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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 27 avril 2017

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 27 avril 2017
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 15/24110
Date : 27/04/2017
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/11/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6842

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 27 avril 2017 : RG n° 15/24110

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il résulte des articles 1134, 1147 et 1184 que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle. Le contrat ne contient pas de disposition en ce sens.

L'article 2,5 du contrat prévoit en effet que le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat des sommes dues sans autre formalité qu'une mise en demeure, uniquement dans les cas suivants : - clôture du compte par l'emprunteur - décès de l'emprunteur ou de l'assuré.

Il n'indique rien de tel en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements, ce qui renvoie à l'article L. 311-30 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet et applicable à l'espèce qui, s'il prévoit que le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû en cas de défaillance de l'emprunteur, ne porte pas dispense du prêteur de mettre en demeure l'emprunteur de remédier à sa défaillance avant de prononcer valablement la déchéance du terme, la mise en demeure et la déchéance du terme ne pouvant être concomitantes. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 27 AVRIL 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/24110 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 juin 2015 - Tribunal d'Instance de SAINT MAUR DES FOSSÉS : R.G. n° 15-000241.

 

APPELANTE :

SA CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Michel K., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 54, Ayant pour avocat plaidant Maître Béatrice C.-L., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 314

 

INTIMÉS :

Madame X.

née le [date] à [adresse], DÉFAILLANTE

Monsieur Y.

né le [date] à [adresse], DÉFAILLANTE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de Présidente, Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère, Madame Marie MONGIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Thibaut SUHR

ARRÊT : - DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Patricia GRASSO, Conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Camille Lepage, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par acte sous-seing privé en date du 31 mai 2001, Madame X. a ouvert un compte à la succursale CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL Paris Les Halles (CIC).

Un crédit renouvelable utilisable par fractions a ensuite été consenti concurremment à Madame X. et à Monsieur Y. selon contrat en date du 24 octobre 2008, d'un montant maximum de crédit autorisé de 30.000,00 euros, avec un montant minimum de fraction disponible de 2.500,00 euros.

Les échéances de remboursement n'ayant pas été respectées, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 avril 2014, le CIC prononçait la déchéance du terme et mettait en demeure Madame X. et Monsieur Y. de payer le solde de 17.723,15 euros avant le 10 mai 2014.

Par acte d'huissier en date du 8 avril 2015, le CIC a fait assigner Monsieur Y. et Madame X. en paiement et par jugement réputé contradictoire du 19 juin 2015, le tribunal d'instance de Saint Maur des Fossés a débouté le CIC de ses demandes.

Par déclaration en date du 30 novembre 2015, le CIC a interjeté appel.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 février 2016, il demande à la cour, infirmant le jugement, de condamner solidairement Madame X. et Monsieur Y. au paiement de la somme de 13.537,73 euros représentant le montant des sommes restant dues sur le premier déblocage outre les intérêts au taux conventionnel de 6,60 %, au paiement de la somme de 1.624,41 euros représentant le montant des sommes restant dues sur le deuxième déblocage outre les intérêts conventionnels de 6,10 %, au paiement de la somme de 1.669,69 euros représentant le montant des sommes dues sur le troisième déblocage outre les intérêts au taux conventionnel de 6,10 %, au paiement d'une indemnité de 1.200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir qu'il produit devant la cour l'intégralité des relevés bancaires avec soldes progressifs du compte courant de 2008 à 2014 ainsi que les relevés mensuels adressés aux emprunteurs du 31 octobre 2011 au 28 février 2014, que la forclusion ne saurait être encourue, l'assignation ayant été délivrée le 8 avril 201 alors que le premier impayé du premier déblocage est au 5 décembre 2013, le premier impayé du deuxième déblocage au 5 mars 2014 et le premier impayé du troisième déblocage au 5 février 2014.

Il soutient que la ligne de crédit 108XX03 correspond au premier déblocage du crédit et a servi à rembourser le prêt 108YY02 débloqué le 28 octobre 2008 sur le compte courant et remboursé par anticipation le du 6 octobre 2009.

Il s'appuie sur la pièce 60 pour indiquer que le prêt 108YY02 ne comporte aucun impayé à l'exception de l'échéance du 6 mai 2009 régularisée dès le lendemain avec une valeur identique et conteste la motivation du premier juge, soutenant que le crédit renouvelable objet de la présente procédure, et en particulier le déblocage portant le numéro 108XX03 n'a pas été mis en place « pour tenter d'éluder partiellement les sanctions de la déchéance du droit aux intérêts et de la forclusion ».

Sur la ligne 10833705, le CIC fait valoir qu'il s'agit d'un compte épargne et qu'il n'y a donc pas eu d'autres déblocages du crédit en réserve que ceux visés par l'assignation, objets de la procédure, soit ceux portant les numéros 108XX03, 108WW04 et 108ZZ06.

Sur la déchéance du droit aux intérêts, le CIC soutient que le modèle type de contrat visé à l'article L. 311-13 du Code de la Consommation est un contrat/socle et que ne doit donc y figurer aucune clause contraire aux dispositions du Code de la Consommation et dans le même ordre d'idées aucune clause contraire qui serait frappée par le législateur d'une nullité d'ordre public et qu'en l'espèce, les clauses rajoutées, n'aggravent pas la situation de l'emprunteur sauf à démontrer qu'elles seraient sous-tendues par une intention dolosive.

Il fait valoir qu'il s'agit en fait de clauses de garantie du prêteur, dont l'emprunteur a pris conscience au regard des dispositions de l'article 1134 du Code Civil, et que, même si ces clauses n'avaient pas été rajoutées, elles constituaient de façon autonome et hors contrat des causes de résiliation du contrat et qu'il appartenait au premier juge de motiver en quoi la situation du débiteur était aggravée, celle-ci ne pouvant se motiver qu'au regard d'une clause illicite ou d'une clause abusive.

Madame X. et Monsieur Y. à qui la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été notifiées, n'ont pas constitué avocat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

L'offre préalable acceptée le 24 octobre 2008 a consenti à Monsieur Y. et Madame X. un prêt d'un minimum de fraction disponible de 2.500 euros, le montant maximum du découvert pouvant être autorisé étant fixé à 30.000 euros.

Cette offre intitulée « crédit renouvelable sur un compte spécialement ouvert à cet effet utilisable par fractions et assorti d'ordres de virement » prévoit des taux d'intérêt nominal révisables exprimés sous forme de fourchette, selon l'utilisation qui est faite des sommes empruntées qui pouvaient être, achat de véhicule automobile, travaux immobiliers ou autres projets, s'analyse en réalité en une offre de prêt personnel pouvant être mobilisé par fractions successives avec des conditions financières différentes en fonction de l'utilisation du crédit sur la base d'un taux que la banque indique révisable mais qui en réalité ne l'est plus une fois le crédit débloqué, celui-ci étant remboursable selon des échéances fixes prédéterminées avec tableau d'amortissement.

Eu égard à l'économie de cette offre, les emprunteurs avaient parfaitement la faculté de mobiliser le maximum du crédit consenti soit de façon successive par déblocages partiels ne pouvant être inférieurs à 2.500 euros soit en un seul déblocage d'un maximum de 30.000 euros, le crédit s'apparentant alors dès l'origine en un prêt personnel déguisé avec un remboursement à échéances fixes et déterminées selon le tableau d'amortissement joint à l'offre et à un taux fixe.

Une somme de 28.551,93 euros a été débloquée le 6 octobre 2009 au profit de Madame X. et Monsieur Y. avec l'établissement d'un tableau d'amortissement à compter du 5 novembre 2009 jusqu'au 5 octobre 2016 à raison de mensualités de 453,60 euros, sous le numéro 108XX03.

Une somme de 2.500,00 euros a été débloquée le 28 avril 2010 au profit de Madame X. et Monsieur Y. avec l'établissement d'un tableau d'amortissement à compter du 5 mai 2010 jusqu'au 5 avril 2017 à raison de mensualités de 39,09 euros, sous le numéro 108WW04.

Une somme de 2.700,00 euros a été débloquée le 13 décembre 2010 au profit de Madame X. et Monsieur Y. avec un tableau d'amortissement à compter du 5 janvier 2011 jusqu'au 5 juin 2016 à raison de mensualités de 50,83 euros, sous le numéro 108ZZ06.

Le dépassement du crédit initialement consenti constitue, faute de restauration ultérieure du crédit ou d'augmentation de son montant par la souscription d'une offre régulière, le point de départ du délai biennal de forclusion,

Le déblocage initial de 28.551,93 euros ayant été reconstitué au fur et à mesure des paiements les deuxième et troisième déblocages n'ont pas entraîné le dépassement du maximum autorisé de 30.000 euros et donc pas fait courir le délai de forclusion.

Au vu des historiques des comptes versés aux débats, les premières échéances impayées remontent à décembre 2013, février et mars 2014 et vu l'assignation délivrée le 8 avril 2015 l'action du CIC n'est pas forclose.

Le CIC se prévalant de la déchéance du terme pour réclamer le paiement du capital restant dû, il appartient à la cour, qui ne soulève pas véritablement un moyen d'office mais procède à une simple appréciation des conditions de déchéance du terme invoquée sans qu'il soit nécessaire de rouvrir les débats sur ce point, de vérifier si les conditions étaient remplies d'une déchéance du terme régulière.

Il résulte des articles 1134, 1147 et 1184 que, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Le contrat ne contient pas de disposition en ce sens.

L'article 2,5 du contrat prévoit en effet que le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat des sommes dues sans autre formalité qu'une mise en demeure, uniquement dans les cas suivants :

- clôture du compte par l'emprunteur

- décès de l'emprunteur ou de l'assuré.

Il n'indique rien de tel en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements, ce qui renvoie à l'article L. 311-30 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er juillet et applicable à l'espèce qui, s'il prévoit que le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû en cas de défaillance de l'emprunteur, ne porte pas dispense du prêteur de mettre en demeure l'emprunteur de remédier à sa défaillance avant de prononcer valablement la déchéance du terme, la mise en demeure et la déchéance du terme ne pouvant être concomitantes.

La mise en demeure de payer du 15 avril 2014, tout comme l'assignation, portent en effet sur les échéances échues et le capital restant dû, sans prévoir de délai de régularisation des échéances échues impayées permettant de faire obstacle à l'exigibilité anticipée dudit capital restant dû.

Le CIC ne peut donc se prévaloir d'une déchéance du terme et seules peuvent donc être réclamées par le prêteur les échéances échues impayées figurant au décompte de sa demande pour un montant de :

- 1487,93 euros pour le contrat 108XX03,

- 78,20 euros pour le contrat 108WW04,

- 152,55 euros pour le contrat 108ZZ06.

Les dites sommes doivent porter intérêts à compter de la date d'exigibilité de chacune des échéances composant ces sommes, mais le taux étant stipulé révisable et faute par le CIC de justifier du taux applicable pour chaque date d'exigibilité, il sera fait application du taux légal.

L'indemnité de 8 % du capital restant dû n'est pas exigible dès lors que la déchéance du terme n'a pu être valablement prononcée.

Au vu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement sauf sur les dépens ;

Statuant à nouveau :

Condamne solidairement Madame X. et à Monsieur Y. à payer à la SA CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL les sommes de :

- 1.487,93 euros pour le contrat 108XX03

- 78,20 euros pour le contrat 108WW04

- 152,55 euros pour le contrat 108ZZ06

avec intérêts au taux légal l'an à compter de la date d'exigibilité de chacune des échéances composant ces sommes ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Madame X. et à Monsieur Y. dépens de l'appel.

Le greffier                 Le conseiller faisant fonction de président