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CA TOULOUSE (2e ch.), 28 juillet 2017

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (2e ch.), 28 juillet 2017
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 2e ch.
Demande : 16/05439
Décision : 17/378
Date : 28/07/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 8/11/2016
Numéro de la décision : 378
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6952

CA TOULOUSE (2e ch.), 28 juillet 2017 : RG n° 16/05439 ; arrêt n° 378 

Publication : Jurica

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 28 JUILLET 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/05439. Arrêt n° 378. Décision déférée du 28 septembre 2016 - Tribunal de Commerce de MONTAUBAN – R.G. n° 2015/151.

 

APPELANT :

Monsieur X.

Chez Mme Y, [adresse], Représenté par Maître Alexandra T. R., avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

 

INTIMÉE :

SA BANQUE CIC SUD OUEST

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, au siège de la société, Représentée par Maître Pierre M. de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE, assisté par Maître Pierre S. de la SELARL RACINE, avocat au barreau de NANTES

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant G. COUSTEAUX, Président et V. SALMERON, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : G. COUSTEAUX, président, V. SALMERON, conseiller, P. DELMOTTE, conseiller

Greffier, lors des débats : C. LERMIGNY

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par G. COUSTEAUX, président, et par C. LERMIGNY, greffier de chambre.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé en date du 26 juillet 2010, la banque CIC SUD OUEST a consenti à la SARL LA TRUITE DU PETIT VERDUS un prêt professionnel d'un montant de 20.000 euros. Ce prêt a été consenti moyennant un taux d'intérêts nominal de 3,1 % par an, soit un TEG annuel de 4,882 % et devait s'amortir en 84 mensualités successives de 265,17 euros chacune.

Par acte sous seing privé du 26 juillet 2010, Monsieur X. s'est porté caution solidaire en garantie du remboursement de ce prêt, dans la limite de 12.000 euros et pour une période de 108 mois.

En janvier 2014, la Société LA TRUITE DU PETIT VERDUS a cessé de rembourser les échéances.

Le 10 février 2014, le Tribunal de Commerce de MONTPELLIER a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la Société LA TRUITE DU PETIT VERDUS.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 février 2014, la banque CIC SUD OUEST a régulièrement déclaré sa créance à l'encontre de la Société LA TRUITE DU PETIT VERDUS entre les mains de Maître M., ès qualités, pour un montant de 11.332,09 euros.

Par ordonnance en date du 29 mai 2015, le Président du Tribunal de Commerce de MONTAUBAN a autorisé la banque CIC SUD OUEST à faire signifier à Monsieur X. une injonction de payer la somme de 5.865,06 euros en principal, ainsi que les dépens de 39 euros.

L'ordonnance a été signifiée en date du 11 juin 2015 par Huissier de Justice dans les formes et délais prescrits par la loi.

M. X., défendeur, a régulièrement formé opposition à l'injonction de payer, par déclaration au Greffe du Tribunal de Commerce de Montauban en date du 17 juin 2015.

Par jugement du 28 septembre 2016, le tribunal de commerce de Montauban a :

- dit et jugé mal fondé Monsieur X. en son opposition formée à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer ;

- condamné Monsieur X., la somme de 5.865,06 euros ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel sans caution ni autre garantie ;

- dit qu'à défaut du règlement spontané des condamnations prononcées, et en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 seront supportées par la partie tenue aux dépens ;

- condamné Monsieur X. à payer à la banque CIC SUD OUEST, la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700CPC ;

- condamné Monsieur X. aux entiers dépens.

M. X., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, a interjeté appel par une déclaration en date du 8 novembre 2016.

M. X. a transmis ses écritures par RPVA le 2 mars 2017.

La BANQUE CIC SUD OUEST a transmis ses écritures par RPVA le 13 mars 2017.

La clôture est intervenue le 21 mars 2017.

 

MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES :

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles L. 132-1, L. 341-4 du Code de la consommation et 700 du Code de Procédure Civile, M. X. demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable et fondé,

- mettre à néant le jugement dont appel,

- débouter la BANQUE CIC SUD OUEST de toutes ses demandes,

- condamner la BANQUE CIC SUD OUEST à lui payer la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant fait essentiellement valoir que :

- le prêt étant garanti par OSEO à concurrence de 50 %, la banque ne peut pas poursuivre M. X. pour la totalité du montant de la caution :

- Ce n'est que dans un chapitre d'information situé en dehors du champ contractuel que figure une clause privant la caution de la possibilité d'exercer tout recours contre un autre garant ; à supposer que cette clause fasse effectivement partie du contrat elle constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation en ce qu'elle le prive du bénéfice d'un article du Code civil dont le but est de protéger la caution en lui permettant d'avoir un recours contre un autre garant.

- La banque a commis un abus de droit en ne s'assurant pas de l'utilité de ses poursuites, à supposer que la garantie OSEO est uniquement une garantie sur le risque encouru elle aurait donc très bien pu être invoquée.

- Il y a disproportion entre le montant de la caution exigée et les biens et revenus de M. X. : au moment de la conclusion du contrat,

M. X. ne disposait d'aucun revenus.

 

Dans ses écritures, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'énoncé du détail de l'argumentation, au visa des articles 1134 et 2298 du Code Civil et 700 du Code de Procédure Civile, la banque CIC SUD OUEST demande à la cour d'appel de :

- DIRE et JUGER que Monsieur X. est mal fondé en son appel et l'en débouter ;

- CONDAMNER, M. Quentin B. à payer à la banque CIC SUD OUEST une somme de 5.865,06 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 3,1 % l'an à compter du 15 avril 2015 calculés sur la somme de 5.389,25 euros, et au taux légal sur le surplus ; dus à compter du 16 avril 2015 jusqu'à parfait règlement ;

- CONFIRMER le jugement rendu le 28 septembre 2016 par le Tribunal de commerce de MONTAUBAN ;

- DIRE qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, et qu'en cas d'exécution par voie-extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, seront supportées par la partie tenue aux dépens ;

- CONDAMNER M. X. à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé fait essentiellement valoir que :

- M. X. est redevable au titre de son engagement de caution de la totalité de la dette, la garantie OSEO étant uniquement prise sur le risque final :

- M. X. a paraphé la page du contrat où est stipulé qu'il se prive de recours contre un éventuel autre garant ; M. X. s'est porté caution solidaire, renonçant donc au bénéfice de discussion ;

- La clause n'est pas abusive : M. X. n'a pas perdu de recours car OSEO n'est pas co-fidéjusseur mais simplement garant de 50 % du risque final supporté par la banque après épuisement des voies de recours contre le débiteur ; M. X. ne prouve pas qu'il n'a toujours pas de revenus ;

- En tout état de cause, l'injonction de payer ne concerne que 50 % des sommes dues par M. X. en exécution de l'engagement de caution ;

- L'engagement caution est proportionnel à l'encours garantie : caution dans la limite de 12.000 euros pour un prêt de 20.000 euros et la banque n'en réclame que 5.865,06 sur les 11.730,12 euros exigibles au 15 avril 2015 ;

- L'engagement de caution est proportionnel aux biens et revenus de la caution : c'est à la caution d'apporter la preuve de la disproportion, certes ses revenus étaient modiques mais la banque peut se fonder sur les perspectives de développement de l'entreprise créée ;

- A titre subsidiaire, à supposer qu'au moment de la conclusion du contrat de prêt l'engagement était disproportionné aux revenus, M. X. ne démontre pas qu'il n'est pas en mesure, au moment où il est appelé, de faire face à ses obligations au titre de son engagement de caution.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS de la DÉCISION :

Les dispositions de l'article L. 341-4 du Code de la consommation, devenu l'article L. 332-1, selon lesquelles « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci appelée, ne lui permette de faire face à son obligation », sont applicables aux cautionnements souscrits après l'entrée en vigueur de cet article issu de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 publiée au JO du 5 août.

Cette disposition s'applique à toute caution personne physique qui s'est engagée au profit d'un créancier professionnel. Il importe peu qu'elle soit caution profane ou avertie ni qu'elle ait la qualité de dirigeant social.

La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement.

Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à la date où l'engagement a été souscrit.

Aucune fiche de renseignements sur les revenus et le patrimoine lors de la souscription de son engagement de caution en juillet 2010 n'est produite par la SA BANQUE CIC SUD-OUEST.

La proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie.

En avril 2010, Pôle Emploi a informé M. X. de la décision défavorable à sa demande d'attribution d'une allocation d'aide au retour à l'emploi. La déclaration fiscale 2010 mentionne des revenus pour l'année 2009 d'un montant de 3.300 euros, soit 275 euros mensuels.

Il en résulte que l'engagement souscrit en juillet 2010 pour un montant de 12.000 euros était manifestement disproportionné.

D'autre part, il résulte de la combinaison des articles 1315 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celui-ci permet de faire face à son obligation.

Il n'appartient pas, comme le soutient la SA BANQUE CIC SUD-OUEST, à M. X B. de démontrer qu'il est dans l'incapacité de faire face à son engagement.

La seule référence à une activité agricole exercée par M. X. ne permet pas de rapporter la preuve qui incombe à la SA BANQUE CIC SUD-OUEST, étant relevé que dans ses conclusions, elle indique qu'il dispose « vraisemblablement » des revenus ou d'un patrimoine suffisant.

Au demeurant, il y a lieu de constater que les pièces produites par M. X. établissent la disproportion entre la somme réclamée, ses revenus et son capital (993 euros en 2014, absence de droit au titre de la protection sociale agricole et une absence de propriété de terres agricole).

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement et de dire que la SA BANQUE CIC SUD-OUEST est déchue du droit de se prévaloir de l'engagement de caution du 26 juillet 2010.

La SA BANQUE CIC SUD-OUEST sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Montauban,

Statuant à nouveau,

- dit que l'engagement de caution de M. X. à l'égard de la SA BANQUE CIC SUD-OUEST du 26 juillet 2010 était manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

- dit que la SA BANQUE CIC SUD-OUEST est déchue du droit de se prévaloir de l'engagement de caution de M. X. du 26 juillet 2010,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. X. et la SA BANQUE CIC SUD-OUEST de leurs demandes,

Condamne la SA BANQUE CIC SUD-OUEST aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,                           Le Président,