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CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 1er juin 2017

Nature : Décision
Titre : CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 1er juin 2017
Pays : France
Juridiction : Aix-en-provence (CA), 8e ch. C
Demande : 15/08225
Décision : 2017/282
Date : 1/06/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 11/05/2015
Numéro de la décision : 282
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6890

CA AIX-EN-PROVENCE (8e ch. C), 1er juin 2017 : RG n° 15/08225 ; arrêt n° 2017/282

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « S'agissant de la validité de la clause de stipulation d'intérêt au regard du caractère erroné du TEG figurant dans l'acte de prêt, la SCI Maryse, qui se borne à soutenir que certains frais n'auraient manifestement pas été pris en compte dans le calcul du TEG pour en déduire que celui-ci serait erroné, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe et, en particulier, ne démontre pas que l'erreur qu'elle invoque se serait traduite par un écart d'au moins une décimale, ainsi que l'exige l'article R. 313-1 du code de la consommation ».

2/ « Sur le fond, une banque peut valablement indexer un taux variable sur le taux de base bancaire qu'elle fixe elle-même en fonction des conditions auxquelles elle se refinance, pour autant qu'une mention du taux effectif global soit portée, de façon indicative, dans le contrat de prêt, ce qui n'est pas discuté en l'espèce ; que la cour constate, en outre, que le taux d'intérêt applicable, décomposé entre la partie variable et la partie fixe, figurait sur chaque relevé trimestriel (roll-over), permettant aux emprunteurs de connaître le taux applicable à chaque période ; Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a annulé la clause figurant à l'article 4 du contrat de prêt conclu le 27 mai 2008 ».

3/ « Mais attendu qu'il doit tout d'abord être relevé que la faculté offerte à la banque est soumise à un seuil de déclenchement objectif, la limite de facilité Sterling, fixé dans le contrat, et qui ne dépend pas de la volonté de la banque mais de l'évolution du taux de change ; qu'ainsi que le fait valoir la Jyske Bank, la faculté de conversion qui lui est ainsi offerte constitue une modalité de gestion du risque bancaire corrélatif à la diminution des garanties prises, dont la valeur est, en l'espèce, exprimée dans une autre devise que celle choisie par les emprunteurs ;

Que, par ailleurs, cette faculté de conversion apparaît constituer la contrepartie de l'option initiale offerte aux emprunteurs de libeller le prêt, accordé pour un certain montant exprimé en euros, dans la devise de leur choix, notamment en vue de profiter des taux d'intérêts les plus avantageux ; qu'il sera au surplus relevé, bien que ceci n'apparaisse pas résulter expressément des contrats de prêt, que les emprunteurs disposent de la faculté, mentionnée dans les relevés (roll-over) qui leur sont adressés trimestriellement, de convertir le prêt tout au long de la durée d'amortissement ; que si aucun dispositif ne prévoit expressément la possibilité de retour à la devise initiale après mise en œuvre de l'article 11 du contrat, aucun dispositif ne l'interdit, ce dont il y a lieu de déduire qu'une conversion à l'initiative de l'emprunteur demeure possible mais ne pourra s'effectuer que selon le taux de change applicable au jour de la conversion ;

Qu'il s'ensuit que la faculté de conversion de l'endettement telle qu'instituée par l'article 11 des contrats au profit de la banque ne caractérise ni l'existence d'une condition potestative, ni, en l'absence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, celle d'une clause abusive ».

4/ « Attendu qu'il n'est pas contestable ni contesté que le contrat ne prévoyait que la possibilité de convertir le prêt en livres Sterling ; qu'il est également constant que la banque a procédé unilatéralement à une conversion en euros, sans y avoir été expressément autorisée par les emprunteurs ; Qu'en procédant de la sorte, la banque n'a pas manqué à son obligation principale de mettre à la disposition de ses clients les fonds objet du contrat de prêt, mais a exécuté de manière défectueuse la faculté dont elle disposait de convertir le prêt en livres Sterling, dès lors que l'endettement dépassait un certain seuil (limite de facilité Sterling), ce qui s'est effectivement produit ; Qu'il s'ensuit que la conséquence de l'exécution défectueuse de cette faculté ne saurait être la résolution du contrat de prêt, mais seulement l'annulation de la conversion ainsi effectuée et le retour à la situation antérieure ; que la cour constate, à cet égard, que la SCI Maryse, qui demande réparation d'une somme globale de 50.000 pour l'ensemble des irrégularités qu'elle prétend avoir été commises depuis la période précontractuelle jusqu'à l'exercice de la conversion litigieuse, ne présente pas de demande spécifique en réparation du préjudice que lui aurait causé le fait que la conversion litigieuse soit intervenue en euros plutôt qu'en livres Sterling ».

 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

HUITIÈME CHAMBRE C

ARRÊT DU 1er JUIN 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/08225. Arrêt n° 2017/282. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 27 mars 2015, enregistré sous le R.G. n° 12/01741.

 

APPELANTE :

Société JYSKE BANK A/S

prise en la personne de son représentant légal, dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Isabelle F. de la SELARL L. F. & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Maître Aurélie B., avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SCI MARYSE

prise en la personne de son gérant, dont le siège est sis [adresse], représentée par Maître Serge L., avocat au barreau de NICE et assistée de Maître Laetitia G., avocat au barreau de NICE substituant Maître L. Serge, avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 avril 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Dominique PONSOT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de : Monsieur Dominique PONSOT, Président, Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Conseiller, Madame Claudine PHILIPPE, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er juin 2017

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 1er Juin 2017, Signé par Monsieur Dominique PONSOT, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 27 mars 2015 ayant, notamment :

- rejeté le moyen tiré de la prescription des actions en nullité soulevé par la société Jyske Bank,

- rejeté la demande en nullité formée par la SCI Maryse pour absence de rencontre des volontés,

- dit que la non-conformité de l'acte notarié à l'offre de prêt n'est pas établie,

- rappelé qu'en application de l'article L. 313-2 du code de la consommation, le TEG doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, cette disposition ne contenant aucune restriction, est pleinement applicable à tout crédit quelle que soit sa nature,

- dit que la clause sur le taux d'intérêt variable prévu à l'article 4 du contrat de prêt est nulle,

- rappelé que la nullité pure et simple du taux conventionnel emporte l'application du taux légal à compter de la date de réalisation du prêt,

- dit que la résolution d'un contrat peut se justifier lorsque le manquement contractuel est d'une gravité suffisante,

- dit que le manquement à une obligation d'information justifie la résolution du contrat lorsque ce manquement est d'une gravité suffisante,

- dit que la nullité de l'article 4 relatif aux « Caractéristiques du prêt » confère par voie subséquente au défaut d'information une gravité certaine,

- prononcé, en conséquence, la résolution du contrat de prêt du 27 mai 2008 conclu entre la SCI Maryse et la société Jyske Bank,

- ordonné à la société Jyske Bank de produire à la SCI Maryse un nouveau décompte des sommes restant dues après déduction des intérêts, frais et accessoires payés par l'emprunteur,

- débouté la SCI Maryse de sa demande de délais de paiement,

Au surplus,

- constaté que le contrat de prêt prévoyait exclusivement une conversion en euros,

- dit que seule la conversion en livres Sterling répond à l'exécution du contrat,

- dit que la société Jyske Bank A/S n'a pas respecté son obligation de conversion,

- dit que cette prérogative unilatérale de conversion de la société Jyske Bank A/S s'analyse en une nouvelle défaillance contractuelle,

- débouté la SCI Maryse de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel,

- condamné la société Jyske Bank A/S à payer à la SCI Maryse la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes et les prétentions contraires,

- condamné la société Jyske Bank A/S aux entiers dépens ;

 

Vu la déclaration du 11 mai 2015, par laquelle la société Jyske Bank A/S a relevé appel de cette décision ;

 

Vu les dernières conclusions notifiées le 3 mars 2017, aux termes desquelles la société Jyske Bank A/S demande à la cour de :

In limine litis,

- se déclarer incompétente pour se prononcer sur la demande d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de l'appel ;

A titre principal,

- dire et juger recevables les conclusions de Jyske Bank A/S,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 27 mars 2015, sauf en ce qu'il a déclaré que le contrat de prêt n'était pas nul, que la non-conformité de l'acte notarié n'était pas établie et en ce qu'il a débouté la SCI Maryse de sa demande de dommage-intérêts,

Et statuant à nouveau,

- dire et juger irrecevable la demande en nullité de l'article 4 du contrat de prêt en raison de la prescription,

- dire et juger valable le taux d'intérêt variable en fonction du taux de base de Jyske Bank A/S (« Jyske Bank Funding Rate »),

- dire et juger que les dispositions du code de la consommation, et a fortiori celles relatives aux crédits immobiliers, ne sont pas applicables au contrat de prêt,

- dire et juger que Jyske Bank A/S n'a commis aucun manquement à son obligation pré-contractuelle d'information,

- dire et juger valable la conversion du prêt en euros opérée par Jyske Bank A/S le 9 août 2011 ;

En conséquence,

- dire et juger la SCI Maryse mal fondée en ses demandes,

- l'en débouter,

- condamner la SCI Maryse à rembourser le prêt dont le capital s'élève à 698.624,25 euros, dans les conditions contractuellement prévues,

- condamner la SCI Maryse au paiement d'une somme de 18.015,54 euros au titre des intérêts du prêt, sauf à parfaire,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour prononcerait la nullité de la conversion,

- condamner la SCI Maryse à rembourser les échéances du prêt dont le capital s'élèverait alors à 731.250 CHF, dans les conditions contractuellement prévues,

En tout état de cause,

- condamner la SCI Maryse à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 7 mars 2017, aux termes desquelles la SCI Maryse demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a notamment :

« - Rejeté le moyen tiré de la prescription des actions en nullité soulevées par la société Jyske Bank

- Rappelé qu'en application de l'article L. 312-2 du code de la consommation, le TEG doit être mentionné dans tout écrit constant un contrat de prêt, cette disposition ne contenant aucune restriction, est pleinement applicable à tout crédit quelle que soit sa nature ;

- Dit que la clause sur le taux d'intérêt variable prévu à l'article 4 du contrat de prêt est nulle,

- Rappelé que la nullité pure et simple du taux conventionnel emporte l'application du taux légal à compter de la date de réalisation du prêt ;

- Dit que la résolution d'un contrat de prêt peut se justifier lorsque le manquement contractuel est d'une gravité suffisante ;

- Dit que le manquement à une obligation d'information justifie la résolution du contrat lorsque ce manquement est d'une gravité suffisante ;

- Dit que la nullité de l'article 4 relatif aux « Caractéristiques du prêt » confère par voie subséquente au défaut d'information une gravité certaine ;

- Prononcé en conséquence la résolution du contrat de prêt du 27 mai 2008 conclu entre la SCI Maryse et la société Jyske Bank A/S ;

- Ordonné à la société Jyske Bank de produire à la SCI Maryse un nouveau décompte des sommes restant dues après déduction des intérêts, frais et accessoires payés par l'emprunteur ;

- Constaté que le contrat de prêt prévoyait exclusivement une conversion en euros ;

- Dit que seule la conversion en livres Sterling répond à l'exécution du contrat ;

- Dit que la société JYSICE BANK n'a pas respecté son obligation de conversion ;

- Dit que cette prérogative unilatérale de conversion de la société Jyske Bank s'analyse en une nouvelle défaillance contractuelle ;

- Condamné la société Jyske Bank à payer à la SCI Maryse la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens. »

- recevoir la SCI Maryse en son appel incident et l'y déclaré bien fondé,

Statuant à nouveau de ce chef ;

- dire et juger qu'en raison de la dualité de prêteurs intervenue à l'opération de crédit, la rencontre des volontés est inexistante,

- dire et juger que l'acte authentique de prêt du 27 mai 2008 n'est pas conforme aux conditions financières du prêt telles que modifiées par la Jyske Bank le 3 mai 2008,

- dire et juger que le tableau d'amortissement annexé à 1'acte authentique n'est pas conforme aux caractéristiques du prêt et que Ia notice de variabilité est inexistante,

- dire et juger le caractère erroné du TEG et du coût total,

- condamner la Jyske Bank à lui payer la somme de 322.958,25 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi,

Dans l'hypothèse où la cour estimerait que les multiples manquements et irrégularités commis par la Jyske Bank ne serait pas d'une gravité suffisante pour entraîner la résolution de la convention de prêt :

- dire et juger que l'indice choisi par la banque pour calculer le taux variable stipulé à l'article 4 de la convention de prêt est interne à la Jyske Bank et présente dès lors un caractère irrégulier et non conforme à la loi,

- dire et juger le caractère erroné du TEG et du coût total,

- dire et juger que le tableau d'amortissement annexé à l'acte authentique n'est pas conforme aux caractéristiques du prêt et que la notice de variabilité est inexistante,

- dire et juger que le prêt qu'elle a souscrit est un crédit immobilier qui aurait dû être soumis aux dispositions du code de la consommation applicables audits contrats,

- dire et juger que l'offre émise par la banque le 2 avril 2008 n'est pas conforme aux dispositions du code de la consommation sur le crédit immobilier et que le délai de réflexion de 10 jours prévu par l'article L. 312-10 n'a pas été respecté,

- dire et juger que ladite clause n° 11 de la convention de prêt a un caractère potestatif,

En conséquence :

- eu égard aux multiples et importantes irrégularités et manquements commis par le prêteur, dire et juger que l'information de l'emprunteur lors de l'opération de crédit s'est avérée particulièrement incomplète et erronée,

- dès lors, dire et juger que cette gravité est suffisante pour justifier la déchéance de tout droit à intérêts pour le prêteur, tant conventionnels que légaux,

- prononcer la déchéance de tout droit à intérêts pour le prêteur, tant conventionnels que légaux,

- ordonner la restitution immédiate à l'emprunteur de la totalité des intérêts, frais et accessoires payés jusqu'à ce jour,

- dire et juger que la clause de l'article 11 de la convention de prêt nulle et de nul effet, ou à tout le moins abusive,

- dire et juger ladite clause réputée non écrite, et en conséquence, ordonner à la banque d'annuler la double conversion litigieuse,

- ordonner à la banque d'émettre un nouveau décompte des sommes dues libellé en euros correspondant au montant emprunté dans l'acte authentique du 27 mai 2008, à savoir la somme de 450.000 euros, le terme de remboursement du capital restant maintenu à la date du 27 juillet 2018,

Au surplus et en toute hypothèse :

- dire et juger que la Jyske Bank a manqué aux obligations de mise en garde et de conseil et d'information qui lui incombaient,

- en outre, en considération de l'attitude déloyale dont a fait montre la Jyske Bank à chacune des différentes étapes de ce dossier (violation de son obligation d'information pré-contractuelle, changent de devise de remboursement du prêt sans en informer le notaire, indication d'un TEG erroné, choix d'un indice de variabilité non conforme à la législation, non-respect des dispositions sur le crédit immobilier, conversion du capital restant dû en août 2011 à contretemps et au plus mauvais moment sans respecter dispositif prévu au contrat...) il apparaît légitime et fondé de condamner cet établissement financier à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral,

- condamner la Jyske Bank à payer à la SCI Maryse la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Attendu que par acte du 27 mai 2008 reçu par Maître A. notaire, la Jyske Bank A/S a accordé à la SCI Maryse un prêt « ordinaire » multidevise d'un montant de 450.000 euros ou « l'équivalent, à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, Dollars américains ou Yens japonais » ; que ce prêt a été consenti « exclusivement dans le but de dégager des liquidités en fonction de la propriété située à [ville T.] » ;

Que cet acte de prêt a été précédé d'une offre de prêt datée du 2 avril 2008 et acceptée par la SCI Maryse le 9 avril 2008 ;

Qu'il a été consenti à taux variable (Jyske Bank Funding Rate + 1,5 point), pour une durée de 10 ans, remboursable en 40 échéances trimestrielles dont les 39 premières échéances ne portent que sur les intérêts et que la dernière échéance porte à la fois sur le remboursement du capital et des intérêts ; qu'à la date de souscription du prêt, le taux applicable s'établissait à 6,29 %, soit un taux effectif global de 6,81 %, ainsi qu'il est mentionné au contrat ;

Que ce prêt a été garanti par une hypothèque conventionnelle de premier rang sur le bien immobilier appartenant à la SCI Maryse, situé [...], un engagement personnel de garantie de la part de H. X., M. X., J. X. et C. X. pour le montant total des sommes dues par la SCI Maryse à Jyske Bank A/S aux termes du contrat de prêt, et un nantissement pris sur un placement de 150.000 euros ;

Que le contrat de prêt prévoit, à l'article 11, un mécanisme autorisant la banque, en cas de variation des taux de change ayant pour effet que l'endettement en cours dépasse un certain seuil (Limite de facilité Sterling), de prendre à son entière discrétion certaines mesures, à savoir de convertir l'endettement en cours en livres Sterling au taux de change de la banque en vigueur au jour de la conversion, de réaliser ou appeler tout ou partie de la sûreté garantissant le remboursement du prêt, ou demander le remboursement immédiat d'une partie de l'endettement en cours, d'un montant suffisant pour le réduire, après conversion en livres Sterling, à un montant qui ne soit pas supérieur à la Limite de facilité Sterling ;

Que les taux d'intérêts pratiqués en Suisse étant, à l'époque de la souscription du prêt, moins élevés que dans la zone Euro, la SCI Maryse a demandé que le contrat soit libellé en francs suisses (CHF) ; que les échéances du prêt ont été réglées en CHF sans protestation jusqu'en 2011 ;

Que le 13 janvier 2011, la Jyske Bank a attiré l'attention de la SCI Maryse sur l'évolution défavorable de la parité CHF/euros, et l'a informée qu'en cas de poursuite du renforcement du franc suisse, elle serait contrainte de convertir le contrat en euro ;

Qu'en dépit de ce courrier, la SCI n'a pas souhaité convertir le prêt en euro ;

Que néanmoins, par courrier du 5 août 2011, la Jyske Bank a informé la SCI que si le CHF continuait à s'apprécier par rapport à l’euro et qu'il dépasse un taux de 1,05, elle procéderait à la conversion du prêt ;

Que ce seuil de 1,05 ayant été atteint quelques jours plus tard, la Jyske Bank a procédé à la conversion du prêt en euro ;

Que le 21 novembre 2011, la SCI Maryse, a adressé à la Jyske Bank un courrier dans lequel elle critiquait la conversion ainsi opérée, et, à la suite de plusieurs échanges de correspondance, a décidé de ne procéder qu'à un paiement partiel des intérêts du prêt ;

Que par acte du 23 mars 2012, la SCI Maryse a fait assigner la Jyske Bank devant le tribunal de grande instance de Grasse, demandant la nullité du contrat de prêt et, à défaut, sa résolution en raison des nombreuses irrégularités commises, selon par le prêteur, et ayant vicié son consentement ;

Que par le jugement entrepris, le tribunal a partiellement fait droit aux demandes, prononçant la résolution du contrat de prêt et ordonnant à la Jyske Bank de produire un nouveau décompte des sommes restant dues après déduction des intérêts, frais et accessoires payés par l'emprunteur ;

 

Sur la procédure :

Attendu que la SCI Maryse sollicite le rejet des conclusions notifiées par le Jyske Bank le vendredi 3 mars 2017, la clôture étant fixée au 7 mars suivant ;

Mais attendu que la date de la clôture de la mise en état ayant été repoussée au 28 mars 2017 pour permettre à la SCI de répliquer aux écritures adverses, ce qu'au demeurant elle n'a pas fait dans le nouveau délai de 15 jours qui lui a été ainsi offert, il n'y a pas lieu d'écarter ces écritures des débats, le principe du contradictoire ayant été respecté ;

 

Sur la nullité du contrat de prêt :

Attendu que la SCI Maryse, appelante incidente, soutient tout d'abord que le contrat comporterait une première irrégularité du fait de l'implication d'une dualité de prêteurs ; qu'en effet, l'offre de prêt émane de « Jyske Bank Private Banking » dont le siège est à Londres, tandis que l'acte notarié mentionne que le prêt est consenti par « Jyske Bank A/S », société constituée selon la loi danoise et dont le siège est au Danemark ; qu'ainsi, il n'y aurait pas eu de rencontre des consentements, et le contrat serait donc nul ;

Mais attendu que la Jyske Bank justifie par la production d'un certificat délivré par la FSA (Financial Services Authority - autorité de contrôle des banques au Royaume Uni) que la Jyske Bank A/S est enregistrée sous le statut d'EEA authorised, qui permet à un établissement bancaire d'un État membre de l'Union d'exercer ses activités dans un autre État membre par l'intermédiaire d'une succursale (branch), d'où il résulte que Jyske Bank London n'est qu'une succursale de Jyske Bank A/S, et qu'il n'y a donc qu'une seule et même personne morale ; que le moyen sera écarté ;

Attendu, en second lieu, que la SCI Maryse soutient que le contrat serait nul en raison d'un défaut d'information de l'emprunteur ; qu'elle estime en effet qu'elle n'aurait pas bénéficié d'une information suffisante, claire et compréhensible de ce à quoi elle s'engageait ; qu'en effet, l'acte de prêt est libellé en euros, de même qu'y sont annexés, ainsi qu'à l'offre, des documents libellés en euros, alors que dès l'origine, le prêt a été comptabilisé et remboursé en francs suisses ; que, selon elle, la banque aurait converti le prêt, souscrit en euros, en francs suisses avant la signature de l'acte notarié ; que le prêt aurait été libéré le 3 mai 2008 en CHF, tandis que l'acte notarié est du 27 mai 2008 ;

Qu'ainsi, la SCI Maryse, la Jyske Bank n'aurait pas communiqué au notaire les caractéristiques précises du prêt, l'empêchant d'exercer son devoir de conseil et d'alerter l'emprunteuse sur le risque de change que lui faisait courir un prêt indexé sur une devise étrangère ;

Mais attendu qu'ainsi que le rappelle la Jyske Bank, l'acte notarié mentionne qu'il s'agit d'un prêt multidevise de 450.000 euros ou l'équivalent à la date de tirage du prêt, dans l'une des principales devises européennes, Dollars américains, ou Yens japonais ; qu'il précise également, sous le paragraphe 4 « Caractéristiques du prêt » : Devise : Multidevise, initialement en euros ; que ces indications consacrent sans ambiguïté l'option offerte à l'emprunteur de choisir à sa seule discrétion la monnaie du prêt ;

Que l'offre de prêt simulant un montant de prêt en euros, il était naturel que la Jyske Bank fournisse des informations relatives au taux applicable dans cette devise ; qu'en différents endroits de l'acte notarié et de l'offre de prêt qui, de convention expresse, fait partie intégrante de l'acte notarié, le taux d'intérêts est mentionné pour un prêt en euros ; qu'en raison de l'option offerte au souscripteur de modifier à tout moment la devise du contrat, la mention de la devise initialement choisie par la SCI emprunteuse aux lieu et place de l’euro ne modifiait pas son degré de compréhension quant aux caractéristiques du prêt ; que c'est donc en vain que la SCI Maryse soutient que le fait que l'acte notarié n'ait pas été libellé en francs suisses aurait vicié son consentement en privant le notaire de lui apporter une information complète ;

Que le moyen sera rejeté et le jugement confirmé de ce chef ;

 

Sur le défaut de délivrance d'une notice séparée sur les modalités de variation du taux d'intérêt :

Attendu que la Jyske Bank demande la réformation du jugement en ce qu'il lui a fait grief de ne pas avoir remis une telle notice à l'emprunteur, en violation de l'article L. 312-8 du code de la consommation ;

Qu'elle soutient, à titre principal, que le prêt ne serait pas soumis au code de la consommation car il ne s'agit pas d'un prêt immobilier, l'objet du prêt étant de refinancer un investissement privé et qu'il s'agit d'un prêt professionnel, non soumis au code de la consommation en ce qu'il exclut expressément l'application de l'article L. 312-3 du code de la consommation, disposition définissant les prêts immobiliers ;

Qu'elle observe, en outre, que l'obligation de remettre une notice séparée pour les prêts à taux variable ne s'appliquait en toute hypothèse pas au prêt litigieux, puisqu'elle résulte de la loi du 3 janvier 2008, qui n'est entrée en vigueur sur ce point que le 1er octobre 2008, soit postérieurement au prêt, souscrit le 2 avril 2008 ; qu'au regard de la jurisprudence antérieure à l'intervention de ce texte, la remise d'une notice séparée n'était pas exigée, dès lors que les conditions et modalités de variation du taux étaient énoncées dans l'offre de prêt ;

 

Attendu que nonobstant une rédaction pour le moins maladroite suivant laquelle le prêt est offert exclusivement dans le but de dégager des liquidités en fonction de la propriété située à [ville T.], il apparaît que le prêt n'est pas affecté et qu'il a été consenti en considération d'une garantie prise sur le bien immobilier visé ; qu'il s'ensuit que le prêt n'entre pas dans le champ d'application des prêts immobiliers régis par le code de la consommation ;

Que la cour constate, du reste, que la SCI Maryse n'établit en rien que le prêt aurait été souscrit en vue de la réalisation de travaux immobiliers sur la dite propriété ; que d'une part, il apparaît que les travaux d'extension, objet d'un permis de construire accordé en mars 2007 et ayant donné lieu à un devis non chiffré d'octobre 2007, avaient été effectués à la date d'octroi du prêt, puisque lors de l'évaluation du bien auquel a fait procédé la Jyske Bank le 25 février 2008, il est mentionné que la maison a été entièrement rénovée en 2007 ; que s'agissant de la piscine, le même rapport d'évaluation mentionne, photo à l'appui, qu'elle a été réalisée mais non terminée ; que d'autre part, la SCI Maryse, qui ne fournit aucun document chiffré concernant les travaux déjà effectués ou à achever, n'établit en aucune manière que le prêt souscrit, d'un montant de 450.000 euros, aurait été destiné à leur financement ;

Qu'au surplus, la SCI Maryse ne conteste pas les affirmations de la Jyske Bank suivant lesquelles un tiers du montant emprunté aurait été investi, auprès de la Jyske Bank elle-même, dans des placements financiers ;

Qu'au demeurant et ainsi que le souligne la Jyske Bank, l'obligation de fournir une notice séparée décrivant le fonctionnement du taux variable et fournissant une simulation des effets de cette variabilité n'était pas exigée au regard de la législation applicable à l'époque de sa souscription, le contrat de prêt décrivant le mode de détermination du taux de base bancaire (Jyske Bank Funding Rate) auquel s'ajoute une rémunération fixe de 1,5 % et fournissant un taux indicatif de 6,29 % à la date de souscription du prêt pour un prêt en euros ;

Que le moyen sera écarté ;

 

Sur le caractère erroné du TEG :

Attendu que la SCI Maryse soutient que le TEG serait nul en ce que l'offre de prêt fait état d'un TEG de 6,81 % pour un taux conventionnel variable fixé à la date du prêt à 6,29 % ; que, selon elle, ce différentiel de 0,6 % est censé avoir pris en compte des coûts de garanties (évaluation 8.900 euros), des frais de dossier (650 euros) des frais d'évaluation (estimés à 1.000 euros) et des frais de gestion (rollover fee : 32 euros par trimestre soit, sur 10 ans, 1.280 euros), soit un total de 11.830 euros, ce qui serait mathématiquement impossible ; qu'elle observe que ces coûts ont été calculés sur une durée de 360 jours et non de 365 jours ; qu'elle sollicite ainsi la déchéance des intérêts conventionnels ;

Que s'agissant de l'acte authentique, où toute estimation est bannie, la SCI Maryse considère que l'acte authentique ne pouvait pas reprendre les mêmes estimations que l'offre de prêt, alors que le coût des frais de garanties était désormais connu ; qu'elle note pourtant que les mêmes indications ont été reprises, et que le coût total du prêt qui y est indiqué, soit 744.880 euros, est erroné ; que, sur un autre plan, la SCI Maryse fait valoir que l'acte authentique ne serait pas conforme aux conditions financières de l'opération garantie, puisqu'il est établi en euros, de même que l'offre de prêt qui lui est annexée, alors que, dès l'origine, le prêt a été comptabilisé et remboursé en francs suisses ; qu'ainsi, l'acte de prêt et les pièces annexes dont le tableau d'amortissement seraient erronés ;

Qu'en réponse, la Jyske Bank considère que le raisonnement suivi par la SCI Maryse, consistant à « prendre le différentiel de 0,6 % censé représenter le TEG » par rapport au montant total de l'emprunt de 450.000 euros est inopérant ; qu'elle discute par ailleurs le coût des relevés trimestriels (roll over), qui serait de 1.254,80 euros selon elle, et non de 1.280 euros, sur 10 ans ; qu'elle estime par ailleurs que le coût des intérêts, si on y ajoute le coût des garanties, produit bien une somme de 291.950 euros, soit un coût total du crédit de 744.880 euros après addition des frais de dossier, frais d'évaluation et frais de gestion ; qu'il n'y a, par conséquent, selon elle, aucune erreur ;

 

Mais attendu, en premier lieu, que le prêt ne constituant pas un prêt immobilier, la déchéance des intérêts sollicitée sur le fondement de l'article L. 312-33 du code de la consommation n'est pas encourue ;

Que s'agissant de la validité de la clause de stipulation d'intérêt au regard du caractère erroné du TEG figurant dans l'acte de prêt, la SCI Maryse, qui se borne à soutenir que certains frais n'auraient manifestement pas été pris en compte dans le calcul du TEG pour en déduire que celui-ci serait erroné, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe et, en particulier, ne démontre pas que l'erreur qu'elle invoque se serait traduite par un écart d'au moins une décimale, ainsi que l'exige l'article R. 313-1 du code de la consommation ;

Que, pour le reste, il sera rappelé que l'offre de prêt a été établie le 2 avril et acceptée le 9 avril 2008, et que le contrat de prêt qui s'y réfère expressément et indique que l'offre en fait partie intégrante, a été signé le 27 mai 2008 ; que toutefois, il est établi par les pièces produites aux débats par la Jyske Bank elle-même (pièce n° 3) que dès le 23 mai 2008, le contrat a reçu exécution par le virement d'une somme de 731.250 CHF sur le compte ouvert par la SCI Maryse auprès de la Jyske Bank à Londres ;

Qu'ainsi, à la date de la signature du contrat de prêt, il est manifeste que le taux d'intérêt et, par suite, le TEG qui y étaient mentionnés n'étaient plus valables, puisque la partie variable du taux était le Jyske Bank funding rate sur le marché du CHF et non plus sur celui de l’euro ; que, du reste, la lettre du 23 mai 2008 précitée mentionne que sera appliquée à la première échéance trimestrielle du 27 mai au 29 août 2008 un taux d'intérêt de 4,4375 % incluant la marge fixe de 1,5 % ; qu'il en résulte que le taux d'intérêt de 6,29 % et, par suite, le TEG de 6,81 figurant dans l'acte de prêt étaient erronés ; que, toutefois, la différence ne s'établissant pas au détriment de la SCI emprunteuse, cette dernière n'est pas fondée à demander la nullité de la stipulation d'intérêt de ce chef ;

Qu'il convient, en conséquence, de débouter la SCI Maryse des demandes qu'elle forme au titre du caractère erroné du TEG ;

 

Sur la nullité de la clause de variabilité de l'intérêt stipulé au contrat de prêt :

Attendu que la Jyske Bank fait en premier lieu grief au jugement d'avoir écarté l'exception de prescription quelle opposait à la demande de nullité de la clause stipulant un taux d'intérêt variable, en constatant que le contrat datait de 2008 et l'assignation avait été délivrée en 2012 ; que selon elle, l'effet interruptif attaché à une demande en justice ne s'étend pas à une seconde demande, différente par son objet et par sa cause ; qu'en l'espèce, la SCI Maryse a soulevé pour la première fois la nullité de l'article 4 du contrat de prêt dans ses conclusions du 5 septembre 2014 ;

Que sur le fond, la Jyske Bank souligne que la validité d'un taux variable déterminé à partir du taux de base bancaire de l'établissement prêteur a été consacrée par la Cour de cassation, solution reprise par la cour dans une décision récente ; que le contrat précisait par ailleurs les modalités de variation du prêt ;

Qu'en réponse, la SCI Maryse considère que le taux d'intérêt, égal au Jyske Bank Funding Rate augmenté de 1,5 % n'intervient pas selon des données objectives et externes à la banque ayant octroyé le crédit ; que la clause n'est au surplus pas claire, car rien ne permet de savoir dans quelles conditions et selon quel critère le taux d'intérêt variable sera déterminé ;

 

Attendu que la Jyske Bank, qui ne communique pas en cause d'appel les différentes conclusions notifiées par la SCI Maryse devant les premiers juges, ne met pas la cour, laquelle n'est pas en possession du dossier de première instance bien qu'ayant sollicité sa transmission le 8 juin 2015, en mesure d'apprécier si, comme elle le soutient, la demande de nullité présentée par cette dernière l'aurait été pour la première fois postérieurement à l'expiration du délai de prescription quinquennal, le jugement ne se référant quant à lui qu'aux dernières écritures ;

Que toutefois, sur le fond, une banque peut valablement indexer un taux variable sur le taux de base bancaire qu'elle fixe elle-même en fonction des conditions auxquelles elle se refinance, pour autant qu'une mention du taux effectif global soit portée, de façon indicative, dans le contrat de prêt, ce qui n'est pas discuté en l'espèce ; que la cour constate, en outre, que le taux d'intérêt applicable, décomposé entre la partie variable et la partie fixe, figurait sur chaque relevé trimestriel (roll-over), permettant aux emprunteurs de connaître le taux applicable à chaque période ;

Que le jugement sera infirmé en ce qu'il a annulé la clause figurant à l'article 4 du contrat de prêt conclu le 27 mai 2008 ;

 

Sur le respect de l'obligation précontractuelle d'information (devoir de mise en garde) :

Attendu que la Jyske Bank reproche aux premiers juges d'avoir prononcé la résolution du contrat de prêt pour manquement à l'obligation de mise en garde sur le risque de change lié à l'utilisation du franc suisse comme monnaie de compte et sur les conséquences pouvant découler d'une variation du taux de change ;

Que la Jyske Bank conteste, tout d'abord, le caractère d'emprunteur non averti de la SCI Maryse ; qu'elle note, en effet, que l'un des associés, M. H. X., époux de la gérante, qui se présente lui-même comme ingénieur conseil dans le domaine de l'immobilier sur sa page LinkedIn ; qu'en outre, M. X. a coché dans une document intitulé Client profile la cas I am/we are familiar with the financial markets (j'ai/nous avons connaissance des marchés financiers) ; que dans ce même document, il indiquait souhaiter en particulier réaliser des placements sur les marchés émergents à fort retour sur investissement ; qu'elle en déduit qu'il avait la capacité de comprendre le fonctionnement d'un prêt multidevise ;

Qu'elle considère, d'autre part, que la mise en garde spécifique liée au risque de hausse du franc suisse ne s'applique qu'à des produits spéculatifs qui impliquent une opération d'achat ou de vente, fondée sur la spéculation à la baisse ou à la hausse d'une valeur, d'une devise, d'une matière première ; que tel ne serait pas le cas, selon elle, d'un prêt en devise, dont l'objet n'est pas de spéculer sur la variation d'une devise dans l'espoir de réaliser un gain au moment de la vente ; qu'il s'agissait seulement de s'aménager la possibilité de choisir une devise étrangère comme monnaie de compte pour pouvoir bénéficier des taux d'intérêts applicables à un emprunt dans cette devise ; qu'au surplus, elle a attiré l'attention de la SCI Maryse à deux reprises sur les risques inhérents à un prêt libellé en devises ;

Qu'enfin, la sanction d'un éventuel manquement à l'obligation précontractuelle d'information consiste en l'allocation de dommages-intérêts destinés à indemniser une perte de chance, laquelle correspond à une fraction de la perte constatée ; qu'à cet égard, elle prétend que si la SCI avait souscrit un emprunt à taux fixe, elle aurait dû subir un coût de financement supplémentaire de 61.292,11 euros ;

Qu'en réponse, la SCI Maryse soutient que le prêt consenti était particulièrement mal adapté à sa situation et estime que la Jyske Bank n'aurait jamais dû lui faire souscrire un prêt complexe et à risque particulièrement élevé, alors qu'elle était seulement désireuse de restaurer et d'étendre son bien immobilier, reçu par succession ; qu'elle estime que son attention n'a jamais été attirée sur le risque de se trouver avec un endettement en forte augmentation du seul fait de l'évolution des taux de change ; qu'elle note qu'alors qu'elle emprunté 450.000 euros, c'est une somme de près de 698.624,25 euros qui serait aujourd'hui due en capital, et avec une charge d'intérêts elle-même en augmentation, le taux étant passé de 1,8125 % à 3,10 % ; qu'elle note par ailleurs que le document prétendument explicatif dont se prévaut la banque était en anglais financier non traduit en français ;

Qu'elle estime que la banque lui a vendu un « produit toxique » à très haut risque ; qu'elle estimait avoir souscrit un emprunt immobilier, et non pas un produit spéculatif et considère donc qu'elle avait le droit de bénéficier de la plus grande protection quant à son emprunt immobilier, et sollicite réparation à ce titre ;

Qu'elle conteste par ailleurs la qualité d'emprunteur averti de M. X. et produit aux débats un certificat de travail dont il résulte que celui-ci a travaillé pendant 36 ans dans une société de services en informatique qu'il a quittée en 2000 avec le statut de cadre, et où il aurait occupé, selon la SCI Maryse un emploi d'ingénieur réseau ;

 

Attendu, en premier lieu, qu'un banquier n'est tenu d'un devoir de mise en garde sur le risque d'endettement lié à l'octroi du prêt qu'à l'égard des emprunteurs non avertis ; que dans le cas d'une personne morale, la qualité d'emprunteur averti s'apprécie à travers celle de ses dirigeants ;

Attendu que l'expérience professionnelle de M. X. acquise dans le secteur informatique et la connaissance dont il a prétendu disposer dans le fonctionnement des marchés financiers de même que sa qualité d'ingénieur conseil dans le domaine de l'immobilier mentionné sur un réseau social ne suffisent à considérer qu'il était lui-même, et au travers de sa personne, la SCI Maryse, un emprunteur averti ; qu'il en résulte que la banque était tenue d'un devoir de mise en garde sur le risque d'endettement lié à l'octroi du prêt ;

Qu'il importe toutefois de relever que la SCI Maryse ne soutient pas que les autres caractéristiques du prêt, notamment le fait qu'il s'agissait d'un prêt in fine, lui auraient fait courir un risque d'endettement contre lequel la banque aurait dû la mettre en garde, pas plus qu'elle ne conteste sa capacité à rembourser l'emprunt, mais concentre ses critiques sur le fait que, s'agissant d'un prêt libellé en devises, il lui faisait courir un risque spécifique ;

Que, sur ce point, il n'est pas contesté que la SCI Maryse a signé le 21 décembre 2007 un document établi en français, intitulé Document de compréhension, dans lequel il était indiqué : Nous avons discuté dans quelle devise je préfère faire l'emprunt et j'ai/nous avons demandé que l'emprunt soit souscrit en CHF et ensuite, converti en EUROS ; que ce document se poursuit ainsi : Jyske Bank m'a/nous fait part du risque de change lié au choix d'emprunter dans une autre devise que mon choix de base. Je déclare/nous déclarons comprendre que tout renforcement de la devise de l'emprunt par rapport à ma devise de base peut résulter en une augmentation du coût de remboursement de l'emprunt et que le fait d'emprunter dans une devise étrangère peut être considéré comme étant un « haut risque » ;

Que quelques jours après, le 2 janvier 2008, la Jyske Bank a adressé à la SCI Maryse un courrier, rédigé en anglais, lui indiquant que Vous devez prendre en considération le fait que les taux de change sont sujets aux fluctuations du marché. Toute baisse dans la valeur de votre monnaie de base/revenus vis-à-vis de la monnaie choisie pour l'emprunt se traduirait par une augmentation effective du coût de remboursement de votre emprunt. Souscrire un prêt en devise étrangère peut en conséquence être considéré comme un « haut risque » (You should consider that currency exchange rates are subject to market fluctuation. Any fall in the strength of your base/income currency against your chosen loan currency would result in an effective increase in the cost of meeting your loan repayments. Taking a loan in a foreign currency can therefore be considered to be a « high risk ») ; que contrairement à ce que soutient la SCI Maryse, à qui il incombait, le cas échéant, de faire part de son ignorance de la langue anglaise à son banquier, ce second document n'est en rien rédigé dans un anglais financier difficilement compréhensible, et rappelait pour l'essentiel le contenu du document du 21 décembre 2007 ;

Qu'il résulte de ce qui précède que la Jyske Bank n'a pas manqué à son obligation de mise en garde, étant observé qu'un prêt libellé en devise ne constitue pas un produit spéculatif appelant une obligation supplémentaire de mise en garde liée à la nature de tels produits ;

Que, pour le reste, la banque, tenue par un devoir de non-immixtion, n'avait pas à conseiller sa cliente sur l'opportunité de l'opération envisagée, étant rappelé que la destination du prêt n'apparaît pas avoir pénétré le champ contractuel ;

Que le jugement sera infirmé de ce chef ;

 

Sur l'article 11 du contrat de prêt :

Sur la licéité du mécanisme de conversion :

Attendu que le jugement a prononcé la résolution du contrat de prêt, au motif que la Jyske Bank avait commis une faute en convertissant unilatéralement le contrat en euros et non en livres Sterling ;

Qu'en cause d'appel, la SCI Maryse entend préalablement contester la validité de l'article 11 du contrat prévoyant la possibilité d'une conversion en livres Sterling, dont le mécanisme révélerait une clause potestative, dès lors qu'elle offre la possibilité à la banque, à sa seule discrétion et sans notification préalable, de prendre un certain nombre de mesures, parmi lesquelles la conversion du prêt en Livre Sterling ; qu'à tout le moins, il s'agirait d'une clause abusive en ce qu'aucun mécanisme de sécurité ne vient limiter les risques et les conséquences de la conversion, si la banque décide de ne pas appliquer le seuil fixé, qu'aucune possibilité de retour à la devise initiale n'est envisagée, et qu'aucun consentement n'est requis de l'emprunteur ;

 

Mais attendu qu'il doit tout d'abord être relevé que la faculté offerte à la banque est soumise à un seuil de déclenchement objectif, la limite de facilité Sterling, fixé dans le contrat, et qui ne dépend pas de la volonté de la banque mais de l'évolution du taux de change ; qu'ainsi que le fait valoir la Jyske Bank, la faculté de conversion qui lui est ainsi offerte constitue une modalité de gestion du risque bancaire corrélatif à la diminution des garanties prises, dont la valeur est, en l'espèce, exprimée dans une autre devise que celle choisie par les emprunteurs ;

Que, par ailleurs, cette faculté de conversion apparaît constituer la contrepartie de l'option initiale offerte aux emprunteurs de libeller le prêt, accordé pour un certain montant exprimé en euros, dans la devise de leur choix, notamment en vue de profiter des taux d'intérêts les plus avantageux ; qu'il sera au surplus relevé, bien que ceci n'apparaisse pas résulter expressément des contrats de prêt, que les emprunteurs disposent de la faculté, mentionnée dans les relevés (roll-over) qui leur sont adressés trimestriellement, de convertir le prêt tout au long de la durée d'amortissement ; que si aucun dispositif ne prévoit expressément la possibilité de retour à la devise initiale après mise en œuvre de l'article 11 du contrat, aucun dispositif ne l'interdit, ce dont il y a lieu de déduire qu'une conversion à l'initiative de l'emprunteur demeure possible mais ne pourra s'effectuer que selon le taux de change applicable au jour de la conversion ;

Qu'il s'ensuit que la faculté de conversion de l'endettement telle qu'instituée par l'article 11 des contrats au profit de la banque ne caractérise ni l'existence d'une condition potestative, ni, en l'absence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, celle d'une clause abusive ;

Que les moyens visant à l'annulation de la clause ou à ce qu'elle soit déclarée non écrite seront rejetés ;

 

Sur la mise en œuvre de la conversion :

Attendu que la Jyske Bank, rappelle le contexte dans lequel est intervenu l'exercice de la conversion, à savoir la longue dégradation de l’euro face au franc suisse ; qu'elle considère que le contrat lui laissait une simple faculté de conversion en livres Sterling et prétend que la conversion en euros plutôt qu'en livres Sterling était pertinente ; que, selon elle, le fait que le contrat prévoyait une conversion en livres Sterling s'explique par le fait que le contrat a été conçu initialement à Londres, mais qu'il était cohérent de convertir le contrat en euros, car le bien donné en garantie était situé dans un pays de la zone euros ; qu'elle ajoute qu'une conversion en Livre Sterling aurait été plus défavorable pour les clients et note qu'elle a proposé le 27 janvier 2012, soit postérieurement à la conversion effectuée, une conversion en livres Sterling, mais que mais la SCI Maryse n'y a pas donné suite ;

Qu'en toute hypothèse, la sanction de l'exécution défectueuse de l'article 11 ne devrait pas être la résolution du contrat de prêt, mais l'indemnisation des conséquences dommageables de cette mauvaise exécution ; qu'elle soutient, à cet égard, qu'il n'y a pas de préjudice, dès lors que si la conversion avait été effectuée en livres Sterling, il en serait résulté, selon elle, un montant d'intérêts supplémentaires de 2.911,15 euros ;

Qu'en réponse, la SCI Maryse considère qu'en ayant procédé à la conversion à contretemps et en abusant de la faculté discrétionnaire dont elle bénéficiait, la banque a commis une faute lui ayant occasionné un préjudice ; que, selon elle, la banque aurait dû procéder immédiatement à la conversion du prêt, dès que le seuil prédéfini a été atteint, soit le 10 octobre 2008 ; que la SCI Maryse demande, en conséquence, à la cour d'annuler la double conversion litigieuse ;

 

Attendu qu'il n'est pas contestable ni contesté que le contrat ne prévoyait que la possibilité de convertir le prêt en livres Sterling ; qu'il est également constant que la banque a procédé unilatéralement à une conversion en euros, sans y avoir été expressément autorisée par les emprunteurs ;

Qu'en procédant de la sorte, la banque n'a pas manqué à son obligation principale de mettre à la disposition de ses clients les fonds objet du contrat de prêt, mais a exécuté de manière défectueuse la faculté dont elle disposait de convertir le prêt en livres Sterling, dès lors que l'endettement dépassait un certain seuil (limite de facilité Sterling), ce qui s'est effectivement produit ;

Qu'il s'ensuit que la conséquence de l'exécution défectueuse de cette faculté ne saurait être la résolution du contrat de prêt, mais seulement l'annulation de la conversion ainsi effectuée et le retour à la situation antérieure ; que la cour constate, à cet égard, que la SCI Maryse, qui demande réparation d'une somme globale de 50.000 pour l'ensemble des irrégularités qu'elle prétend avoir été commises depuis la période précontractuelle jusqu'à l'exercice de la conversion litigieuse, ne présente pas de demande spécifique en réparation du préjudice que lui aurait causé le fait que la conversion litigieuse soit intervenue en euros plutôt qu'en livres Sterling ;

Que la SCI Maryse se trouve donc toujours débitrice d'un prêt libellé en francs suisses, supportant des intérêts dont la part variable correspond au taux de base bancaire de la Jyske Bank (Jyske Bank funding rate) applicable à un prêt libellé dans cette devise ; qu'il sera, en conséquence, fait droit aux demandes subsidiaires que présente la banque ;

Attendu, pour le reste, que la SCI Maryse ne peut faire grief à la Jyske Bank de ne pas avoir opéré la conversion plus tôt, dès le franchissement de la limite de facilité Sterling, dès lors que la banque dispose d'une simple faculté et n'est pas engagée contractuellement envers l'emprunteur à contenir l'encourt au niveau de ce seuil ; qu'en outre et surtout, la SCI emprunteuse disposait elle-même de la faculté, rappelée sur chaque roll over trimestriel, de convertir à tout moment le prêt dans une autre devise, et éviter ainsi les conséquences d'une évolution des taux de change défavorable à ses intérêts ;

Qu'enfin, la SCI Maryse n'est pas fondée à solliciter la double conversion du prêt, dès lors que le choix initial qu'elle a opéré et n'a jamais contesté en faveur du CHF est totalement étranger à la mise en œuvre, par la banque, de la faculté de conversion offerte par l'article 11 de l'offre ;

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Attendu que chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, notamment la Jyske Bank en ce que ses demandes principales ne sont pas accueillies, chacune conservera la charge de ses propres dépens, de première instance et d'appel ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

REJETTE la demande de rejet des débats des dernières conclusions notifiées par la Jyske Bank A/S ;

INFIRME le jugement rendu le 27 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Grasse en ce qu'il a :

- dit que la clause sur le taux d'intérêt variable prévu à l'article 4 du contrat de prêt est nulle,

- prononcé la résolution du contrat de prêt du 27 mai 2008 conclu entre la SCI Maryse et la société Jyske Bank,

- condamné la société Jyske Bank A/S aux dépens ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

STATUANT à nouveau,

- REJETTE la demande en nullité du prêt et de ses différentes clauses ;

- REJETTE la demande de résolution pour inexécution du contrat de prêt ;

- DIT que la conversion des contrats de prêt opérées par la Jyske Bank A/S le 9 août 2011 est nulle et de nul effet ;

- CONDAMNE la SCI Maryse à rembourser les échéances du prêt dont le capital s'élève à 731.250 CHF, dans les conditions contractuellement prévues ;

REJETTE toute autre demande des parties, et notamment celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT