CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CASS. CIV. 3e, 20 avril 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 3e, 20 avril 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 3
Demande : 16-10696
Décision : 17-437
Date : 20/04/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:C300437
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 437
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 6859

CASS. CIV. 3e, 20 avril 2017 : pourvoi n° 16-10696 ; arrêt n° 437 

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « La connaissance et l’acceptation des conditions générales et particulières conditionnent leur opposabilité à l’assuré et non la formation du contrat ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 AVRIL 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 16-10696. Arrêt n° 437.

DEMANDEUR à la cassation : Société Securities et Financial Solutions Europe - Société Elite Insurance Company Limited

DÉFENDEUR à la cassation : Société Le Rubia

M. Chauvin (président), président. SCP Jean-Philippe Caston, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Sur le moyen unique :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’article L. 112-2 du code des assurances, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 29 octobre 2015), que, en vue de la réalisation d’un programme immobilier, la société Le Rubia a sollicité l’octroi d’une garantie financière d’achèvement auprès d’une banque et a mandaté un agent d’assurances afin de souscrire un contrat garantissant les risques encourus en sa qualité de promoteur et de constructeur non réalisateur ; que, le 3 février 2012, agissant pour le compte de la société de droit britannique Elite Insurance Company Limited (la société Elite Insurance), la société Securities & Financial solutions France (la société SFS), aux droits de laquelle vient la société SFS Europe, a transmis des offres d’assurances à la société Le Rubia qui les a acceptées le 8 février 2012 et a adressé trois chèques de 36.512,22 euros chacun, ainsi que différentes pièces qui lui étaient réclamées ; que la société Le Rubia a reçu les notes de couverture le 15 février 2012 mais a demandé, le 22 février 2012, aux sociétés SFS et Elite Insurance de ne pas établir le contrat et de lui restituer les chèques remis en paiement de la prime prévisionnelle globale en raison du refus de la banque de délivrer la garantie financière d’achèvement ; que les sociétés SFS et Elite Insurance ont poursuivi l’exécution forcée des contrats d’assurance et la société Le Rubia a sollicité reconventionnellement le remboursement des deux chèques qui avaient été encaissés ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour accueillir la demande de la société Le Rubia et rejeter celle des sociétés SFS et Elite Insurance, l’arrêt retient que les contrats n’avaient pas été valablement formés en dépit de l’acceptation par la société Le Rubia des offres qui lui avaient été faites dans la mesure où la validité des notes de couverture était conditionnée à la fourniture de la déclaration d’ouverture de chantier qui n’a jamais été remise et que les conditions générales et particulières des contrats n’avaient pas été adressées à la société Le Rubia et acceptées par elle ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que la société Le Rubia avait accepté les offres émises par l’assureur à qui elle avait adressé trois chèques en règlement des primes et alors que la connaissance et l’acceptation des conditions générales et particulières conditionnent leur opposabilité à l’assuré et non la formation du contrat, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 29 octobre 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne la société Le Rubia aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour les sociétés Securities et Financial Solutions Europe et Elite Insurance Company Limited.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les sociétés Securities et Financial Solutions Europe et Elite Insurance Company Limited font grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir prononcé la résiliation des offres d’assurance souscrites le 8 février 2012 par la société Le Rubia à la date du 22 février 2012, de les avoir en conséquence déboutées de toutes leurs demandes et condamnées solidairement à rembourser à cette dernière la somme de 65.072,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 février 2012 ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QU’au vu des pièces produites et des explications données par les parties, il peut être tenu pour faits constants que :

- la société Le Rubia qui exerce une activité de promotion immobilière, avait pour projet la construction sur un terrain de 7500 m², d’une résidence de standing, composée de deux bâtiments, sur la commune de [ville M.],

- afin de bénéficier d’une garantie financière d’achèvement en application de l’article 261-21 du code de la construction et de l’habitation, la société Le Rubia s’est adressée à la Caisse régionale de crédit agricole du Languedoc,

- la société Le Rubia a d’autre part, mandaté M. X., agent d’assurances, en vue de souscrire un contrat d’assurance garantissant les dommages ouvrages, les dommages subis par les éléments d’équipement, les dommages immatériels après réception, la responsabilité civile décennale du constructeur et les dommages tous risques chantier, pour chacun des bâtiments,

- le 3 février 2012, la société Securities et Financial Solutions France a transmis à M. X., quatre offres d’assurance,

- le 8 février 2012, la société Le Rubia a accepté ces propositions et a adressé trois chèques de 36.512,22 euros, ainsi que différentes pièces réclamées par la compagnie d’assurances : plan des travaux, permis de construire, cahier des clauses administratives particulières, rapport d’étude de sol, contrat de maîtrise d’œuvre, convention de contrôle technique, rapport initial de contrôle technique, cahier des clauses techniques particulières et cahier des clauses techniques générales,

- le 15 février 2012, la société Le Rubia a reçu les attestations d’assurance, dites « notes de couverture »,

- le 22 février 2012, par lettres recommandées AR, la société Le Rubia a demandé aux sociétés Securities et Financial Solutions France et Elite Insurance de ne pas établir le contrat et de lui restituer les chèques remis en paiement de la prime prévisionnelle globale, suite au refus du crédit agricole de délivrer la GFA pour le programme ,

- dans le même temps, la société Le Rubia pour mener à bien son programme, a souscrit un nouveau contrat auprès de la société Aviva Assurances ce qui a parmi la délivrance de la GFA ;

- deux des chèques remis ont été encaissés par la société Securities et Financial Solutions France les 15 février et 31 mars 2012,

- après divers échanges de correspondance, les parties ont tenté de se rapprocher et un projet de protocole d’accord transactionnel portant résiliation des contrats d’assurance, a été établi le 4 avril 2012,

- le 13 juillet 2012, la société Le Rubia a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nîmes aux fins d’obtenir la restitution de la somme de 36.512,22 euros encaissée par la société Securities et Financial Solutions France,

- par ordonnance du 1er août 2012, le juge des référés a donné acte de la communication à la société Le Rubia les documents demandés, mais a débouté la société Le Rubia de sa demande de provision, considérant qu’il existait une contestation sérieuse,

- le 18 octobre 2012, la société Securities et Financial Solutions France a adressé à la société Le Rubia une mise en demeure de payer la somme de 18. 383,11 euros, visant l’article L. 113-3 du code des assurances, aux fins de suspension des garanties à défaut de paiement ; […] ; que s’il est exact qu’aux termes de l’article 1134 du code civil les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, la formation d’un contrat suppose une rencontre des volontés et un accord définitif sur les éléments constitutifs de celui-ci ; qu’en l’espèce si la société Le Rubia a effectivement accepté les offres d’assurance qui lui avaient été faites, il ne peut être valablement prétendu que par ce seul fait, les contrats ont été valablement formés ; qu’en effet, la compagnie d’assurances a sollicité divers justificatifs, et a conditionné la validité des notes de couverture qu’elle a adressées à la société Le Rubia, au règlement des primes d’assurance et à la fourniture de la DOC (déclaration. d’ouverture de chantier) ; que la société Le Rubia fait justement valoir que l’intégralité des primes n’a jamais été réglée et que la déclaration d’ouverture de chantier n’a jamais été remise à la société Securities et Financial Solutions France ; que d’autre part, il n’est pas justifié, ni même prétendu que les conditions particulières et les conditions générales pour chacun des contrats aient été adressées à la société Le Rubia, et acceptées par cette dernière ; qu’un contrat d’assurance ne peut être constitué par une simple proposition, sans que soit porté à la connaissance de l’assuré l’ensemble des conditions générales et des conditions particulières, précisant de façon exhaustive les garanties et les exclusions de garantie souscrites, et acceptées par celui-ci ; qu’il s’ensuit que la lettre adressée le 22 février 2012, soit moins de 15 jours après l’acceptation des offres et demandant à la compagnie d’assurances de ne pas établir les contrats correspondants, est intervenue alors que les contrats n’étaient pas définitivement formés ; que les sociétés Securities et Financial Solutions France et Elite Insurance sont donc mal fondées à solliciter l’exécution forcée desdits contrats, et à se prévaloir de l’article L. 113-3 du code des assurances ; qu’enfin il est justifié par la société Le Rubia que la caisse régionale de crédit agricole du Languedoc a effectivement émis un avis défavorable aux demandes de garantie de fin d’achèvement et de financement du programme, en raison de l’extranéité de la compagnie d’assurances choisie ; qu’il n’appartient pas à la cour de se prononcer dans le cadre de la présente procédure sur le bien-fondé de la position du crédit agricole sur ce point ; qu’il ne peut cependant être contesté que le crédit agricole, certes étranger aux contrats d’assurance, mais partenaire incontournable de l’opération de promotion immobilière, a dans le cadre de son devoir de conseil, émis des réserves, et a attiré l’attention de la société Le Rubia sur les risques spécifiques liés au recours à une compagnie d’assurances étrangères intervenant en libre prestation de services en France et ne dépendant pas de l’autorité de contrôle prudentiel ; ce qui pouvait être, selon lui, de nature à priver les promoteurs du bénéfice du fonds de garantie prévue à l’article L. 421-9 du code des assurances et justifiait son refus ; qu’eu égard à la nature particulière de l’opération et au cadre législatif applicable, que les sociétés Securities et Financial Solutions France et Elite Insurance ne pouvaient ignorer, la position du crédit agricole, même à la supposer critiquable et non fondée, privait la société Le Rubia de la possibilité d’obtenir une garantie de fin d’achèvement et le financement de son programme, et justifiait qu’elle mette un terme aux pourparlers en cours avec la société Securities et Financial Solutions France, afin de mener à bien son projet ; que compte tenu des délais contraints, il ne peut être fait grief à la société Le Rubia, après avoir tenté de convaincre le crédit agricole de la fiabilité et du sérieux des compagnies choisies, d’avoir souscrit un nouveau contrat auprès d’une autre compagnie dès le 22 février 2012, afin de pouvoir justifier auprès du notaire, et donc des futurs acquéreurs d’une part des assurances souscrites, et de la garantie de fin d’achèvement conformément aux dispositions du code de la construction et de l’habitation ; que le tribunal a donc justement apprécié les éléments qui lui étaient soumis en considérant que la société Le Rubia avait un motif légitime de rompre les relations, et que les compagnies d’assurances ne pouvaient solliciter l’exécution forcée des contrats et le paiement des primes d’assurance ; qu’il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QUE le contrat d’assurance constitue un contrat consensuel qui est parfait dès la rencontre des volontés de l’assureur et de l’assuré sur les éléments essentiels du contrat, la note de couverture se contentant seulement de constater leur engagement réciproque ; qu’en se fondant, pour dire que les contrats d’assurance n’avaient pas été définitivement formés et condamner en conséquence les exposantes à rembourser à la société Le Rubia la somme de 65.072,60 euros, sur la circonstance que la compagnie d’assurances avait conditionné la validité des notes de couverture qu’elle avait adressées à la société Le Rubia au règlement des primes d’assurance et à la fourniture de la déclaration d’ouverture de chantier, tout en constatant par ailleurs que le 8 février 2012, la société Le Rubia avait accepté les offres d’assurances et adressé en règlement des primes trois chèques de 36.512,22 euros dont deux d’entre eux avaient été encaissés les 15 février et 31 mars 2012, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que l’assuré ayant accepté l’offre de contracter telle que formulée par l’assureur, le contrat était définitivement formé, violant ainsi l’article L. 112-2 du code des assurances, ensemble l’article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE la connaissance des conditions générales et particulières relatives à un contrat d’assurance commande uniquement l’opposabilité de celles-ci à l’assuré ; qu’en se fondant encore sur la circonstance qu’il n’était justifié, ni même prétendu que les conditions particulières et les conditions générales pour chacun des contrats d’assurance avaient été adressées à la société Le Rubia et acceptées par cette dernière, laquelle n’était pourtant pas de nature à exclure la formation du contrat d’assurance, la cour d’appel a violé l’article L. 112-2 du code des assurances, ensemble l’article 1134 du code civil ;

3°) ALORS QUE est fautive la poursuite des pourparlers jusqu’à une date avancée en vue de la souscription de contrat d’assurance sans que l’assuré professionnel n’informe l’assureur des conditions d’obtention de la garantie financière d’achèvement exigées par l’établissement prêteur de deniers ; qu’en se bornant à énoncer, pour considérer que la rupture des pourparlers était justifiée, qu’eu égard à la nature de l’opération et au cadre législatif applicable que les exposantes ne pouvaient ignorer, la position du Crédit agricole du Languedoc ayant émis un avis défavorable aux demandes de garantie de fin d’achèvement et de financement en raison de l’extranéité de la compagnie d’assurances choisie, justifiait que la société Le Rubia mette un terme aux pourparlers en cours avec la société Securities et Financial Solutions Europe, sans rechercher si elle avait toutefois préalablement informé cette dernière des conditions imposées par la banque, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1134 alinéa 3 du code civil ;

4°) ALORS QUE la rupture de pourparlers avancée est fautive dès lors qu’elle n’est pas justifiée par un juste motif ; qu’en considérant qu’il ne lui appartenait pas de vérifier le bien fondé de la position du Crédit agricole qui avait émis un avis défavorable au projet en raison de la seule extranéité de la compagnie d’assurances et qu’il suffisait, pour que cette position justifie la rupture des pourparlers par la société Le Rubia, qu’elle prive cette dernière de la possibilité d’obtenir le financement de son programme auprès de cet établissement financier, la cour d’appel qui a ainsi refusé de vérifier si le motif avancé par l’assuré était bien légitime au regard des règles supralégislatives européennes qui s’imposaient à tous a violé les articles 1382 et 1134 du code civil.