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T. COM. ORLÉANS (4e ch.), 13 septembre 1995

Nature : Décision
Titre : T. COM. ORLÉANS (4e ch.), 13 septembre 1995
Pays : France
Juridiction : TCom Orleans. 4e ch.
Demande : 90/06611
Date : 13/09/1995
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 20/12/1990
Décision antérieure : CA ORLÉANS (ch. civ. sect. 1), 24 avril 1997
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 692

T. COM. ORLEANS (4e ch.), 13 septembre 1995 : RG n° 90/06611 – 92/2565

 

TRIBUNAL DE COMMERCE D’ORLÉANS

QUATRIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 13 SEPTEMBRE 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 90/06611. JUGEMENT CONTRADICTOIRE. LE TRIBUNAL DE COMMERCE D'ORLÉANS, 4ème CHAMBRE, SIÈGEANT EN AUDIENCE PUBLIQUE A QUINZE HEURES LE 13 SEPTEMBRE MIL NEUF CENT QUATRE VINGT QUINZE A RENDU LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

 

ENTRE :

Société TOMASSIMO

dont le siège social est [adresse] ; Demanderesse suivant assignation en date du vingt décembre mil neuf cent quatre vingt dix ; Comparant par la SCP d'avocats CASADEI-TARDIF avocats à Orléans ;

ET :

Société VIA PIZZA RESTAURATION

[adresse] ; Défenderesse comparant par la SCP d'avocats MASSON-OUSACI, avocats à Orléans ;

 

Dans l'instance mise au rôle sous le numéro 92/2565 :

ENTRE :

Société TOMASSIMO

dont le siège social est [adresse] ; Agissant poursuites et diligences de son représentant légal demeurant audit siège ; Demanderesse suivant assignation en date du onze mai mil neuf cent quatre vingt douze ; Comparant par la SCP d'avocats CASADEI-TARDIF avocats à Orléans ;

[minute page 2]

ET :

1° - Liquidation judiciaire de la Société Via Pizza Restauration

représentée par Maître du Buit, [adresse] ;

2° - SCP GUILLEMOT-AUGAGNEUR-PIN

société d'avocats, demeurant [adresse] ;

Défendeurs comparant par SCP d'avocats BENICHOU-LAPIERRE, avocats à Paris ;

Les causes jointes entendues le 21 juin 1995 le tribunal a pris l'affaire en son délibéré à ce jour ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I - LA PROCÉDURE :

Par le ministère de Maîtres A., B., C. et D., huissiers de justice à [ville], la Société Tomassimo a fait délivrer le 20 décembre 1990 à la Société Via Pizza Restauration assignation à comparaître devant notre juridiction à l'audience du 9 janvier 1991 en paiement :

- d'une somme de 400.000 Francs avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

la société requérante se réservant le droit de former une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

Lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à une mesure d'instruction, mais aux frais avancés de la Société Via Pizza Restauration ;

- la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;

- des entiers dépens ;

Par ordonnance de référé en date du 6 février 1991 Monsieur le Président de ce tribunal a désigné en qualité d'expert, M. E., ayant pour mission de se faire remettre la comptabilité relative aux exercices de référence de la cession du fonds 87/88/89 de l'individualiser quant à l'exploitation dudit fonds au regard de ceux exploités ailleurs par la défenderesse ;

Par le ministère de Maître F., huissier de justice à [ville], la Société Tomassimo a fait délivrer le 11 mai 1992 à Maître Du Buit, es-qualité de liquidateur de la Société Via Pizza Restauration et à la Scp d'avocats Guillemot-Augagneur-Pin, pour voir ordonner la jonction des deux instances ;

de lui donner acte de ce qu'elle entend rechercher la responsabilité de la Scp Guillemot-Augagneur-Pin et réserver ses droits à cet égard ;

Déclarer communes et opposables, tant à Maître Du Buit, es-qualité qu'à la Scp Guillemot-Augagneur-Pin les opérations d'expertise en cours diligentées par M. E. ;

[minute page 3] Les provisions nécessaires aux opérations d'expertise étant à la charge de cette dernière ;

 

II - LES FAITS :

Attendu que la Société Tomassimo a acquis de la Société Via Pizza. Restauration le 21 décembre 1989 un fonds de commerce de restaurant, pizza, salon de thé, glaces, vente de plats à emporter sis [adresse] pour un montant de 1.200.000 Francs (dont 120.000 Francs au titre des éléments incorporels) ;

Les chiffres d'affaires mentionnés aux termes de l'acte de vente sont les suivants :

1987         :    3.654.000 Francs TTC

1988         :    2.997.000 Francs TTC

1989         :    2.413.156 Francs TTC

Il est également indiqué que les résultats n'étaient pas identifiables, étant confondus avec ceux de Via Pizza Restauration qui a d'autres établissements ;

Que la requérante a commencé son exploitation au mois de janvier 1990 et qu'elle vient aujourd'hui démontrer l'inexactitude des mentions prescrites par la loi du 29 juin 1935 ;

Qu'aux termes de l'article 13 de ladite loi, le vendeur est, nonobstant toute stipulation contraire, tenu de la garantie en raison de l'inexactitude de ces énonciations, dans les conditions édictées par les articles 1644 et 1645 du Code Civil. Les intermédiaires, rédacteurs des actes et leurs préposés sont tenus solidairement avec lui, s'ils connaissent l'inexactitude des énonciations faites ;

Que la requérante est recevable et bien fondée, recherchant la garantie du vendeur à engager aujourd'hui une action estimatoire afin d'obtenir une réduction du prix de vente du fonds ;

Que si la charge de la preuve de l'inexactitude des mentions que la loi prescrit de porter dans l'acte de vente incombe en principe à l'acquéreur, il n'en demeure pas moins que cette preuve peut être apportée par tout moyen ; qu'elle peut l'être particulièrement par les indications figurant dans la comptabilité que l'article 13 de la loi fait obligation au vendeur de communiquer à l'acheteur ; qu'ainsi, en cas de non communication de la comptabilité du vendeur, la jurisprudence considère que la charge de la preuve se trouve renversée ; qu'en pareille circonstance, l'inexactitude alléguée par l'acheteur sera présumée ;

Qu'il s'agit là du cas de l'espèce ;

Qu'en effet, la requérante n'a jamais pu obtenir communication de la comptabilité et que contrairement à la clause insérée à l'acte, aucun inventaire des livres n'a été dressé par les parties... que du reste la requérante a dû engager une action en référé aux fins d'obtenir communication des documents comptables. Que l'attitude de la Société Via Pizza Restauration a été particulièrement éloquente à l'occasion de cette procédure ; qu'après s'être engagée à communiquer lesdits documents, elle s'est finalement retranchée derrière une impossibilité matérielle ;

[minute page 4] Le rapport de l'expert :

L'expert ayant déposé son rapport, il ressort de ses travaux que :

Les chiffres fournis lors de la vente sont exacts et confirmés par le début d'activité de la Société Tomassimo ;

Que les résultats sont identifiables par établissement en examinant la comptabilité générale de Via Pizza ;

Que les chiffres fournis sur l'exercice en cours de 1989 sont sujets à caution dans la mesure où n'y était pas incorporée la part à supporter par l'établissement des charges du groupe en particulier sur les salaires des cadres ;

Que l'acheteur n'ignorait pas la dégradation du chiffre d'affaires dès avant la vente ;

Qu'il semble avoir été influencé par des résultats annoncés supérieurs à six fois la réalité ;

Que si réduction il doit y avoir, elle est estimée à 200.000 Francs ;

 

III - LES DIRES DES PARTIES :

Maître Du Buit, es-qualité de liquidateur de Via Pizza s'en rapporte à justice et en tout état de cause rappelle que si bénéfice il y a pour le demandeur, cela se traduira par une production au passif de la liquidation ;

Il conclut au débouté des demandes dirigées à son encontre ;

La Scp Guillemot-Augagneur-Pin avait en un premier temps conclut à la forclusion au regard des articles 13 et 14 de la loi du 29 juin 1935, mais relève que qu'en cours de procédure et en date du 8 mars 1995 la demanderesse a déposé son bilan ; qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte et que le représentant des créanciers n'a pas cru devoir reprendre le suivi de la procédure ;

Que de ce fait l'action devient irrecevable, faute d'intérêt à agir ;

La Société Tomassimo conclut en ouverture de rapport d'expertise, que celui-ci appuie et conforte la demande initiale argumentant essentiellement sur le fait que la comptabilité de plusieurs établissements distincts était regroupée, alors que l'acquisition ne portait que sur un seul établissement ; seule cette comptabilité, et de manière claire devait être fournie ;

Les renseignements fournis étant erronés et insuffisants, le dol est établi ;

Vis-à-vis du rédacteur de l'acte, la Scp Guillemot-Augagneur-Pin, le devoir de conseil n'a pas été rempli et de même, il y a eu manquement d'investigations ce qui engage sa responsabilité ;

Le préjudice est établi et confirmé par l'expert ;

[minute page 5] Le tribunal devra accorder à titre de dommages et intérêts la somme de 400.000 Francs demandée, outre les intérêts légaux à dater du 20 décembre 1990 sous forme de créance à inscrire au passif de Via Pizza ;

Il devra condamner aux mêmes sommes la Scp Guillemot-Augagneur-Pin et enfin solidairement avec Maître Du Buit à verser à la demanderesse une somme de 20.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IV - AVIS MOTIVÉ DU TRIBUNAL :

En date du 21 décembre 1989 un acte de vente établi par la Scp Guillemot-Augagneur-Pin rend acquéreur la Société Tomassimo d'un fonds de commerce auprès de Via Pizza ; parallèlement l'acquisition au travers d'une SCI porte sur les murs, l'ensemble représentant une valeur de l'ordre de 3.000.000 Francs ;

Le fonds de commerce, quant à lui est vendu au prix de 1.200.000 Francs se décomposant en valeur des éléments corporels 1.080.000 Francs et incorporels 120.000 Francs ;

Le chapitre charges et conditions précise bien que les objets mobiliers sont cédés dans l'état où ils se trouvent qui doit être en bon état de fonctionnement (mention manuscrite et visée) ;

Le tribunal constate qu'aucune réclamation ne vise l'état ou le fonctionnement des biens mobiliers (corporels) dont la valeur a été fixée d'un commun accord à 1.080.000 Francs ;

Que de ce fait, seuls et dans cette limite précise peuvent être visés dans l'action les biens incorporels dont le prix a été fixé d'un commun accord également à 120.000 Francs ;

L'expert fait un certain nombre de calculs pour déterminer la valeur du fonds en fonction des critères généraux aboutissant à un million de francs ; cependant rien ne permet au tribunal à l'intérieur de ce million de séparer le corporel de l'incorporel ;

Dans ces conditions, le tribunal considère que la recherche doit être différente et se présente ainsi :

Quel que soit le secteur professionnel concerné, celui ou ceux qui se dirigent dans cette voie doivent apporter, outre les moyens financiers, des connaissances minimum en matière de gestion et de « métier » ;

Que le préalable indispensable consiste en l'établissement d'un budget prévisionnel dont nul ne souffle mot ;

Que celui-ci aurait permis de déterminer les besoins (et donc les coûts) exacts de l'exploitation sur les deux points qui ressortent essentiellement de la procédure, à savoir :

- le ratio investissement - productivité

- le ratio charges de personnel - chiffre d'affaires ;

[minute page 6] Il apparaît au tribunal que l'acquéreur a commis ces deux erreurs là : ne pas apprécier correctement la charge de l'investissement, ne pas apprécier correctement la part de savoir-faire qui permet le rendement de l'investissement ;

Qu'en conséquence les actions intentées contre le précédent exploitant ne sont pas acceptables en ce sens ou elles portent sur une valeur qui ne peut être concernée : 400.000 Francs par rapport à 120.000 Francs ;

et sur un coût d'exploitation constaté supérieur à celui envisagé dans la mesure où le budget prévisionnel se devait dans tous les cas d'apporter les bons chiffres ; il convient de rappeler que la seule différence ressortie par l'expertise porte sur un coût salarial déterminable ;

Le tribunal souligne que la valeur incorporelle de 120.000 Francs apparaît raisonnable ; elle est la contrepartie d'un achalandage au demeurant très correct ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL :

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ;

Reçoit la Société Tomassimo en ses demandes, la dit mal fondée et l'en déboute ;

Déboute les parties de toutes autres demandes, fins et conclusions ;

Condamne la Société Tomassimo à payer à la Société Via Pizza Restauration les entiers dépens, toutes instances confondues y compris le coût de l'expertise ;

Lesquels dépens y compris les frais de greffe liquidés et taxés en jugeant à la somme de 23.757,20 Francs ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Composition du tribunal lors des débats et du délibéré : Monsieur LESUEUR, Président, Messieurs GIBIER, BAES, WILLEME et BRUNEAU, Juges, Assisté de Maître Pascal DANIEL, Greffier.

Jugement prononcé le 13 SEPTEMBRE 1995 par Monsieur LESUEUR, Président

La Minute du jugement est signée par le Président du délibéré et le Greffier.

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT

P. DANIEL                            Cl. LESUEUR