CA TOULOUSE (3e ch.), 15 novembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7128
CA TOULOUSE (3e ch.), 15 novembre 2017 : RG n° 15/04862 ; arrêt n° 773/2017
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La livraison dans le délai convenu constitue une des obligations principales du vendeur ; dès lors, la clause qui édicte des causes de suspension de ce délai et qui est libellée par le seul vendeur, présente pour l'acquéreur le caractère d'une clause d'adhésion. En tant que telle, elle doit être interprétée strictement et en faveur de ce dernier par dérogation à l'article 1162 du Code civil. La validité de cette clause n'est pas remise en cause mais les parties divergent sur son interprétation quant aux notions d'incident grave et de défaillance. »
2/ « S'il est vrai que l'accident, terme suivi de points de suspension dans le libellé de la clause, n'est cité qu'à titre d'exemple, il ne peut toutefois en être déduit, ainsi que le soutient l'appelante, que le sens de cette clause permet d'étendre la notion d'incident grave aux fautes commises par les entreprises dans le cours de l'opération de construction. En effet, le maître d'ouvrage est contractuellement garant vis à vis de l'acquéreur du bon achèvement du chantier. Sauf à faire supporter à l'acquéreur les conséquences des aléas de la construction, la Saem Oppidea, qui a la maîtrise de l'ouvrage, ne peut prétendre s'exonérer du délai contractuel en invoquant les fautes des entreprises, contre lesquelles elle dispose au demeurant d'un recours, pareille exonération aboutissant à priver l'acheteur de la possibilité d'obtenir la réparation du préjudice subi en raison du retard dans l'exécution du contrat. Au surplus, le terme même d'accident, employé à titre d'illustration, renvoie à la survenance d'un événement extérieur au chantier, et dès lors l'incident grave visé par la clause ne peut concerner un fait inhérent au déroulement de l'opération de construction. La Saem Oppidea qui précise dans ses écritures (p. 9) « un incident de chantier (technique) » ajoute enfin à la clause un qualificatif qui n'y figurait pas alors qu'elle doit être interprétée strictement. Les fautes des entreprises, quelle que soit leur gravité, ne peuvent donc être considérées comme des incidents graves de chantier. »
3/ « Au demeurant, il sera relevé, ainsi que l'a fait le premier juge, que la défaillance économique de la Sarl S. placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 9 avril 2013, a été sans incidence sur le chantier puisque la Saem Oppidea indique qu'elle avait résilié le marché aux torts de cette entreprise par acte d'huissier du 26 février 2013. »
4/ « Il était ainsi imposé une information de l'acquéreur par le vendeur par la transmission d'une lettre du maître d'œuvre. La Saem Oppidea, qui ne produit aux débats que son propre courrier du 14 mars 2012 informant Mme X. du retard, ne justifie pas avoir lui transmis à une lettre du maître d'œuvre l'avisant officiellement des causes de suspension du délai. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/04862. Arrêt n° 773/2017. Décision déférée du 1er octobre 2015 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - R.G. n° 12/04118.
APPELANT :
SA OPPIDEA
Représentée par Maître Wilfried K., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE :
Madame Carole B.
Représentée par Maître Dominique J. de la SCP J. - M. DE LA M. - J.-F., avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 27 septembre 2017 en audience publique, devant la Cour composée de : C. BELIERES, président, A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller, V. BLANQUE-JEAN, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par C. BELIERES, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé des faits et procédure :
La Saem Oppidea, société d'économie mixte d'aménagement de Toulouse Métropole, venant aux droits de la Sem Constellation, a réalisé une zone d'aménagement concertée dénommée [...] et un programme immobilier dénommé « Sirrah » situé sur l'îlot 14 de cette ZAC, comprenant la construction de 35 logements collectifs en accession, 18 logements sociaux, 8 maisons individuelles, 6 logements semi-collectifs, des bureaux et des commerces en pied des bâtiments ainsi qu'un parking en sous-sol.
Suivant acte authentique en date du 5 octobre 201, au rapport de Maître B., notaire à Toulouse, Mme X. a acquis en l'état futur d'achèvement de la société OPPIDEA un appartement au 1er étage et un emplacement de parking en sous-sol, au sein de la [...]. Cet achat a été financé au moyen d'un crédit global de 110.000 euros souscrit auprès de la Banque Populaire Occitane.
Le délai d'achèvement de l'immeuble et le dépôt de la déclaration d'achèvement par le vendeur devaient intervenir au plus tard au cours du troisième trimestre 2012, sauf cas légitime de suspension.
Le chantier a connu deux interruptions.
La première a consisté en des arrivées d'eau inattendues dans les terrassements, dues à l'existence de sables molassiques en communication avec la nappe phréatique des alluvions de Garonne. Cette origine a été déterminée par un rapport d'expertise judiciaire de M. B. du 25 janvier 2013, entériné par un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 10 août 2015 ; l'expert avait conclu que ce sinistre était imputable à :
* une faute de conception de la Sarl Gfc (géotechnicien) du fait d'une implantation incongrue des sondages et d'un relevé lithologique de mauvaise qualité ne tenant pas compte des investigations antérieures, notamment des sondages du Bet Geobilan ainsi qu'à une faute résiduelle de la Snc L. (bureau d'études structure membre du groupement de maîtrise d'œuvre),
* une faute d'exécution des sociétés D. Sud Ouest et la SA D. & B.
La seconde interruption a été consécutive à la présence d'eau dans le complexe d'étanchéité, lot confié à une entreprise S., dont le marché sera résilié par Oppidea et dont la responsabilité sera ultérieurement retenue par un rapport d'expertise judiciaire de M. B. en date du 19 février 2014.
Entre-temps, le 5 août 2013, le procès-verbal de livraison avait été signé par Mme X. et celle-ci avait, par acte du 22 novembre 2012, fait assigner la Saem Oppidea et la SA Banque Populaire Occitane en paiement de dommages et intérêts pour préjudices locatif et de jouissance.
Par jugement du 1er octobre 2015, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- donné acte à Mme X. de son désistement d'instance et d'action à l'égard de Maître B.,
- constaté que le juge de la mise en état avait par ordonnance du 14 février 2013 statué sur la demande de Mme X. à l'égard de la Banque Populaire Occitane,
- condamné Oppidea à payer à Mme X. :
* la somme de 5.662,10 euros au titre de ses frais locatifs
* la somme de 1.000 euros au titre de préjudice de jouissance
- condamné Oppidea à payer à Mme X. la somme de 1.500 euros d'article 700 du code de procédure civile,
- laissé la Banque Populaire Occitane la charge des frais irrépétibles exposés dans l'instance,
- condamné la Saem Oppidea aux dépens de l'instance,
- autorisé Maître J., avocat, à recouvrer directement les dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision,
- ordonné l'exécution provisoire.
Par acte du 13 octobre 2015, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Saem Oppidea a interjeté un appel limité, en intimant la seule Mme X.
MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 8 janvier 2016, au visa des articles 1134, 1147 du code civil et L. 132-1 du code de la consommation, la SA Oppidea demande à la cour de :
A titre principal
- constater que la Sem Oppidea oppose deux causes légitimes de suspension du délai de livraison, respectivement liées à un incident grave de chantier et à la défaillance d'une entreprise, stipulées à l'acte de vente et objectivement constatées par deux expertises judiciaires,
- débouter Mme X. de ses prétentions indemnitaires,
A titre subsidiaire, sur le quantum des préjudices allégués :
- dire que les frais locatifs n'excèdent pas la somme de 5.662,10 euros,
- dire que le préjudice de jouissance n'excède pas l'équivalent de 1.000,00 euros.
En toute hypothèse condamner Mme X. à payer à la Saem Oppidea la somme de 2.500,00 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître K..
Au soutien de sa demande principale, la Saem Oppidea indique que Mme X. ne peut lui imputer à faute le retard de livraison dès lors que l'acte de vente (p. 27) stipulait une prorogation du délai d'achèvement par une clause non abusive, validée par la Cour de cassation.
Elle se prévaut d'une jurisprudence qui permet au prestataire de proroger le délai de livraison en cas de faits indépendant de sa volonté entraînant un retard dans la livraison, autres que les intempéries et les cas de force majeure, et qui prévoit le principe d'une appréciation de la survenance de ces causes par un tiers même si celui-ci est lié au maître d'ouvrage par un contrat.
Elle soutient, par ailleurs, que :
- pour suspendre le délai de livraison, la clause stipule que l'incident doit avoir une cause non imputable au maître de l'ouvrage et que cette condition est, au cas d'espèce, acquise en lecture du rapport d'expertise B.,
- c'est à tort que le tribunal a considéré que, pour constituer une cause légitime de suspension du délai de livraison telle qu'un accident, l'incident grave de chantier devait caractériser un cas de force majeure, position invalidée par la Cour de Cassation,
- les accidents ne sont pas les seuls événements à entrer dans les prévisions de la clause et ne sont cités qu'à titre d'exemple,
- il n'existe pas de jurisprudence jugeant qu'un incident de chantier ne pourrait pas avoir pour origine la faute d'une entreprise ayant participé à l'acte de construire, et seule la faute intentionnelle de l'entreprise semble incompatible avec cette notion,
- le tribunal a ajouté une condition (la notion d'incurie) liée à la connaissance du ou des auteurs à l'origine de l'incident et dénaturé la convention, les termes « incident grave de chantier » ignorant totalement la condition tenant à l'auteur sauf si ce dernier est le maître de l'ouvrage.
Elle rappelle les éléments de fait suivants :
- l'incident de chantier était directement lié à des arrivées d'eau importante dans l'enceinte de la paroi moulée,
- le rapport d'expertise de M. B. a retenu la responsabilité du géo-technicien et du bureau d'études ainsi qu'une faute d'exécution de l'entreprise ayant réalisé des parois moulées en qualité de sous-traitant du titulaire du gros œuvre,
- le tribunal de commerce de Toulouse dans un jugement du 30 janvier 2014 a validé l'analyse de l'expert et cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel du 10 août 2015,
- les travaux de reprise ont entraîné un retard dans la réalisation ainsi qu'un retard de livraison, dont elle a, par courrier du 14 mars 2012 antérieur de 6 mois à la date d'achèvement, informé Mme X.,
- elle-même a préfinancé les travaux nécessaires à hauteur de 435.345,65 euros HT,
- le sinistre « paroi moulée » est à l'origine d'un recalage du planning d'exécution des travaux, par lot et par bâtiment, établi par le prestataire en charge du pilotage de l'ordonnancement et de la coordination du chantier (OPC) au mois de mai 2012, et qui a impacté le bâtiment C (code bleu nuit) en prévoyant une livraison le 10 juin 2013, au lieu du troisième trimestre 2012.
Sur le second motif d'interruption, elle reconnaît que la société S. à l'origine des problèmes d'étanchéité n'est pas intervenue sur le bâtiment C mais fait valoir que la nécessité de remplacer cette entreprise a désorganisé le chantier, et généré un nouveau retard, acté par le même prestataire OPC, ainsi que cela ressort du rapport B. (page 27 : réponse au dire n° 10 du 17/02/2014 et page 33).
Sur la prise en considération de cette circonstance, invoquant la structure grammaticale de la clause, elle expose que la notion contractuelle de défaillance recouvre un sens matériel signifiant 'inexécution' et que cette défaillance matérielle entre dans les prévisions de la clause concurremment avec la défaillance économique.
Enfin, elle invoque l'existence de 39 jours d'intempéries, quantifiés par le compte rendu du BET INAFA en charge de la prestation OPC le 17/02/2014, en pages 6 et 7.
Elle conclut subsidiairement à la confirmation du jugement sur le quantum des préjudices allégués.
Par conclusions du 17 février 2016 au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, Mme X. demande à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- y ajoutant, condamner la Sem Oppidea à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle invoque le manque de loyauté du vendeur, rappelant que ce n'est qu'à la lecture des conclusions de la société Oppidea devant le tribunal de grande instance de Toulouse dans le cadre d'un litige sur un appel de fonds de la somme de 51.450 euros aux lieu et place de celle de 2.940 euros, qu'elle a appris l'interruption des travaux de construction et la désignation d'un expert.
Elle expose que le tribunal s'est prononcé sur le point de savoir, d'une part, si les événements invoqués par Oppidea correspondaient à des causes de prorogation du délai telles que décrites contractuellement et, d'autre part, si le vendeur démontrait au sens de l'article 1147 du Code Civil, que le retard ne lui aurait pas été imputable personnellement.
Elle soutient que les deux causes de retard invoquées n'exonèrent pas la Saem Oppidea dès lors que :
S'agissant de la procédure collective d'une entreprise
- la société S. a été placée en redressement judiciaire le 9 avril 2013, postérieurement à la lettre de résiliation du marché notifiée par Oppidea le 26 février 2013, et cette société n'est jamais intervenue sur le bâtiment C dans lequel est situé l'appartement,
- le tribunal a opportunément relevé que la « défaillance » d'une entreprise telle que visée dans les causes légitimes de prorogation du délai de livraison ne peut s'entendre que d'un arrêt des travaux ou d'un abandon du chantier, mais non d'une procédure de cessation de paiement qui caractérise une incurie de l'entreprise du fait de son absence de trésorerie et que se trouve alors en cause le choix par le maître de l'ouvrage d'un tel partenaire qui n'a pas été en mesure de respecter les obligations imparties et contractuellement définies,
S'agissant de l'incident grave de chantier
- le rapport de M. B. met en cause la responsabilité du géotechnicien, la société Gfc et résiduellement de la société L., outre une faute d'exécution d'un des sous-traitants, autrement dit, la conception et l'exécution du projet,
- l'origine du retard se trouve dans l'incurie des entreprises participant à l'acte de construire, et ces fautes ne peuvent pas caractériser « un incident grave de chantier » puisqu'elles relèvent de la responsabilité présumée des entrepreneurs en application de l'article 1792 du Code Civil, étant rappelé que le promoteur vendeur lui-même est tenu de garantir l'acquéreur de désordres pouvant survenir après la livraison de l'immeuble dans des conditions qui ont été rappelées à l'acte authentique de vente en pages 57, 58 et 59,
- en matière de travaux, les fautes de conception ou d'exécution ne constituent pas des incidents, mais des risques relatifs à toute activité de construction ou de promotion immobilière, risques que les professionnels doivent être en mesure de connaître et de gérer au mieux des intérêts de leurs co-contractants.
- enfin, le moyen soulevé tenant à l'existence de 39 jours d'intempéries n'est pas probant puisque la preuve n'est nullement faite de la réalité de ces jours d'intempéries, les calculs auxquels a procédé le Bet Inafa s'avérant inexacts puisque datés du 17 février 2014, postérieurement à la livraison de l'appartement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Le contrat conclu est un contrat de vente en l'état futur d'achèvement, soumis aux articles 1601-1 et suivants auxquels renvoient les articles L. 261-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, visés par l'acte de vente.
L'article 1601-1 du code civil dispose que la vente d'immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l'état futur d'achèvement.
Le respect du délai d'achèvement est un élément essentiel de ce contrat.
Par ailleurs, selon les articles 1134, 1156, 1162 et 1601-1, anciens, du code civil :
- les conventions légalement formées tiennent de loi à ceux qui les ont faites,
- l'on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes,
- dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation
- le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige ; tout pacte obscur ou ambigu s'interprète contre le vendeur.
En l'espèce, l'acte de vente du 5 octobre 2011 stipule en page 27 :
« Le vendeur s'oblige à mener les travaux de telle manière que des ouvrages et les éléments d'équipements nécessaires à l'utilisation des biens vendus soient achevés et livrés au plus tard dans le courant du trimestre stipulé en première partie des présentes, sauf survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison.
Causes légitimes de suspension du délai de livraison :
Pour l'application de cette disposition, sont notamment considérés comme causes légitimes de report de délai de livraison les événements suivants :
- les journées d'intempérie pendant lesquelles le travail aura été arrêté sur le chantier et prises en compte par les chambres syndicales industrielles du bâtiment ou de la caisse du bâtiment et des travaux publics.
- la grève.
- la défaillance d'une des entreprises intervenant sur le chantier, la déclaration de cessation de paiement ou la mise en redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire des ou d'une des entreprises effectuant les travaux.
- les injonctions administratives ou judiciaires de suspension ou arrêtés des travaux.
- les incidents graves de chantier dont les causes ne pourraient être imputables au maître d'ouvrage (accident).
- les troubles résultant d'hostilité, cataclysmes naturels, accidents de chantiers.
- le retard dans le paiement de l'acquéreur...
- la découverte de pollution du sous-sol.
- les fouilles / et ou découvertes archéologiques.
- le retard dans la mise à disposition par les organismes concessionnaires des différents fluides.
Ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu au double du temps pendant lequel l'événement aura mis obstacle à la poursuite des travaux.
Dans un tel cas, la justification de la survenance d'une de ces circonstances sera portée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre » (sic). »
La livraison dans le délai convenu constitue une des obligations principales du vendeur ; dès lors, la clause qui édicte des causes de suspension de ce délai et qui est libellée par le seul vendeur, présente pour l'acquéreur le caractère d'une clause d'adhésion. En tant que telle, elle doit être interprétée strictement et en faveur de ce dernier par dérogation à l'article 1162 du Code civil.
La validité de cette clause n'est pas remise en cause mais les parties divergent sur son interprétation quant aux notions d'incident grave et de défaillance.
Elle vise le vendeur qui « s'oblige à mener les travaux », et donc le vendeur maître d'ouvrage puisque, dans ce type de contrat, celui-ci conserve cette qualité jusqu'à la réception des travaux, ainsi que cela est rappelé en page 32 de l'acte de vente.
Cette stipulation distingue ensuite deux hypothèses de non-respect du délai, présentées comme alternatives : la survenance d'un cas de force majeure ou de suspension du délai de livraison. Elle énumère différentes causes légitimes de suspension, de sorte les situations ainsi visées n'ont pas à présenter les caractéristiques de la force majeure.
Comme l'a relevé le tribunal, il s'agit en l'espèce de vérifier si les événements invoqués par la Saem Oppidea correspondent à des causes de prorogation du délai telles que décrites par la clause contractuelle.
Il est, en premier lieu, invoqué un incident grave dont les causes ne pourraient être imputables au maître d'ouvrage et la notion même d'incident est l'objet d'interprétations contraires par les parties.
S'il est vrai que l'accident, terme suivi de points de suspension dans le libellé de la clause, n'est cité qu'à titre d'exemple, il ne peut toutefois en être déduit, ainsi que le soutient l'appelante, que le sens de cette clause permet d'étendre la notion d'incident grave aux fautes commises par les entreprises dans le cours de l'opération de construction.
En effet, le maître d'ouvrage est contractuellement garant vis à vis de l'acquéreur du bon achèvement du chantier. Sauf à faire supporter à l'acquéreur les conséquences des aléas de la construction, la Saem Oppidea, qui a la maîtrise de l'ouvrage, ne peut prétendre s'exonérer du délai contractuel en invoquant les fautes des entreprises, contre lesquelles elle dispose au demeurant d'un recours, pareille exonération aboutissant à priver l'acheteur de la possibilité d'obtenir la réparation du préjudice subi en raison du retard dans l'exécution du contrat.
Au surplus, le terme même d'accident, employé à titre d'illustration, renvoie à la survenance d'un événement extérieur au chantier, et dès lors l'incident grave visé par la clause ne peut concerner un fait inhérent au déroulement de l'opération de construction.
La Saem Oppidea qui précise dans ses écritures (p. 9) « un incident de chantier (technique) » ajoute enfin à la clause un qualificatif qui n'y figurait pas alors qu'elle doit être interprétée strictement.
Les fautes des entreprises, quelle que soit leur gravité, ne peuvent donc être considérées comme des incidents graves de chantier.
En second lieu, la Saem Oppidea soutient que la défaillance d'une entreprise telle que visée par la clause concerne aussi bien à la défaillance matérielle que sa défaillance économique. Néanmoins, le simple libellé de cette cause de suspension interdit cette interprétation ; en effet, la cause légitime est présentée comme « la défaillance d'une des entreprises intervenant sur le chantier » et l'énumération qui suit « la déclaration de cessation de paiement ou la mise en ordre judiciaire ou la liquidation judiciaire des (ou d'une) entreprises effectuant les travaux » ne fait qu'expliciter le terme générique de défaillance.
C'est à tort que l'appelante prétend pouvoir étendre cette notion à une défaillance matérielle de l'entreprise de sorte que le bouleversement du planning des travaux du fait de la résiliation du contrat conclu avec l'entreprise S. en raison des déficiences techniques de celle-ci ne peut être considérée comme une défaillance constituant une cause légitime de suspension du délai.
Au demeurant, il sera relevé, ainsi que l'a fait le premier juge, que la défaillance économique de la Sarl S. placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 9 avril 2013, a été sans incidence sur le chantier puisque la Saem Oppidea indique qu'elle avait résilié le marché aux torts de cette entreprise par acte d'huissier du 26 février 2013.
En troisième lieu, pour ce qui est des intempéries, la clause impose que le vendeur justifie que le travail aura été arrêté sur le chantier et que les intempéries ont été prises en compte par les chambres syndicales industrielles du bâtiment ou de la caisse du bâtiment et des travaux publics.
La Saem Oppidea se prévaut de l'existence de 39 jours d'intempéries attestés par le compte-rendu OPC du 17 février 2014 qui énumère divers jours d'intempéries. Toutefois, cette énumération ne vaut pas validation des jours déclarés par les entreprises puisque le maître d'œuvre précise « les entreprises déclarant des journées d'intempéries les justifieront par des relevés de météo France ».
Au surplus et pour l'ensemble des causes d'exonération invoquées, la clause prévoyait la formalité suivante « Dans un tel cas, la justification de la survenance d'une de ces circonstances sera portée par le vendeur à l'acquéreur par une lettre du maître d'œuvre » (sic).
Il était ainsi imposé une information de l'acquéreur par le vendeur par la transmission d'une lettre du maître d'œuvre. La Saem Oppidea, qui ne produit aux débats que son propre courrier du 14 mars 2012 informant Mme X. du retard, ne justifie pas avoir lui transmis à une lettre du maître d'œuvre l'avisant officiellement des causes de suspension du délai.
La Saem Oppidea ne prouve pas que les événements qu'elle invoque correspondent à des causes légitimes de suspension du délai de livraison, conformes à la clause contractuelle et dénoncées ainsi qu'elle le spécifiait. Le jugement sera confirmé.
Le montant des préjudices alloués par le tribunal n'étant critiqué par aucune des parties, le jugement sera également confirmé de ce chef ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La Saem Oppidea, qui succombe dans ses prétentions, supportera la charge des dépens d'appel et doit être déboutée de sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Eu égard aux circonstances de la cause et la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de Mme X. la totalité des frais, non compris dans les dépens, exposés pour se défendre en cause d'appel et assurer sa représentation en justice, ce qui commande l'octroi à ce titre de la somme de 2.000 euros, mise à la charge de l'appelante.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement,
Y ajoutant
Condamne la Saem Oppidea à verser à Mme X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Déboute la Saem Oppidea de sa demande de remboursement des frais irrépétibles exposés,
Condamne la Saem Oppidea aux entiers dépens d'appel, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. BUTEL C. BELIERES