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CA PARIS (pôle 5 ch. 9), 29 septembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 9), 29 septembre 2011
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 9
Demande : 2010/24020
Date : 29/09/2011
Nature de la décision : Irrecevabilité
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/12/2010
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2011-021990
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7098

CA PARIS (pôle 5 ch. 9), 29 septembre 2011 : RG n° 2010/24020

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2011-021990

 

Extrait : « Qu'il en résulte que c'est à juste titre que la Décision retient qu'en instituant le contrat unique, le législateur a entendu simplifier le dispositif de souscription des contrats en dispensant le client final de conclure directement et parallèlement à son contrat de fourniture d'électricité un contrat d'accès au réseau avec le gestionnaire du réseau public de distribution et que la mise en œuvre du contrat unique a pour but de permettre la conclusion, par les fournisseurs, de contrats d'accès au réseau au nom et pour le compte de leurs clients ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro d'inscription au répertoire général : 2010/24020 (n° 93, 20 pages). Décision déférée à la Cour : n° 05-38-10 rendue le 22 octobre 2010 par la COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ENERGIE.

 

DEMANDERESSE AU RECOURS :

La société ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION FRANCE- ERDF, SADCS

prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est : [adresse], représentée par la SCP NABOUDET-HATET, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS, assistée de - Maître Emmanuel GUILLAUME, avocat au barreau de PARIS BAKER & MCKENZIE SCP - Maître Pierre CHAÎGNE, avocat au barreau de PARIS SCPA PIERRE CHAIGNE

 

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

La société DIRECT ENERGIE

prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est : [adresse], représentée par Maître François TEYTAUD, avoué près la Cour d'Appel de PARIS, assisté de Maître Olivier FREGER, avocat au barreau de PARIS, ALLEN & OVERY LLP

 

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

La société POWEO, SA

prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est : [adresse], représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS, assistée de Maître Pierre-Olivier CHARTIER

 

EN PRÉSENCE DE :

La COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

prise en la personne de son président, ayant son siège : [adresse], assistée de Maître Christophe BARTHELEMY, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 juin 2011, en audience publique, devant la Cour composée de : - M. Christian REMENIERAS, Conseiller faisant fonction de président de la chambre - Mme Line TARDIF, Conseillère - Mme Pascale BEAUDONNET, Conseillère, qui en ont délibéré.

GREFFIER, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU

MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par M. François VAISSETTE, Substitut Général, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Christian REMENIERAS, président et par M. Benoît TRUET-CALLU, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le consommateur final d'électricité doit non seulement acheter l'énergie qu'il consomme (prestation de fourniture), mais aussi payer la prestation d'acheminement de cette énergie depuis une unité de production jusqu'à son site de consommation via des réseaux publics de transport ou de distribution (câbles, transformateurs...).

En France, les activités d'acheminement, qui utilisent des ouvrages publics dans le cadre de concessions de service public, sont confiées à des « gestionnaires de réseaux » en situation de monopole légal. La société Electricité Réseau Distribution France ERDF, filiale d'EDF, est, de par la loi, gestionnaire sur l'essentiel du territoire français métropolitain du réseau public de distribution d'électricité.

Avec l'ouverture à la concurrence du marché français de la fourniture d'énergie électrique, se sont développées des sociétés, dont les sociétés Direct Energie et Powéo, dites fournisseurs alternatifs d'électricité.

Dans le cadre de cette ouverture à la concurrence et afin de faciliter l'exercice par le consommateur final d'électricité de son droit de choisir son fournisseur d'énergie, la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 a, en son article 23, créé le « contrat unique ». Ce contrat permet au client final de conclure avec son fournisseur un seul contrat englobant non seulement la fourniture de l'électricité mais encore l'accès au réseau de distribution pour l'acheminement de l'électricité (la distribution).

La souscription d'un « contrat unique » n'est pas obligatoire pour le client qui demeure libre de choisir de conclure deux contrats, l'un, libre, avec son fournisseur et l'autre, régulé, avec le gestionnaire de réseau, ce dernier contrat étant dit CARD (contrat d'accès au réseau de distribution).

Pour pouvoir proposer à son client final la souscription d'un « contrat unique », le fournisseur doit avoir préalablement conclu avec le gestionnaire de réseau public de distribution qui dessert le site un contrat permettant l'acheminement de l'énergie. Ce contrat dit GRD-F (gestionnaire de réseau de distribution-fournisseur) détermine les obligations du fournisseur, du gestionnaire du réseau et des clients en matière d'accès au réseau.

Dans le cadre du « contrat unique », le fournisseur facture au client la part fourniture qu'il conserve et la part d'acheminement qu'il doit reverser au distributeur.

Les premières réflexions sur le contrat GRD-F ont eu lieu en 2003 dans le cadre des instances de concertation mises en place sous l'égide de la CRE, en particulier au sein du groupe de travail électricité 2004.

La CRE a publié deux communications en juillet et décembre 2003 et les premiers contrats GRD-F ont été signés fin 2004 entre gestionnaires de réseaux de distribution et fournisseurs.

La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 ayant prévu la faculté pour les particuliers de conclure des contrats uniques portant sur la fourniture et la distribution d'électricité dans des conditions fixées par l'article L. 121-92 du code de la consommation et les particuliers étant devenus éligibles le 1er  juillet 2007, plusieurs fournisseurs ont demandé une nouvelle adaptation du contrat unique, des discussions ayant lieu, notamment au sein d'un groupe de travail électricité 2007, entre eux et la société ERDF.

Ces discussions n'ayant pas abouti, plusieurs fournisseurs ont saisi le CoRDiS du différend les opposant à ERDF sur la quatrième version du contrat GRD-F proposée par ERDF.

C'est dans ce contexte que le CoRDiS a rendu le 7 avril 2008 une décision de règlement de différend par laquelle il a invité ERDF à proposer sous un mois un nouveau contrat GRD-F aux fournisseurs demandeurs, dont les sociétés Direct Energie et Powéo, afin de mettre le contrat en conformité avec les principes suivants :

- les stipulations du contrat GRD-F, partie intégrante du contrat unique, doivent permettre que le client final engage directement la responsabilité contractuelle du gestionnaire de réseaux, ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 121-92 du code de la consommation ;

- la procédure de traitement des réclamations décrite à l'article 9.2.2 du contrat GRD-F n'a pas un caractère obligatoire pour le client ;

- l'article 1.3 du contrat GRD-F doit prévoir la reproduction du contrat GRD-F en annexe du contrat unique, selon des modalités permettant une consultation simple et complète pour le client final ;

- l'article 9.1 du contrat GRD-F doit être modifié afin de lever l'ambiguïté laissant penser qu'ERDF pourrait s'exonérer de sa responsabilité alors même que le préjudice subi par le fournisseur aurait pour origine un manquement d'ERDF à ses obligations ;

- l'article 9.2.2.2 du contrat GRD-F doit être modifié afin de porter le délai de réclamation du client final à un délai raisonnable, cohérent avec les contraintes qui pèsent sur le gestionnaire de réseaux et assurant l'effectivité du droit de réclamation du client final ;

- les dispositions générales relatives à l'accès au réseau public de distribution (la « synthèse DGARD ») doivent être mise en cohérence avec les modifications à apporter au contrat

GRD-F

A la suite de cette décision du CoRDiS, actuellement définitive, Direct Energie a signé le 19 janvier 2009 avec ERDF la nouvelle version du contrat GRD-F, tout en soulignant que certaines clauses nécessitaient à son sens des améliorations.

Un litige est alors né entre ces deux sociétés, Direct Energie estimant ne pas devoir verser à ERDF les sommes correspondant aux impayés de ses clients au titre de la prestation d'acheminement assurée par ERDF, cette dernière soutenant qu'en application du contrat GRD-F du 19 janvier 2009, le risque financier de non-paiement du fournisseur par le client doit être assumé par le fournisseur, y compris pour la prestation d'acheminement.

Faute d'accord entre les parties, la société Direct Energie a, en décembre 2009, engagé une procédure devant le tribunal de commerce de Paris afin notamment d'obtenir d'ERDF le remboursement de sommes correspondant, selon elle, aux « pertes, avances et frais » liés aux impayés de ses clients au titre de la prestation d'acheminement assurée par ERDF.

Puis, le 20 juillet 2010, la société Direct Energie a saisi le CoRDiS du différend l'opposant à la société ERDF relativement au contrat GRD-F du 19 janvier 2009.

Par décision du 22 octobre 2010 (la Décision), le CoRDiS a rendu la décision de règlement de différend, aujourd'hui contestée, par laquelle il a invité ERDF à proposer sous deux mois à Direct Energie un nouveau projet de contrat GRD-F afin de mettre le contrat en conformité avec les principes suivants :

- le contrat GRD-F ne peut avoir pour objet ou pour effet de faire supporter au seul fournisseur l'intégralité du risque d'impayés ; pour reverser au gestionnaire de réseau les sommes perçues au titre de l'utilisation du réseau, le fournisseur doit les avoir préalablement recouvrées auprès du client final ; l'article 7.1 du contrat GRD-F devra donc être modifié en ce sens ;

- l'exécution par ERDF de sa prestation de suspension pour impayés, au regard de la force majeure, doit se faire dans les mêmes conditions, que le client soit en contrat unique ou en contrat CARD ; ERDF doit retenir des conditions identiques de force majeure dans le contrat GRD-F et dans le contrat CARD ; l'article 5.5 du contrat GRD-F devra également être modifié en ce sens.

La Décision a rejeté les autres demandes de Direct Energie.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Vu le recours formé le 14 décembre 2010 par la société ERDF soutenu par ses conclusions du 13 janvier 2011 portant exposé complet des moyens et tendant à titre principal à l'annulation de la décision du CoRDis du 22 octobre 2010 (la Décision) en tant qu'elle a partiellement accueilli les demandes de la société Direct Energie ;

Vu les conclusions de la société ERDF en réplique du 3 mai puis récapitulatives en réplique déposées le 22 juin 2011. Cette société prie la Cour de :

- surseoir à statuer jusqu'à la décision du tribunal de commerce sur assignation du 19 décembre 2009 de la société Direct Energie et sa demande reconventionnelle dans le souci d'une bonne administration de la justice pour un examen complet, contradictoire, objectif et impartial de l'ensemble du litige afin d'éviter toute contrariété de décision,

- dire irrecevables les observations et pièces déposées le 5 avril 2011 au nom de la CRE et ce, en application des articles 31 et 32 du code de procédure civile et 6 CEDH,

- dire irrecevable l'intervention volontaire accessoire de la société Powéo du 31 mai 2011,

- dire irrecevables pour tardiveté les conclusions du 7 juin 2011 de la société Direct Energie,

- annuler la décision en tant qu'elle a partiellement accueilli les demandes de la société Direct Energie,

- rejeter les demandes de la société Direct Energie au CoRDiS de la CRE tendant à ce que le CoRDiS ordonne que d'une manière générale le contrat GRD-F prévoie une situation strictement identique à celle du contrat CARD, et la modification des articles 7-1 et 5-5 du contrat GRD-F,

- condamner Direct Energie à lui payer 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

Vu les conclusions déposées en réponse le 8 mars 2011, récapitulatives le 3 mai 2011, puis additionnelles le 7 juin 2011, par lesquelles la société Direct Energie demande à la Cour de :

- dire irrecevable le rapport de la société Microeconomix ainsi que tous les développements qui dans les conclusions d'ERDF y font référence,

- confirmer en tous ses éléments la décision du CoRDiS,

- condamner ERDF à lui payer la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les observations de la CRE déposées le 5 avril 2011 et tendant au rejet du recours formé par ERDF ;

Vu les conclusions déposées le 31 mai 2011 par la société POWEO formant une demande d'intervention volontaire accessoire au soutien de la société Direct Energie afin de solliciter la confirmation de la décision du 22 octobre 2010 et ses conclusions en réplique du 23 juin tendant à l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions signifiées par ERDF le 22 juin et à la recevabilité de son intervention ;

Vu les conclusions écrites du Ministère Public du 10 juin 2011 mises à disposition des parties et tendant au rejet du recours ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 23 juin 2011, en leurs observations orales, les conseils des parties, le représentant de la CRE ainsi que le Ministère Public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer ;

Considérant qu'à l'issue de l'audience du 23 juin 2011, le Président a indiqué que l'affaire était mise en délibéré au 29 septembre 2011 ;

Que, par courrier du 26 juillet 2011, le conseil de la société Direct Energie, exposant que la société ERDF se contredit selon les juridictions devant lesquelles elle se présente et a, en affirmant à l'audience du 23 juin respecter la précédente décision du CoRDiS du 8 avril 2008, tenu des propos inexacts, demande l'inscription de ces propos au procès-verbal de l'audience ;

Que, par note en réponse datée du 29 juillet 2011, le conseil de la société ERDF conclut à l'irrecevabilité de la note du 26 juillet de la société Direct Energie et sollicite la réouverture des débats en invoquant la portée de l'ordonnance du 9 mai 2011, les conclusions tardives du ministère public estimées entachées d'erreur et les observations mêmes irrecevables de la société Direct Energie ;

Que, par courrier déposé le 30 août 2011, la CRE présente des observations sur les notes des parties ; que, le 1er septembre 2011, la société Direct Energie adresse une note en réponse à celle d'ERDF qui répond le 2 septembre ; que, par courrier déposé le 14 septembre 2011 la société POWEO adresse une note en délibéré ; qu’il en est de même de la société ERDF par courrier déposé le 16 septembre ;

Considérant que, par application de l'article 445 du code de procédure civile, les parties ne peuvent, après la clôture des débats, déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ;

Qu'en l'espèce, les dispositions des articles 442 et 444 du code de procédure civile ne sont pas applicables, aucune explication n'ayant été demandée aux parties ;

Que les courriers des sociétés Direct Energie et Powéo et de la CRE, qui s'analysent en des notes en délibéré non demandées, ni autorisées, ne sont pas recevables, étant au surplus observé qu'il n'est fait état d'aucun élément nouveau qui serait intervenu depuis l'audience ;

Que, s'agissant des courriers de la société ERDF, la nécessité invoquée de répondre à des arguments développés par le ministère public ne saurait justifier la réouverture des débats demandée par cette société, mais pourrait conduire à admettre la recevabilité des observations de cette société ; que tel n'est cependant pas le cas ;

Qu'en effet, force est de constater que, contrairement à ce qui est indiqué, le ministère public n'a pas, dans ses conclusions du 10 juin 2011, indiqué : « la conclusion du contrat dit GRD-F, par le fournisseur pour le compte de son client, avec le gestionnaire du réseau de distribution du territoire concerné n'a ni pour objet, ni pour effet de conférer la qualité d'utilisateur du réseau aux fournisseurs » ; que cette citation est issue des conclusions, prises par le Ministre de l'économie devant le Conseil d'Etat saisi de la validité de la décision du 5 juin 2009 fixant le TURPE, telles que rappelées par la société Direct Energie dans ses écritures du 3 mai 2011 (page 26) ; qu'il ne peut au demeurant en être tiré aucune conclusion générale sur la qualité des fournisseurs ; qu'au surplus, contrairement à ce qui est soutenu, ce n'est pas l'ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie qui a ajouté à l'article 40 de la loi du 10 février 2000 (codifié à l'article L. 134-25 du code de l'énergie) « la formule 'y compris les fournisseurs d'électricité », mais l'article 16 de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010, étant observé que cette disposition se rapporte au pouvoir de sanction du CoRDiS ;

Qu'aucun élément ne justifie la réouverture des débats demandée par la société ERDF ;

 

Observation préliminaire :

Considérant que, depuis la décision du CoRDiS en date du 22 octobre 2010, est intervenue l'ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 modifiée le 1er juin 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie ; que l'article 4 de cette ordonnance abroge des dispositions de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement des services publics de l'électricité ; que, toutefois l'article 6 de ladite ordonnance précise que l'abrogation des dispositions mentionnées à l'article 4 ne prendra effet qu'à compter de la publication des dispositions réglementaires correspondantes du code de l'énergie pour ce qui concerne les articles, partie d'articles ou alinéas de la loi du 10 février 2000 et des lois la modifiant qu'il énumère ;

Que pour une plus grande lisibilité au regard de la décision dont recours et des écritures des parties, il sera ci-après fait référence aux articles issus de la loi du 10 février 2000 en son dernier état, leur codification dans le code de l'énergie étant mentionnée entre parenthèses ;

 

Sur la demande de sursis à statuer :

Considérant que la société ERDF demande à la Cour de surseoir à statuer jusqu'à la décision au fond du tribunal de commerce de Paris et ce pour une bonne administration de la justice et afin d'éviter tout risque de contradiction de décision dans le même litige ;

Considérant qu'il ressort des explications des parties et des pièces versées aux débats qu'au mois de décembre 2009 la société Direct Energie a saisi le tribunal de commerce de Paris de demandes tendant notamment, par application du contrat GRD-F conclu le 19 janvier 2009 avec la société ERDF, à la condamnation de cette dernière à lui payer différentes sommes en raison de trop perçus au titre de la part acheminement et des frais avancés et pertes subies, que la société ERDF a formé une demande reconventionnelle tendant à ce que Direct Energie lui règle des factures d'acheminement impayées ; qu'ERDF, invoquant un lien de connexité entre les deux procédures, a formé devant ledit tribunal une demande tendant au renvoi de l'affaire à lui soumise devant notre cour (pôle 5, chambre 7) saisie du présent recours contre la décision du CoRDiS du 22 octobre 2010 ; que par jugement du 23 mars 2011, le tribunal de commerce de Paris a dit non fondée l'exception de connexité et a renvoyé les parties à conclure au fond ; que, saisie d'un contredit formé par ERDF, la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2) a, le 8 juin 2011, dit mal fondé le contredit, qu'un pourvoi contre cette dernière décision a été formé par ERDF ;

Considérant qu'il appartenait au CoRDiS, par application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 (articles L. 134-19 et suivants du code de l'énergie), de régler le différend opposant Direct Energie à ERDF lié à un désaccord sur les termes du contrat GRD-F du 19 janvier 2009 conclu dans les conditions prévues par l'article 23 de la même loi (articles L. 111-91 et suivants du code de l'énergie) ; que seule compétente, par application des articles 38 de la loi du 10 février 2000 et 8 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000, pour statuer sur le recours tendant à l'annulation de cette décision du CoRDiS qui invite ERDF à proposer à Direct Energie un nouveau contrat GRD-F conforme aux règles d'ordre public économique appréciées par la Décision, la cour d'appel de Paris ne saurait surseoir à statuer dans l'attente d'une décision sur un litige commercial relevant du tribunal de commerce et portant sur l'application entre les parties du contrat du 19 janvier 2009 ;

 

Sur la recevabilité des observations de la Commission de Régulation de l'Energie (CRE) :

Considérant que la société ERDF invoque l'irrecevabilité des observations de la CRE déposées le 5 avril 2011 sous la signature de M. Racine, Président du CoRDiS, non habilité à représenter la CRE ; qu'elle fait valoir que ces mentions ne permettent pas de savoir si les écritures émanent de la CRE ou du CoRDiS, tous deux dépourvus de personnalité morale, que ni le Président de la CRE, ni celui du CoRDiS n'ont la possibilité d'agir en justice, qu'en toute hypothèse, la CRE n'est pas qualifiée pour présenter des observations sur le présent recours sauf à en transformer l'objectivité, la neutralité et l'impartialité, qu'enfin la présence du CoRDiS, qui n'est qu'une émanation de la CRE, ne garantit pas l'objectivité et l'impartialité des débats, ce dernier ne pouvant être appelé à soutenir la décision dont il est l'auteur ;

Mais considérant que le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la Commission de Régulation de l'énergie prévoit :

- en son article 1 : « Le comité de règlement des différends et des sanctions est chargé d'exercer les missions confiées à la Commission de régulation de l'énergie par le présent titre » (Titre 1er relatif aux différends portant sur l'accès aux réseaux ou leur utilisation).

- en son article 8 : « Les recours contre les décisions et mesures conservatoires prises par la Commission de régulation de l'énergie en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 susvisée sont de la compétence de la cour d'appel de Paris et sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du présent chapitre, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile. »

- en son article 11 : « La cour d'appel statue après que les parties et la Commission de régulation de l'énergie ont été mises à même de présenter leurs observations. »

Considérant que les observations déposées le 5 avril 2011 dans le cadre du présent recours sont présentées sous l'intitulé « Observations de la Commission de régulation de l'énergie » ; que la CRE, seule autorité administrative indépendante en charge de l'énergie, comprend un collège et un comité de règlement des différends et des sanctions (articles 28 et 30 de la loi du 10 février 2000 modifiée, article L. 132-1 du code de l'énergie) ; que le CoRDiS, indépendant du collège, est notamment chargé de régler les différends mentionnés par l'article 38 de la loi du 10 février 2000 et permet ainsi à la CRE d'accomplir une de ses missions consistant à garantir l'accès transparent et non discriminatoire aux réseaux d'énergie ; que ces observations signées du Président de CoRDiS émanent ainsi sans ambiguïté de ce Comité qui fait partie de la CRE et non pas du collège ; qu'elles ont été déposées et communiquées conformément aux dispositions du décret sus-rappelé ;

Considérant, enfin, que la faculté de présenter des observations - communiquées aux parties qui ont la possibilité d'y répondre - sur le recours formé contre la décision du CoRDiS permet à la CRE d'assurer la pleine efficacité des règles à l'application desquelles elle est chargée de veiller et ne porte pas atteinte à l'objectivité et l'impartialité des débats ;

Que le moyen tiré de l'irrecevabilité desdites observations doit être écarté ;

 

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire de la société Powéo du 31 mai 2011 :

Considérant que la société Powéo, fournisseur alternatif d'énergie, a formé, par conclusions signifiées le 31 mai 2011, une intervention volontaire accessoire au soutien de la société Direct Energie afin de solliciter la confirmation de la décision du CoRDiS ;

Que, par conclusions du 22 juin 2011, la société ERDF soulève l'irrecevabilité de cette intervention ; qu'elle fait valoir qu'à supposer que la cour considère statuer dans le cadre d'un contentieux spécialisé limité à la décision du CoRDiS, il faudrait admettre le caractère nécessairement restreint des parties autorisées à intervenir, que l'intervention de la société Powéo est tardive au regard du calendrier de procédure prévoyant un dépôt de tous mémoires en réplique avant le 3 mai, qu'il serait contradictoire que la cour admette l'intervention de la société Powéo tout en refusant de connaître des autres aspects du même litige soumis tant par Direct Energie que par Powéo au tribunal de commerce, qu'enfin, la société Powéo n'a pas, contrairement à ce qu'elle soutient, été contrainte de signer le contrat GRD-F ;

Mais considérant que les dispositions du code de procédure civile ne cèdent que devant les dispositions expressément contraires aménageant des modalités propres à l'exercice des recours contre les décisions du CoRDiS, qu'aux termes de l'article 8 sus-rappelé du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000, il n'est expressément dérogé qu'aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile ;

Que, par application des dispositions combinées des articles 325 à 330 et 554 du code de procédure civile (Livre I), l'intervention volontaire accessoire en cause d'appel est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir la partie dont elle appuie les prétentions ;

Que l'intérêt de la société Powéo résulte en l'espèce du fait qu'elle a conclu, dans les mêmes termes que la société Direct Energie, un contrat GRD-F avec ERDF afin d'offrir à ses clients le souhaitant, la possibilité de conclure un contrat unique couvrant à la fois sa prestation de fourniture d'électricité et la prestation d'acheminement réalisée par ERDF et que la décision soumise à la cour a invité ERDF à communiquer un nouveau projet de contrat GRD-F conforme aux principes par elle énoncés ; que la société Powéo a par conséquent intérêt à soutenir la société Direct Energie qui sollicite la confirmation de la décision ;

Considérant que la recevabilité de l'intervention volontaire accessoire de la société Powéo - au surplus signifiée par la société Powéo le 31 mai dans un délai suffisant pour permettre à la société ERDF d'y répondre ainsi qu'elle l'a fait le 22 juin - ne saurait, par application des dispositions sus-visées, être contestée pour tardiveté ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'est pas contradictoire que la cour admette l'intervention de la société Powéo tout en refusant de connaître du litige commercial opposant les parties, étant au surplus observé que l'exception de connexité, qui ne peut être soulevée que devant la juridiction du degré inférieur, a été écartée par cette dernière ;

Considérant, enfin, que le fait que la société Powéo ait mentionné dans ses écritures qu'elle a été obligée de conclure le contrat GRD-F en l'état ne constitue pas un motif d'irrecevabilité de son intervention ;

Qu'il en résulte que la société Powéo sera reçue en son intervention volontaire accessoire ;

 

Sur les recevabilités contestées de conclusions et pièce :

Considérant que la société ERDF invoque l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions signifiées par la société Direct Energie le 7 juin 2011 ; que la société ERDF a déposé des conclusions récapitulatives en réplique le 22 juin 2011 ; que la contradiction ayant été respectée, les conclusions en cause sont recevables ;

Considérant que la société Powéo invoque l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions signifiées par ERDF le 22 juin 2011 ; que la société Powéo a déposé des conclusions en réplique le 23 juin ; que la contradiction ayant été respectée, les conclusions en cause sont recevables ;

Considérant que la société Direct Energie invoque l'irrecevabilité de la production par ERDF d'un rapport de la société Microeconomix ainsi que tous les développements qui, dans les conclusions d'ERDF, y font référence ; qu'elle fait valoir que la communication de cette pièce est tardive car cette pièce n'a pas été jointe ou à tout le moins listée par ERDF dans sa déclaration de recours du 14 décembre 2010, mais communiquée dans le cadre d'observations en réplique le 3 mai 2011 alors même que la communication de cette pièce, non produite devant le CoRDiS ni lors de l'exposé complet des moyens d'ERDF, ne répond directement à aucun des arguments développés en réplique en cause d'appel ;

Mais considérant que l'article 9 du décret précité du 11 septembre 2000 n'impose pas au requérant de déposer au greffe de la cour d'appel avec sa déclaration écrite de recours l'ensemble des pièces qu'il entend verser aux débats au soutien des moyens par lui exposés devant la cour d'appel ; qu'en outre, aucun texte n'interdit à une partie de produire des pièces en réponse à l'argumentation des autres parties ;

Qu'en l'espèce, l'étude de la société Microeconomix produite par la société ERDF pour étayer son argumentation en demande et en réponse a été communiquée le 3 mai 2011 dans le délai imparti par l'ordonnance du 18 janvier 2011 du magistrat délégué prévoyant le dépôt des mémoires en réplique avant le 3 mai 2011 ; que les sociétés Direct Energie, Powéo, la CRE et le Ministère public ont été à même d'en prendre connaissance et, le cas échéant d'y répondre ; que le moyen d'irrecevabilité n'est pas fondé ;

 

Sur la violation du contrat du 19 janvier 2009 et du droit au respect des conventions légalement conclues :

Considérant que la société ERDF soutient que la Décision est contraire au principe de liberté contractuelle en ce qu'en lui imposant de transmettre à la société Direct Energie un nouveau contrat GRD-F, elle oblige de facto les parties à mettre un terme au contrat en cours du 19 janvier 2009 et ce, alors même que ce contrat, qui lie deux entreprises privées et dont l'application, refusée par Direct Energie, fait l'objet d'un différend commercial entre elles, est constitutif de la loi des parties et qu'aucun texte n'autorise le CoRDiS à modifier ce contrat conclu en plein accord avec la précédente décision rendue par ce Comité le 7 avril 2008 ; qu'en outre, par cette décision, le CoRDiS adopte une mesure discriminatoire envers les autres fournisseurs, seule la société Direct Energie pouvant négocier avec ERDF le contenu de la nouvelle version du contrat GRD-F qui a vocation à s'appliquer ensuite à tous les fournisseurs ;

Mais considérant que la société ERDF n'est pas fondée à invoquer le principe de liberté contractuelle pour contester l'application de dispositions législatives qui intéressent l'ordre public économique ; qu'elle s'est d'ailleurs elle-même conformée à ces dispositions en signant le contrat GRD-F du 19 janvier 2009 en conformité avec la précédente décision, non contestée, du CoRDiS du 7 avril 2008 relativement aux points faisant alors l'objet du différend tranché par cette décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (articles L. 111-91 svts du code de l'énergie) : « Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour... assurer l'exécution des contrats prévus à l'article 22...

« A cet effet, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux...Ces contrats et protocoles sont transmis à la Commission de régulation de l'énergie.

« Les gestionnaires des réseaux publics de distribution concluent, avec toute entreprise vendant de l'électricité à des clients éligibles qui le souhaite, un contrat… relatif à l'accès aux réseaux pour l'exécution des contrats de fourniture conclus par cette entreprise avec des consommateurs finals éligibles. Lorsqu'une entreprise ayant conclu un tel contrat ou protocole assure la fourniture exclusive d'un site de consommation, le consommateur concerné n'est pas tenu de conclure lui-même un contrat d'accès aux réseaux pour ce site.

« Tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'électricité. Les critères de refus sont objectifs, non discriminatoires et publiés et ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement... » ;

Que, par application de l'article 38 de la même loi (articles L. 134-19 svts du code de l'énergie) : le CoRDiS peut être saisi par l'une ou l'autre des parties d'une demande de règlement de différend 'en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité...lié à l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats visés...à l'article 23 de la présente loi...

« Sa décision, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux... ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, la commission peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. »

Considérant que le présent différend est lié à l'exécution du contrat GRD-F conclu entre les sociétés ERDF et Direct Energie le 19 janvier 2009 relatif à l'accès au réseau pour l'exécution par Direct Energie des contrats de fourniture qu'elle a conclus avec des clients ; que ledit contrat a été conclu entre ces sociétés dans les conditions prévues par l'article 23 de la loi du 10 février 2000 qui impose aux gestionnaires de réseaux publics de distribution d'électricité de garantir un droit d'accès aux réseaux publics de distribution et qui confère à la CRE le contrôle du respect du droit d'accès aux réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité garanti aux utilisateurs par la loi ; qu'il appartient au CoRDiS de la CRE, compétent par application de l'article 38 de la même loi, de vérifier, pour trancher le différend lié à l'exécution du contrat du 19 janvier 2009, la conformité des dispositions contestées du contrat GRD-F aux dispositions légales d'ordre public et, le cas échéant, d'inviter le gestionnaire de réseau public à établir un projet de contrat conforme à ces dispositions ;

Que le fait que le juge des contrats soit saisi d'un litige commercial opposant les parties relativement à l'application des dispositions du contrat est sans incidence sur la compétence conférée au CoRDiS par l'article 38 de la loi du 10 février 2000 ;

Que les précédents différends tranchés par le CoRDiS le 7 avril 2008, qui opposaient les sociétés Direct Energie, Gaz de France, Electrabel France et Powéo à la société ERDF relativement à la signature d'un contrat GRD-F portaient sur des dispositions dudit contrat autres que celles qui font l'objet du présent différend ;

Que le CoRDiS n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, imposé la résiliation de facto du contrat du 19 janvier 2009, mais a invité la société ERDF à mettre en conformité deux stipulations dudit contrat aux dispositions légales ;

Qu'enfin, la société ERDF ne peut soutenir que la décision du CoRDiS avantagerait la société Direct Energie par rapport aux autres fournisseurs car seule Direct Energie pourrait négocier avec ERDF le contenu de la nouvelle version du contrat GRD-F qui a vocation à s'appliquer ensuite à tous les fournisseurs ; qu'en effet, la décision se borne à énoncer les principes devant, conformément à la loi, régir le contrat GRD-F, la société ERDF étant seule chargée d'établir un projet de contrat conforme aux principes énoncés et étant responsable de la bonne exécution de la Décision et ce, en vertu du principe de non-discrimination, envers tous les fournisseurs ;

Que la société ERDF n'est pas fondée à soutenir que la Décision viole les dispositions de l'article 1134 du code civil ;

 

Sur la conformité de la décision du CoRDiS aux dispositions légales relatives au contrat unique :

Considérant que la société ERDF soutient que la Décision viole les dispositions légales relatives au contrat unique et se fonde « sur un postulat « sui generis », absurde au plan économique, d'équivalence entre le contrat CARD et le contrat unique » ;

Qu'elle fait valoir, sur le premier point, que la Décision - en ce qu'elle conduit à reconnaître en cas de contrat unique l'existence d'une relation contractuelle entre le gestionnaire de réseau et le client et à affirmer une équivalence des situations entre les fournisseurs en cas de contrat GRD-F et les gestionnaires de réseau dans le cadre d'un contrat CARD - méconnaît les dispositions d'ordre public de l'article L.121-92 du code de la consommation (auquel renvoie l'article 22-8 de la loi du 10 février 2000) qui, en prévoyant la conclusion d'un contrat unique entre le fournisseur et le client portant tant sur la fourniture que sur la distribution d'électricité, n'établit qu'une seule relation contractuelle englobant fourniture et distribution : celle liant le fournisseur au client ; qu'elle ajoute que le contrat unique ne peut, au mépris des articles L. 121-92 du code de la consommation et 23 de la loi du 10 février 2000, être réduit à une simple procédure aménagée pour faciliter la conclusion de deux contrats et que la Décision se contredit en ce qu'elle énonce, tout en reconnaissant que les situations juridiques issues du contrat unique et du contrat CARD sont différentes, que le contrat unique n'a pas pour objet de modifier les responsabilités respectives des acteurs ;

Qu'elle expose, sur le second point, que la Décision ne repose sur aucun fondement économique en ce qu'ainsi que le souligne l'étude du cabinet Microeconomix, la contractualisation séparée (CARD + un ou plusieurs contrat(s) de fourniture) et le contrat unique constituent deux formes contractuelles non équivalentes car s'adressant à des consommateurs différents (industriels dans le premier cas, petits consommateurs résidentiels et professionnels dans le second), rendant nécessaire une organisation interne des fournisseurs différente et relevant de contextes économiques différents, le contrat CARD s'inscrivant dans un cadre régulé alors que le contrat unique relève du marché libre ;

Considérant que la société Direct Energie, appuyée par la société Powéo, réplique qu'en affirmant que le contrat unique ne crée qu'un contrat entre client et fournisseur pour la fourniture et pour la distribution, la société ERDF méconnaît la décision définitive rendue par le CoRDiS le 7 avril 2008 et soutient une position dénuée de pertinence dès lors que la société ERDF, en tant que gestionnaire de réseau de distribution, est seule habilitée en vertu d'une délégation de service public conférée par les collectivités locales à donner accès au réseau et à le gérer et que les conditions dans lesquelles ERDF donne accès au réseau participant de sa mission de service public, le contrat d'accès, quelle que soit sa forme ne peut être conclu que par ce gestionnaire de réseau avec le client final au point de livraison correspondant, le fournisseur n'étant, s'agissant de l'accès, qu'un intermédiaire permettant au client de ne s'adresser qu'à un interlocuteur ;

Considérant que la CRE observe que suivre l'interprétation de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 proposée par ERDF, consistant à retenir que dans le cadre du contrat unique le gestionnaire de réseau n'aurait aucun lien contractuel avec le consommateur, remettrait en cause le dispositif d'ouverture du marché de l'énergie, que la CRE a toujours considéré que le contrat unique établit une relation triangulaire et que le consommateur est ainsi contractuellement lié au gestionnaire de réseau par des stipulations distinctes de celles qui le lient à son fournisseur, que tel est le sens de la loi et l'intention du législateur et que l'interprétation d'ERDF se heurte à la logique de la régulation de l'accès aux réseaux publics et au monopole des gestionnaires de réseaux publics ;

Considérant qu'il convient de rappeler :

- que l'article 23 de la loi du 10 février 2000 impose aux gestionnaires de réseaux publics de distribution de garantir un droit d'accès à ces réseaux, notamment pour assurer l'exécution des contrats de fourniture d'électricité ;

- que tout client final, consommateur d'électricité, a, conformément aux dispositions légales, la possibilité de choisir :

* soit de conclure deux contrats : l'un avec ERDF pour l'accès au réseau (contrat CARD), l'autre avec le fournisseur d'électricité de son choix pour la fourniture d'électricité,

* soit un contrat unique conclu avec le fournisseur d'électricité et portant tant sur la fourniture d'électricité que sur la distribution de l'électricité (acheminement via le réseau public jusqu'au compteur de l'abonné), le fournisseur ayant en ce cas conclu avec le gestionnaire de réseau un contrat GRD-F pour permettre au client qu'il fournit en électricité d'accéder au réseau ;

Considérant, sur le premier point invoqué par la requérante, que les relations entre gestionnaires de réseaux, fournisseurs et clients sont prévues par la loi en ces termes :

- article L. 121-92 du code de la consommation : « Le fournisseur est tenu d'offrir au client la possibilité de conclure avec lui un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d'électricité ou de gaz naturel. Ce contrat reproduit en annexe les clauses réglant les relations entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau, notamment les clauses précisant les responsabilités respectives de ces opérateurs. »

- article L. 111-92 du code de l'énergie, précité (issu de la codification de l'article 23, alinéa 7, de la loi du 10 février 2000) : « Les gestionnaires des réseaux publics de distribution concluent, avec toute entreprise qui le souhaite, vendant de l'électricité à des clients ayant exercé leur droit de choisir leur fournisseur, un contrat ou, si cette entreprise et le gestionnaire ne sont pas des personnes morales distinctes, un protocole relatif à l'accès aux réseaux pour l'exécution des contrats de fourniture conclus par cette entreprise avec des consommateurs finals ayant exercé leur droit de choisir leur fournisseur.

Lorsqu'une entreprise ayant conclu un tel contrat ou protocole assure la fourniture exclusive d'un site de consommation, le consommateur concerné n'est pas tenu de conclure lui-même un contrat d'accès aux réseaux pour ce site. »

Considérant qu'ainsi que le relève le CoRDiS, l'emploi par l'article 23, alinéa 7, de la loi du 10 février 2000, alinéa résultant de la loi du 3 janvier 2003, de ces derniers termes : « le consommateur concerné n'est pas tenu de conclure lui-même un contrat d'accès aux réseaux pour ce site » pour créer ce que la loi du 7 décembre 2006 dénommera le « contrat unique », signifie nécessairement qu'un contrat d'accès au réseau doit être conclu par chaque consommateur pour son site de consommation, mais qu'il peut l'être par l'intermédiaire d'un tiers fournisseur d'électricité ;

Que les travaux préparatoires de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 confirme la conformité d'une telle interprétation de ce texte issu d'un amendement gouvernemental formulé par la ministre déléguée à l'industrie en ces termes : « cet amendement permettra la conclusion, par les fournisseurs, des contrats d'accès au réseau pour le compte de leurs clients » ;

Que cette disposition n'a pas été remise en cause, lorsqu'outre les consommateurs professionnels, les particuliers sont devenus éligibles ; que la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 a ainsi ajouté à l'article 22 de la loi du 10 février 2000 un alinéa 8 ainsi rédigé : « Dans les conditions fixées par l'article L. 121-92 du code de la consommation, les consommateurs domestiques ont la possibilité de conclure un contrat unique portant sur la fourniture et la distribution d'électricité » (Cf article L.332-3 du code de l'énergie) ; que cette même loi a créé l'article L. 121-92 du code de la consommation sus-rappelé ; que ce dernier texte, en prévoyant que le contrat unique reproduit en annexe les clauses réglant les relations entre le fournisseur et le gestionnaire de réseau - et notamment celles qui précisent les responsabilités respectives et donc distinctes de ces opérateurs à l'égard du client - confirme que ces clauses, qui engagent tant le fournisseur que le gestionnaire de réseau, entrent à l'égard du client dans le champ contractuel ;

Qu'il en résulte que c'est à juste titre que la Décision retient qu'en instituant le contrat unique, le législateur a entendu simplifier le dispositif de souscription des contrats en dispensant le client final de conclure directement et parallèlement à son contrat de fourniture d'électricité un contrat d'accès au réseau avec le gestionnaire du réseau public de distribution et que la mise en œuvre du contrat unique a pour but de permettre la conclusion, par les fournisseurs, de contrats d'accès au réseau au nom et pour le compte de leurs clients ;

Considérant, au surplus, que cette interprétation de loi, conforme à son texte éclairé par les travaux préparatoires - et aujourd'hui contestée par la société ERDF en ce qu'elle conduirait en pratique à reconnaître au stade de l'exécution du contrat l'existence d'une double relation contractuelle client/fournisseur pour la fourniture, client/distributeur pour l'acheminement - a, dès l'origine, été celle de la CRE ;

Qu'ainsi, dans la « Communication sur le Groupe de Travail Electricité 2004 », adoptée par le collège de la CRE le 24 décembre 2003, la CRE indiquait s'agissant des relations entre clients, fournisseurs et gestionnaires de réseaux : « les contrats GRD-F (gestionnaire de réseau/fournisseur) et les « contrats uniques »(fournisseur/client contenant comme le premier des clauses relatives à l'accès du client au réseau de distribution) doivent traduire la réalité des relations triangulaires entre, d'une part, les gestionnaires de réseau de distribution, d'autre part, les fournisseurs et les clients, utilisateurs de réseau. En effet, dans un certain nombre de domaines, des relations de nature contractuelle demeureront entre le gestionnaire de réseau de distribution et un client ayant opté pour le régime du « contrat unique », la loi l'ayant seulement, pour des raisons de simplicité, dispensé de signer lui-même le contrat d'accès au réseau... » ;

Qu'en outre, le CoRDiS, lors du règlement du différend sus-rappelé ayant opposé la société ERDF à plusieurs fournisseurs, dont les sociétés Direct Energie et Powéo, relativement au contrat GRD-F, et ayant donné lieu à la décision non contestée du 7 avril 2008, - après avoir rappelé que l'obligation de mise en œuvre du droit d'accès au réseau, ainsi que les obligations de continuité, d'égalité et d'adaptabilité qui s'y rattachent, confiées par le législateur aux gestionnaires de réseaux publics de distribution, ne peuvent être transférées ou atténuées en dehors des cas figurant dans la loi ou résultant de l'application des cahiers des charges des concessions ou des règlements de service des régies de distribution d'électricité et que par suite, le gestionnaire de réseaux ne peut, à travers une stipulation contractuelle, transférer sur un tiers ou un cocontractant, directement ou indirectement, tout ou partie de ses obligations - a relevé qu'en créant le contrat unique, le législateur avait entendu « simplifier le dispositif de souscription de contrats », en dispensant le client de conclure deux contrats, l'un pour la fourniture, l'autre pour l'accès au réseau, tout en assurant au client les mêmes droits et obligations que s'il avait conclu un contrat d'accès au réseau et a retenu que « contrairement à ce qu'affirme ERDF, le contrat GRD-F, qui permet l'effectivité de l'alimentation du client final et la mise en œuvre du contrat unique, crée nécessairement, dans le cadre du contrat unique, une relation contractuelle entre le gestionnaire de réseau et le client final, en sorte que celui-ci peut mettre en œuvre la responsabilité contractuelle du gestionnaire de réseaux dans des conditions au moins analogues à celles qui résulteraient de la conclusion par le client final d'un contrat d'accès au réseau public de distribution d'électricité » ;

Considérant que, pour ces motifs, c'est, contrairement à ce qui est soutenu, sans se contredire que la Décision relève que « si, en elles-mêmes, les situations juridiques issues respectivement du contrat unique et du contrat CARD sont différentes, le contrat unique n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de modifier les responsabilités respectives du gestionnaire de réseaux, du fournisseur et du client final, telles qu'elles découlent de la loi et des textes pris pour son application » ;

Considérant que c'est à juste titre que la Décision déduit de ce qui précède que les droits et obligations du gestionnaire de réseau à l'égard du fournisseur ne peuvent, sous couvert d'une mission confiée au fournisseur auprès du client dans le cadre de la conclusion du contrat unique, être aménagés de telle sorte qu'ils aboutiraient à faire supporter au seul fournisseur l'intégralité d'un risque qui s'attache à l'exercice par le gestionnaire de sa mission de service public et qu'ainsi, « lorsqu'au titre du contrat GRD-F, ils réalisent des tâches ou supportent des coûts pour le compte du gestionnaire de réseau auprès du client final, les fournisseurs doivent être placés dans une situation équivalente à celle du gestionnaire de réseau dans le cadre d'un contrat CARD » ;

Considérant, sur le second point soulevé par la requérante, qu'il n'est pas utilement contesté qu'en pratique, dans la majorité des cas, les gros consommateurs optent pour la solution consistant à conclure deux contrats, l'un pour la fourniture d'électricité, l'autre pour son acheminement (contrat CARD) alors que les consommateurs résidentiels ou petits professionnels souscrivent un contrat unique et que les fournisseurs tiennent compte de ces pratiques dans leur spécialisation ou dans leur organisation interne ;

Considérant, cependant, que tous ces consommateurs disposent de la possibilité de choisir soit deux contrats, soit un contrat unique ;

Considérant, par ailleurs, si le contrat cadre s'inscrit dans un cadre régulé tandis que le contrat unique relève du marché libre, la part d'accès au réseau du contrat unique relève du cadre régulé ;

Que, contrairement à ce qui est soutenu, la Décision n'a pas posé un « postulat » d'équivalence entre le contrat CARD et le contrat unique, mais a relevé que lorsqu'au titre du contrat GRD-F, les fournisseurs réalisent des tâches ou supportent des coûts pour le compte du gestionnaire de réseau auprès du client final, ils doivent être placés dans une situation équivalente à celle du gestionnaire de réseau dans le cadre d'un contrat CARD et a retenu que, par suite, les stipulations du contrat GRD-F, qui assurent l'effectivité de l'alimentation du client final et la mise en œuvre du contrat unique, doivent permettre au fournisseur de bénéficier pour les tâches réalisées et les coûts supportés pour le compte du gestionnaire de réseau des mêmes conditions que celles dont ce dernier bénéficie dans le cadre du contrat d'accès au réseau ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ERDF n'est pas fondée à soutenir que la Décision « viole le cadre légal en vigueur, en s'appuyant sur l'invention d'un postulat d'équivalence entre le contrat CARD et le contrat unique qui constitue un véritable non-sens économique » (page 16 mémoire du 22 juin 2011) ;

 

Sur la modification de l'article 7.1 du contrat GRD-F relatif à la charge des impayés :

Considérant qu'il convient de rappeler :

- que l'article 7.1 du contrat GRD-F du 19 janvier 2009 prévoit qu'« ERDF facture au Fournisseur - a priori journellement - les Tarifs d'Utilisation des Réseaux applicables aux Points de Livraison dont elle met à disposition les données de comptage, et recouvre les sommes dues auprès du Fournisseur. / Les montants facturés par ERDF au Fournisseur comprennent les frais correspondant aux prestations réalisées. / Le Fournisseur recouvre les sommes dues auprès du Client, et assume le risque financier de non-paiement de celui-ci pour l'intégralité de la facture » ;

- que la Décision impose à ERDF de proposer à Direct Energie une modification de cet article 7.1 afin de mettre le contrat en conformité avec le principe suivant : « le contrat GRD-F ne peut avoir pour objet ou pour effet de faire supporter au seul fournisseur l'intégralité du risque d'impayés ; pour reverser au gestionnaire de réseau les sommes perçues au titre de l'utilisation du réseau, le fournisseur doit les avoir préalablement recouvrées auprès du client final » ;

Considérant que la société ERDF soutient que la modification imposée par la Décision de l'article 7.1 du contrat GRD-F relatif à la charge des impayés constitue un « renversement soudain et conjoncturel d'une doctrine claire et bien établie de la CRE » (communication du 24 décembre 2003), qu'elle « conduit à un non-sens économique », qu'elle viole les dispositions réglementaires relatives au Tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) et l'article 22-IV bis de la loi du 10 février 2000 modifiée ;

Que la CRE observe que - le fournisseur facturant au consommateur et l'énergie qu'il lui a livré et, pour le compte du gestionnaire de réseau de distribution, l'utilisation des réseaux publics ayant servi à acheminer cette énergie jusqu'au site de consommation - la question de la charge des impayés, qui consiste à déterminer qui, du fournisseur ou du gestionnaire de réseau, doit supporter la charge financière des impayés sur la part de la facture relative à l'utilisation des réseaux publics, est une illustration des principes précédemment posés relativement au contrat unique ; qu'il relève qu'à supposer l'existence d'une contradiction - qu'elle conteste- entre la Décision et la communication de la CRE du 24 décembre 2003, il ne s'agit pas d'un motif d'annulation ou de réformation de la Décision ; qu'elle réfute toute violation par la Décision des dispositions invoquées ;

Que la société Direct Energie, soutenue par la société Powéo, ajoute notamment que le CoRDiS est indépendant de la CRE, que prétendre l'enfermer dans des positions prises par la CRE plusieurs années auparavant revient à nier la fonction de régulation et que l'utilisation du réseau public d'électricité est intégralement réglementée par le Tarif dont la composante annuelle de gestion prend en compte les coûts de gestion liés aux impayés et non les impayés eux-mêmes ;

Considérant que la société requérante invoque, en premier lieu, la contrariété de la Décision avec la communication précitée de la CRE du 24 décembre 2003, reprise dans son rapport annuel 2004, en ce qu'elle précise que « dans le système du contrat unique, le risque client pour impayé sera porté entièrement par le fournisseur, qui devra assurer, vis-à-vis du gestionnaire de réseau de distribution, le paiement de l'acheminement de l'électricité de ses clients » ; que le CoRDiS souligne que cette proposition ne signifie pas que la charge des sommes impayées doit reposer in fine sur le fournisseur, en ce compris la part d'acheminement et que la CRE a utilisé le terme « porté » (dans ses comptes) et non « supporté » ;

Considérant, en toute hypothèse, que la communication de la CRE, au surplus datant de 2003 et liée à une étape de l'ouverture de marché, ne saurait lier le CoRDiS, comité indépendant du collège des commissaires de la CRE ;

Considérant qu'en deuxième lieu, selon la requérante, la Décision conduirait à un non-sens économique, qu'en limitant l'exposition des fournisseurs aux impayés de leurs propres clients, la Décision a pour conséquence de compromettre leur incitation à mettre en place des mesures permettant de limiter le volume des impayés et de procéder à leur recouvrement, que cette diminution des efforts des fournisseurs pour prévenir et recouvrer les impayés ne peut être compensée par le distributeur qui ne dispose d'aucun moyen d'agir efficacement sur le volume des impayés des contrats uniques, que l'accroissement du nombre des impayés qui en résultera devra être compensé par le TURPE, ce qui conduira à faire supporter par l'intégralité des consommateurs français les difficultés financières et les résultats des pratiques commerciales de Direct Energie consistant à attirer des clients sans se soucier de leur capacité financière ;

Considérant, cependant, que la Décision ne conduit à limiter l'exposition des fournisseurs aux impayés que sur la part acheminement et non sur la part fourniture d'électricité, qu'il ne peut donc être affirmé qu'elle aura pour conséquence une diminution des efforts des fournisseurs pour prévenir les impayés et procéder à leur recouvrement ; qu'en outre, la Décision tempère le principe selon lequel doit être modifié l'article 7.1 du contrat GRD-F en retenant qu'il peut en être autrement dans les cas où le fournisseur n'a pas effectué les diligences nécessaires requises pour recouvrer les sommes concernées, en particulier, celles prévues par le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à procédure applicable en matière d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau ; qu'enfin, ainsi que le relève Direct Energie, ERDF ayant seule la maîtrise du raccordement et donc la possibilité technique d'interrompre ou non la fourniture en cas d'impayé n'est pas dépourvue de tout moyen d'agir sur les impayés ;

Qu'il ne peut être affirmé avec ERDF que la Décision conduit à un « non-sens économique » ;

Considérant que la société requérante invoque, en troisième lieu, une violation par la Décision des dispositions réglementaires relatives au TURPE ; qu'après avoir rappelé que ces tarifs sont payés aux gestionnaires des réseaux de distribution par tous les utilisateurs de ces réseaux afin de couvrir les coûts exposés par lesdits gestionnaires dans l'exercice de leurs missions, que ces tarifs sont fixés par décision ministérielle sur proposition de la CRE et que la décision actuellement en vigueur du 5 juin 2009 prévoit que ces tarifs comprennent notamment une composante annuelle de gestion, cette composante étant moins élevée lorsque le client a opté pour un contrat unique, la société ERDF soutient qu'il résulte de la proposition de tarifs formulée par la CRE le 26 février 2009, telle qu'approuvée par la décision du ministre du 5 juin suivant, que la réduction de la composante de gestion en cas de contrat unique est destinée à prendre en compte la charge des impayés supportée par les fournisseurs y compris pour la part acheminement due au distributeur et que c'est par conséquent à tort que la Décision, écartant son argumentation, relève que les TURPE ne déterminent explicitement aucun montant particulier qui correspondrait aux impayés et retient qu'ERDF n'est pas fondée à s'en prévaloir pour faire supporter par le fournisseur la charge des impayés correspondant la part acheminement ;

Mais considérant :

- qu'aux termes du point « 6.2.3. Composante de gestion » des motifs de la proposition de la CRE du 26 février 2009 invoquée par la requérante : « Le dispositif mis en place lors de la précédente proposition tarifaire est reconduit, à savoir, la facturation explicite des frais de gestion sous la forme d'un terme fixe appliqué à tous les utilisateurs (producteurs, consommateurs et gestionnaires de réseaux) en fonction de leur domaine de tension de raccordement. Ce dispositif différencie les utilisateurs qui disposent d'un contrat d'accès au réseau séparé de leur contrat de fourniture d'énergie et ceux qui disposent d'un contrat unique avec leur fournisseur. En effet, pour ces derniers, les frais de gestion supportés par les gestionnaires de réseaux de distribution sont réduits par le fait qu'une large part des activités de gestion des dossiers par les gestionnaires de réseaux est réalisée par les fournisseurs qui en répercutent le coût à leurs clients dans un cadre concurrentiel... Les coûts de gestion des contrats sont constitués des coûts liés à l'accueil des utilisateurs de réseaux, à la gestion des dossiers des utilisateurs, à la facturation, au recouvrement et aux impayés. »

- qu'aux termes de l'article 3 de la proposition de la CRE du 26 février 2009, reprise en annexe de la décision ministérielle du 5 juin 2009 : « La composante annuelle de gestion du contrat d'accès aux réseaux couvre les coûts de gestion des dossiers des utilisateurs, l'accueil physique et téléphonique des utilisateurs, la facturation et le recouvrement. »

Qu'il en résulte que, contrairement à ce que soutient la requérante :

- les coûts de gestion des contrats ne comprennent pas les impayés, mais sont constitués des coûts de gestion des impayés, outre les autres coûts de gestion mentionnés ;

- la composante annuelle de gestion prévue par les TURPE est moins élevée dans le cas d'un contrat unique que dans le cadre d'un contrat CARD, non pas afin de prendre en compte la charge des impayés supportée par les fournisseurs y compris pour la part acheminement due au distributeur, mais seulement afin de prendre en compte le fait qu'en cas de contrat unique, « les frais de gestion supportés par les gestionnaires de réseaux de distribution sont réduits par le fait qu'une large part des activités de gestion des dossiers par les gestionnaires de réseaux est réalisée par les fournisseurs’ ;

Que c'est par conséquent à juste titre que la Décision, qui a en outre relevé que les TURPE ne déterminent explicitement aucun montant particulier qui correspondrait aux impayés, a écarté l'argumentation de la société ERDF qui soutenait, à tort, que la réduction des TURPE en cas de contrat unique avait été calculée pour permettre au fournisseur de prendre à son compte la charge des impayés relatifs à la part acheminement ce dont elle déduisait que le fournisseur devait supporter la charge des impayés correspondant à la part acheminement ;

Que c'est sans violer les dispositions réglementaires relatives au TURPE que la Décision a imposé une modification des dispositions de l'article 7.1 du contrat GRD-F ;

Considérant que la société ERDF soutient, en dernier lieu, que la Décision est prise en violation des dispositions de l'article 22-IV bis de la loi du 10 février 2000 modifiée ; qu'elle fait valoir que la Décision est principalement fondée sur l'article 5 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 selon lequel le « fournisseur reverse au gestionnaire de réseau les sommes qu'il a perçues au titre de l'utilisation de ce réseau » alors que cette disposition ne concerne que les offres en tarifs réglementés de vente et n'aborde pas la question des impayés ; qu'elle ajoute que la Décision interprète cette disposition d'un façon incompatible avec l'article 22-IV bis de la loi du 10 février 2000 introduit par la loi du 27 décembre 2006 et soutient que ce dernier texte, en ce qu'il confirme que le fournisseur est tenu vis-à-vis du gestionnaire de réseau d'assurer le paiement des sommes dues au titre des tarifs d'utilisation et ce sans opérer de distinction entre les sommes déjà payées au fournisseur par les consommateur final et celles qui lui restent dues, a été violé par la Décision ;

Considérant, cependant, que la Décision n'évoque que surabondamment (« au surplus ») les dispositions de l'article 5 du décret n° 2001-365 du 26 avril 2001 invoquées devant le CoRDiS par la société Direct Energie ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la Décision n'est pas fondée sur ces dispositions, mais est fondée sur l'analyse, ci-dessus vainement contestée, des dispositions légales relatives au contrat unique ; qu'il est, pour ces deux motifs, inutile d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties relativement à l'application ou non de ces dispositions au contrat unique, étant en outre observé que ce décret a été pris pour l'application de l'article 4 de la loi du 10 février 2000 et non pour celle de l'article 22-IV bis de la même loi que la requérante soutient avoir été méconnu par la Décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 22-IV bis de la loi du 10 février 2000 modifiée (article L. 333-3 du code de l'énergie) : « Afin de prendre en compte le bon fonctionnement, la sécurité et la sûreté des réseaux publics d'électricité et de contribuer à la protection des consommateurs contre les défaillances des fournisseurs ainsi qu'à la continuité de leur approvisionnement, le ministre chargé de l'énergie peut interdire sans délai l'exercice de l'activité d'achat pour revente d'un fournisseur lorsque ce dernier ne s'acquitte plus des écarts générés par son activité, lorsqu'il ne satisfait pas aux obligations découlant du quatrième alinéa du V de l'article 15, lorsqu'il ne peut plus assurer les paiements des sommes dues au titre des tarifs d'utilisation des réseaux résultant des contrats qu'il a conclus avec des gestionnaires de réseaux en application du septième alinéa de l'article 23 ou lorsqu'il tombe sous le coup d'une procédure collective de liquidation judiciaire. »

Que les contrats visés par septième alinéa de l'article 23 sont tant les contrats d'accès au réseau que les contrats uniques ;

Considérant qu'ainsi que le retient la Décision, cette disposition n'a pour objet que de définir les cas dans lesquels le ministre chargé de l'économie peut interdire l'exercice de l'activité d'achat pour revente d'un fournisseur et ne peut être interprétée comme imposant au seul fournisseur la charge des impayés relatifs à la part acheminement ;

Que, contrairement à ce qui est soutenu, l'article 22-IV bis de la loi du 10 février 2000, dont tel n'est pas l'objet, ne traduit pas de façon incidente une règle d'ordre général créant pour le fournisseur une obligation, vis-à-vis du gestionnaire de réseau, d'assurer en toute hypothèse les paiements des sommes dues au titre des tarifs d'utilisation des réseaux ;

Que c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 22-IV bis de la loi du 10 février 2000 modifiée que la Décision a imposé une modification des dispositions de l'article 7.1 du contrat GRD-F ;

 

Sur la modification de l'article 5.5 du contrat GRD-F :

Considérant que l'article 5.5 du contrat GRD-F prévoit que « Le Fournisseur peut, s'il a respecté ses obligations d'information préalable du Client selon les modalités définies par le cahier des charges de concession applicable, demander à ERDF de suspendre l'accès au RPD. Si ERDF se trouve dans l'impossibilité de réaliser la prestation demandée en raison de la survenance d'un cas de force majeure, et notamment du fait de l'opposition physique du Client, ERDF est libérée de son obligation. »

Que la Décision énonce : « l'exécution par ERDF de sa prestation de suspension pour impayés, au regard de la force majeure, doit se faire dans les mêmes conditions, que le client soit en contrat unique ou en contrat CARD ; ERDF doit retenir des conditions identiques de force majeure dans le contrat GRD-F et dans le contrat CARD ; l'article 5.5 du contrat GRD-F devra également être modifié en ce sens. »

Considérant que la société requérante soutient qu'à supposer qu'il existe un motif juridique valable pour aligner les deux contrats, la Décision ne pouvait, en lui imposant de modifier l'article 5.5 du contrat GRD-F, la priver de la possibilité d'assurer l'alignement des contrats par la méthode de son choix (adaptation du contrat CARD ou du contrat GRD-F ou ajustement réciproque des deux contrats) ; qu'elle ajoute que la Décision conduit à refuser de considérer l'opposition physique du client comme un cas de force majeure bien que les conditions de la force majeure soient réunies ;

Que le CoRDiS rappelle qu'en vertu du contrat GRD-F contesté, la société ERDF est libérée de son obligation d'interrompre le soutirage d'énergie du réseau public en cas de force majeure et notamment du fait de l'opposition physique du client, alors qu'en cas de contrat CARD, l'opposition physique du client ne constitue pas un cas de force majeure libérant ERDF de son obligation ;

Considérant qu'il ne peut être contesté qu'ERDF se trouve placée dans la même situation que le consommateur défaillant qui s'oppose physiquement à la coupure de son alimentation ait signé un contrat unique ou deux contrats ;

Considérant que le CoRDiS, qui n'était saisi que du contrat GRD-F, ne pouvait ni porter une appréciation sur le contrat CARD, ni a fortiori en demander la modification ; qu'il ne lui appartenait pas davantage d'apprécier si l'opposition physique du client devait ou non constituer ou non un cas de force majeure libérant ERDF de son obligation ;

Que la société ERDF n'est par conséquent pas fondée à contester la Décision en ce qu'elle retient - après avoir rappelé que le contrat unique n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de modifier les responsabilités respectives du gestionnaire de réseaux, du fournisseur et du client final, telles qu'elles découlent de la loi et des textes pris pour son application - que l'exécution par ERDF de sa prestation de suspension pour impayés, au regard de la force majeure, doit se faire dans les mêmes conditions, que le client ait conclu un contrat unique ou un contrat CARD et invite en conséquence ERDF à modifier en ce sens l'article 5.5 du contrat GRD-F ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le recours formé par la société ERDF doit être rejeté ;

Considérant que l'équité conduit à allouer à la société Direct Energie une somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Dit irrecevables les notes adressées par les parties et la CRE au cours du délibéré ;

Rejette la demande de la société ERDF tendant à la réouverture des débats ;

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

Dit recevables les observations de la CRE ;

Dit recevable l'intervention volontaire accessoire de la société Powéo ;

Dit recevables les conclusions signifiées par la société Direct Energie le 7 juin 2011, les pièces signifiées par la société ERDF le 3 mai 2011 et les conclusions signifiées par cette société le 22 juin 2011 ;

Rejette le recours formé par la société ERDF ;

Condamne la société ERDF à payer à la société Direct Energie la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ERDF aux dépens.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT

Benoît TRUET-CALLU                 Christian REMENIERAS