7145 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente - Constitution de droits réels immobiliers (servitudes, etc.)
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 7145 (10 juillet 2020)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CONTRAT
VENTE - CONSTITUTION DE DROITS RÉELS IMMOBILIERS (SERVITUDES, ETC.)
Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)
Constitution d’une servitude d’utilité publique. Des particuliers peuvent consentir des droits réels à des opérateurs publics pour le passage de canalisation ou la pose de différents matériels (poteaux, transformateurs, etc.). Ces contrats peuvent avoir pour objet de constituer des droits réels, notamment des servitudes, même si l’opérateur public ou le service public ne constituent pas des « fonds dominants » au sens du Code civil (pour les locations d’emplacement à des opérateurs privés, par exemple pour des antennes de téléphonie mobile, V. Cerclab n° 5838). L’application de la protection contre les clauses abusives à ces conventions soulève plusieurs difficultés.
* Compétence judiciaire ou administrative. La convention par laquelle un particulier concède à Electricité de France (EDF), à titre de charge réelle et au profit du réseau de distribution d’énergie électrique, le droit d’établir et d’exploiter sur sa propriété un poste de transformation et ses installations accessoires, ne contenant aucune clause exorbitante du droit commun et n’associant pas le cocontractant à l’exécution du service public de distribution d’électricité, a le caractère d’un contrat de droit privé ; en conséquence, les demandes tendant à la résiliation de cette convention, ainsi que celles tendant à l’indemnisation des préjudices découlant de son application, relèvent de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire T. confl., 17 décembre 2012 : req. n° 3871 ; Bull. confl. n° 32 ; Cerclab n° 7100, sur demande de TA Montreuil, 24 janvier 2012 : Dnd. § Dans le même sens et dans la même affaire : CA Paris (pôle 4 ch. 1), 13 octobre 2017 : RG n° 15/17295 ; Legifrance ; Cerclab n° 7096, sur appel de TGI Bobigny, 16 juillet 2015 : RG n° 13/08664 ; Dnd.
Inversement, les demandes de déplacement ou de suppression d’un ouvrage public relèvent par nature de la compétence du juge administratif, sauf si la réalisation de l’ouvrage procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée. T. confl., 17 décembre 2012 : précité.
* Applicabilité de la protection. L’applicabilité de la protection peut se discuter. L’hypothèse concerne un contrat synallagmatique inversé où le consommateur peut percevoir un prix pour une prestation non monétaire. La constitution d’une servitude sur une propriété privée peut correspondre à la définition du consommateur mentionnée dans l’article liminaire puisque le contrat ne poursuit pas une finalité entrant dans le cadre d’une activité professionnelle et que le propriétaire se contente de mettre en valeur son patrimoine, sans caractère habituel. Par ailleurs, l’opérateur public, ERDF par exemple, agit de façon incontestable dans le cadre de son activité professionnelle qui est justement d’administrer le réseau d’alimentation électrique, ce qui inclut la recherche des espaces publics ou privés pouvant en recevoir les installations.
Comp. pour l’application de la protection avec l’émission d’un doute : CA Paris (pôle 4 ch. 1), 13 octobre 2017 : précité (le contrat « à supposer qu'il entre dans le champ d'application du dispositif de lutte contre les clauses abusives »).
* Clauses portant sur la définition de l’objet principal ou l’adéquation au prix. Le contrat de constitution de servitude réelle au profit d’ERDF pour l’installation d’un transformateur électrique étant rédigé de façon claire et compréhensible, ni le droit réel consenti, objet principal du contrat, ni sa contrepartie, ne peuvent être critiqués au titre des clauses abusives, dont, selon l’ancien art. L. 132-1 [212-1] C. consom., l'appréciation ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert. CA Paris (pôle 4 ch. 1), 13 octobre 2017 : RG n° 15/17295 ; Legifrance ; Cerclab n° 7096 (N.B. l’arrêt émet un doute sur l’applicabilité de la protection : « à supposer [que le contrat] entre dans le champ d'application du dispositif de lutte contre les clauses abusives » ; propriétaire estimant que la contrepartie, une fourniture de courant de 50 kW au plus, était dérisoire ; N.B. l’argument de la contrepartie dérisoire, fondé à l’époque sur l’absence de cause, est indépendant de la protection contre les clauses abusives et l’arrêt ne précise pas la signification de la mention selon laquelle la fourniture s’effectue « dans les conditions techniques et financières fixées par le cahier des charges de la concession de la commune », alors que le maintien d’une facturation non préférentielle ou insuffisamment préférentielle pourrait effectivement encourir ce grief).
* Durée du contrat : contrats perpétuels. Si le réseau public d'électricité ne constitue pas un fonds dominant au sens du droit des servitudes, le propriétaire d'un fonds peut consentir, sous réserve des règles d'ordre public, un droit réel conférant le bénéfice d'une jouissance spéciale de son bien mais qui ne peut pas être perpétuel ; ce n'est qu'à défaut de limitation dans le temps par la volonté des parties d'un tel droit réel qu'il s'éteint dans les conditions des art. 619 et 625 C. civ. CA Paris (pôle 4 ch. 1), 13 octobre 2017 : RG n° 15/17295 ; Legifrance ; Cerclab n° 7096. § Jugé que n’est pas perpétuelle la constitution de servitude pour l’installation d’un transformateur, dès lors que la convention stipulait qu’elle était conclue à EDF « pour la durée de son exploitation dans la commune » concernée et que cette dernière pouvait, en application du cahier des charges, racheter le droit d’exploitation concédé avec la faculté de se substituer de plein droit à EDF pour l'exécution de la convention litigieuse. CA Paris (pôle 4 ch. 1), 13 octobre 2017 : précité, infirmant TGI Bobigny, 16 juillet 2015 : RG n° 13/08664 ; Dnd (caducité de la convention qui ne pouvait être perpétuelle). § N.B. La position adoptée par l’arrêt semble contestable. En effet, la perpétuité doit s’apprécier du côté du propriétaire privé, pour lequel la substitution de contractant reste sans influence sur la durée du contrat, et non du côté d’EDF et de son droit potentiellement limité dans le temps.