CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CASS. CIV. 1re, 22 juin 2017

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 22 juin 2017
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 16-18418
Décision : 17-816
Date : 22/06/2017
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:C100816
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 816
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 6949

CASS. CIV. 1re, 22 juin 2017 : pourvoi n° 16-18418 ; arrêt n° 816 

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 JUIN 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 16-18418. Arrêt n° 816.

DEMANDEUR à la cassation : Madame X.

DÉFENDEUR à la cassation : Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc

Mme Batut (président), président. SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-18363), que, le 24 novembre 2007, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc (la banque) a consenti à Mme X. un prêt immobilier d’un montant de 277.635 euros, remboursable en deux cent quarante mensualités de 1.897,92 euros, au taux fixe de 4,95 % l’an ; que des échéances du prêt étant demeurées impayées, la banque, se prévalant de la déchéance du terme à la suite d’une mise en demeure reçue par Mme X. le 5 janvier 2010 et demeurée infructueuse, l’a assignée en paiement de sa créance ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que, pour condamner Mme X. à payer à la banque la somme de 298.381,22 euros, avec intérêts au taux contractuel de 4,95 % à compter du 3 février 2010, et capitalisation de ceux-ci, l’arrêt retient que, s’il ressort de la vérification d’écritures que la signature figurant sur l’accusé de réception du 5 janvier 2010 n’est manifestement pas celle de Mme X., l’assignation vaut déchéance du terme ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Qu’en statuant ainsi, alors que, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 avril 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;

Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Languedoc aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X. la somme de 3.000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille dix-sept.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme X.

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné Mme X. à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 298.381,22 €, avec intérêts au taux contractuel de 4,95 % à compter du 3 février 2010, avec application de l’article 1154 du code civil ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QU’il ressort des pièces de comparaison produites que la signature figurant sur l’accusé de réception du 5 janvier 2010 n’est manifestement pas celle de Mme X. ; que cependant, il n’est pas contesté qu’à la date du 31 décembre 2009, le montant des échéances impayées s’élevait à 9.961 € représentant cinq échéances ; qu’aucune régularisation n’étant intervenue depuis, l’assignation vaut déchéance du terme ; qu’il ressort de l’attestation établie le 8 octobre 2007 par Mme X. qu’elle disposait d’un revenu mensuel de 10.350 € jusqu’au 1er octobre 2007, date de la reprise de ses fonctions ; qu’il ressort en outre des pièces versées aux débats que Mme X. disposait à la date de la souscription du prêt d’un patrimoine immobilier relativement important estimé à plus de 1.700 000 € et qu’au titre de l’ISF concernant l’année 2006, elle avait déclaré un actif immobilier brut de 1.652.959 € ainsi que 439.903 € de charges, soit un montant imposable de 1.213.056 € ; que compte tenu de ces seuls éléments et du montant des échéances de remboursement du prêt, la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde en l’absence de risque d’endettement excessif ; que de même, eu égard à ces éléments, aucun manquement au devoir de loyauté ne peut être reproché à la requérante ; que contrairement à ce que soutient Mme X., la banque justifie par un décompte précis le montant de sa créance arrêtée à la somme réclamée, que l’indemnité de résiliation ne présente aucun caractère manifestement excessif ; que du fait de la procédure, Mme X. a déjà bénéficié de larges délais non mis à profit pour rembourser ne serait-ce que partiellement sa dette ; que sa situation financière et son patrimoine immobilier ne justifient aucunement le bien-fondé de sa demande ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1) ALORS QUE l’assignation n’entraîne pas, par elle-même, déchéance du terme ; qu’aux termes de l’article « déchéance du terme » du contrat de prêt (p. 7), la déchéance du terme était subordonnée à l’envoi d’une mise en demeure à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception, manifestant l’intention de la banque de se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la signature figurant sur l’accusé de réception de la lettre recommandée portant déchéance du terme n’était manifestement pas celle de Mme X. ; qu’il résultait nécessairement de ces constatations que la déchéance du terme du prêt litigieux n’était pas acquise ; qu’en considérant cependant que l’assignation introductive d’instance du 9 juillet 2010 valait par elle-même déchéance du terme, de sorte que la créance de la CRCAM était exigible en totalité, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil ;

2) ALORS subsidiairement QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis en statuant par voie de simple affirmation et sans analyser, même sommairement, les documents qui leur sont soumis par les parties ; que dans ses conclusions d’appel (pp. 9 et 10), Mme X. contestait expressément le décompte produit par la CRCAM qui faisait état d’une créance de 298 391,22 €, sans prendre en compte les différents règlements qu’elle avait effectués les 29 mai 2009, 4 mars 2010, 8 juillet 2010 et 30 mars 2011 ; qu’elle produisait à cet égard, des copies de remises de chèques et de relevés de compte visant expressément le règlement des échéances du prêt n° XX ; qu’en affirmant de manière péremptoire que la banque justifiait « par un décompte précis le montant de sa créance arrêtée à la somme réclamée », sans analyser, même sommairement, les documents produits par Mme X. justifiant de règlements réduisant le montant de la créance de la CRCAM, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS, en toute hypothèse, QUE les intérêts moratoires dus sur une créance ne peuvent courir à compter d’une date antérieure à l’exigibilité de la créance ; qu’en condamnant Mme X. au paiement des intérêts au taux contractuel de 4,95 % sur la somme de 298 381,22 € à compter du 3 février 2010, après avoir expressément retenu que la déchéance du terme était intervenue le 9 juillet 2010, date de l’assignation, de sorte que les intérêts moratoires ne pouvaient commencer à courir avant cette date, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1153 du code civil.

 

SECOND MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné Mme X. à payer à la CRCAM du Languedoc la somme de 298.381,22 €, avec intérêts au taux contractuel de 4,95 % à compter du 3 février 2010, avec application de l’article 1154 du code civil ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QU’il ressort des pièces de comparaison produites que la signature figurant sur l’accusé de réception du 5 janvier 2010 n’est manifestement pas celle de Mme X. ; que cependant, il n’est pas contesté qu’à la date du 31 décembre 2009, le montant des échéances impayées s’élevait à 9.961 € représentant cinq échéances ; qu’aucune régularisation n’étant intervenue depuis, l’assignation vaut déchéance du terme ; qu’il ressort de l’attestation établie le 8 octobre 2007 par Mme X. qu’elle disposait d’un revenu mensuel de 10.350 € jusqu’au 1eroctobre 2007, date de la reprise de ses fonctions ; qu’il ressort en outre des pièces versées aux débats que Mme X. disposait à la date de la souscription du prêt d’un patrimoine immobilier relativement important estimé à plus de 1.700.000 € et qu’au titre de l’ISF concernant l’année 2006, elle avait déclaré un actif immobilier brut de 1.652.959 € ainsi que 439.903 € de charges, soit un montant imposable de 1.213.056 € ; que compte tenu de ces seuls éléments et du montant des échéances de remboursement du prêt, la banque n’était pas tenue à un devoir de mise en garde en l’absence de risque d’endettement excessif ; que de même, eu égard à ces éléments, aucun manquement au devoir de loyauté ne peut être reproché à la requérante ; que contrairement à ce que soutient Mme X., la banque justifie par un décompte précis le montant de sa créance arrêtée à la somme réclamée, que l’indemnité de résiliation ne présente aucun caractère manifestement excessif ; que du fait de la procédure, Mme X. a déjà bénéficié de larges délais non mis à profit pour rembourser ne serait-ce que partiellement sa dette ; que sa situation financière et son patrimoine immobilier ne justifient aucunement le bien-fondé de sa demande ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1) ALORS QUE la banque qui consent un prêt à un emprunteur non averti est tenu à son égard, lors de la conclusion du contrat, d’un devoir de mise en garde en considération des charges du prêt, de ses capacités financières et des risques de l’endettement né de l’octroi du prêt ; que dans ses conclusions d’appel Mme X. faisait valoir qu’au jour de la souscription du prêt, soit le 24 novembre 2007, il existait un aléa sur l’effectivité de sa réintégration dans son emploi, en l’état de la lettre de son employeur du 12 juillet 2007, lui confirmant son accord pour une réintégration, après maladie, au poste qu’elle occupait dans l’entreprise à compter du 1er octobre 2007, au salaire mensuel de 5.500 € net, sous réserve qu’elle soit déclarée apte à la reprise de son emploi par le médecin du travail ; qu’en se bornant à relever, pour retenir que la situation financière de Mme X. ne justifiait aucunement le bien-fondé de sa demande, qu’il ressortait de l’attestation établie par elle le 8 octobre 2007 qu’elle disposait d’un revenu mensuel de 10.350 € jusqu’au 1er octobre 2007, date de la reprise de ses fonctions, sans s’expliquer sur ses revenus ultérieurs qui étaient subordonnés à l’avis du médecin du travail, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

2) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis en statuant par voie de simple affirmation et sans analyser, même sommairement, les documents qui leur sont soumis par les parties ; que dans ses conclusions d’appel (p. 15), Mme X. faisait valoir que la CRCAM ne pouvait se fonder sur la seule valeur brute de ses biens immobiliers, sans prendre en compte les emprunts, taxes et charges afférentes à ceux-ci, dont elle versait le récapitulatif et les pièces justificatives aux débats ; qu’en retenant que le patrimoine immobilier de Mme X. ne justifiait aucunement le bien-fondé de sa demande, en l’absence de risque d’endettement excessif, sans analyser, même sommairement, les documents produits par celle-ci justifiant des charges afférentes à ce patrimoine, la cour d’appel a violé l’article 455 du code civil ;

3) ALORS QUE le banquier qui propose à son client auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire cette obligation ; que dans ses écritures d’appel (p. 15-16), Mme X. faisait expressément valoir que la CRCAM avait commis un manquement à son obligation de mise en garde en omettant d’informer l’emprunteuse sur les conditions de couverture des risques incapacité temporaire totale et invalidité, et notamment des restrictions à la mise en œuvre de celles-ci, alors même que Mme X. avait indiqué dans le questionnaire de santé remis à l’occasion de la demande de prêt, subir un traitement pour dépression nerveuse depuis deux ans à la date de souscription du prêt ; qu’en ne recherchant pas, ainsi qu’il lui était demandé, si la CRCAM du Languedoc n’avait pas commis une manquement à son obligation de mise en garde en omettant d’informer Mme X. de l’impossibilité pour elle d’être couverte par l’assurance de groupe en cas de mise en invalidité, du fait de l’antériorité de sa maladie à la souscription du prêt litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil.