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CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 29 juin 2017

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 29 juin 2017
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 2
Demande : 16/06692
Date : 29/06/2017
Nature de la décision : Irrecevabilité
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 7/11/2016
Décision antérieure : CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 4 juillet 2018
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6959

CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 29 juin 2017 : RG n° 16/06692 

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2017-015730

 

Extrait : « Ces textes, d'ordre public, dérogent à la règle posée par l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, en attribuant ainsi, en première instance, à huit tribunaux de commerce, et en appel à la cour d'appel de Paris, le pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les actions fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce ; il en résulte que leur inobservation est sanctionnée par une fin de non-recevoir. Il convient dès lors de déclarer l'appel interjeté devant la cour d'appel de Douai irrecevable. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 29 JUIN 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/06692. Jugement (R.G. n° 16010548) rendu le 18 octobre 2016, par le tribunal de commerce de Lille Métropole, Arrêt avant dire droit rendu le 6 avril 2017 par la cour d'appel de Douai.

 

APPELANTE :

SARL NVY Distribution

ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Loïc Le R., avocat au barreau de Douai, assistée de Maître Michaël P.-F. de la SELAS Lexington, avocat au barreau de Paris

 

INTIMÉE :

SAS Bigben Connected

ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Vincent P., avocat au barreau de Lille

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Marie-Laure Dallery, président de chambre, Stéphanie André, conseiller, Nadia Cordier, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maryse Zandecki

DÉBATS à l'audience publique du 18 mai 2017 après rapport oral de l'affaire par Marie-Laure Dallery.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 juin 2017 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Laure Dallery, président, et Maryse Zandecki, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

La SAS Bigben Connected (la société BBC), est spécialisée dans la distribution d'accessoires électroniques dans le domaine de la téléphonie.

La SARL NVY Distribution (la société NVY), créée en septembre 2010, est spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution d'objets connectés.

Le 26 mars 2015, les deux sociétés ont conclu un accord de distribution exclusive pour 3 ans.

Le 3 mai 2016, la société NVY mettait en demeure BBC :

- d'indemniser sa perte de marge évaluée à 1.432.044 euros, au regard du montant total des commandes passées auprès d'elle au 31 mars 2016 d'un montant de 411.816.54 euros,

- d'avoir constamment 2 mois de stock disponible,

- de ne pas entrer en concurrence directe avec elle.

Après un délai de 30 jours, la société NVY a estimé qu'aux termes de l'article 5.1 du le contrat était résilié de plein droit aux torts exclusifs de la société BBC.

Par acte d'huissier en date du 17 juin 2016, la société NVY a fait assigner à bref délai la société BBC devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.

Par jugement contradictoire du 18 octobre 2016, ce tribunal a :

- débouté la société NVY de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société NVY à payer à la société BBC la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société NVY aux dépens.

La SARL NVY Distribution a interjeté appel de ce jugement le 7 novembre 2016.

Sur assignation à jour fixe et par des conclusions signifiées par voie électronique le 14 novembre 2016, la société NVY prie la cour d’infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

- condamner la société BBC à lui verser la somme totale de 5.129.728,02 euros en réparation des fautes contractuelles commises se décomposant comme il suit :

* 1.432.044,02 euros pour la perte de chiffre d'affaires au titre de la première année contractuelle ;

* 3.687.684 euros la perte de chance de réaliser le chiffre d'affaires au titre les deux années contractuelles restantes ;

* 10.000 euros pour le préjudice moral subi ;

outre 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

NVY invoque le manquement de BBC à son obligation d'assortiment minimum, de stock minimum ainsi que de non concurrence et dénie toute faute contractuelle de sa part.

Sur le préjudice subi, NVY, fait état de :

- la perte du chiffre d'affaires au titre de la première année contractuelle, la société BBC s'étant engagée à acquérir annuellement un assortiment minimum de produits 'xé pour la première période contractuelle du 1er avril 2015 au 31 mars 2016., à la somme de 4.000.000 euros HT, alors que le montant total des commandes passées s'élève à 411.816,54 euros,

- la perte de chance au titre de la seconde et troisième année, conformément à l'article 1.6 de l'accord, la société BBC s'étant engagée à acquérir pour la seconde et la troisième année contractuelle un assortiment minimum de produits, que le calcul effectué par la concluante est particulièrement conservateur,

- sur le préjudice moral subi par la société NVY, la violation par la société BBC à ses obligations contractuelles a porté atteinte à l'image de la société NVY.

 

Par des conclusions notifiées par voie électronique le 6 janvier 2017, BBC demande à la cour, au visa des articles L. 330-3 et L. 442-6 du code de commerce, de :

- dire et juger recevable mais mal fondée l'appel formé par la société NVY,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société NVY de ses prétentions et l'a condamnée à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire et juger que l'article 1.6 de l'accord de distribution signé le 26 mars 2015 renvoyant à l'annexe 2 dudit contrat s'analyse en une obligation de moyens et non en une obligation de résultat ;

- dire et juger que par son comportement fautif dans la conclusion et l'exécution de l'accord de distribution exclusive du 26 mars 2015, la société NVY ne lui a pas permis de respecter ses engagements contractuels et n'a commis aucune faute grave, de sorts qu'elle se trouve exonérée des fautes qui lui sont reprochées et qu'elle conteste ;

- dire et juger que la résiliation de l'accord est imputable à la société NVY compte tenu de son manque de loyauté, des manquements à son obligation d'information et des fautes qu'elle a commises dans la conclusion et l'exécution de l'accord de distribution ;

- dire et juger mal fondés les arguments avancés en appel par la société NVY et la débouter de l'ensemble de ses prétentions ;

À défaut, à titre subsidiaire,

- dire et juger que dans la mesure où la société NVY n'a pas respecté ses propres obligations contractuelles, celle-ci est en partie responsable de la non atteinte du chiffre d'affaires de 4.000.000 euros pour la première année d'exécution de l'accord ;

- en conséquence, que la faute de la société NVY justifie la réduction du montant de la réparation de son préjudice à de plus justes proportions ;

- dire et juger qu'il y a lieu également de réduire le montant de l'indemnisation réclamée par la société NVY au titre du préjudice lié à la perte de marge pour les années 2016-2017 et 2017-2018 et dire qu'il ne pourra être supérieur respectivement à 180.791,57 euros pour l'année N+1 et 198.870,71 euros pour l'année N+2 ;

- en toute hypothèse, de condamner la société NVY au paiement de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt avant dire-droit du 6 avril 2017, la cour a invité les parties à conclure sur la recevabilité de l'appel devant la cour d'appel de Douai au regard des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ordonné en conséquence la réouverture des débats à l'audience du 27 avril 2017 à 13 heures 30, réservé les dépens.

Par des conclusions sur réouverture des débats notifiées le 16 mai 2017 par voie électronique, NVY Distribution prie la cour de déclarer irrecevable l'appel formé devant la cour d'appel de Douai et de dire que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens qu'elle a exposés.

Par des conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2017, BBC demande de « donner acte à la société NVY Distribution de sa demande à la cour, de déclarer irrecevable l'appel qu'elle a formé contre le jugement du 18 octobre 2016 », de faire droit à la fin de non-recevoir soulevée d'office par la cour et de condamner NVY Distribution à lui verser 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance d'appel.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce :

BBC oppose aux demandes de NVY notamment que les obligations excessives qui lui ont été imposées créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations réciproques des parties. Elle se prévaut ainsi, comme elle l'avait fait devant le tribunal de commerce de Lille Métropole, des dispositions de l'article L. 442-6-I-2°du code de commerce aux termes duquel : « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties».

L'alinéa 5 du III du même texte précise que « les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret », et l'article D. 442-3 du même code, plus exactement l'annexe, désigne les juridictions ainsi spécialisées. S'agissant du ressort de la cour d'appel de Douai, c'est le tribunal de commerce de Lille Métropole qui est compétent et, sur appel, la cour d'appel de Paris.

Ces textes, d'ordre public, dérogent à la règle posée par l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, en attribuant ainsi, en première instance, à huit tribunaux de commerce, et en appel à la cour d'appel de Paris, le pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les actions fondées sur l'article L. 442-6 du code de commerce ; il en résulte que leur inobservation est sanctionnée par une fin de non-recevoir.

Il convient dès lors de déclarer l'appel interjeté devant la cour d'appel de Douai irrecevable.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de BBC.

En revanche, les dépens seront supportés par l'appelante.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Déclare irrecevable l'appel interjeté par la société NVY Distribution devant la cour d'appel de Douai.

Déboute la société Bigben Connected de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société NVY Distribution aux dépens d'appel.

Le Greffier                            Le Président

M. Zandecki                          M.L. Dallery