CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 28 juin 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6940
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 28 juin 2017 : RG n° 14/20457
Publication : Jurica
Extrait : « Par ailleurs, l'expert a relevé que les allocations de participations aux frais de portage perçues par la société Jankef Distribution, qui ont été définies contractuellement par les parties et dont elles ont aussi accepté les évolutions, étaient supérieures à celles perçues tant par le distributeur précédent que le suivant ; ainsi la société Jankef Distribution a bénéficié de participations plus intéressantes que ces deux autres sociétés, dont celle qui lui a succédé, laquelle exploiterait cette activité de manière bénéficiaire, ce que la société Jankef Distribution ne conteste pas. Le dirigeant de la société Jankef Distribution a, avant de créer cette société et de conclure la convention de dépositaire de presse du 1er juin 2007, travaillé pendant plusieurs années pour un autre distributeur des parutions Ouest-France, de sorte qu'il connaissait les modalités de portage proposées par la société Ouest France à ses distributeurs, et a pu apprécier la viabilité des conditions qui leur étaient proposées.
A titre surabondant, l'expert a relevé les écarts entre les indemnités kilométriques figurant sur les feuilles de paie des porteurs plus importants que les kilomètres strictement nécessaires, et les écarts entre les allocations de portage sur ces feuilles de paie sur des quantités plus importantes que celles effectivement distribuées, lesquels résultent de décisions de gestion, et sont d'un montant supérieur au déficit de participation de la société Ouest France quant aux frais de portage effectivement supportés par la société Jankef Distribution, de sorte que les résultats de la société Jankef Distribution auraient pu être différents.
En conséquence, la société Jankef Distribution échoue à démontrer que la société Ouest France lui aurait imposé des conditions commerciales abusives, ne lui permettant pas un exercice viable de l'activité de dépositaire. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 28 JUIN 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 14/20457 (9 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 mars 2013 - Tribunal de Commerce de RENNES - RG n° 2010F00317.
APPELANTE :
SELARL EMJ prise en la personne de Maître C., ès qualités de liquidateur judiciaire de EURL JANKEF DISTRIBUTION
ayant son siège social [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Alain F. de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
INTIMÉE :
SA OUEST FRANCE
ayant son siège social [adresse], N° SIRET : XXX (Rennes), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Matthieu B. G. de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, Ayant pour avocat plaidant Maître Mathieu B., avocat au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Monsieur François THOMAS, Conseiller, rédacteur, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François THOMAS dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Madame Patricia DARDAS
ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, Présidente et par Monsieur Vincent BRÉANT, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS :
La Selarl EMJ prise en la personne de Maître C., est le liquidateur judiciaire de la société Jankef Distribution, immatriculée le 29 mai 2007, laquelle est spécialisée dans la distribution de journaux, revues, publicités.
La société anonyme Ouest France intervient dans le secteur de l'édition de journaux.
Le 1er juin 2007, ces sociétés ont conclu une convention de dépositaire de presse aux termes de laquelle la société Ouest France, éditeur, confiait à la société Jankef Distribution, dépositaire, le dépôt en vue de la répartition, de la distribution et de la vente de l'ensemble des publications qu'elle éditait dans le secteur du pays Bigouden dans le Finistère.
La société Ouest France expose avoir constaté, dès le début de l'année 2009, des anomalies dans l'exécution de ses obligations contractuelles par la société Jankef Distribution, et l'a alertée, par lettre du 24 mars 2009, des difficultés d'exécution du contrat qu'elle constatait.
La société Jankef Distribution s'est plainte auprès de la société Ouest France du fait que l'activité n'était pas rentable et générait des pertes du fait notamment du mauvais remboursement par la société Ouest France des salaires des porteurs.
Par lettre RAR du 10 septembre 2009, la société Jankef Distribution a sollicité un rendez-vous avec la société Ouest France, à laquelle elle souhaitait se rendre accompagnée de ses conseils, afin d'évoquer les aspects économiques et comptables de l'activité, et a également demandé une communication écrite des griefs à son encontre.
Par lettre en réponse du 21 septembre 2009, la société Ouest France a indiqué à la société Jankef Distribution qu'elle était débitrice de la somme de 105.402,14 euros et fait état de griefs que la société Jankef Distribution a contesté par courrier du 23 septembre 2009.
Le 3 octobre 2009, la société Ouest France a mis en demeure la société Jankef Distribution de régler les sommes dues sous peine de résiliation du contrat sous 48 heures sur le fondement de l'article 6 de la convention, mise en demeure que la société Jankef Distribution a contestée le 7 octobre 2009.
Par lettre RAR du 8 octobre 2009, la société Ouest France a résilié le contrat de dépositaire avec effet au 10 octobre 2009 à midi. La société Jankef Distribution soutient avoir reçu cette lettre le 9 octobre 2009.
Par acte du 9 novembre 2009, la société Ouest France a assigné la société Jankef Distribution devant le tribunal de commerce de Rennes au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 85.518,53 euros correspondant à son solde débiteur au 30 septembre 2009, sauf à parfaire des sommes qui resteraient dues pour la période courant du 30 septembre 2009 au 10 octobre 2009.
Par jugement du 14 mars 2013, le tribunal de commerce de Rennes a :
- condamné la société Jankef Distribution à payer la somme de 80.578,69 euros à la société Ouest France au titre du solde débiteur de son compte, cette somme étant majorée d'un intérêt au taux légal à compter du 10 octobre 2009 jusqu'à parfait paiement,
- ordonné la capitalisation des intérêts, par années entières, selon les dispositions de l'article 1154 du code civil,
- débouté la société Jankef Distribution de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la société Jankef Distribution à payer la somme de 5.000 euros à la société Ouest France au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté cette dernière du surplus de sa demande, ainsi que la société Jankef Distribution de sa demande formée ce chef,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Jankef Distribution aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- liquidé les frais de greffe à la somme de 69,97 euros tels que prévu aux articles 695 et 701 du code de procédure civile.
Par jugement du 3 mai 2013, le tribunal de commerce de Quimper a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Jankef, et a désigné la Selarl EMJ en qualité de mandataire judiciaire.
La société Ouest France a déclaré sa créance sur la société Jankef Distribution le 16 mai 2013.
La Selarl EMJ a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Rennes le 14 mars 2013.
Par conclusions du 9 janvier 2015, la société EMJ, appelante, demande à la cour de :
Sur la demande principale,
- débouter la société Ouest France de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dire que seule une somme de 11.976,44 euros restait due à la société Ouest France et qu'elle seule doit être admise au passif de la société Jankef Distribution,
Sur la demande reconventionnelle,
- dire la société E.M.J., prise en sa qualité de liquidateur de la société Jankef Distribution, bien fondée en sa demande reconventionnelle,
Y faisant droit,
Vu ensemble les articles 1134 et suivants du code civil, l'article L. 420-2 alinéa 2 et l'article L. 442-6 du code de commerce,
- dire la brusque résiliation du contrat de distribution au 10 octobre 2009 imputable à faute à la société Ouest France,
- dire qu'un délai minimum de préavis de un an aurait dû être respecté,
- dire que la société Ouest France est auteur d'une exploitation abusive de l'état de dépendance économique dans lequel s'est trouvée à son égard la société Jankef Distribution,
- dire que la société Ouest France est auteur d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie à l'égard de la société Jankef Distribution,
En conséquence,
- condamner la société Ouest France à réparer le préjudice matériel subi par la société Jankef Distribution par l'allocation d'une indemnité de 301.000 euros à la Selarl E.M.J. ès qualités,
- condamner la même à réparer le préjudice moral subi par la société Jankef Distribution en attribuant une indemnité de 150.000 euros à la SELARL E.M.J. ès qualités,
- condamner la société Ouest France au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens, dont distraction aux offres de droit de la SCP AFG et qui comprendront les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Rennes conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 5 mars 2015, la société Ouest France, intimée, demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,
- dire la Selarl EMJ Associes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Jankef Distribution, mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et l'en débouter,
- confirmer le jugement rendu le 14 mars 2013 par le tribunal de commerce de Rennes en toutes ses dispositions,
En conséquence, - ordonner l'inscription de la créance de la société Ouest France au passif de la liquidation judiciaire de l'Eurl Jankef Distribution, à savoir :
/ 80.878,63 euros au principal,
/ 2.130,35 euros correspondant aux intérêts légaux sur cette somme à compter du 10 octobre 2009 jusqu'au 3 mai 2013, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
/ 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
/ les entiers dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire, Y ajoutant,
- condamner la Selarl EMJ Associes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Jankef Distribution, au paiement de la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Selarl EMJ Associes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Jankef Distribution, aux entiers dépens d'appel, et dire qu'ils seront recouvrés par la Selarl Lexavoue Paris-Versailles, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur la créance de 80.878,63 euros :
La société EMJ conteste le montant de la créance demandée par la société Ouest France et soutient que la déclaration de créance ne peut être d'un montant supérieur à 11.976,44 euros.
Elle souligne les variations des sommes demandées par la société Ouest France au cours de la procédure, et conteste le montant de l'allocation portage du 1er juin 2007 au 10 octobre 2009, le montant des factures de septembre, octobre et novembre 2009, et des impayés à terme échu.
La société Ouest France soutient que la société Jankef Distribution est débitrice au 10 octobre 2009 de la somme de 80 878,63 euros et demande d'ordonner l'inscription de cette créance au passif de la liquidation judiciaire. Elle critique les calculs de l'appelante visant à réduire le quantum de sa condamnation (rectification au titre d'exonération de charges sociales, rectification des allocations de participation au frais de portage) dont le mal fondé serait confirmé par l'expertise judiciaire.
Sur ce
Par jugement du 31 mars 2011, le tribunal de commerce de Rennes avait ordonné une expertise judiciaire confiée à Madame D., laquelle a rendu son rapport le 30 avril 2012.
La mission de l'expert consistait notamment à décrire l'établissement des commissions et des compensations de portage par la société Ouest France, donner son avis sur la rémunération des porteurs de la société Jankef Distribution, analyser et donner son avis sur la réalité économique du prévisionnel établi le 1er janvier 2007, établir les comptes entre les parties.
L'expert a conclu que la société Jankef Distribution devait à la société Ouest France la somme de 80.878,63 euros, soit la somme retenue par le tribunal de commerce de Rennes dans son jugement du 14 mars 2013, ce dont la société Ouest France demande confirmation.
Il sera relevé que si la société Jankef Distribution conteste ce montant et soutient que la créance de la société Ouest France ne s'élève qu'à la somme de 11.976,44 euros, l'appelante reconnaît ainsi l'existence d'une créance à sa charge, exigible par la société Ouest France.
La société Jankef Distribution soutient qu'il convient d'intégrer une rectification de l'allocation portage du 1er juin 2007 au 10 octobre 2009 de 52.327,15 euros, correspondant à la différence entre les salaires et les charges sociales qu'elle a exposés pendant cette période ; elle déduit de l'indication d'aucune rétrocession d'allocations portage dans l’'estimation provisionnelle d'exploitation - éléments économiques au 01/01/2017 - transmise par la société Ouest France que cette société n'y prenait pas en compte les sommes engagées par le dépositaire au titre des salaires porteurs comme des charges, et doit donc ainsi supporter les sommes engagées par le dépositaire tant au titre des salaires que des charges sociales.
Pour autant, s'il ressort de la convention du 1er juin 2007 conclue entre les parties que le dépositaire a la charge et la responsabilité d'organiser le transport des paquets de journaux comme il l'entend, cette convention ne prévoit pas la prise en charge des salaires et charges salariales des employés du dépositaire chargés du portage par la société Ouest France, ou qu'elle assurerait leur remboursement intégral.
L'expert a relevé le caractère très sommaire de l'estimation prévisionnelle d'exploitation fournie par l'intimée, qui ne montre pas complètement la réalité de l'activité économique de la société Jankef Distribution ; pour autant, il n'a pas fait état d'erreur grave que contiendrait cette pièce, laquelle indique expressément ne pas constituer un document contractuel.
Les parties sont deux sociétés professionnelles, distinctes, de sorte que l'appelante devait procéder à ses propres vérifications. Elle a du reste été assistée pour ce faire par son propre expert-comptable, et ne peut se limiter à soutenir que l'analyse de celui-ci était dépendante du « prévisionnel » présenté par la société Ouest France. Sur ce point, l'expert judiciaire a relevé que l'analyse de la société Jankef Distribution était aussi extrêmement sommaire.
Les conditions d'allocations de participation aux frais de portage versées par la société Ouest France ont été signées par les deux parties, et leurs modifications successives ont été acceptées de la même façon par les parties (pièces 13, 19 intimée), sans que la société Jankef Distribution ne justifie avoir alors sollicité le remboursement intégral des sommes engagées à ce titre.
Aussi, la société Jankef Distribution ne peut soutenir que la créance de la société Ouest France devrait être réduite de l'intégralité des charges sociales et salaires qu'elle a dû exposer, après déduction des allocations de participation aux frais de portage.
L'expert a relevé, au titre de l'écart entre les participations aux frais de portage versées par la société Ouest France et le total des charges engagées à ce titre par la société Jankef Distribution, que celle-ci était bénéficiaire jusqu'en novembre 2007 avant de devenir déficitaire.
L'expert a souligné que la société Jankef Distribution aurait remboursé à ses porteurs des indemnités kilométriques plus importantes que nécessaires.
De même a-t-il relevé que la société Jankef Distribution a fondé ses calculs d'allocations de portage pour ses porteurs sur des quantités plus importantes que les quantités effectivement distribuées.
La perte subie par la société Jankef Distribution relative aux frais de portage (les charges qu'elle a engagées à ce titre étant supérieures aux participations de frais de portage de la société Ouest France) étant d'un montant inférieur aux trop-perçus dus aux indemnités kilométriques trop importantes et aux allocations de portage sur des quantités gonflées, elle ne peut former un quelconque grief à la société Ouest France de ce chef, ce d'autant que la compensation intégrale par la société Ouest France des frais de portage n'était pas prévue par les accords entre les parties.
Par conséquent, la société Jankef Distribution ne peut solliciter une déduction au titre de la rectification des allocations de portage qu'elle aurait dû recevoir d'un montant selon l'expert de 30.051,99 euros, cette somme étant inférieure au trop-versé par la société Ouest France au titre des commissions sur sa participation aux frais de portage.
S'agissant des montants contestés par la société Jankef Distribution sur les factures des mois de septembre à novembre 2009, à hauteur de 14.865,59 euros, cette somme serait composée selon elle à hauteur de 10.967,97 euros par des exonérations de charges sociales.
Or l'expert, après avoir pris en considération la raison de cette exonération partielle, a relevé que la société Jankef Distribution avait bénéficié de la mesure d'exonération en cause au titre des mois de septembre et octobre 2009, ainsi que le révèle la diminution des taux d'Urssaf figurant sur les bordereaux entre celui du mois d'août et celui des mois suivants.
Aussi en a-t-il déduit qu'il n'y avait aucun reversement à retenir au profit de la société Jankef Distribution à ce titre, et la société Jankef Distribution échoue à démontrer qu'il conviendrait de déduire ce montant des sommes qu'elle doit.
S'agissant du reliquat, soit 3.897 euros, que la société Jankef Distribution explique par des virements et chèques de clients abonnés qu'elle aurait encaissés sans les répercuter à la société Ouest France, elle soutient n'avoir jamais encaissé ces chèques et explique que de nombreux colis ont été perdus car jetés avec les invendus.
Cette somme a été déduite par l'expert, la régularisation par le paiement des abonnés justifiant de ne pas la faire supporter par la société Jankef Distribution.
De même l'expert a-t-il déduit des impayés d'un montant de 1.709 euros, en relevant qu'aucune des parties n'ayant encaissé ces sommes il convenait de ne pas les mettre à charge de l'appelante.
Il résulte de l'expertise que la société Jankef Distribution devait à la société Ouest France au vu du dernier relevé entre les parties une somme de 80.878,63 euros, après déduction des deux sommes de 3897 et 1709 euros.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Jankef Distribution au paiement de cette somme à la société Ouest France.
Sur la résiliation :
La société EMJ soutient que la résiliation du contrat est abusive et donc fautive. Selon elle, cette résiliation est mal fondée dès lors qu'elle n'était pas débitrice de la somme de 105.402,14 euros. Elle soutient que l'absence de rentabilité de son activité est due aux conditions économiques imposées unilatéralement par la société Ouest France. Elle conteste l'application de l'article 6 du contrat autorisant la résiliation dans un délai de prévenance de deux jours car les manquements invoqués ne seraient pas établis.
La société Ouest France soutient que la résiliation du contrat n'est ni abusive ni brutale, et qu'elle a respecté son article 6 relatif à la résiliation. En effet le contrat était conclu à durée indéterminée, ce qui autorise chaque partie à y mettre fin sans avoir à justifier d'un motif légitime, et soumis au régime du mandat, de sorte que chaque partie pouvait y mettre fin. Elle ajoute que la clause de résiliation unilatérale qu'il contient était licite.
Sur ce
L'article 6 de la convention signée entre les deux parties précise que la convention est conclue pour une durée illimitée, et qu'elle est « révocable par l'éditeur, sans qu'il ait à payer une quelconque indemnité au dépositaire, par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant un délai de prévenance de deux jours, en cas de manquement à l'une quelconque de ces dispositions :
- non-respect du caractère intuitu personae tel que décrit à l'article 4,
- non-livraison des journaux aux clients portés,
- non-approvisionnement en journaux des diffuseurs et porteurs,
- non-paiement des relevés de compte aux échéances prévues,
- constatation de détournement de fonds ».
Il ressort des courriers versés par la société Ouest France qu'elle a fait part dès le 24 mars 2009 à la société Jankef Distribution des dysfonctionnements qu'elle constatait dans le service de distribution des journaux aux clients, et de l'existence d'un impayé important (les courriers des 21 septembre et 3 octobre 2009 faisant état d'un impayé de 105.402 euros).
Si le montant retenu n'est pas celui allégué par la société Ouest France, il n'en demeure pas moins que le non-paiement par la société Jankef Distribution des échéances est constitué, ainsi que l'établit l'expertise, pour un montant de 80.878,63 euros, la société Jankef Distribution reconnaissant du reste dans ses écritures l'existence d'une créance au profit de la société Ouest France qu'elle chiffrait à 11.976,44 euros.
Il s'en suit que la société Ouest France était fondée, par application de l'article 6 de la convention, à dénoncer le contrat par son courrier du 8 octobre 2009 adressé par recommandé avec accusé de réception et fax, avec prise d'effet de cette résiliation au 10 octobre 2010 à midi, courrier que la société Jankef Distribution a bien reçu ainsi qu'il ressort de son fax du 9 octobre 2009.
En conséquence, la résiliation n'était pas abusive.
Sur l'exploitation abusive d'un état de dépendance économique et l'existence de pratiques commerciales abusives :
La société Jankef Distribution soutient s'être trouvée en situation de dépendance économique à l'égard de la société Ouest France, situation susceptible d'affecter la concurrence que la société Ouest France aurait abusivement exploité.
Elle soutient avoir été contrainte d'accepter les conditions créant un déséquilibre entre les droits et obligations de chacune des parties, s'agissant notamment de versements de commissions trop faibles. Elle ajoute que ses difficultés proviennent du mauvais remboursement par la société Ouest France du salaire des porteurs.
Après avoir relevé que l'appelante ne présente pas de demande au titre de l'abus de position dominante, la société Ouest France souligne qu'elle ne démontre pas non plus l'existence d'atteinte à la concurrence. Elle ajoute que la société Jankef Distribution n'était pas en situation de dépendance, en ce qu'elle pouvait développer toute autre activité commerciale, et ne l'a pas sollicitée afin d'être autorisée à contracter avec des concurrents.
Sur ce
Il sera relevé que l'appelante ne verse pas de pièce justifiant que des atteintes à la concurrence résulteraient des agissements de la société Ouest France, comme celle-ci le souligne.
L'article 1er de la convention conclue entre les parties précise notamment :
« le dépositaire est libre d'exercer toute activité commerciale et d'assurer la distribution de tout autre produit (publication ou non). Toutefois, sauf autorisation expresse de l'éditeur, il s'interdit toute activité avec des partenaires entrant directement ou indirectement en concurrence avec Ouest-France... »,
l'annexe 2 de cette convention précisant que tous les clients doivent être livrés avant 7 heures.
Ainsi la société Jankef Distribution était autorisée à développer toute autre activité commerciale que lui permettaient les moyens matériels et humains dont elle disposait, après 7 heures du matin, et elle ne justifie pas avoir cherché à se développer, alors qu'elle ne conteste pas que la société qui lui a succédé pour le portage des publications Ouest-France l'a fait.
De même la société Jankef Distribution n'a-t-elle pas demandé à la société Ouest France que celle-ci l'autorise à développer une activité avec l'un de ses concurrents.
Il en ressort que non seulement la société Jankef Distribution ne démontre pas que la société Ouest France l'aurait empêchée de développer une activité économique autre que le portage des journaux, mais celle-ci l'y avait autorisée, et l'appelante ne justifie pas des efforts qu'elle aurait entrepris en ce sens. Par conséquent, la dépendance économique ne sera pas retenue.
Par ailleurs, l'expert a relevé que les allocations de participations aux frais de portage perçues par la société Jankef Distribution, qui ont été définies contractuellement par les parties et dont elles ont aussi accepté les évolutions, étaient supérieures à celles perçues tant par le distributeur précédent que le suivant ; ainsi la société Jankef Distribution a bénéficié de participations plus intéressantes que ces deux autres sociétés, dont celle qui lui a succédé, laquelle exploiterait cette activité de manière bénéficiaire, ce que la société Jankef Distribution ne conteste pas.
Le dirigeant de la société Jankef Distribution a, avant de créer cette société et de conclure la convention de dépositaire de presse du 1er juin 2007, travaillé pendant plusieurs années pour un autre distributeur des parutions Ouest-France, de sorte qu'il connaissait les modalités de portage proposées par la société Ouest France à ses distributeurs, et a pu apprécier la viabilité des conditions qui leur étaient proposées.
A titre surabondant, l'expert a relevé les écarts entre les indemnités kilométriques figurant sur les feuilles de paie des porteurs plus importants que les kilomètres strictement nécessaires, et les écarts entre les allocations de portage sur ces feuilles de paie sur des quantités plus importantes que celles effectivement distribuées, lesquels résultent de décisions de gestion, et sont d'un montant supérieur au déficit de participation de la société Ouest France quant aux frais de portage effectivement supportés par la société Jankef Distribution, de sorte que les résultats de la société Jankef Distribution auraient pu être différents.
En conséquence, la société Jankef Distribution échoue à démontrer que la société Ouest France lui aurait imposé des conditions commerciales abusives, ne lui permettant pas un exercice viable de l'activité de dépositaire.
Enfin et au vu de ce qui précède, le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties n'apparaît pas démontré, alors que le contrat entre les parties ne prévoit pas la prise en charge de l'intégralité des salaires et charges salariales des employés de la société Jankef Distribution chargés du portage par la société Ouest France, que la fixation et les modifications de l'allocation aux frais de portage ont fait l'objet d'un accord, et qu'il n'est pas contesté que la société ayant succédé à la société Jankef Distribution, qui n'a pas bénéficié de conditions plus avantageuses, poursuivrait une activité bénéficiaire.
Sur la rupture brutale des relations commerciales établies :
La société EMJ soutient que la société Ouest France a brutalement rompu les relations commerciales établies en résiliant le contrat sans préavis écrit compte tenu notamment de la durée de la relation commerciale et de l'impossibilité pour elle de trouver une activité de substitution sans délai. Elle soutient qu'une durée de préavis de six mois aurait dû être doublée, comme il est prévu pour la fourniture de produits sous marque de distributeur.
Pour autant, la société Ouest France justifie que la société Jankef Distribution a manqué à ses obligations contractuelles, soit une inexécution de nature à permettre à la société Ouest France de résilier sans préavis les relations commerciales.
En conséquence, la société Jankef Distribution ne peut reprocher à la société Ouest France une brusque rupture de relations commerciales établies, et sera déboutée de cette demande.
Sur les autres demandes :
La société Jankef Distribution succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens, ainsi qu'au versement à la société Ouest France d'une somme d'un montant de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Rennes du 14 mars 2013,
Y ajoutant,
ORDONNE l'inscription de la créance de la société Ouest France au passif de la liquidation judiciaire de l'Eurl Jankef Distribution, à savoir :
/ 80.878,63 euros au principal,
/ 2.130,35 euros correspondant aux intérêts légaux sur cette somme à compter du 10 octobre 2009 jusqu'au 3 mai 2013, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
/ 5.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
/ les entiers dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire,
DÉBOUTE la société Jankef Distribution de toutes ses demandes,
CONDAMNE la Selarl EMJ Associes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Jankef Distribution, au paiement de la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
condamne la Selarl EMJ Associes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Jakef Distribution, aux entiers dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés par la Selarl Lexavoue Paris-Versailles, avocat à la cour.
Le Greffier La Présidente
Vincent BRÉANT Irène LUC