CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 19 octobre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7249
CA CAEN (2e ch. civ. et com.), 19 octobre 2017 : RG n° 15/02819
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2017-023148
Extrait : « La convention de compte du 28 août 2007 contient en effet une clause stipulant que « les réclamations relatives aux opérations apparaissant sur les relevés ou arrêtés de compte doivent être faites par écrit à l'agence dans laquelle le compte est ouvert et parvenir à la banque dans un délai d'un mois à dater de la réception des pièces, et que faute de contestation dans le délai imparti et sauf preuve contraire, le client est réputé avoir ratifié le décompte ».
Cependant une telle clause, qui postule l'approbation des écritures à l'expiration du court délai prévu, est de nature à susciter ou entretenir la conviction du titulaire du compte qu'il est privé de la possibilité de les contester, sachant que la mention « sauf preuve contraire », au vu de sa position dans la phrase, n'est pas de nature à l'éclairer utilement. Par conséquent, la clause invoquée par la banque a pour effet d'entraver l'exercice par le client de son droit d'agir en justice, de sorte qu'elle doit être déclarée abusive. »
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/02819. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal d'Instance de COUTANCES en date du 15 juin 2015 - R.G. n° 13/000046.
APPELANT :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], représenté et assisté de Maître Jean-Pierre P., avocat au barreau de CAEN
INTIMÉE :
La SA LYONNAISE DE BANQUE
N° SIRET : XXX, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Laurence D'O., avocat au barreau de CAEN, substituée par Maître B., avocat au barreau de LISIEUX, et assistée de Maître Géraldine R., avocat au barreau de LYON
DÉBATS : A l'audience publique du 29 juin 2017, sans opposition du ou des avocats, Mme BRIAND, Président de chambre et Mme HEIJMEIJER, Conseiller, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans leur délibéré
GREFFIER : Madame LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme BRIAND, Président de chambre, Mme HEIJMEIJER, Conseiller, rédacteur, Mme POCHON, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 19 octobre 2017 à 14h00 par prorogation du délibéré initialement fixé au 12 octobre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Madame LE GALL, greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte en date du 28 août 2007, M. X. a ouvert un compte courant privé (n° [...]) dans les livres de la SA Lyonnaise de Banque.
Par acte authentique en date du 28 décembre 2007, celle-ci a consenti à son client pour le financement et la rénovation d'un immeuble à usage locatif situé à [ville M.] :
- un prêt modulable de 238.000 euros (n° XXX désigné ci-après 02) remboursable en 300 mensualités au taux de 5,09 % et au TEG de 5,432 %.
- un prêt modulable de 42.264 euros (n° XXX 03 désigné ci-après 03) remboursable en 300 mensualités au taux de 5,09 % et au TEG de 5,598 %.
Suivant offre préalable de prêt personnel du 3 octobre 2008, la banque a consenti à M. X. un prêt de 21.500 euros (n° YYY 04 désigné ci-après 04) remboursable en 84 mensualités, moyennant un taux d'intérêts de 4,90 % et un TEG de 5,99 %.
Les échéances des prêts étaient prélevées sur le compte courant privé.
A la suite d'impayés, la banque a prononcé la déchéance des termes des prêts et mis M. X. en demeure de payer les soldes dus.
Elle a assigné l'emprunteur devant le tribunal d'instance pour le paiement du prêt 04 du 3 octobre 2008.
Par jugement en date du 15 juin 2015, le tribunal d'instance de Coutances a condamné M. X. à payer à la SA Lyonnaise de Banque la somme de 15.612,98 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,90 % l'an à compter du 5 mai 20114, outre la somme de 10 euros au titre de l'indemnité légale de 8 % avec intérêts au taux légal à compter de la décision, et la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, les autres demandes étant rejetées.
Par déclaration en date du 31 juillet 2015, M. X. a relevé appel de la décision.
Par conclusions en date du 29 octobre 2015, il sollicite l'infirmation de la décision et réclame à titre principal à la cour de :
- dire que la somme de 1.700 euros virée le 14 décembre 2010 doit être imputée en totalité sur le prêt de 238.000 euros.
- constater que l'échéance en date du 25 décembre 2010 du prêt 04 n'a pas été payée à son échéance,
- constater la forclusion et débouter la banque de toutes ses demandes.
Subsidiairement, il réclame la déchéance des intérêts conventionnels pour non-respect du délai de rétractation de 14 jours et pour erreur affectant le calcul du TEG.
Il sollicite la production par la banque dans le délai d'un mois à compter de la décision d'un nouveau décompte de sa créance en capital déduction faite des intérêts déjà réglés et d'un nouveau tableau d'amortissement du seul capital sur la durée contractuelle du prêt d'origine, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Il réclame le paiement de la somme de 17.229,51 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de bénéfice de la garantie ITT invalidité.
Il s'oppose en toute hypothèse à la demande de capitalisation des intérêts.
Il réclame enfin le paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en date du 24 décembre 2015, la SA Lyonnaise de Banque sollicite la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a rejeté le surplus de ses demandes.
Formant appel incident, elle réclame le paiement des sommes suivantes :
- 1.249,04 euros au titre de l'indemnité contractuelle de 8 %,
- 97,58 euros au titre du solde débiteur du compte courant privé avec intérêts au taux contractuel à compter du 21 avril 2011.
Outre la capitalisation des intérêts à compter du 21 avril 2011, et le paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions pour le plus ample exposé des moyens.
L'ordonnance de clôture est en date du 26 avril 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la forclusion de l'action en paiement de la banque :
En application de l'article L. 311-37 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à l'époque du contrat, les actions en paiement engagés devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées à peine de forclusion dans le délai de deux à compter du premier impayé non régularisé.
Les parties s'opposent sur la date de ce dernier, la banque retenant le 25 janvier 2011 et l'emprunteur invoquant le 25 décembre 2010, étant précisé que l'assignation en paiement est du 17 janvier 2013.
Il ressort des pièces que la somme de 1.700 euros versée par l'appelant sur son compte courant le 14 décembre 2010 a fait l'objet d'une répartition par la banque qui a affecté dès le lendemain un montant de 1.127,86 euros au règlement de la mensualité impayée de septembre 2010 afférente à l'emprunt 02 (dont les échéances suivantes étaient également impayées), puis a consacré le solde au paiement des échéances courantes des prêts 03 et 04 par écritures du 24 décembre 2010.
Il n'est pas établi que le titulaire du compte avait donné des instructions en ce sens, en application de l'article 1253 du code civil.
Le premier juge a fait référence aux dispositions de l'article 1255 du même code pour considérer qu'un relevé de compte sur lequel apparaît l'imputation vaut quittance et retenir que M. X. n'ayant pas contesté les imputations des règlements intervenus sur le compte à réception de son relevé bancaire, il ne pouvait plus remettre en cause la répartition opérée.
La convention de compte du 28 août 2007 contient en effet une clause stipulant que « les réclamations relatives aux opérations apparaissant sur les relevés ou arrêtés de compte doivent être faites par écrit à l'agence dans laquelle le compte est ouvert et parvenir à la banque dans un délai d'un mois à dater de la réception des pièces, et que faute de contestation dans le délai imparti et sauf preuve contraire, le client est réputé avoir ratifié le décompte ».
Cependant une telle clause, qui postule l'approbation des écritures à l'expiration du court délai prévu, est de nature à susciter ou entretenir la conviction du titulaire du compte qu'il est privé de la possibilité de les contester, sachant que la mention « sauf preuve contraire », au vu de sa position dans la phrase, n'est pas de nature à l'éclairer utilement.
Par conséquent, la clause invoquée par la banque a pour effet d'entraver l'exercice par le client de son droit d'agir en justice, de sorte qu'elle doit être déclarée abusive.
Il s'en suit que M. X. pouvait contester les opérations figurant dans son relevé bancaire non dans le délai d'un mois mais dans les 5 ans à compter de sa réception, ce qu'il justifie avoir fait.
Au vu de la présence de plusieurs impayés affectant le prêt 02 depuis septembre 2010, alors que les échéances des prêts 03 et 04 étaient à jour, la somme de 1.700 euros versée le 14 décembre 2010 devait être affectée intégralement à l'apurement de ce passif.
Cette imputation entraînait le défaut de paiement de l'échéance de décembre 2010 pour le crédit 04, qui constituait ainsi le premier impayé non régularisé, imposant à la banque d'assigner avant le 25 décembre 2012.
Son assignation du 17 janvier 2013 est tardive et son action est déclarée forclose.
Le jugement doit par conséquent être infirmé.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
Dit que la somme de 1.700 euros virée le 14 décembre 2010 devait être imputée en totalité sur le prêt 02,
Dit que le premier impayé non régularisé du prêt litigieux (04) est en date du 24 décembre 2010,
Déclare forclose l'action en paiement de la SA Lyonnaise de Banque,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Lyonnaise de Banque aux dépens de première instance et d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître P., avocat.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL S. BRIAND