CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CJUE (3e ch.), 5 mai 2011

Nature : Décision
Titre : CJUE (3e ch.), 5 mai 2011
Pays : UE
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (3e ch.)
Demande : C 543/09
Date : 5/05/2011
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 22/12/2009
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 7050

CJUE (3e ch.), 5 mai 2011 : Affaire C‑543/09

 

Extrait : « 2) L’article 12 de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communications électroniques »), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui fait obligation à une entreprise publiant des annuaires publics de transmettre des données à caractère personnel qu’elle détient concernant les abonnés d’autres fournisseurs de services téléphoniques à une entreprise tierce dont l’activité consiste à publier un annuaire public imprimé ou électronique ou à rendre de tels annuaires consultables par l’intermédiaire de services de renseignements, sans qu’une telle transmission soit subordonnée à un nouveau consentement des abonnés, pour autant toutefois que, d’une part, ces derniers ont été informés avant la première inscription de leurs données dans un annuaire public de la finalité de celui-ci ainsi que du fait que ces données seraient susceptibles d’être communiquées à un autre fournisseur de services téléphoniques et que, d’autre part, il est garanti que lesdites données ne seront pas, après leur transmission, utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées en vue de leur première publication. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 5 MAI 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Dans l’affaire C‑543/09, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne), par décision du 28 octobre 2009, parvenue à la Cour le 22 décembre 2009, dans la procédure

Deutsche Telekom AG

contre

Bundesrepublik Deutschland,

en présence de :

GoYellow GmbH,

Telix AG,

LA COUR (troisième chambre) : composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

Avocat général : Mme V. Trstenjak,

Greffier : M. K. Malacek, administrateur,

Vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 décembre 2010,

Considérant les observations présentées : :

- pour Deutsche Telekom AG, par Maître W. Roth, Rechtsanwalt, et Mme I. Fink, Justitiarin,

- pour la Bundesrepublik Deutschland, par Mme E. Greiwe, en qualité d’agent,

- pour GoYellow GmbH, par Maître G. Jochum, Rechtsanwalt,

- pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes F. Penlington et C. Murrell, en qualité d’agents, assistées de M. T. Ward, barrister,

- pour la Commission européenne, par MM. A. Nijenhuis et G. Braun, en qualité d’agents,

Ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 février 2011,

rend le présent :

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 25, paragraphe 2, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») (JO L 108, p. 51), ainsi que de l’article 12 de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (JO L 201, p. 37; ci-après la « directive « vie privée et communications électroniques » »).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Deutsche Telekom AG (ci-après « Deutsche Telekom ») à la République fédérale d’Allemagne, représentée par la Bundesnetzagentur für Elektrizität, Gas, Telekommunikation, Post und Eisenbahnen (ci-après la « Bundesnetzagentur »), à propos de l’obligation, imposée par la loi sur les télécommunications (Telekommunikationsgesetz, ci-après le « TKG ») aux entreprises qui attribuent des numéros de téléphone, de mettre à la disposition d’autres entreprises, dont l’activité consiste à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public ou d’annuaire, les données qu’elles détiennent relatives aux abonnés d’entreprises tierces.

 

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

La directive 95/46/CE

3. Il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281, p. 31), que celle-ci vise à assurer la protection des libertés et des droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

4. L’article 2, sous h), de ladite directive définit le « consentement de la personne concernée » comme étant « toute manifestation de volonté, libre, spécifique et informée par laquelle la personne concernée accepte que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».

5. L’article 7, sous a), de la même directive dispose qu’un traitement de données à caractère personnel peut être effectué si « la personne concernée a indubitablement donné son consentement ».

 

La directive « ONP »

6. À partir du 1er janvier 1998, la fourniture de services et d’infrastructures de télécommunications a été libéralisée dans l’Union européenne. Cette libéralisation a été effectuée concomitamment avec la mise en place d’un cadre réglementaire harmonisé dont faisait partie la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel (JO L 101, p. 24, ci-après la « directive « ONP » »).

7. La directive « ONP » a été abrogée par l’article 26 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») (JO L 108, p. 33, ci-après la « directive-cadre »). L’article 6, paragraphe 3, de la directive « ONP » disposait :

« Afin de garantir la fourniture des services [d’annuaire et de renseignements téléphoniques], les États membres veillent à ce que tous les organismes qui attribuent des numéros de téléphone aux abonnés répondent à toutes les demandes raisonnables relatives à la fourniture des informations pertinentes, sous une forme convenue et à des conditions qui soient équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires. »

 

Le cadre réglementaire commun

8. Comme il découle du premier considérant de la directive-cadre, quelques années après la libéralisation des marchés des télécommunications, les conditions d’une concurrence effective avaient été réalisées et un cadre réglementaire commun (ci-après le « CRC ») a été adopté. Font partie du CRC, notamment, la directive-cadre, la directive « service universel » ainsi que la directive « vie privée et communications électroniques ».

 

La directive-cadre

9. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive-cadre dispose :

« La présente directive crée un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques […]. Elle fixe les tâches incombant aux autorités réglementaires nationales et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée du cadre réglementaire dans l’ensemble de la Communauté. »

10. La directive-cadre confère aux autorités réglementaires nationales (ci-après les « ARN ») des tâches spécifiques de réglementation des marchés de communications électroniques. Ainsi, en vertu de son article 16, les ARN procèdent à l’analyse des marchés pertinents dans le secteur des communications électroniques et apprécient si ces marchés sont effectivement concurrentiels. Si un marché n’est pas effectivement concurrentiel, l’ARN compétente impose des obligations réglementaires spécifiques aux entreprises puissantes sur ce marché.

 

La directive « service universel »

11. Les onzième et trente-cinquième considérants de la directive « service universel » énoncent :

« (11) Les services d’annuaires et de renseignements téléphoniques constituent des outils essentiels pour l’accès aux services téléphoniques accessibles au public et relèvent de l’obligation de service universel. Les utilisateurs et les consommateurs souhaitent des annuaires qui soient exhaustifs et un service de renseignements téléphoniques qui couvre l’ensemble des abonnés au téléphone répertoriés et leurs numéros (ce qui comprend les numéros de téléphone fixe et de téléphone mobile) ; ils désirent que ces informations soient présentées de façon impartiale. La directive 97/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications [JO 1998, L 24, p. 1] assure le droit des abonnés au respect de leur vie privée quant aux informations personnelles les concernant qui peuvent figurer dans un annuaire public.

[…]

(35) La prestation de services de renseignements téléphoniques et d’annuaires est d’ores et déjà ouverte à la concurrence. Les dispositions de la présente directive complètent celles de la directive 97/66/CE en accordant aux abonnés le droit de voir figurer les données personnelles les concernant dans un annuaire imprimé ou électronique. Tous les fournisseurs de service attribuant des numéros de téléphone à leurs abonnés sont tenus de mettre à […] disposition des informations utiles selon des modalités équitables, tenant compte des coûts et non discriminatoires. »

12. L’article 5 de la directive « service universel », intitulé « Services de renseignements téléphoniques et annuaires », disposait dans sa version en vigueur à la date des faits au principal :

« 1. Les États membres veillent à ce que :

a) au moins un annuaire complet soit mis à la disposition des utilisateurs finals sous une forme approuvée par l’autorité compétente, qu’elle soit imprimée ou électronique ou les deux à la fois, et soit régulièrement mis à jour, c’est-à-dire au moins une fois par an ;

b) au moins un service de renseignements téléphoniques complets soit accessible à tous les utilisateurs finals, y compris aux utilisateurs de postes téléphoniques payants publics.

2. Les annuaires visés au paragraphe 1 comprennent, sous réserve des dispositions de l’article 11 de la directive 97/66/CE, tous les abonnés des services téléphoniques accessibles au public.

[…] »

13. En vertu de l’article 17 de la directive « service universel », les ARN, après avoir effectué une analyse d’un marché de détail et après avoir constaté que le marché concerné n’est pas en situation de concurrence réelle, imposent des obligations réglementaires adéquates aux entreprises déterminées comme étant puissantes sur ce marché.

14. L’article 25 de la directive « service universel », intitulé « Services d’assistance par opérateur/opératrice et services de renseignements téléphoniques », disposait dans sa version en vigueur à la date des faits au principal :

« 1. Les États membres veillent à ce que les abonnés des services téléphoniques accessibles au public aient le droit de figurer dans l’annuaire accessible au public visé à l’article 5, paragraphe 1, point a).

2. Les États membres veillent à ce que toutes les entreprises qui attribuent des numéros de téléphone à des abonnés répondent à toutes les demandes raisonnables de mise à disposition, aux fins de la fourniture de services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire, des informations pertinentes, sous une forme convenue et à des conditions qui soient équitables, objectives, modulées en fonction des coûts et non discriminatoires.

[…]

5. Les paragraphes 1, 2, […] s’appliquent sous réserve des exigences de la législation communautaire en matière de protection des données à caractère personnel et de la vie privée et, en particulier, de l’article 11 de la directive 97/66/CE. »

 

La directive « vie privée et communications électroniques »

15. Les trente-huitième et trente-neuvième considérants de la directive « vie privée et communications électroniques » énoncent :

« (38) Les annuaires d’abonnés aux services de communications électroniques sont largement diffusés et publics. Pour protéger la vie privée des personnes physiques et l’intérêt légitime des personnes morales, il importe que l’abonné soit à même de déterminer si les données à caractère personnel qui le concernent doivent être publiées dans un annuaire et, dans l’affirmative, lesquelles de ces données doivent être rendues publiques. Il convient que les fournisseurs d’annuaires publics informent les abonnés qui figureront dans ces annuaires des fins auxquelles ceux-ci sont établis et de toute utilisation particulière qui peut être faite des versions électroniques des annuaires publics, notamment grâce aux fonctions de recherche intégrées dans le logiciel, telles que les fonctions de recherche inverse qui permettent aux utilisateurs d’un annuaire de trouver le nom et l’adresse d’un abonné à partir d’un simple numéro de téléphone.

(39) C’est à la partie qui collecte des données à caractère personnel auprès d’abonnés que devrait incomber l’obligation d’informer ceux-ci des fins auxquelles sont établis des annuaires publics comportant des données personnelles les concernant. Si ces données peuvent être transmises à un ou plusieurs tiers, l’abonné devrait être informé de cette possibilité ainsi que des destinataires ou catégories de destinataires éventuels. Une telle transmission ne devrait pouvoir se faire que s’il est garanti que les données ne pourront pas être utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées. Si la partie qui a collecté ces données auprès de l’abonné ou un tiers quelconque auquel elles ont été transmises souhaitent les exploiter à d’autres fins, ladite partie ou ledit tiers devront obtenir une nouvelle fois le consentement de l’abonné. »

16. L’article 12 de la directive « vie privée et communications électroniques », intitulé « Annuaires d’abonnés », prévoit à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1. Les États membres veillent à ce que les abonnés soient informés gratuitement et avant d’y être inscrits des fins auxquelles sont établis des annuaires d’abonnés imprimés ou électroniques accessibles au public ou consultables par l’intermédiaire de services de renseignements, dans lesquels les données à caractère personnel les concernant peuvent figurer, ainsi que de toute autre possibilité d’utilisation reposant sur des fonctions de recherche intégrées dans les versions électroniques des annuaires.

2. Les États membres veillent à ce que les abonnés aient la possibilité de décider si les données à caractère personnel les concernant, et lesquelles de ces données, doivent figurer dans un annuaire public, dans la mesure où ces données sont pertinentes par rapport à la fonction de l’annuaire en question telle qu’elle a été établie par le fournisseur de l’annuaire. Ils font également en sorte que les abonnés puissent vérifier, corriger ou supprimer ces données. La non-inscription dans un annuaire public d’abonnés, la vérification, la correction ou la suppression de données à caractère personnel dans un tel annuaire est gratuite.

3. Les États membres peuvent demander que le consentement des abonnés soit également requis pour toute finalité d’annuaire public autre que la simple recherche des coordonnées d’une personne sur la base de son nom et, au besoin, d’un nombre limité d’autres paramètres. »

17. L’article 19 de la directive « vie privée et communications électroniques » dispose que la directive 97/66 est abrogée avec effet à partir du 31 octobre 2003 et que « [l]es références faites à la directive abrogée s’entendent comme étant faites à la présente directive ». Les références à l’article 11 de la directive 97/66 doivent ainsi être comprises comme des références à l’article 12 de la directive « vie privée et communications électroniques ».

 

La réglementation nationale

18. Selon la juridiction de renvoi, il ressort d’une lecture combinée des articles 47, paragraphe 1, 104 et 105 du TKG que toute entreprise qui attribue des numéros de téléphone à des utilisateurs finals est tenue de transmettre aux fournisseurs des services de renseignements téléphoniques accessibles au public ou d’annuaire qui le demandent non seulement les données concernant ses propres abonnés, mais également les données qu’elle détient relatives aux abonnés de fournisseurs de services téléphoniques tiers. La transmission de telles données n’est pas subordonnée au consentement ou à l’absence d’opposition des abonnés concernés ou de leurs fournisseurs de services téléphoniques.

 

Les faits à l’origine du litige et les questions préjudicielles

19. En sa qualité d’exploitante de réseau de télécommunications en Allemagne, Deutsche Telekom attribue des numéros de téléphone à ses abonnés. Elle exploite un service de renseignements téléphoniques sur l’ensemble du territoire allemand. En outre, elle édite des annuaires imprimés et électroniques qui contiennent des informations concernant non seulement ses propres abonnés, mais également des abonnés d’entreprises tierces. Deutsche Telekom acquiert les données nécessaires à cet effet auprès des fournisseurs de services téléphoniques qui ont attribué les numéros de téléphone aux abonnés concernés. Elle a ainsi conclu avec environ 100 entreprises des contrats portant sur l’acquisition de données relatives aux abonnés.

20. Les sociétés GoYellow GmbH (ci-après « GoYellow ») et Telix AG (ci-après « Telix »), parties intervenantes dans le litige au principal, exploitent, respectivement, un service de renseignements par Internet et un service de renseignements téléphoniques et elles utilisent des données qui sont mises à leur disposition par Deutsche Telekom contre rémunération. À la suite d’un désaccord concernant l’étendue des données que Deutsche Telekom était tenue de mettre à la disposition de GoYellow et de Telix, en vertu des articles 47, paragraphe 1, 104 et 105 du TKG, ces dernières ont porté l’affaire devant la Bundesnetzagentur.

21. Par décision du 11 septembre 2006, la Bundesnetzagentur a ordonné à Deutsche Telekom de mettre à la disposition de GoYellow et de Telix non seulement les données relatives à ses propres abonnés, mais également les données qu’elle détenait relatives aux abonnés des fournisseurs de services téléphoniques tiers (ci-après les « données externes »), même lorsque ces derniers fournisseurs ou leurs abonnés souhaitaient que lesdites données soient publiées uniquement par Deutsche Telekom.

22. Deutsche Telekom a formé un recours devant le Verwaltungsgericht Köln contre ladite décision de la Bundesnetzagentur.

23. Par arrêt du 14 février 2008, le Verwaltungsgericht Köln a rejeté ledit recours. Deutsche Telekom a alors introduit un recours en « Revision » devant le Bundesverwaltungsgericht, en faisant notamment valoir qu’une obligation de transmission de données étendue aux données externes viole les dispositions de la directive « service universel ».

24. Dans la décision de renvoi, le Bundesverwaltungsgericht explique que le litige au principal se limite, d’une part, à l’obligation imposée à Deutsche Telekom de transmettre des données externes à GoYellow ainsi qu’à Telix et, d’autre part, aux données que l’abonné ou son fournisseur de services téléphoniques souhaite voir publier uniquement par Deutsche Telekom. Selon la juridiction de renvoi, sur le fondement du seul droit national, le recours en « Revision » devrait être rejeté. Elle s’interroge toutefois sur le point de savoir si l’obligation imposée par le droit national applicable au litige dont elle est saisie est conforme au droit de l’Union.

25. Le Bundesverwaltungsgericht relève, d’une part, que l’arrêt du 25 novembre 2004, KPN Telecom (C‑109/03, Rec. p. I‑11273), permet d’affirmer qu’une entreprise qui attribue des numéros de téléphone n’est tenue de transmettre, en vertu de l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel », que les données relatives à ses propres abonnés. La juridiction de renvoi estime, d’autre part, qu’il n’est pas exclu que le droit de l’Union permette au législateur national d’étendre l’obligation de mise à disposition d’informations aux données externes, eu égard notamment à la finalité générale de la directive-cadre consistant à promouvoir la concurrence. En effet, selon cette juridiction, une collecte de données auprès d’un seul interlocuteur est de nature, d’une part, à éviter les entraves substantielles, qui seraient normalement liées à l’obtention des données auprès de chaque entreprise individuelle attribuant des numéros de téléphone, lors de la constitution et, surtout, de l’actualisation permanente des stocks de données nécessaires pour la fourniture de services d’annuaire ainsi que de renseignements téléphoniques et, d’autre part, à promouvoir durablement des structures concurrentielles solides.

26. Dans l’hypothèse où le législateur national serait fondé à étendre l’obligation de mise à disposition de données également aux données externes détenues par l’entreprise soumise à cette obligation, la juridiction de renvoi se demande si l’article 12 de la directive « vie privée et communications électroniques » subordonne la transmission desdites données externes au consentement des abonnés concernés et de leur fournisseur de services téléphoniques.

27. Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 25, paragraphe 2, de [la directive « service universel »] doit-il être interprété en ce sens que les États membres sont en droit d’imposer aux entreprises qui attribuent des numéros de téléphone à des abonnés la mise à disposition, aux fins de la fourniture de services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire, de données relatives à des abonnés auxquels l’entreprise en question n’a pas elle-même attribué de numéros de téléphone dans la mesure où elle détient ces données?

En cas de réponse affirmative à la question qui précède :

2) L’article 12 de la [directive « vie privée et communications électroniques »] doit-il être interprété en ce sens que l’imposition de l’obligation susmentionnée par le législateur national est subordonnée au fait que l’autre fournisseur de services téléphoniques ou ses abonnés consentent à la transmission des données ou du moins ne s’y opposent pas ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur les questions préjudicielles :

Sur la première question :

28. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui impose aux entreprises attribuant des numéros de téléphone à des utilisateurs finals l’obligation de mettre à la disposition d’entreprises dont l’activité consiste à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire les données qu’elles détiennent relatives aux abonnés d’entreprises tierces.

29. Pour répondre à cette question, il convient, en premier lieu, d’examiner si les données externes en cause dans le litige au principal constituent des « informations pertinentes », au sens de l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel », que les entreprises attribuant des numéros de téléphone sont tenues de transmettre, en vertu de cette disposition, aux entreprises dont l’activité consiste à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire.

30. À cet égard, il y a lieu de constater que l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » n’impose une obligation de transmission de données qu’aux « entreprises qui attribuent des numéros de téléphone à des abonnés ». Eu égard au lien ainsi établi entre cette obligation de transmission de données, d’une part, et l’attribution d’un numéro de téléphone à un abonné, d’autre part, il doit être considéré que les « informations pertinentes » dont la communication est imposée par ladite disposition portent uniquement sur les données relatives aux propres abonnés des entreprises concernées. En effet, une telle disposition impose une obligation à une entreprise, telle que Deutsche Telekom, en sa qualité d’entreprise qui attribue des numéros de téléphone et non pas en tant que fournisseur de services de renseignements téléphoniques et d’annuaire.

31. Une telle interprétation est corroborée par l’objectif poursuivi par l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » qui est d’assurer le respect de l’obligation de service universel énoncée à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, disposition qui prévoit que les États membres veillent à ce qu’au moins un annuaire complet ou un service de renseignements téléphoniques complets soit mis à la disposition des utilisateurs finals. Or, une obligation imposée à chaque entreprise qui attribue des numéros de téléphone de transmettre les données relatives à ses propres abonnés permet à l’entreprise désignée pour fournir le service universel concerné de constituer une base de données exhaustive et, partant, d’assurer le respect de l’obligation résultant dudit article 5, paragraphe 1.

32. Au soutien de leur argumentation selon laquelle l’obligation de transmission de données prévue à l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » se rapporte également aux données externes, la Bundesnetzagentur et le gouvernement italien se réfèrent au onzième considérant de cette directive ainsi qu’à l’objectif général de promotion de la concurrence visé par le CRC.

33. À cet égard, il y a lieu de rappeler que le onzième considérant de la directive « service universel » énonce que « [l]es utilisateurs et les consommateurs souhaitent des annuaires qui soient exhaustifs et un service de renseignements téléphoniques qui couvre l’ensemble des abonnés au téléphone répertoriés et leurs numéros ». Toutefois, ce considérant doit être lu en combinaison avec l’obligation de service universel prévue à l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, qui n’impose pas aux États membres une obligation de garantir que tous les annuaires et services de renseignements téléphoniques soient complets. En effet, en vertu de cette disposition, les États membres doivent veiller uniquement à ce qu’au moins un annuaire complet ou un service de renseignements téléphoniques complets soit mis à la disposition des utilisateurs finals. Or, ainsi qu’il ressort du point 31 du présent arrêt, une obligation de transmission visant les entreprises attribuant des numéros de téléphone et concernant les seules données relatives aux propres abonnés de ces dernières suffit à garantir le respect de l’obligation de service universel résultant dudit article 5, paragraphe 1.

34. L’objectif général du CRC, qui est de promouvoir la concurrence, ne permet pas non plus de considérer qu’une entreprise attribuant des numéros de téléphone aux abonnés, telle que Deutsche Telekom, serait tenue, en vertu de l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel », de transmettre à des entreprises tierces des données autres que celles relatives à ses propres abonnés.

35. En effet, l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » doit être interprété à la lumière de son objectif spécifique qui est d’assurer le respect de l’obligation de service universel prévue à l’article 5, paragraphe 1, de cette directive.

36. Par ailleurs, le trente-cinquième considérant de la directive « service universel » énonce que la prestation de services de renseignements téléphoniques et d’annuaire est d’ores et déjà ouverte à la concurrence. Or, dans un marché concurrentiel, l’obligation pour les entreprises qui attribuent des numéros de téléphone de transmettre les données relatives à leurs propres abonnés, conformément à l’article 25, paragraphe 2, de cette directive, permet, en principe, non seulement à l’entreprise désignée d’assurer le respect de l’obligation de service universel prévue à l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, mais également à tout fournisseur de services téléphoniques de constituer une base de données exhaustive et de déployer des activités sur le marché des services de renseignements téléphoniques et d’annuaire. Il suffit à cet égard que le fournisseur concerné demande à chaque entreprise attribuant des numéros de téléphone les données pertinentes relatives à ses abonnés.

37. Il ressort donc de ce qui précède que les « informations pertinentes » au sens de l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel », dont la communication est imposée par cette disposition, portent uniquement sur les informations relatives aux propres abonnés des entreprises attribuant des numéros de téléphone.

38. En second lieu, il convient de déterminer si l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » procède à une harmonisation complète ou si, au contraire, cette disposition permet aux États membres d’imposer aux entreprises attribuant des numéros de téléphone une obligation de transmettre aux entreprises visant à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire non seulement les « informations pertinentes » au sens de ladite disposition, mais également des données externes.

39. À cet égard, il convient de rappeler d’emblée que, au point 35 de son arrêt KPN Telecom, précité, relatif à l’interprétation de l’article 6, paragraphe 3, de la directive « ONP », dont la teneur est analogue à celle de l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel », la Cour a jugé que cet article 6, paragraphe 3, ne visait pas à une harmonisation complète et que les États membres restaient compétents pour déterminer si, dans un contexte national spécifique, certaines informations supplémentaires devaient être mises à la disposition des tiers.

40. Deutsche Telekom, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission européenne soutiennent toutefois qu’une telle interprétation ne peut pas être retenue pour l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » dès lors que celle-ci fait partie du CRC qui, ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive-cadre, est un cadre harmonisé pour la réglementation des services de communications électroniques. Le législateur national ne serait ainsi pas en droit d’imposer aux entreprises concernées des obligations plus étendues que celles prévues à cet article 25, paragraphe 2.

41. À cet égard, il importe de constater, en premier lieu, que l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » fait partie du chapitre IV de celle-ci consacré aux intérêts et aux droits des utilisateurs finals. Or, la Cour a déjà jugé que la directive-cadre et la directive « service universel » ne prévoient pas une harmonisation complète des aspects relatifs à la protection des consommateurs (arrêt du 11 mars 2010, Telekomunikacja Polska, C‑522/08, non encore publié au Recueil, point 29).

42. En second lieu, il convient de rappeler que l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » vise à assurer le respect de l’obligation incombant aux États membres, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la même directive, de veiller à ce qu’au moins un annuaire complet et au moins un service de renseignements téléphoniques complets soient mis à la disposition des utilisateurs finals. Dès lors qu’il s’agit d’une prescription minimale à respecter par les États membres, ils demeurent libres, en principe, d’adopter des dispositions plus exigeantes afin de faciliter l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire.

43. Ainsi, le CRC ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, en s’adressant à toute entreprise qui attribue des numéros de téléphone à des utilisateurs finals, affecte les entreprises de communications électroniques de manière générale et non discriminatoire, pour autant toutefois qu’une telle réglementation n’empiète pas sur les compétences que les ARN tirent directement des dispositions du CRC (arrêt Telekomunikacja Polska, précité, points 27 et 28 ; voir, également, arrêt du 3 décembre 2009, Commission/Allemagne, C‑424/07, Rec. p. I‑11431, points 78 et 91 à 99).

44. En l’espèce, il y a lieu de considérer qu’une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, n’affecte aucune compétence expressément attribuée par le CRC à l’ARN concernée.

45. En effet, d’une part, l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » n’attribue aucune compétence particulière et n’impose aucune obligation spécifique aux ARN. Cette disposition impose des obligations uniquement aux États membres en tant que tels.

46. D’autre part, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, n’affecte nullement les compétences de l’ARN concernée relatives à l’analyse des différents marchés de communications électroniques et à l’imposition d’obligations réglementaires aux entreprises puissantes sur des marchés qui ne se trouvent pas en situation de concurrence réelle, résultant des articles 16 de la directive-cadre et 17 de la directive « service universel ». Toutefois, la seule circonstance que, en cas de respect de la réglementation nationale en cause au principal par les entreprises concernées, l’ARN ne sera plus amenée à recourir à un dispositif particulier, après une analyse éventuelle du marché de détail concerné, à savoir l’imposition d’une obligation à une entreprise puissante de transmettre des données externes à des entreprises tierces, ne permet pas de considérer que les compétences que l’ARN concernée tire de l’article 17 de la directive « service universel » seraient directement affectées (voir par analogie, s’agissant d’une interdiction générale de ventes liées, arrêt Telekomunikacja Polska, précité, point 28).

47. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la première question que l’article 25, paragraphe 2, de la directive « service universel » doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose aux entreprises attribuant des numéros de téléphone à des utilisateurs finals l’obligation de mettre à la disposition d’entreprises dont l’activité consiste à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire non seulement les données relatives à leurs propres abonnés, mais également celles qu’elles détiennent relatives aux abonnés d’entreprises tierces.

 

Sur la seconde question :

48. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12 de la directive « vie privée et communications électroniques » subordonne la transmission à une entreprise dont l’activité consiste à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire, par une entreprise qui attribue des numéros de téléphone, des données qu’elle détient relatives aux abonnés d’une entreprise tierce au consentement ou à la non-opposition de celle-ci ou de ses abonnés.

49. À cet égard, il importe de relever que l’article 8, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « charte ») énonce que « [t]oute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant ».

50. La directive 95/46 vise à assurer, dans les États membres, le respect du droit à la protection des données à caractère personnel. La directive « vie privée et communications électroniques », ainsi qu’il ressort de son article 1er, paragraphe 2, précise et complète la directive 95/46 dans le secteur des communications électroniques.

51. Toutefois, le droit à la protection des données à caractère personnel n’apparaît pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société (arrêt du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert, C‑92/09 et C‑93/09, non encore publié au Recueil, point 48 et jurisprudence citée).

52. L’article 8, paragraphe 2, de la charte autorise ainsi le traitement des données à caractère personnel si certaines conditions sont réunies. À cet égard, ladite disposition prévoit que les données à caractère personnel « doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi ».

53. La transmission de données à caractère personnel d’abonnés à une entreprise tierce visant à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire constitue un traitement de données à caractère personnel au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la charte, qui ne peut être effectué que « sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi ».

54. Or, il ressort de la directive « vie privée et communications électroniques » que celle-ci soumet la publication des données à caractère personnel concernant les abonnés dans des annuaires imprimés ou électroniques au consentement desdits abonnés.

55. Ainsi, l’article 12, paragraphe 2, de ladite directive dispose que les abonnés sont libres de décider si les données à caractère personnel les concernant, et lesquelles de ces données, doivent figurer dans un annuaire public.

56. En revanche, aucune disposition de la directive « vie privée et communications électroniques » ne soumet la publication de données à caractère personnel relatives aux abonnés à un quelconque consentement de l’entreprise ayant attribué les numéros de téléphone concernés ou détenant des données externes. En effet, une telle entreprise ne peut se prévaloir, à titre personnel, du droit de consentement reconnu aux seuls abonnés.

57. Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande également si l’article 12 de ladite directive subordonne la transmission de données à caractère personnel à une entreprise tierce dont l’activité consiste à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire à un nouveau consentement de l’abonné, dans le cas où ce dernier a consenti à la publication de ses données à caractère personnel dans un seul annuaire, en l’occurrence celui établi par Deutsche Telekom.

58. À cet égard, il convient de rappeler d’emblée qu’il ressort de l’article 12, paragraphe 1, de la directive « vie privée et communications électroniques », ainsi que du trente-huitième considérant de celle-ci, que les abonnés, avant d’être inscrits dans des annuaires publics, sont informés des fins pour lesquelles ceux-ci sont établis et de toute utilisation particulière qui peut en être faite, notamment grâce aux fonctions de recherche intégrées dans le logiciel des versions électroniques des annuaires. Une telle information préalable permet à l’abonné concerné de donner un consentement libre, spécifique et informé, au sens des articles 2, sous h), et 7, sous a), de la directive 95/46, à la publication, dans des annuaires publics, de données à caractère personnel le concernant.

59. Le trente-neuvième considérant de la directive « vie privée et communications électroniques » précise, concernant l’obligation d’information préalable des abonnés au titre de l’article 12, paragraphe 1, de cette directive, que, « [s]i [l]es données [à caractère personnel] peuvent être transmises à un ou plusieurs tiers, l’abonné devrait être informé de cette possibilité ainsi que des destinataires ou catégories de destinataires éventuels ».

60. Toutefois, l’abonné, après avoir obtenu les informations visées à l’article 12, paragraphe 1, de ladite directive, peut, ainsi qu’il ressort du paragraphe 2 du même article, décider uniquement si les données à caractère personnel le concernant, et lesquelles de ces données, doivent figurer dans un annuaire public.

61. Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 122 de ses conclusions, il ressort d’une interprétation contextuelle et systématique de l’article 12 de la directive « vie privée et communications électroniques » que le consentement au titre du deuxième paragraphe de cet article porte sur la finalité de la publication des données à caractère personnel dans un annuaire public et non sur l’identité d’un fournisseur d’annuaire en particulier.

62. En effet, premièrement, le libellé de l’article 12, paragraphe 2, de la directive « vie privée et communications électroniques » ne permet pas de considérer que l’abonné disposerait d’un droit sélectif de décision au profit de certains fournisseurs de services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire. Il convient de relever à cet égard que c’est la publication même des données à caractère personnel dans un annuaire ayant une finalité particulière qui peut s’avérer préjudiciable pour un abonné. Toutefois, lorsque ce dernier a consenti à ce que ses données soient publiées dans un annuaire ayant une finalité particulière, il n’aura généralement pas d’intérêt à s’opposer à la publication des mêmes données dans un autre annuaire similaire.

63. Deuxièmement, le trente-neuvième considérant de ladite directive confirme qu’une transmission de données à caractère personnel des abonnés à des tiers est permise « s’il est garanti que les données ne pourront pas être utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées ».

64. Troisièmement, la directive « vie privée et communications électroniques » mentionne un cas dans lequel un consentement renouvelé ou spécifique de l’abonné peut être prévu. Ainsi, en vertu de l’article 12, paragraphe 3, de cette directive, les États membres peuvent demander que le consentement des abonnés soit également requis pour toute finalité d’annuaire public autre que la simple recherche des coordonnées d’une personne sur la base de son nom et, au besoin, d’un nombre limité d’autres paramètres. Il ressort du trente-neuvième considérant de la même directive que l’obtention d’un nouveau consentement de l’abonné est envisagée « [s]i la partie qui a collecté ces données auprès de l’abonné ou un tiers quelconque auquel elles ont été transmises souhaitent les exploiter à d’autres fins ».

65. Il s’ensuit que, dès lors qu’un abonné a été informé par l’entreprise lui ayant attribué un numéro de téléphone de la possibilité de la transmission des données à caractère personnel le concernant à une entreprise tierce, telle que Deutsche Telekom, en vue de leur publication dans un annuaire public, et que celui-ci a consenti à la publication desdites données dans un tel annuaire, en l’occurrence celui de cette société, la transmission de ces mêmes données à une autre entreprise visant à publier un annuaire public imprimé ou électronique, ou à rendre de tels annuaires consultables par l’intermédiaire de services de renseignements, ne doit pas faire de nouveau l’objet d’un consentement par l’abonné, s’il est garanti que les données concernées ne seront pas utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées en vue de leur première publication. En effet, le consentement, au titre de l’article 12, paragraphe 2, de la directive « vie privée et communications électroniques », d’un abonné dûment informé à la publication dans un annuaire public des données à caractère personnel le concernant se rapporte à la finalité de cette publication et s’étend ainsi à tout traitement ultérieur desdites données par des entreprises tierces actives sur le marché des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire, pour autant que de tels traitements poursuivent cette même finalité.

66. En outre, dès lors qu’un abonné a consenti à la transmission des données à caractère personnel le concernant à une entreprise déterminée en vue de leur publication dans un annuaire public de cette entreprise, la transmission de ces mêmes données à une autre entreprise visant à publier un annuaire public sans qu’un nouveau consentement ait été donné par cet abonné ne saurait porter atteinte à la substance même du droit à la protection des données à caractère personnel, tel que reconnu à l’article 8 de la charte.

67. Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que l’article 12 de la directive « vie privée et communications électroniques » doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui fait obligation à une entreprise publiant des annuaires publics de transmettre des données à caractère personnel qu’elle détient concernant les abonnés d’autres fournisseurs de services téléphoniques à une entreprise tierce dont l’activité consiste à publier un annuaire public imprimé ou électronique ou à rendre de tels annuaires consultables par l’intermédiaire de services de renseignements, sans qu’une telle transmission soit subordonnée à un nouveau consentement des abonnés, pour autant toutefois que, d’une part, ces derniers ont été informés avant la première inscription de leurs données dans un annuaire public de la finalité de celui-ci ainsi que du fait que ces données seraient susceptibles d’être communiquées à un autre fournisseur de services téléphoniques et que, d’autre part, il est garanti que lesdites données ne seront pas, après leur transmission, utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées en vue de leur première publication.

 

Sur les dépens :

68. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

la Cour (troisième chambre)

dit pour droit :

1) L’article 25, paragraphe 2, de la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel »), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose aux entreprises attribuant des numéros de téléphone à des utilisateurs finals l’obligation de mettre à la disposition d’entreprises dont l’activité consiste à fournir des services de renseignements téléphoniques accessibles au public et d’annuaire non seulement les données relatives à leurs propres abonnés, mais également celles qu’elles détiennent relatives aux abonnés d’entreprises tierces.

2) L’article 12 de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive « vie privée et communications électroniques »), doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui fait obligation à une entreprise publiant des annuaires publics de transmettre des données à caractère personnel qu’elle détient concernant les abonnés d’autres fournisseurs de services téléphoniques à une entreprise tierce dont l’activité consiste à publier un annuaire public imprimé ou électronique ou à rendre de tels annuaires consultables par l’intermédiaire de services de renseignements, sans qu’une telle transmission soit subordonnée à un nouveau consentement des abonnés, pour autant toutefois que, d’une part, ces derniers ont été informés avant la première inscription de leurs données dans un annuaire public de la finalité de celui-ci ainsi que du fait que ces données seraient susceptibles d’être communiquées à un autre fournisseur de services téléphoniques et que, d’autre part, il est garanti que lesdites données ne seront pas, après leur transmission, utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées en vue de leur première publication.

Signatures