CA NANCY (2e ch. civ.), 22 juin 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6926
CA NANCY (2e ch. civ.), 22 juin 2017 : RG n° 16/02133
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que la demande de déchéance du droit aux intérêts du prêteur, présentée par voie d'action ou de défense au fond, se prescrit dans le délai de dix ans prévu par l'art. L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable au présent litige ; que le délai court à compter de la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé ;
Que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a réduit à cinq ans le délai de prescription prévu par cet article ; que l'article 26-11 de cette loi relatif aux dispositions transitoires, indique que ses dispositions s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;
Qu'à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription de 10 ans n'était pas écoulé, de sorte qu'à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi, le délai de cinq ans a commencé à courir pour prendre fin le 19 juin 2013 ; que le tribunal ayant prononcé d'office la déchéance du droit aux intérêts par jugement du 13 mai 2016 sans demande des emprunteurs et M. et Mme X. ayant formé leur demande de déchéance du droit aux intérêts pour la première fois devant la cour par conclusions du 10 novembre 2016, cette demande est prescrite ; qu'en conséquence la demande de déchéance du droit aux intérêts doit être déclarée irrecevable et le jugement infirmé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 22 JUIN 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/02133. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance d'ÉPINAL, R.G.n°11-15-000735, en date du 13 mai 2016.
APPELANTE :
SA DOMOFINANCE
prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [adresse] inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés PARIS sous le numéro XXX, Représentée par Maître Christian O. de la SCP D. K. B. O., avocat au barreau de NANCY
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représenté par Maître Serge D., avocat au barreau de NANCY
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], demeurant [adresse], Représentée par Maître Serge D., avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 4 mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, chargée du rapport et Monsieur Yannick BRISQUET, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, Madame Sandrine GUIOT-MLYNARCZYK, Conseiller, Monsieur Yannick BRISQUET, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 juin 2017, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 22 juin 2017, par Monsieur Ali ADJAL, greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offres préalables de prêt signées le 26 septembre 2004, la SA Domofinance a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X. trois prêts personnels d'un montant de 20.000 euros chacun, remboursables en 120 mensualités avec intérêt au taux contractuel de 6,64 % et 5,75 % l'an.
Les échéances ayant cessé d'être remboursées, elle a adressé aux emprunteurs trois lettres recommandées le 7 novembre 2014 valant déchéance du terme.
La SA Domofinance a assigné M. X. et Mme Y. épouse X. par actes d'huissier du 2 octobre 2015 devant le tribunal d'instance de d'Epinal aux fins de les voir condamner solidairement à lui verser les soldes des trois prêts outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X. a sollicité des délais de paiement.
Par jugement réputé contradictoire du 13 mai 2016, le tribunal d'instance a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour les trois prêts et a débouté la SA Domofinance de ses demandes, la condamnant aux dépens.
Le tribunal a considéré que les emprunteurs avaient adhéré à l'assurance facultative décès-invalidité, que les notices d'assurance n'étaient pas annexées aux offres de prêt, que la signature de la mention selon laquelle les emprunteurs reconnaissaient avoir reçu un exemplaire de cette notice était insuffisant et que la remise de la notice doit être signée et datée par l'adhérent. Il en a déduit que faute pour le prêteur d'avoir respecté son obligation d'information prévue à l'article L. 311-12 du code de la consommation, il devait être déchu de son droit aux intérêts pour les trois prêts. Ayant relevé que les sommes versées par les emprunteurs étaient supérieures à celles prêtées, le tribunal a rejeté la demande en paiement.
La SA Domofinance a régulièrement interjeté appel de cette décision et conclut à l'infirmation du jugement. Elle sollicite :
- qu'il soit dit n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts,
- la condamnation de solidaire de M. et Mme X. à lui verser :
* 4.565,50 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,64 % à compter du 4 novembre 2014
* 4.423,33 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,75 % à compter du 4 novembre 2014
* 4.089,77 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,75 % à compter du 4 novembre 2014
- que les demandes de déchéance du droit aux intérêts soient déclarées irrecevables
- le rejet des demandes des intimés
- la condamnation de solidaire de M. et Mme X. à lui verser 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Domofinance fait valoir que la déchéance du droit aux intérêts retenue par le tribunal et sollicitée par les intimés en appel est prescrite puisqu'en application de l'article 110-4 du code de commerce et des dispositions de la loi du 17 juin 2008, la demande de déchéance du droit aux intérêts devait être entreprise avant l'année 2013. Elle en déduit que cette demande est irrecevable.
Sur le respect de la remise de la notice d'assurance, elle expose que la signature sur l'offre de prêt de la mention selon laquelle les emprunteurs reconnaissent avoir reçu un exemplaire de cette offre comportant des extraits des conditions générales de l'assurance vaut présomption de remise effective de la notice. Elle considère avoir respecté son obligation d'information prévue aux articles L. 311-12 et L. 311-13 du code de la consommation. L'appelante ajoute que le tribunal ne pouvait prononcer la déchéance du droit aux intérêts puisque l'article L. 311-33 du même code dresse la liste exhaustive des irrégularités pouvant entraîner une telle sanction et que l'article R. 112-3 du code des assurances n'y figure pas. Elle en déduit que le jugement doit être infirmé.
Sur la demande en paiement, la SA Domofinance expose justifier de la réalité et du montant de ses demandes pour les trois prêts.
M. et Mme X. concluent à titre principal à la confirmation du jugement de première instance et sur appel incident, ils sollicitent la condamnation de la SA Domofinance à leur verser 12.349,77 euros au titre du trop-perçu. A titre subsidiaire, ils sollicitent qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils ne sollicitent pas le remboursement du trop-perçu et concluent à la confirmation du jugement.
À titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent les plus larges délais de paiement, que les sommes ne portent intérêts qu'au taux légal et que les paiements s'imputent en priorité sur le capital. En tout état de cause, ils concluent au rejet des demandes de la SA Domofinance outre sa condamnation à leur verser 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que contrairement à ce que prétend le prêteur, l'article L. 311-12 du code de la consommation applicable à l'espèce, impose la remise à l'emprunteur d'une notice d'assurance et que cet article est expressément visé par l'article L. 311-33 de sorte que la déchéance du droit aux intérêts est encourue en cas de non-respect. Les intimés considèrent que la signature d'une mention sur l'offre de prêt est insuffisante pour caractériser le respect de l'obligation d'information alors que l'article R. 112-3 du code des assurances impose que la remise des documents soit datée et signée par l'assuré. Ils ajoutent que la CJUE ainsi que la commission des clauses abusives ont rejeté les clauses types par lesquelles l'emprunteur reconnaît que le prêteur a rempli ses obligations précontractuelles et qu'en l'absence de preuve rapportée par la SA Domofinance de la remise effective de la notice d'assurance, elle doit être déchue de son droit aux intérêts.
Sur les sommes dues, les intimés font valoir que l'organisme prêteur a perçu une somme indue de 12.349,77 euros au titre des intérêts conventionnels dont ils demandent remboursement.
Sur la prescription, ils font valoir que l'exception d'irrecevabilité n'a été invoquée par la SA Domofinance que dans un second jeu de conclusions et estiment que leur demande n'est qu'un moyen pour faire obstacle aux demandes de l'appelante et qu'elle ne peut être considérée comme une demande reconventionnelle soumise à prescription. A titre subsidiaire, si la cour considère que la demande de remboursement du trop-perçu est une demande reconventionnelle soumise à prescription, ils se déportent de cette demande et concluent à la confirmation du jugement. Enfin, M. et Mme X. sollicitent l'application de l'article 1343-5 du code civil eu égard à leur situation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les écritures déposées le 7 février 2017 par M. et Mme X. et le 9 janvier 2017 par la SA Domofinance, auxquelles la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 février 2017 ;
Sur la prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts :
Attendu que la prescription n'étant pas une exception de procédure mais une fin de non-recevoir, elle peut être proposée en tout état de cause en application de l'article 123 du code de procédure civile, y compris à hauteur d'appel ; qu'il s'ensuit que la demande de la SA Domofinance tendant à voir déclarée prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts est recevable ;
Attendu que la demande de déchéance du droit aux intérêts du prêteur, présentée par voie d'action ou de défense au fond, se prescrit dans le délai de dix ans prévu par l'art. L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable au présent litige ; que le délai court à compter de la date à laquelle le contrat de crédit est définitivement formé ;
Que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a réduit à cinq ans le délai de prescription prévu par cet article ; que l'article 26-11 de cette loi relatif aux dispositions transitoires, indique que ses dispositions s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;
Qu'à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription de 10 ans n'était pas écoulé, de sorte qu'à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi, le délai de cinq ans a commencé à courir pour prendre fin le 19 juin 2013 ; que le tribunal ayant prononcé d'office la déchéance du droit aux intérêts par jugement du 13 mai 2016 sans demande des emprunteurs et M. et Mme X. ayant formé leur demande de déchéance du droit aux intérêts pour la première fois devant la cour par conclusions du 10 novembre 2016, cette demande est prescrite ; qu'en conséquence la demande de déchéance du droit aux intérêts doit être déclarée irrecevable et le jugement infirmé ;
Qu'en outre, la demande de remboursement de la somme de 12.349,77 euros au titre des intérêts trop perçus est rejetée ;
Sur le calcul de la créance :
Attendu qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; que ces sommes produisent elles-mêmes des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt jusqu'à la date du règlement effectif ; qu'en outre le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité égale au plus à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance ;
Qu'en l'espèce, la SA Domofinance a notifié à M. et Mme X. la déchéance du terme par lettres du 4 novembre 2041 et il résulte des décomptes produits que la dette des intimés s'établit comme suit :
* prêt n° 445 XX 9003
- mensualités échues et impayées : 1.118,46 euros
- capital restant dû : 3.361,31 euros
- indemnité 8 % : 85,73 euros
soit un total de 4.565,50 euros
* prêt n° 445 YY 9002
- mensualités échues et impayées : 1.109,40 euros
- capital restant dû : 3.224,15 euros
- indemnité 8 % : 89,94 euros
soit un total de 4.423,33 euros
* prêt n° 445 ZZ 9001
- mensualités échues et impayées : 1.057,24 euros
- capital restant dû : 2.942,05 euros
- indemnité 8 % : 90,48 euros
soit un total de 4.089,77 euros
Qu'il s'ensuit que M. et Mme X. doivent être solidairement condamnés à verser à la SA Domofinance les sommes de :
- 4.565,50 euros avec intérêts au taux contractuel de 6,64 % sur la somme de 4.479,77 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 4 novembre 2014
- 4.423,33 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,75 % sur la somme de 4.333,55 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 4 novembre 2014
- 4.089,77 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,75 % sur la somme de 3.999,29 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 4 novembre 2014 ;
Que le jugement est infirmé ;
Sur les délais de paiement :
Attendu que M. et Mme X. sollicitent les plus larges délais de paiement en application de l'article 1244-1 du code civil ; que cependant en l'absence d'éléments récents et précis sur la situation professionnelle et financière des emprunteurs (pièces produites datant de 2014) et du fait qu'ils n'ont effectué aucun règlement depuis début 2014 et ne démontrent pas pouvoir s'acquitter de leurs dettes dans le délai légal, ils doivent être déboutés de leur demande ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Attendu que M. et Mme X., parties perdantes, devront supporter les dépens et qu'il est équitable qu'ils soient condamnés à verser à la SA Domofinance la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il convient en outre de débouter les intimés de leur propre demande de ce chef ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau,
DECLARE recevable la demande de la SA Domofinance tendant à voir déclarée prescrite la demande de M. et Mme X. de déchéance du droit aux intérêts ;
DECLARE irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par M. et Mme X. comme étant prescrite ;
CONDAMNE solidairement M. et Mme X. à verser à la SA Domofinance :
- quatre mille cinq cent soixante-cinq euros et cinquante centimes (4.565,50 euros) avec intérêts au taux contractuel de 6,64 % sur la somme de 4.479,77 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 4 novembre 2014 au titre du prêt n° 445 XX 9003
- quatre mille quatre cent vingt-trois euros et trente-trois centimes (4.423,33 euros) avec intérêts au taux contractuel de 5,75 % sur la somme de 4.333,55 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 4 novembre 2014 au titre du prêt n° 445 YY 9002
- quatre mille quatre-vingt-neuf euros et soixante-dix-sept centimes (4.089,77 euros) avec intérêts au taux contractuel de 5,75 % sur la somme de 3.999,29 euros et au taux légal pour le surplus à compter du 4 novembre 2014 au titre du prêt n° 445 ZZ 9001 ;
DEBOUTE M. et Mme X. de leur demande de délais de paiement et de leur demande de remboursement de la somme de 12.349,77 euros au titre des intérêts trop perçus ;
CONDAMNE solidairement M. et Mme X. à verser à la SA Domofinance la somme de mille euros (1.000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. et Mme X. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE solidairement M. et Mme X. aux entiers dépens ;
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur ADJAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Minute en six pages.