CA NANCY (2e ch. civ.), 30 mars 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6848
CA NANCY (2e ch. civ.), 30 mars 2017 : RG n° 16/00678
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2017-006457
Extraits : 1/ « si la SA Banque Solfea prétend que seules les dispositions du code de commerce doivent s'appliquer au litige, il est constaté que M. X., qui n'avait pas la qualité de commerçant, avait été démarché à son domicile par la société Sunland et que le contrat de crédit accessoire à la vente ne comportait aucune disposition stipulant de manière expresse et dépourvue d'ambiguïté la destination professionnelle ou commerciale du prêt ; […] ; qu'il s'ensuit que, même si une partie de l'électricité produite pouvait être revendue à un fournisseur d'énergie, le contrat de prêt litigieux était soumis aux dispositions du code de la consommation ».
2/ « L'absence d'action en annulation ou en résolution du contrat principal de vente n'interdit pas à l'emprunteur de se prévaloir des dispositions de l'article L. 311-31 recodifié L. 312-48 du code de la consommation pour contester la demande en paiement du prêteur ».
3/ « Qu'il est expressément indiqué sur le bon de commande que le raccordement au réseau n'est pas compris dans les prestations du vendeur, sauf mention contraire qui en l'espèce ne figure pas sur le contrat ; Qu'il est constaté que M. X. a signé sans réserve le bon de livraison qui certifiait la réalisation de l'installation des panneaux photovoltaïques ; que le raccordement au réseau et les autorisations administratives expressément exclues du bon de livraison n'incombaient pas à la société ainsi qu'il résulte du bon de commande, celle-ci devant seulement faire des démarches administratives dont il n'est pas prétendu ni démontré qu'elles n'ont pas été réalisées ; qu'en conséquence, en délivrant les fonds au vu d'une attestation de livraison signée par l'emprunteur et d'une facture conformes au bon de commande remis par la société, la SA Banque Solfea n'a commis aucune faute dans la délivrance des fonds ; que le jugement est infirmé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 MARS 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/00678. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de VERDUN, R.G. n° 11-15-000143, en date du 27 janvier 2016.
APPELANTE :
SA BANQUE SOLFEA
prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [adresse] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro XX, Représentée par Maître Clarisse M. de la SELARL L. W. M. L., avocat au barreau de NANCY
INTIMÉ :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par Me Fabrice G. de la SCP G. H., avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 2 février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de Chambre et Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, Monsieur Yannick BRISQUET Conseiller.
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 30 mars 2017, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 30 mars 2017, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre préalable de prêt signée le 18 décembre 2012, la SA Banque Solfea a consenti à M. X. un prêt affecté à l'achat de panneaux photovoltaïques d'un montant de 19.000 euros remboursable en 109 mensualités avec intérêt au taux contractuel de 5,95 % l'an.
La SA Banque Solfea a assigné M. X. par acte d'huissier du 6 mai 2015 devant le tribunal d'instance de Verdun aux fins de le voir condamner à lui verser 23.908,12 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,79 % à compter du 17 mars 2015 outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a ordonné la réouverture des débats pour permettre la production du contrat principal de vente et pour soulever d'office la faute du prêteur qui a versé les fonds sans attendre l'exécution complète du contrat principal.
La SA Banque Solfea a maintenu ses demandes.
M. X. a indiqué avoir déposé un dossier de surendettement et ne pas être propriétaire de la maison, précisant que seuls les panneaux photovoltaïques avaient été posés et qu'aucun raccordement n'avait été effectué.
Par jugement du 27 janvier 2016, le tribunal d'instance a débouté la SA Banque Solfea de sa demande en paiement, a rejeté le surplus des demandes et a condamné la SA Banque Solfea aux dépens.
Il a considéré que l'attestation de fin de travaux excluait le raccordement au réseau et les autorisations administratives et que, l'objet du contrat principal étant la pose de panneaux photovoltaïques, l'exécution de cette prestation comportait nécessairement les démarches administratives et le raccordement au réseau. Il en a déduit que l'exécution du contrat principal n'était pas complète, que la SA Banque Solfea ne pouvait se prévaloir de l'attestation de fin de travaux et qu'elle avait commis une faute la privant de la possibilité de solliciter le remboursement du crédit.
La SA Banque Solfea a régulièrement interjeté appel de cette décision et conclut à l'infirmation du jugement. Elle sollicite :
- qu'il soit dit que l'ensemble des contrats doit être requalifié et que seules les dispositions du code de commerce sont applicables
- que soient rejetées les pièces non communiquées par l'intimé
- que les demandes de M. X. soient déclarées irrecevables en l'absence de mise en cause du vendeur
- la condamnation de M. X. à lui verser 23.908,12 euros outre les intérêts contractuels à compter du 17 mars 2015
- à titre subsidiaire, la condamnation de M. X. à lui verser 19.000 euros
- la capitalisation des intérêts
- la condamnation de M. X. à lui verser 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Elle expose que la commande signée par M. X. porte sur des panneaux photovoltaïques, sans que le raccordement au réseau ERDF soit prévu au contrat et qu'au regard de la signature sans réserve de l'attestation de fin de travaux par M. X., il ne peut lui être reproché aucune faute. Elle ajoute que l'intimé a reconnu dans un courrier que l'installation fonctionne et produit de l'énergie. L'appelante fait valoir que lorsque l'emprunteur n'a pas mis en cause le vendeur, il est irrecevable à faire valoir qu'il n'a pas obtenu satisfaction pour faire échec à la demande en paiement du prêteur. Elle ajoute qu'il ne peut y avoir de nullité du contrat de crédit s'il n'y a pas d'abord nullité du contrat principal.
La SA Banque Solfea expose que M. X., qui ne produit aucune pièce, ne peut soutenir que son installation devait lui rapporter 350 euros par mois. Elle ajoute que le fait de revendre l'intégralité de sa production d'électricité doit entraîner l'application du code de commerce et non du code de la consommation puisque la revente d'électricité est un acte de commerce au sens de l'article L. 110-1 du code de commerce. Elle en déduit que M. X. ne peut bénéficier de la protection du droit de la consommation. Elle ajoute qu'en signant l'attestation de fin de travaux sans réserve, il a reconnu avoir eu satisfaction puisqu'il produit et revend de l'électricité, de sorte qu'il est irrecevable à soutenir le contraire pour échapper au remboursement de son prêt. Enfin, elle conteste la motivation du jugement qui a visé la complexité de l'opération.
M. X. conclut à la confirmation du jugement de première instance et sollicite la condamnation de la SA Banque Solfea à lui verser 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que le tribunal a fait une exacte application des dispositions d'ordre public de l'article L. 311-1 du code de la consommation en relevant que la SA Banque Solfea avait commis une faute en délivrant les fonds sans s'assurer de l'exécution complète de la prestation par le vendeur, l'attestation de fin de travaux indiquant expressément que le raccordement et les démarches administratives étaient exclues. Il ajoute que le rendement énergétique n'est pas celui escompté et qu'il a dû déposer un dossier de surendettement. L'intimé précise qu'il est un simple consommateur qui a été démarché à domicile et que le contrat ne comporte aucune disposition stipulant la destination professionnelle ou commerciale du prêt.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les écritures déposées le 13 juillet 2016 par M. X. et le 17 octobre 2016 par la SA Banque Solfea, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 23 novembre 2016 ;
Sur le droit applicable :
Attendu que si la SA Banque Solfea prétend que seules les dispositions du code de commerce doivent s'appliquer au litige, il est constaté que M. X., qui n'avait pas la qualité de commerçant, avait été démarché à son domicile par la société Sunland et que le contrat de crédit accessoire à la vente ne comportait aucune disposition stipulant de manière expresse et dépourvue d'ambiguïté la destination professionnelle ou commerciale du prêt ; qu'il est observé qu'outre le fait que la SA Banque Solfea a saisi le tribunal d'instance de Verdun de sa demande en paiement sur le fondement des articles et non le tribunal de commerce, le contrat de prêt fait expressément référence au droit de la consommation et à la compétence du tribunal d'instance en cas de litige et le prêteur a établi une fiche d'information précontractuelle remise à M. X. en application de l'article L. 311-6 du code de la consommation, ainsi qu'une fiche de solvabilité et a consulté le FICP, toutes obligations relevant du droit de la consommation que le prêteur a respecté volontairement ; qu'il s'ensuit que, même si une partie de l'électricité produite pouvait être revendue à un fournisseur d'énergie, le contrat de prêt litigieux était soumis aux dispositions du code de la consommation ; que les demandes de requalification et d'application des dispositions du code de commerce sont rejetées ;
Sur le rejet des pièces de l'intimé :
Attendu que M. X. n'ayant versé aucune pièce en appel, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande ;
Sur la recevabilité des demandes de M. X. :
Attendu que l'absence d'action en annulation ou en résolution du contrat principal de vente n'interdit pas à l'emprunteur de se prévaloir des dispositions de l'article L. 311-31 recodifié L. 312-48 du code de la consommation pour contester la demande en paiement du prêteur ; qu'en conséquence les demandes de M. X. sont recevables ;
Sur la demande en paiement du prêt :
Attendu qu'en application de l'article L. 311-31 recodifié L.312-48 du code de la consommation, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de l'exécution de la prestation de services qui doit être complète ; que commet une faute le privant de la possibilité de se prévaloir du remboursement du prêt, le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté sa prestation ;
Que si le tribunal a dit que la pose de panneaux photovoltaïques comporte nécessairement des démarches administratives et le raccordement au réseau public pour en déduire que la livraison n'avait pas été complète sans le raccordement au réseau de sorte que le prêt avait commis une faute dans la remise des fonds, il ne pouvait statuer ainsi sans vérifier si la livraison était conforme au contenu du contrat de vente et à l'étendue des prestations de la société convenue entre les parties ;
Qu'en l'espèce, la SA Banque Solfea a délivré les fonds à la société Sunland au vu d'une attestation de fin de travaux datée du 8 janvier 2013 et signée par M. X. qui ne conteste pas sa signature ; que cette attestation produite par la SA Banque Solfea est ainsi rédigée :
« Dossier N° XX ayant fait l'objet d'un contrat de crédit émis par la SA Banque Solfea en date du 12/12/2012 concernant les travaux suivants : photovoltaïque
Je soussigné M. X. atteste que les travaux objets du financement visé ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau éventuel et autorisations administratives éventuelles) sont terminés et sont conformes au devis.
Je demande à la SA Banque Solfea de payer la somme de 19.000 euros représentant le montant du crédit à l'ordre de l'entreprise visée » ;
Que M. X. ne produit pas le bon de commande ou le contrat de vente conclu avec la société Sunland ; que la SA Banque Solfea verse aux débats en pièce 16 une copie du bon de commande conclu entre M. X. et la société Sunland dont il ressort que le contrat principal portait sur :
- 8 panneaux photovoltaïques
- un kit d'intégration au bâti-onduleur-coffret de protection-disjoncteur-parafoudre
- un forfait d'installation de l'ensemble
- les démarches administratives (mairie, consuel) ;
Qu'il est expressément indiqué sur le bon de commande que le raccordement au réseau n'est pas compris dans les prestations du vendeur, sauf mention contraire qui en l'espèce ne figure pas sur le contrat ;
Qu'il est constaté que M. X. a signé sans réserve le bon de livraison qui certifiait la réalisation de l'installation des panneaux photovoltaïques ; que le raccordement au réseau et les autorisations administratives expressément exclues du bon de livraison n'incombaient pas à la société ainsi qu'il résulte du bon de commande, celle-ci devant seulement faire des démarches administratives dont il n'est pas prétendu ni démontré qu'elles n'ont pas été réalisées ; qu'en conséquence, en délivrant les fonds au vu d'une attestation de livraison signée par l'emprunteur et d'une facture conformes au bon de commande remis par la société, la SA Banque Solfea n'a commis aucune faute dans la délivrance des fonds ; que le jugement est infirmé ;
Sur le calcul de la créance :
Attendu qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; que ces sommes produisent elles-mêmes des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt jusqu'à la date du règlement effectif ; qu'en outre le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité égale au plus à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance ;
Qu'en l'espèce, la SA Banque Solfea a notifié à M. X. la déchéance du terme par lettre recommandée reçue le 19 mars 2015 et il résulte du décompte produit que la dette de M. X. s'établit comme suit :
- mensualités échues et impayées : 4.624,28 euros
- capital restant dû au : 17.855,41 euros
- indemnité légale de 8 % : 1.428,43 euros
soit un total de 23.908,12 euros ;
Qu'il s'ensuit que M. X. doit être condamné à verser à la SA Banque Solfea la somme de 23.908,12 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,79 % sur la somme de 22.479,69 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 19 mars 2015 ;
Que M. X. ayant déposé une demande de surendettement, il est rappelé que les dispositions prises par la commission de surendettement s'imposeront aux parties ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Attendu que M. X., partie perdante, devra supporter les dépens ; qu'il n'y a pas lieu en équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau,
REJETTE les demandes de requalification des contrats et d'application des dispositions du code de commerce ;
DIT que le litige est soumis aux dispositions du code de la consommation ;
DECLARE recevables les demandes de M. X. ;
DECLARE sans objet la demande visant à voir écartées les pièces de l'intimé ;
CONDAMNE M. X. à verser à la SA Banque Solfea la somme de vingt trois mille neuf cent huit euros et douze centimes (23.908,12 euro) avec intérêts au taux contractuel de 5,79 % sur la somme de vingt deux mille quatre cent soixante dix neuf euros et soixante neuf centimes (22.479,69 euro) et au taux légal pour le surplus à compter du 19 mars 2015 ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. X. aux entiers dépens et autorise Maître M. à faire application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali Adjal, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en sept pages.