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CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 23 mai 2017

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 23 mai 2017
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 12e ch.
Demande : 16/00712
Date : 23/05/2017
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 29/01/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6968

CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 23 mai 2017 : RG n° 16/00712

Publication : Jurica

 

Extrait : « La Cour prend acte de ce qu'aucune des parties n'entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, nonobstant le rappel suggestif de cet article dans le dispositif de leurs écritures respectives. La Cour de céans dispose dès lors des pouvoirs juridictionnels nécessaires pour se prononcer sur les demandes formées. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

DOUZIÈME CHAMBRE SECTION 2

ARRÊT DU 23 MAI 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/00712. Code nac : 57A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 janvier 2016 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE (5e ch.) : R.G. n° 2014F00529.

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

Monsieur X.

dont le domicile professionnel était fixé au [adresse] et actuellement situé à son domicile personnel, né le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentant : Maître Julie G.-L., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 216266, Représentant : Maître Alexandra A. de la SELEURL LEXPERIA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0143

 

INTIMÉE :

SA ETABLISSEMENTS M.

Représentant : Maître François A., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413, Représentant : Maître Maurice P., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1373

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 mars 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvie MESLIN, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Sylvie MESLIN, Président, Madame Hélène GUILLOU, Conseiller, Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller.

Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'appel déclaré le 29 janvier 2016 par M. X., commerçant exerçant en son nom personnel, précédemment sous l'enseigne « Le Café de Y. » (M. X.), contre le jugement prononcé le 15 janvier 2016 par le tribunal de commerce de Pontoise dans l'affaire qui l'oppose à la société anonyme Établissements M. (Établissements M.) ;

Vu le jugement querellé ;

Vu, enregistrées par ordre chronologique et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats, les conclusions présentées le :

- 27 juillet 2016 par M. X., appelant à titre principal et intimé sur appel incident,

- 19 septembre 2016 par les Établissements M., intimé à titre principal et appelant sur appel incident ;

Vu l'arrêt préparatoire de la Cour de céans du 7 février 2017 ;

Vu, déposées les 22 février et 15 mars 2016, les observations écrites des Établissements M. et de M. X. ;

Vu l'ensemble des actes de procédure en ce compris les observations écrites déposées les 22 février et 15 mars 2017 ainsi que les pièces et documents du dossier présentés par chacune des parties.

 

SUR CE,

La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d'appel.

1. Données analytiques, factuelles et procédurales, du litige

M. X., exploitant d'un fonds de commerce de café-bar situé à [ville L.], a dans le cadre de cette exploitation, signé le 31 juillet 2010 avec les Établissements M., grossiste en fourniture de boissons à destination des professionnels, un contrat de mise à disposition de matériel, en l'occurrence un bec pression d'une valeur de 1.237,87 euros hors taxes, moyennant l'engagement de s'approvisionner en exclusivité en bières et autres produits auprès de ce grossiste pendant cinq ans, cette durée correspondant à la durée de l'amortissement du matériel. Il a ensuite le 22 mars 2012 soit près de deux ans plus tard, conclu avec les Brasseries Kronenbourg pour une durée de 5 ans à compter du 2 janvier 2012, un contrat dénommé « contrat de bière » lui permettant, moyennant l'engagement de débiter à titre exclusif les bières de ce brasseur, de bénéficier du versement par ce dernier, d'une prestation financière de 24.999 euros. Ce contrat désignait les Établissements M. comme distributeur en bières du brasseur.

Les Brasseries Kronenbourg ayant ensuite désigné un autre distributeur, les Établissements M. ont le 27 juin 2014, assigné M. X. qui dès octobre 2012, avait cessé toute commande auprès d'eux, devant le tribunal de commerce de Pontoise à l'effet d'obtenir la condamnation de celui-ci à les indemniser du préjudice corrélatif à l'inexécution prétendue du contrat signé le 31 juillet 2010 et ainsi, en paiement, sous exécution provisoire, de 1.480,49 euros toutes taxes comprises au titre des investissements non amortis outre la somme de 84.014,50 euros au titre de l'inexécution du contrat, 1.500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, des pénalités de retard aux taux pratiqués par la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points et 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 15 janvier 2016, le tribunal de commerce de Pontoise a tranché le litige en ces termes :

- condamne Monsieur X. à payer à la société Établissement M. la somme de 888,00 euros TTC au titre des amortissements non amortis ;

- condamne Monsieur X. à payer à la société Établissement M. la somme de 16.800 euros au titre de l'inexécution du contrat ;

- déclare la société Établissement M. mal fondée en sa demande en paiement des pénalités de retard et des intérêts de retard au taux légal, l'en déboute ;

- déclare la société Établissement M. mal fondée en sa demande en paiement de dommages et intérêts, l'en déboute ;

- condamne Monsieur X. à payer à la société Établissement M. la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclare Monsieur X. mal fondé en sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'en déboute ;

- condamne Monsieur X. aux dépens de l'instance, liquidés à la somme de 81,12 euros, ainsi qu'aux frais d'acte et de procédure d'exécution, s'il y a lieu ;

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Les points essentiels de cette décision sont les suivants :

- il résulte des explications des parties et des documents produits que le contrat conclu le 23 mars 2012 prévoit l'exclusivité en bières Kronenbourg sur une durée de 5 ans avec un engagement de volume minimum et que les produits sont approvisionnés par un distributeur désigné sur toute la période du contrat ;

- à compter d'octobre 2012, M. X. a cessé de s'approvisionner en bières auprès des Établissements M. en prétendant que le brasseur habituel avait désigné un autre distributeur, la société France Boissons, conformément à l'article 4 du contrat précité ;

- M. X. ne démontre cependant pas, par un avenant au contrat ou par tout autre document contractuel, qu'un autre distributeur a été désigné par les Brasseries Kronenbourg pour l'approvisionnement en bières Kronenbourg ;

- il n'a pas davantage attrait en intervention forcée les Brasseries Kronenbourg pour s'expliquer sur la bonne exécution du contrat et ne rapporte donc pas la moindre preuve d'une faute des Établissements M. ;

- M. X. n'a donc pas respecté les termes de son engagement de volume, contrepartie d'investissements découlant du contrat litigieux ;

- la rupture de ce contrat doit lui être imputée à faute ;

- il ne démontre pas, en quoi les stipulations de la mise à disposition du matériel du 31 juillet 2010 sont contradictoires avec celles du contrat de bière signé le 22 mars 2012 ;

- les Établissements M. disposent en cas d'inexécution du contrat, d'une action directe et personnelle contre le promettant et sont aujourd'hui fondés à agir contre lui ;

- l'indemnisation due par M. X. doit être fixée au regard de la durée des relations contractuelles restant à courir en exécution du contrat d'approvisionnement exclusif en bières Kronenbourg en considération, non pas du chiffre d'affaires mais de la marge brute escomptée durant la période de manque à gagner ;

- cette marge brute peut être raisonnablement fixée dans les circonstances de cette espèce, à 20 %.

M. X. a interjeté appel de la décision. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 22 novembre 2016 et l'affaire a été renvoyée à l'audience tenue en formation de juge rapporteur le 12 décembre 2016 pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré au 7 février 2017 ;

Par arrêt avant-dire-droit du 7 février 2017, la Cour a énoncé le dispositif suivant :

- ordonne la réouverture des débats à l'audience tenue en formation de juge rapporteur du mardi 21 mars 2017 à 9 H 15,

- invite les parties à faire valoir leurs observations sur le point de droit soulevé d'office par la Cour, tiré de l'absence du pouvoir juridictionnel de la Cour de Versailles pour se prononcer sur le fond du présent litige,

- rappelle que l'ordonnance de clôture n'était pas révoquée et que les explications des parties doivent se limiter à la question posée par la cour,

- réserve les dépens.

M. X. précise dans ses observations écrites déposées le 15 mars 2017 que :

- les demandes de son adversaire au titre de l'investissement du bec pression constituent des demandes dissociées des demandes relatives à la fin du contrat de distribution ;

- il n'a pour sa part formé aucune demande au visa de l'article L. 442-6-I du code de commerce, ni aucune demande susceptible de relever de ces dernières dispositions ;

- le seul fait d'invoquer celles-ci ne suffit pas à rendre la juridiction de droit commun incompétente pour statuer, une véritable demande reconventionnelle étant nécessaire ;

- les demandes des Établissements M. ne sont quoi qu'il en soit pas indivisibles ;

- le bec pression susceptible selon la question posée par la Cour, de relever des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce ne saurait constituer un avantage indu ou disproportionné dès lors que le contrat de mise à disposition de ce matériel prévoyait expressément en cas de fin de relations, la possibilité pour les Établissements M. d'en demander la restitution ou d'en réclamer le paiement, compte tenu d'un amortissement d'une durée de 5 ans prorata temporis.

Les Établissements M. exposent pour leur part que si l'article L. 442-6 III est bien indiqué dans l'argumentaire de leurs écritures afin de mettre en exergue que le droit condamne l'attitude déloyale du cocontractant, l'application de ce texte n'a pas été sollicitée à telle enseigne qu'il n'est pas visé dans le dispositif des conclusions. Ils ajoutent que l'évocation de ce texte n'a en réalité été articulée que pour inspirer la Cour dans sa mission d'évaluation de préjudice et que quoi qu'il en soit, les juges consulaires n'ont pas statué au visa de ces dispositions légales. Ils observent et confirment ne pas demander à la Cour de statuer sur le fondement de celles-ci.

A l'audience du 21 mars 2017, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour.

 

2. Dispositifs des conclusions des parties

Vu les articles 445 et 954 du code de procédure civile ;

M. X. demande qu'il plaise à la Cour de :

- vu les articles 1134 et suivants du Code Civil,

- vu les articles 1121 et suivants du Code Civil,

- vu les articles 1146 et suivants du Code Civil,

- vu l'article L. 442-6 du code de commerce,

- dire et juger Monsieur X. recevable et bien fondé en son appel,

- l'y recevant :

1. A titre principal :

- Sur l'inexécution du contrat :

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Pontoise en date du 15 janvier 2016 en ce qu'il a retenu un non-respect par Monsieur X. de ses engagements contractuels résultant du contrat bière et retenu une rupture fautive dudit contrat du fait de Monsieur X.,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Pontoise en date du 15 janvier 2016 en ce qu'il a retenu l'existence d'un préjudice subi par les Établissements M. et condamné Monsieur X. à ce titre.

Y substituant,

- constater que le contrat de bière conclu entre Monsieur X. et les Brasseries Kronenbourg s'est dûment poursuivi avec le nouveau distributeur désigné, conformément aux stipulations contractuelles,

- constater l'absence d'inexécution contractuelle du fait de Monsieur X.,

- constater l'absence de préjudice certain et prévisible des Établissements M.,

- constater l'absence de toute mise en demeure d'exécuter adressée par les Établissements M. à Monsieur X.,

- débouter les Établissements M. de leurs demandes, fins et conclusions relatives à l'inexécution contractuelle invoquée et à son indemnisation.

- Sur la résistance abusive :

- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Pontoise en date du 15 janvier 2016 en ce qu'il a débouté les Établissements M. de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

2. A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu que le préjudice devait être déterminé au regard de la marge brute escomptée et non au regard du chiffre d'affaire.

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il fixé l'indemnisation due par Monsieur X. au regard de la durée des relations contractuelles restant à courir en exécution du contrat conclu entre l'appelant et les Brasseries Kronenbourg,

- Y substituant,

- dire et juger que le contrat bière exclut tout engagement ferme de durée vis à vis des Établissements M.,

- fixer l'indemnisation du préjudice des Établissements M., à un montant qui ne saurait excéder 6 mois de marge brute, compte tenu de la durée des relations contractuelles, soit 2.016 euros.

3. En tout état de cause :

- condamner les Établissements M. à verser à Monsieur X. Larbi une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 CPC,

- condamner les Établissements M. aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Julie G. L., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

La société M. Ets prie la Cour de :

- vu le code civil, le code de commerce, le code de procédure civile,

- vu les articles 1101 et s, 1134 et s, 1156, 1226, 1146, 1153 du Code civil, 6, 9, 696 et 700 et du Cpc (sic), 441-1, et s, 441-3, 441-6 du code de commerce (sic)

- infirmer la décision dont appel,

- rejeter comme mal fondées les demandes de M. X.,

- dire M. bien fondé en ses prétentions, (sic)

- et y faisant droit de :

- condamner M. X. à payer à M. la somme de 1.480,49 euros TTC au titre des investissements non amortis ou subsidiairement à 888,00 euros pour le même motif,

- condamner M. X. à payer à M. la somme de 84.014,50 euros au titre de l'inexécution du contrat et subsidiairement à celle évaluée par la Cour,

- condamner M. X. à payer à M. de 1.500 euros pour résistance abusive,

- condamner M. X. au paiement des pénalités de retard aux taux pratiquées par la BCE majoré de 10 points,

- assortir la condamnation à intervenir à l'intérêt légal,

- confirmer le jugement dont appel du chef de l'art 700 et des dépens et y rajouter les dépens d'appel,

- condamner M. X. à payer 5.000 euros à M. au titre des frais irrépétibles du chef de la procédure d'appel.

- condamner le même aux entiers dépens d'instance et d'appel.

 

Il est renvoyé à chacune de ces écritures pour un exposé complet de la synthèse argumentative de la position de chacune des parties, dont l'essentiel sera développé dans le cadre des motifs de cet arrêt.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ÉTANT EXPOSÉ,

La Cour statue sur les écritures des parties telles que celles-ci ont été enregistrées au greffe les 27 juillet et 19 septembre 2016 en tenant compte des seules observations exprimées par écrit et incluses dans les « conclusions » déposées les 22 février et 15 mars 2017 en réponse aux observations soulevées d'office par la Cour dans le dispositif de sa décision préparatoire du 7 février 2017. Ces dernières seront subséquemment déclarées en tant que telles, irrecevables.

Cela posé, il est rappelé que la Cour se prononce sur le mérite d'une demande d'indemnisation formée par un distributeur de bières (les Établissements M.) envers un débitant de boissons (M. X.) à qui celui-là impute à faute l'inexécution fautive d'un contrat de mise à disposition d'un bec de pression convenu entre eux en contrepartie d'une exclusivité d'approvisionnement en bières par celui-ci auprès du dit distributeur et notamment, en bières Kronenbourg ;

La Cour prend acte de ce qu'aucune des parties n'entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, nonobstant le rappel suggestif de cet article dans le dispositif de leurs écritures respectives.

La Cour de céans dispose dès lors des pouvoirs juridictionnels nécessaires pour se prononcer sur les demandes formées.

 

Sur l'inexécution fautive du contrat de mise à disposition du bec de pression :

M. X. observe que, contrairement aux allégations adverses, le contrat de bière régularisé avec les Brasseries Kronenbourg le 22 mars 2012, prévoit de manière précise son engagement à débiter exclusivement les bières de ce brasseur mais ne stipule en revanche, aucune exclusivité du distributeur nommément désigné dans ce contrat, les Établissements M.

Il précise encore que : - ce contrat ne désignait pas davantage la partie adverse de manière irrévocable en qualité de distributeur mais prévoyait tout au contraire la faculté d'en désigner un autre ; - son obligation de se fournir auprès des Établissements M. ne valait donc qu'autant que le brasseur n'avait pas modifié le distributeur ; - en l'espèce, les Brasseries Kronenbourg ont décidé de procéder à un tel changement, en poursuivant avec lui l'exécution du contrat bière précité et, sans lui avoir jamais reproché quelle qu'inexécution que ce soit ; - il justifie d'ailleurs de la poursuite du dit contrat et du maintien en approvisionnement en produits Kronenbourg par les documents qu'il verse aux débats ; - le brasseur ayant attesté que le contrat bière s'était poursuivi sans aucune difficulté, les premiers juges ont donc, par une interprétation erronée des faits de la présente cause et du droit applicable, relevé l'existence d'une inexécution fautive du contrat bière dont les Établissements M. seraient fondés à se prévaloir par l'effet de la stipulation pour autrui ; - les Établissements M. n'ont au demeurant réalisé aucun investissement dans le cadre du contrat bière litigieux ; - en l'absence de toute inexécution du contrat bière du 23 mars 2012, aucune rupture de celui-ci ne peut lui être imputée à faute.

Les Établissements M. répondent que : - les deux conventions, le contrat de mise à disposition et le contrat de bière, se sont succédées dans le temps et ont un esprit commun ; - elles ne sont pas de même nature et se distinguent mais elles ne se contredisent pas ; - dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de conférer l'exclusivité de la fourniture des Établissements M., le contrat de mise à disposition obligeant à utiliser uniquement des produits distribués par ces derniers et le contrat de distribution ajoutant simplement un objectif quantitatif ; - ils produisent la preuve de l'achat du matériel mis à disposition, cet avantage ayant été d'évidence consenti en contrepartie de la prévision de relations commerciales pérennes, cette prévision étant cristallisée par le contrat portant sur la vente de 500 hl de bière, seule de nature à assurer l'équilibre de la convention ; - autrement dit, en contrepartie de l'investissement en matériel mis à dispositions, l'exploitant du café-bar s'engage à commander la quantité de bière suffisante pour rendre à son terme cette participation rentable ; - faute d'avoir assumé cette obligation M. X. leur doit indemnisation de son préjudice corrélatif.

Ils précisent encore que : - le contrat signé entre la partie adverse et le brasseur les désigne comme distributeur pendant la durée du contrat sous un régime de stipulation pour autrui au sens de l'article 1121 du code civil ; - cette stipulation est devenue irrévocable par son acception de celle-ci attestée par la livraison des marchandises commandées par M. X. ; - elle dispose donc d'une action directe contre ce promettant ; - ils sont en droit de revendiquer l'exclusivité du bénéfice du contrat bière dès lors qu'il ressort que le brasseur ne pouvait désigner un autre distributeur qu'à condition qu'ils se soient rendus coupables de fautes constitutives d'une exécution défectueuse ; - aucune preuve d'une telle faute n'est précisément justifiée à leur encontre et par conséquent, le brasseur ne pouvait à la demande de l'exploitant, le remplacer à loisir par un autre distributeur ; - la rupture du contrat doit être imputée à faute de M. X.

 

Vu les articles 1134 et suivants ainsi que 1121 du code civil dans leur rédaction applicable à la présente cause et partant, dans leur rédaction antérieure à celle de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Il ressort des pièces produites que selon contrat de mise à disposition de matériel les Établissements M. sont convenus avec M. X. agissant en tant qu'exploitant d'un débit de boissons que « Pendant la durée de l'amortissement, le Client [M. X.] reconnaît que ce prêt de matériel est conditionné par l'approvisionnement en exclusivité des bières et autres produits fournis par la SA M. dans leur établissement. Le matériel a été posé par la SA M. à la demande du Client et pendant toute la durée de l'amortissement, ce matériel restera la propriété de la SA M. » et par ailleurs que selon contrat de bière signé entre les Brasseries Kronenbourg et M. X. « Le Débitant de boissons s'engage, comme condition essentielle et déterminante du contrat et en contrepartie (...) à débiter dans le point de vente (...) d'une manière exclusive, régulière et constante, pendant toute la durée du contrat, les bières en fûts de la gamme de produits de la Brasserie. » et également que « Le Débitant de boissons (...) s'est engagé à réaliser un volume minimum total (...) de 500 hectolitres. (...) » et enfin « Pour l'approvisionnement du Débitant de Boissons en bières de la Brasserie, la Brasserie désigne en qualité de distributeur CHD : M. Z. sur [ville T.], pour toute la durée du contrat, ce que le Débitant de boissons accepte expressément pour le connaître et être déjà en relation d'affaires avec lui ou voulant l'être. (...). La présente désignation vaut comme condition essentielle et déterminante du contrat. Seule la Brasserie peut être amenée à modifier la présente désignation si le Distributeur devait ne pas s'acquitter de sa mission dans des conditions conformes aux usages loyaux et constants de la profession. Toute modification de la présente désignation du fait de la Brasserie, si elle survenait, ne pourrait en aucun cas constituer un motif de résiliation du contrat. Il en sera de même en cas de force majeure empêchant toute livraison des produits de la Brasserie. » [souligné par la Cour].

Bien que conclus à deux ans d'intervalle, le contrat de mise à disposition avec approvisionnement exclusif auprès des Établissements M. et le contrat de bière avec approvisionnement exclusif en bières Kronenbourg selon une quantité déterminée, réalisaient d'évidence une opération globale dont l'économie postulait, nonobstant l'absence de clause expresse, l'indivisibilité concrétisée par l'existence d'une stipulation pour autrui. M. X. avait ainsi fait promettre au brasseur un approvisionnement exclusif en bières Kronenbourg en faveur des Établissements M. tant que ces derniers exécutaient, loyalement et conformément aux usages constants de la profession, leur mission de distribution.

C'est donc à raison, que les intimés se prévalent en vertu de l'action directe dont ils disposent envers le promettant d'une inexécution fautive du contrat de bière par la partie adverse et partant de l'inexécution du contrat de mise à disposition dès lors que le changement de distributeur décidé par les Établissements Kronenbourg, à l'initiative du débitant de boissons, ne repose pas sur le constat préalable, justifié et étayé par des éléments concrets et précis, de quelle que faute que ce soit pouvant lui être imputée.

Le jugement entrepris sera subséquemment sur ce point, confirmé.

 

Sur l'indemnisation du préjudice des Établissements M. :

Les Établissements M. s'estiment à bon droit fondés, à obtenir l'indemnisation intégrale de leur préjudice et par suite, tant les pertes subis que le gain manqué.

Outre le remboursement de l'amortissement du matériel non amorti sur les trois années restantes (1.489,49 euros x 3/5), que les premiers juges ont raisonnablement fixé à 888 euros toutes taxes comprises, la partie intimée est fondée à obtenir, ainsi que l'ont pertinemment apprécié les premiers juges dont la Cour adopte les motifs, l'indemnisation de son manque à gagner en considération, non pas du chiffre d'affaires réalisé mais de la marge brute de 20 % pouvant être raisonnablement escomptée durant cette période. Les Établissements M. qui en procédant à la livraison des bières Kronenbourg en respect du contrat de bière souscrit entre M. X. et le brasseur, avaient accepté la stipulation pour autrui convenue en leur faveur, étaient en effet fondés à retenir, que cette stipulation devait courir jusqu'à son terme et partant, pour la période restante de 50 mois.

Ces dommages-intérêts s'analysant en dommages-intérêts compensatoires venant réparer une inexécution fautive du contrat, peu importe que dans la présente cause, les Établissements M. n'aient pas procédé à une mise en demeure préalable à l'assignation introductive d'instance.

Sur ce point encore, le jugement entrepris sera donc confirmé.

 

Sur les autres demandes et les dépens :

Aucune circonstance indépendante du retard, déjà réparé par l'allocation des intérêts moratoires au taux légal n'étant caractérisée, la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive sera écartée.

L'article L.441-6 du code de commerce prévoyant le paiement de pénalités de retard pour non-paiement de facture à bonne date, n'a pas vocation à trouver application dans la présente cause.

Vu l'article 696 du code de procédure civile ;

M. X., partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamné aux entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.

ÉCARTE en tant que telles les conclusions ultimes des parties notifiées après l'ordonnance de clôture les 22 février 2017 (société Établissements M.) et 15 mars 2017 (M. X. exerçant à titre personnel et précédemment à l'enseigne « Café de Y. ».) mais reçoit les observations qu'elles développent sur le point de droit soulevé par la Cour dans son arrêt avant-dire-droit du 7 février 2017.

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions SAUF en ce qu'il a débouté la société anonyme Établissements M. de sa demande de condamnation à des intérêts de retard au taux légal.

Statuant de nouveau du seul chef des dispositions réformées et Y AJOUTANT

DIT que les condamnations mises à la charge de M. X. exerçant à titre personnel et précédemment sous l'enseigne « Le Café de Y. », porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

CONDAMNE M. X. exerçant à titre personnel et précédemment sous l'enseigne « Le Café de Y. », aux entiers dépens d'appel.

Vu l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE M. X. exerçant à titre personnel et précédemment sous l'enseigne « Le Café de Y. », à payer à la société anonyme Établissements M. une indemnité de trois mille euros (3.000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier f.f.,                      Le président,