versé en francs suisses (CHF) le 16 novembre 2004.
Selon offre du 21 février 2007, acceptée le 19 mars 2007, les conditions de remboursement du prêt n° 1 ont été modifiées en ce que le remboursement du capital a été suspendu pour les dix années à venir, soit de mai 2007 à avril 2017, seuls les intérêts étant remboursés, et qu’à l’issue de ce délai de dix années le remboursement du prêt en capital et intérêts s’effectuerait par échéances trimestrielles d’un montant de 20.666 euros pendant les sept années restant à courir. Le coût total du prêt s’élevait alors à 768.709 euros.
Selon offre émise le 23 janvier 2007 et acceptée le 14 février 2007, la SA Jyske Bank A/S a consenti à M. et Mme X., par acte notarié du 20 avril 2007, un second prêt multi devise (prêt n° 2), d’un montant en capital de 340.000 euros ou « l’équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l’une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais » avec un taux variable correspondant à celui de Jyske Bank + 1,50 % et remboursable en 140 échéances trimestrielles (40 en remboursement des seuls intérêts et 100 en remboursement des intérêts et du capital).
Le montant de ce prêt a également été libéré en francs suisses le 18 avril 2007.
Les deux prêts contiennent un article 11 intitulé « Variation des taux de change » en vertu duquel « pour le cas où en fonction des variations des taux de change l’endettement en cours viendrait à dépasser le montant de 381.000 Livres Sterling (la limite de facilité Sterling) pour le premier prêt et de 249.400 Livres Sterling pour le second prêt, la banque serait autorisée à son entière discrétion à prendre tout ou partie des mesures suivantes :
Convertir l’endettement en cours en Sterling, au taux de change de la banque en vigueur au jour de la conversion (...) ».
L’évolution des taux de change les années suivantes a provoqué une appréciation sensible du franc suisse par rapport à l’euro et le 9 août 2011, la Jyske Bank a converti les deux prêts en euros.
Après avoir vainement contesté cette conversion qu’ils estiment fautive par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 octobre 2011, les époux X. ont saisi le tribunal de grande instance de Grasse.
Par jugement du 18 mai 2015, le tribunal a statué en ces termes :
Dit que l’obligation de remboursement des deux prêts contractés par M. X. et Mme Y. auprès de la société Jyske Bank A/S a été souscrite en devise CHF (francs suisses),
Dit que les échéances d’intérêts, puis celles en capital doivent être calculées et remboursées en CHF conformément aux stipulations des offres et des contrats de prêt,
Dit que c’est à tort que la société Jyske Bank A/S a converti les dettes de M. X. et Mme Y. en euros le 9 août 2011,
Dit que cette notification de conversion en euros du 9 août 2011 est nulle et ne produit aucun effet, les obligations de remboursement pesant sur M. X. et Mme Y. demeurant comptées en CHF,
Dit que la société Jyske Bank A/S a engagé sa responsabilité civile au titre des manquements à ses devoirs d’information et de mise en garde,
La condamne en conséquence à payer à M. X. et Mme Y. la somme de cent mille euros (100.000 euros) de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance qu’ils ont subie,
Déboute M. X. et Mme Y. de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
Déboute M. X. et Mme Y. de toutes leurs autres demandes principales et complémentaires, plus amples ou contraires,
Condamne solidairement M. X. et Mme Y. à payer à la société Jyske Bank A/S :
- au titre des intérêts du prêt n° l la somme de 39.014,50 CHF soit 32.432,55 euros,
- au titre des intérêts du prêt n° 2 la somme de 39.981,11 CHF, soit 32.871,60 euros,
Condamne la société Jyske Bank A/S à payer à M. X. et Mme Y. la somme de 3.000 euros en application de 1’article 700 du code de procédure civile
Déboute la société Jyske Bank A/S de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que de ses autres ou plus amples demandes,
Condamne la société Jyske Bank A/S aux dépens de l’instance et dit qu’il est fait application de l’article 699 du Code de procédure civile au profit des avocats de la cause
Dit n’y avoir pas lieu à l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration des 8 et 15 juin 2015, les époux X. ont interjeté appel. Les instances ont été jointes.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 27 février 2017, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, ils demandent à la cour de :
- déclarer recevables et bien fondées leurs demandes, moyens, fins et arguments,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a limité la réparation du préjudice subi par les époux X. à la somme de 100.000 euros et les effets de la résolution judiciaire,
à titre principal :
- dire et juger que Jyske Bank a commis de multiples fautes contractuelles graves notamment en convertissant la devise d’emprunt en devise « EUROS » (euros) en « FRANCS SUISSES » (CHF) avant la signature des conventions de prêt chez le notaire Maître A., puis en 2011 en la devise « EUROS » (euros) et non en la devise « Livre sterling » (GBP) en application de l’article 11 de la convention de prêt du 19 novembre 2004 et du 20 avril 2007 et au sens de l’article 1134code civil,
- dire et juger que Jyske Bank a exercé de manière abusive, dolosive et de mauvaise foi son droit contractuel de conversion de la devise d’emprunt en application de l’article 1134 al. 3 du code civil,
- dire et juger que le coût total qui doit être indiqué selon l’article L. 312-8 du code de la consommation dans le contrat de prêt du 19 novembre 2004 et du 20 avril 2007 n’a pas été respecté,
- dire et juger que l’article 11 du contrat de prêt relatif à la conversion de montant de la devise du montant de l’emprunt n’est pas conventionnelle, qu’elle est potestative au sens de l’article 1174 du code civil et qu’elle doit être considérée comme étant nulle et de nul effet,
- dire et juger que l’action en nullité sur le taux d’intérêt variable n’est pas prescrite,
- dire et juger que la clause sur le taux d’intérêt variable prévu à l’article 4 du contrat de prêt doit être également annulée,
- dire et juger que les fautes commises sont d’une gravité suffisante pour justifier la résolution judiciaire totale des contrats de prêt du 19 novembre 2004 et du 20 avril 2007 aux torts exclusifs de Jyske Bank en application des articles 1183 et 1184 du code civil,
- dire et juger que les offres de prêt du 30 juin 2004 et du 23 janvier 2007 sont émis par une personne juridique distincte, en l’occurrence Jyske Bank Gibraltar Limited, de la société prêteuse visée dans les conventions de prêts notariés chez Maître A. notaire à Nice, en l’espèce Jyske Bank au Danemark,
d- ire et juger en conséquence que la formation des contrats de prêts immobiliers de 2004 et 2007 en France a été créée de manière irrégulière dans leur processus de formation en application de l’article 1101 du code civil puisqu’il n’y a pas eu rencontre de volonté compte tenu de la divergence des personnes juridiques entre la société émettrice des offres (Jyske Bank Gibraltar Limited) et la société prêteuse visée dans les actes notariés en France, Jyske Bank au Danemark,
- dire et juger que le coût total qui doit être indiqué selon l’article L. 312-8 du code de la consommation dans le contrat de prêt du 19 novembre 2004 et du 20 avril 2007 est totalement erroné, il n’a pas été respecté,
- dire et juger que la clause de conversion contenue dans les conventions de prêt du 19 novembre 2004 et du 20 avril 2007 revêt un caractère abusif au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation et qu’elle doit être réputée non-écrite,
- ordonner la pleine et totale résolution judiciaire des deux conventions de prêt du 19 novembre 2004 et du 20 avril 2007 en application des articles 1183 et 1184 du code civil,
- dire et juger que la Jyske Bank n’a pas respecté le délai de réflexion de 10 jours exigé par l’article L. 312-10 du code de la consommation lors de la formation de la convention de prêt du 19 novembre 2004 et du 20 avril 2007,
- condamner en conséquence la Jyske Bank à la déchéance totale du droit aux intérêts sur le fondement de l’article L. 312-33 du code de la consommation et au remboursement aux époux X. de la totalité des intérêts payés à ce jour, soit la somme principale de 175.763 euros laquelle somme sera à parfaire au jour du prononcé de la décision à intervenir,
- condamner la banque danoise Jyske Bank au paiement de dommages-intérêts pour les fautes contractuelles sur le fondement de l’article 1147 du code civil et équivalant à l’augmentation litigieuse du capital du prêt, à savoir la somme de 430.295 euros, laquelle somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 octobre 2011,
- rejeter toutes les demandes, moyens, fins et arguments de Jyske Bank,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que la Jyske Bank a manqué à son devoir de mise en garde, de conseil et à son obligation d’information précontractuelle, que la banque a agi avec dol en indiquant un taux effectif global (TEG) manifestement erroné,
- dire et juger que la Jyske Bank a engagé sa responsabilité civile contractuelle en application des articles 1147 et suivants du code civil compte tenu de son manquement à son devoir de mise en garde, de conseil et à son obligation d’information, au non-respect de la clause de conversion en EUROS (euros) et non en Livres sterling (GBP), ainsi que pour dol sur le coût total du prêt tel qu’il est indiqué dans les actes de prêts notariés,
- condamner en conséquence la Jyske Bank au remboursement de tous les intérêts, frais et autres sommes payées par les emprunteurs compte tenu de la perte de chance de contracter différemment et mieux cette réparation doit se faire sous la forme de versement de dommages et intérêts à hauteur de :
* les sommes principales de 143.776,15 euros (pour le prêt de 520.000 euros) et de 75.179,52 euros (pour le prêt de 340.000 euros), soit la somme totale de 218.955,67 euros,
* outre le remboursement de tous les frais notariés, d’hypothèque, de mainlevée, de cadastre, timbre, de taxe, d’émoluments, autres frais d’inscription, de renseignement, de copies, de publicité foncière, soit la somme principale de 107.961,92 euros,
- condamner la banque danoise Jyske Bank à rembourser aux époux X. le différentiel d’intérêts entre le taux légal et le taux appliqué et d’annuler la clause litigieuse,
en tout état de cause :
- ordonner la capitalisation des intérêts qui seront dus pour une année au moins à compter de la mise en demeure sinon de l’acte introductif d’instance à Grasse,
- ordonner la compensation judiciaire des créances réciproques,
- dire et juger que lesdites sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
- condamner la Jyske Bank à payer la somme de 45.000 euros au titre de l’article 700 du code de la procédure civile laquelle somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir ainsi qu’aux entiers dépens qui pourront être recouvrés suivants les modalités prévues par l’article 699 du code de procédure civile sous la due affirmation de droit de Maître Nicolas B.,
- ordonner l’exécution de l’arrêt à intervenir puisqu’elle est de droit (sic).
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 31 janvier 2017, contenant appel incident et auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, l’intimée demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, L. 312-1 et suivants du code de la consommation, de :
confirmer le jugement en ce qu’il a :
- constaté la prescription de la demande en nullité de l’article 4 des contrats de prêt,
- dit que l’obligation de remboursement des deux prêts contractés par les époux X. auprès de la Jyske Bank a été souscrite en devise CHF (francs suisses),
- dit que les échéances d’intérêts, puis celles en capital doivent être calculées et remboursées en CHF conformément aux stipulations des offres et des contrats de prêt,
- dit que la Jyske Bank n’a commis aucune violation de l’article L. 312-8 du code de la consommation,
- débouté M. et Mme X. de leur demande de déchéance des intérêts,
- débouté M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
- condamné les époux X. au paiement des sommes suivantes :
* au titre des intérêts du prêt n° 1 : 39.014,50 CHF, soit 32.432,55 euros,
* au titre des intérêts du prêt n° 2 : 39.981,11 CHF, soit 32.871,60 euros,
réformer le jugement en ce qu’il a :
- dit que c’est à tort que la Jyske Bank a converti la dette des époux X. en euros le 9 août 2011,
- dit que cette notification de conversion en euros du 9 août 2011 est nulle et ne produit aucun effet, les obligations de remboursement pesant sur M. et Mme X. demeurant comptées en CHF,
- dit que la Jyske Bank a engagé sa responsabilité civile au titre des manquements à ses devoirs d’information et de mise en garde et condamné en conséquence Jyske Bank à payer aux époux X. la somme de 100.000 euros en réparation de la perte de chance qu’ils ont subie,
statuant à nouveau :
à titre principal,
- dire et juger que la Jyske Bank a dûment exécuté ses obligations d’information et de mise en garde,
- débouter, en conséquence, M. et Mme X. de leurs demandes,
- dire et juger valable la conversion en euros opérée par la Jyske Bank le 9 août 2011,
- dire et juger, en conséquence, que le montant du capital des prêts s’élève aux sommes de 668.593,54 euros pour le prêt n° 1 et de 533.365,24 euros pour le prêt n° 2 et que les échéances d’intérêts, puis celles en capital doivent être calculées et remboursées dans la monnaie de compte du prêt (soit l’euro depuis le 9 août 2011), conformément aux stipulations du contrat de prêt,
- condamner M. et Mme X. solidairement au paiement d’une somme, arrêtée au 13 janvier 2017 de 128 298,30 euros au titre des intérêts impayés du prêt n° 1 et du prêt n° 2,
- débouter M. et Mme X. de l’ensemble de leurs demandes,
à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer l’annulation de la conversion opérée le 9 août 2011,
- dire et juger que la Jyske Bank a dûment exécuté ses obligations d’information et de mise en garde,
- débouter, en conséquence, M. et Mme X. de leurs demandes,
- dire et juger en conséquence que les échéances d’intérêts puis celles en capital doivent être calculées et remboursées dans la monnaie de compte du prêt (soit le franc suisse), conformément aux stipulations du contrat de prêt,
- condamner les époux X. au paiement des sommes suivantes, arrêtées au 13 janvier 2017 :
* au titre des intérêts du prêt n° 1 : 59.289,38 CHF, soit 50.067,73 euros,
* au titre des intérêts du prêt n° 2 : 50.581,10 CHF, soit 43.706,59 euros.
- débouter M. et Mme X. de toutes leurs autres demandes,
- condamner M. et Mme X. aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture du 1er février 2017 a été révoquée et une nouvelle ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de résolution judiciaire des contrats de prêt :
Les époux X. invoquent les fautes contractuelles suivantes pour justifier leur demande de résolution des deux contrats de prêt :
- le choix fautif de la monnaie de compte en CHF au lieu de l’euro,
- la conversion fautive de la devise d’emprunt en euro (article 11 du contrat de prêt),
- la conversion de la devise d’emprunt de totale mauvaise foi,
- le non-respect du coût total de l’emprunt,
- le caractère potestatif de la clause de conversion prévue à l’article 11 du contrat de prêt,
- le caractère abusif de cette clause,
- la nullité de la clause d’intérêt variable (article 4 du contrat de prêt)
La monnaie de compte.
Les époux X. soutiennent qu’alors que le prêt est souscrit en euros, Jyske Bank a converti le prêt en CHF dès avant la signature de l’acte notarié sans les en aviser ni le notaire, que les remboursements intervenus par la suite en CHF sont par conséquent injustifiés et que cette conversion, qui ne doit pas être confondue avec celle effectuée en 2011, constitue une faute. Ils font valoir qu’ils n’ont jamais formulé une telle demande auprès de Jyske Bank et que le franc suisse ne constitue pas l’une des principales monnaies européennes puisque la Suisse ne fait pas partie de la zone euro ni de l’Union Européenne.
Il doit d’abord être rappelé que la stipulation d’une obligation en monnaie étrangère est licite dès lors qu’elle est prévue, non comme instrument de paiement, mais comme unité de compte et que s’agissant d’un contrat de droit interne, elle doit être en relation directe avec l’activité de l’un des cocontractants. En l’espèce Jyske Bank ayant la qualité de banquier, la clause, en relation directe avec son activité, est valide.
Les actes notariés précisent que les prêts sont consentis pour des montants respectifs de 520.000 et 34.000 euros « ou l’équivalent à la date de tirage du prêt, dans l’une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais ».
L’expression « principales devises européennes » ne peut être cantonnée aux pays de la zone euros ou aux pays de l’Union Européenne, les parties ayant manifestement choisi d’ouvrir une large possibilité de choix de la monnaie de compte en y intégrant le Dollar américain et le Yen Japonais. La Suisse est un pays européen, d’ailleurs membre d’instances comme le Conseil de l’Europe et compte tenu du poids du francs suisse dans les échanges monétaires internationaux, il ne peut être sérieusement dénié que le CHF constitue l’une des principales devises européennes.
Les lettres de tirage des prêts (pièces 2 et 3 de l’intimée) sont libellées en francs suisses, le montant des prêts ayant été versé en euros sur deux comptes appartenant aux emprunteurs auxquels était rappelé que le remboursement devait être effectué en CHF. Ces lettres rappelaient que conformément au contrat, le prêt serait renouvelé dans la même devise sauf instructions contraires des emprunteurs.
Les époux X. n’ont jamais élevé la moindre protestation à réception de ces courriers et ont à la fois modifié les termes de leur prêt initial, sans modifier la devise choisie, et souscrit un second prêt dans les mêmes conditions. Ils avaient admis dans leurs conclusions devant le premier juge avoir opté pour un tirage en francs suisses, plus avantageux quant au taux d’intérêt.
Le choix de la devise CHF ne constitue donc pas une faute contractuelle, mais la stricte application, par les emprunteurs, auxquels seuls ce choix appartenait, des dispositions conventionnelles des contrats de prêt.
C’est donc par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont rejeté ce moyen.
Le non respect du coût total de l’emprunt :
Les époux X. soutiennent que le coût total des conventions de prêt n’a pas été respecté du fait de la conversion opérée par Jyske Bank.
L’article L. 311-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, dispose :
5 Coût total du crédit dû par l’emprunteur, tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes et autres frais que l’emprunteur est tenu de payer pour la conclusion et l’exécution du contrat de crédit et qui sont connus du prêteur, à l’exception des frais d’acte notarié. Ce coût comprend également les coûts relatifs aux services accessoires au contrat de crédit s’ils sont exigés par le prêteur pour l’obtention du crédit, notamment les primes d’assurance. Ce coût ne comprend pas les frais dont l’emprunteur est redevable en cas d’inexécution de l’une de ses obligations prévues au contrat de crédit.
Or il résulte du simple examen des offres de prêt et des actes de prêt, que le coût total du crédit
tel que déterminé à l’article L. 311-1 alinéa 5 du code de la consommation, figure dans les offres et contrats de prêt notariés, ces coûts consistant en tous les coûts annexes qui doivent être connus de l’emprunteur et non en la variation possible du montant du capital prêté en fonction de la monnaie de compte choisie par les emprunteurs dans le cadre d’un prêt multidevises.
La validité de l’article 11 des contrats de prêt :
Les appelants soutiennent que cette clause a un caractère potestatif, qu’il s’agit d’une clause abusive, que la conversion a été faite en violation des dispositions contractuelles et de mauvaise foi puisqu’elle est intervenue au plus mauvais moment pour les emprunteurs.
L’article 11 des contrats de prêts stipule : « pour le cas où en fonction de la variation du taux de change, l’endettement viendrait à dépasser le montant de - 381.000 Livres Sterling pour le premier prêt et de 249.000 Livres Sterling pour le second prêt -, (ci-après la limite de facilité Sterling) la banque serait autorisée, à son entière discrétion, à prendre tout ou partie des mesures suivantes :
- Convertir l’endettement en cours en Sterling, au taux de change de la Banque en vigueur au jour de la conversion,
- Réaliser ou appeler, immédiatement et comme bon semble à la banque, tout ou partie de la Sûreté placée auprès de la Banque et utiliser les montants ainsi obtenus pour compenser en partie l’Endettement en cours afin qu’il ne dépasse pas la Limite de Facilité Sterling,
- Demander le remboursement immédiat d’une partie de l’endettement en cours d’un montant suffisant pour réduite cet Endettement, après sa conversion en Sterling au taux de change de la Banque, à un montant qui en soit pas supérieur à la Limite de facilité Sterling,
Les droits et pouvoirs mentionnés ci-dessus peuvent être exercés par la Banque, sans notification préalable et sans que vous ayez à donner votre consentement, et sont exercés sans préjudice des autres droits de la Banque mentionnés dans cette offre de prêt, des documents relatifs à la Sûreté ou de la loi, y compris notamment le droit de demander à tout moment, le remboursement immédiat et intégral de l’Endettement en cours ».
L’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause, répute non écrites les clauses figurant dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l’espèce, la conversion, qui n’est qu’une faculté pour la banque, est soumise à un seuil de déclenchement qui échappe à sa volonté et vise à la prémunir du risque d’augmentation du montant en capital du prêt en cas d’appréciation de la monnaie de compte choisie par les emprunteurs, ce qui diminuerait mécaniquement l’effet de son hypothèque inscrite sur le bien immobilier des emprunteurs pour une valeur en euros.
Elle constitue ainsi une modalité de gestion du risque bancaire corrélatif à la diminution des garanties prises dont la valeur est exprimée dans une autre devise que celle choisie par le client.
Elle ne crée donc aucun déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, étant observé qu’à la lecture des relevés (roll-over) les emprunteurs disposaient eux aussi de cette faculté de conversion, sans même que leur soit imposé un seuil de déclenchement.
C’est donc à juste titre que le premier juge a rejeté le moyen tiré d’un caractère abusif de cette clause.
Les appelants invoquent également l’article 1174 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, qui dispose que toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige.
Le premier juge a exactement énoncé que cette clause ne contenait aucune condition au sens de l’article 1168 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 et qu’il ne s’agissait que d’une faculté offerte à la banque en cas de survenance d’un événement précisé à l’avance et extérieur à celle-ci, c’est-à-dire la variation des taux change conduisant à accroître l’endettement au-delà d’un seuil fixé en Livres Sterling. Le moyen doit être rejeté et le jugement confirmé de ce chef.
La mise en œuvre de l’article 11 du contrat de prêt :
Les époux X. reprochent à Jyske Bank d’abord de ne pas avoir procédé à la conversion dès le seuil de déclenchement de la limite de facilité Sterling et d’avoir procédé à la conversion au plus mauvais moment pour les emprunteurs dans un but purement spéculatif à son profit.
Il doit être rappelé que la conversion n’était qu’une faculté pour Jyske Bank, qu’elle a dûment averti les emprunteurs le 13 janvier puis le 5 août 2011 des risques que l’appréciation sensible du CHF faisait peser sur leur emprunt et ce qu’elle entendait se prévaloir de cette clause de conversion. Les documents produits aux débats montrent par ailleurs, que le taux de change CHF/Euros s’est considérablement renforcé au détriment de l’Euro pendant l’été 2011 et que nul ne pouvait prévoir l’évolution des marchés. Les époux X. ne démontrent pas que cette conversion, en l’état de l’aléa pesant sur les marchés financiers à cette époque, a été faite de mauvaise foi ou de manière déloyale.
Il est incontestable en revanche que Jyske Bank n’a pas procédé à la conversion du prêt conformément aux dispositions contractuelles puisque la conversion n’a pas été effectuée en Livres Sterling mais en euros le 9 août 2011, sans que les époux X. aient donné leur accord à cette modification de leur contrat de prêt.
Il est exact qu’à la suite de mouvements importants des marchés financiers, elle a avisé les appelants dès le 13 janvier 2011 (pièce 5 de l’intimée) des risques que l’appréciation du CHF faisait peser sur le montant de leur prêt, les informait qu’elle procéderait à la conversion dès que le taux de change dépasserait un certain seuil et que cette conversion s’effectuerait en euros. Cependant, le défaut de réponse des époux X. ne peut s’analyser en un acquiescement à une modification substantielle de leur contrat, s’agissant de la monnaie de compte de leur prêt.
La conversion opérée le 9 août 2011, en violation des dispositions de l’article 11 précité est par conséquent fautive et les justifications données par l’intimée relatives au fait que les garanties fournies par les époux X. portent sur des biens en euros et que le choix de l’euro est plus favorable aux emprunteurs sont sans portée.
Faute d’avoir exercé la faculté de conversion dans les conditions du prêt, la conversion opérée le 9 août 2011 est sans effet et le prêt doit être réputé s’être poursuivi dans la monnaie de compte initiale, choisie par les époux X., soit le franc suisse, comme l’a exactement décidé le premier juge et comme le souhaitaient les époux X. dans leur mise en demeure du 20 octobre 2011.
Cette seule faute contractuelle n’est pas suffisamment grave pour que soit prononcée la résolution judiciaire des contrats de prêts, ceux-ci pouvant se poursuivre dans les conditions initiales. Le jugement doit être confirmé sur ce point. Les époux X. qui seront replacés dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés si la conversion litigieuse n’avait pas été opérée, ne justifient pas d’un préjudice distinct.
Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a condamné les époux T. à payer la somme de 39 014,50 euros HCF soit 32 432,55 euros au titre des intérêts restant dus pour le prêt n°1 et celle de 39 981,11 CHF soit 32 871,60 euros au titre des intérêts restant dus au titre du prêt n°2.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts au regard des irrégularités affectant les offres de prêt :
Les appelants soutiennent que les conventions sont affectées de graves irrégularités en ce que :
- il y a une absence de rencontre des volontés, la banque émettrice des offres et la banque signataire des conventions étant des personnes morales distinctes,
- le délai de réflexion n’a pas été respecté,
- l’obligation précontractuelle d’information relative à la variation du taux d’intérêt n’a pas été respectée,
S’agissant de l’absence de rencontre des volontés, qui ne pourrait être sanctionnée que par la nullité des conventions mais qui n’est pas sollicitée par les appelants, il doit être observé que les actes notariés précisent que le prêt est accordé par la société Jyske Bank A/S London Branch, une succursale de Jyske Bank A/S Dennmark, que les offres de prêt ont été émises et signées par Jyske Bank London Branch et que l’intimée justifie de l’immatriculation de sa succursale au Royaume Uni.
Le fait que les offres de prêts aient été expédiées par une société tierce n’a pas d’effet sur la validité du consentement des époux X. à la souscription du prêt et sur l’identité du prêteur la société de droit danois Jyske Bank A/S.
La réitération par les époux X. dans deux actes notariés des offres qu’ils ont attestées avoir reçues et acceptées dans les délais légaux, rend leurs moyens sur la réception de ces offres totalement inopérants.
Les appelants soutiennent que Jyske Bank aurait dû leur remettre une notice présentant les conditions et modalités de variation du taux d’intérêt conformément à l’article L. 312-8 du code de la consommation. Or cette disposition est inapplicable puisqu’issue de l’art. 25-II de la loi n° 2008-3 du 3 janv. 2008, entrée en vigueur le 1er octobre 2008, soit postérieurement à l’émission des offres de prêt. Le moyen est inopérant.
Les appelants soutiennent enfin que le taux effectif global n’est pas mentionné de manière claire puisqu’il n’est fait aucune référence au taux Libor, à sa définition et sa détermination.
Or en l’espèce, l’offre de prêt n° 1 précise que le taux du prêt est variable et constitué du Libor + 1,5 points (soit à la date de l’offre 3,65 %), le taux étant révisable à l’issue de chacune des périodes de remboursement en fonction du taux Libor applicable à la date du terme de la période concernée.
Le Libor étant un taux public du marché monétaire des devises, il n’a besoin d’aucune définition particulière.
Pour le second prêt, le taux variable est celui de Jyske Bank Funding Rate + 1,5 points, le taux Jyske Bank Funding Rate étant le taux de financement permettant à la banque d’obtenir un montant identique au prêt, dans la monnaie du prêt, pour la durée du prêt, sur les marchés interbancaires deux jours ouvrables avant le premier jour de la période au cours de laquelle courent les intérêts. Ce taux est donc parfaitement défini et déterminé ou déterminable à chacune des périodes considérées.
Pour chacun de ces deux prêts, le taux effectif global à la date de l’offre est précisé, ce taux devant naturellement évoluer s’agissant d’un prêt à taux variable, licite.
Aucune déchéance du droit aux intérêts n’est donc encourue.
Sur l’article 4 des conventions de prêt :
Les appelants soutiennent que leur action en nullité de la stipulation d’intérêt n’est pas prescrite contrairement à ce qu’a décidé le premier juge, le point de départ du délai de prescription devant être fixé au jour de la conversion, soit le 9 août 2011, la clause devant être annulée en raison de son caractère indéterminé ou indéterminable.
Le délai de prescription de l’action en nullité de la stipulation d’intérêts court à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice.
La conversion du prêt en euros par la banque en application de l’article 11 n’a eu pour effet que de révéler les conséquences de la hausse du franc suisse sur le montant de leur endettement, mais n’a eu aucun effet sur le vice qu’ils invoquent et qui leur était connu dès l’offre de prêt et la conclusion des contrats de prêt par actes notariés des 19 novembre 2004 et 20 avril 2007.
La demande de nullité formée par conclusions du 27 février 2015 est par conséquent prescrite et le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité de Jyske Bank et la demande de dommages et intérêts :
Les appelants soutiennent que Jyske Bank a failli à son devoir de mise en garde et à son devoir de conseil et d’information. Jyske Bank a formé un appel incident sur ce point considérant que les emprunteurs étaient avertis et qu’elle n’avait aucun devoir de mise en garde ni de conseil à délivrer.
L’établissement de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur non averti sur les risques d’un endettement excessif né de l’octroi du crédit.
Si les époux X. ne peuvent être considérés comme avertis dès lors qu’il n’est pas démontré qu’ils avaient une connaissance particulière du monde des affaires, il n’est pas plus démontré que l’octroi des deux crédits faisait naître un endettement excessif.
En effet, les appelants ont déclaré un revenu annuel de 105.000 Livres Sterling (soit + 120 000 euros) ainsi qu’un patrimoine immobilier évalué à 1.200.000 euros sur lequel figurait une hypothèque de premier rang. Le couple a également déclaré une somme de 100.000 euros au titre de « private pensions » ainsi que diverses liquidités, établissant un patrimoine net d’un montant de 825.000 euros (pièce 24 de Jyske Bank page 4 non traduite).
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le risque d’endettement n’était pas excessif et Jyske Bank n’était tenue à aucun devoir de mise en garde à ce titre.
En revanche c’est à tort que le premier juge a mis à la charge de Jyske Bank une obligation d’information et de mise en garde contre les risques qu’ils prenaient en souscrivant ces « prêts compliqués et leurs accessoires ».
En effet, l’établissement de crédit, tenu de ne pas s’immiscer dans les affaires de son client, n’est tenu d’aucune obligation de conseil et la souscription de ces deux prêts multidevises ne constitue pas un produit spéculatif mettant à la charge de l’établissement de crédit un devoir de mise en garde particulier.
En effet, l’emprunteur raisonnablement diligent est à même de comprendre qu’un emprunt dont la monnaie de compte est en devise étrangère, est nécessairement soumis aux aléas des variations du taux de change.
Cet aléa a d’ailleurs été rappelé aux époux X. par Jyske Bank dès avant l’émission des offres de prêt dans sa lettre du 30 avril 2004 récapitulant le principe de son offre de prêt (pièce 25 de l’intimée), dans laquelle elle indique : « si vous souhaitez souscrire votre prêt dans une devise différente de votre devise de base (c’est-à-dire la devise différente correspondant à vos ressources), vous devez étudier avec attention les conséquences que pourraient avoir un renforcement de la devise du prêt par rapport à votre devise de base. Tout renforcement se traduirait par une augmentation effective du coût de vos échéances de remboursement ».
Cet avertissement est parfaitement clair sur l’étendue du risque d’un prêt multidevise et le risque de change est un risque tout à fait simple à comprendre qui ne nécessite pas de mise en garde particulière, étant observé que les époux X., de nationalité étrangère, exerçant et ayant exercé leur profession dans une compagnie aérienne hors de France et hors de la zone euros, avaient nécessairement l’habitude des taux de change et pouvaient parfaitement mesurer l’étendue de ce risque.
Les offres de prêts et les conventions faisaient en outre également état de ce risque puisque l’article 11, ci-dessus évoqué, permettait de stopper une trop forte appréciation de la monnaie de compte de prêts.
L’information donnée par Jyske Bank était par conséquent claire et complète, s’agissant d’emprunteurs normalement diligents souscrivant un emprunt qui ne comportait aucun risque spéculatif, mais un risque de change qu’ils étaient en mesure d’appréhender.
C’est donc à tort que le premier juge a considéré que Jyske Bank avait engagé sa responsabilité contractuelle sur ce point et qu’il l’a condamnée à payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts aux époux X. Le jugement doit être infirmé de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 18 mai 2015 sauf en ce qu’il a dit que la société de droit danois Jyske Bank A/S avait engagé sa responsabilité civile au titre des manquements à ses devoirs d’information et de mise en garde et l’a condamnée en conséquence à payer à M. X. et Mme Y. la somme de cent mille euros (100.000 euros) de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance qu’ils ont subie,
Statuant à nouveau,
Déboute M. X. et Mme Mme Y. de leurs demandes à ce titre, ainsi que du surplus de leurs demandes,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne solidairement M. X. et Mme Mme Y. à payer à la société de droit danois Jyske Bank A/Sla somme de deux mille euros,
Condamne solidairement M. X. et Mme Mme Y. aux dépens de la présente instance qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT