CA TOULOUSE (3e ch.), 28 novembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7867
CA TOULOUSE (3e ch.), 28 novembre 2017 : RG n° 16/04870 ; arrêt n° 826/2017
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « La mention « confirme et remplace » mentionnée sur le second bon établit, la résiliation par les parties de la première commande, et ce d'autant plus qu'il apparaît que les dimensions et la disposition des éléments de la cuisine objet du second bon sont différentes de celles figurant sur le premier. Le premier juge a justement retenu l'existence d'une volonté commune des parties de mettre à néant le premier bon de commande ainsi qu'il ressort d'une lettre de la SARL 2 BGP en date du 20 novembre 2012 relevant des différences significatives entre les bons de commande, l'évolution de l'objet et le changement du prix. La différence des plans des deux cuisines, l'absence de commande d'électroménager dans la seconde convention, la différence de montant du marché et du délai de livraison établissent donc le caractère distinct des deux contrats. C'est à bon droit que le premier juge a retenu que le second contrat, conclu au domicile des consorts X. et X., ne peut être considéré comme la continuation du premier, comme le laisserait entendre la mention « confirme et remplace » qui ne peut être utilement invoqué pour voir écarter les dispositions protectrices du consommateur en cas de vente à domicile. »
2/ « En l'espèce, il apparaît que les consorts X. et X. ne connaissaient pas les dimensions de leur future cuisine en avril 2012, que les plans alors élaborés se sont révélés inapplicable lors de la visite du vendeur au domicile des acquéreurs en octobre 2012. Il en résulte que les préconisations de la recommandation n° 82-03 de la commission des clauses abusives concernant les contrats d'installation de cuisine qui prévoit que ces contrats comportent notamment les caractéristiques et les conditions d'exécution techniques des fournitures et des travaux inclus dans le prix convenu, comprenant notamment un plan détaillé avec cotes, et s'il y a lieu des plans techniques par corps de métier, n'ont pas été respectées. Le plan sommaire proposé par le vendeur ne répondait pas aux exigences de l'article L. 111-1, il s'est avéré qu'il était inadapté à la cuisine effectivement édifiée, c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré qu'il n'y avait pas accord des parties sur la chose vendue en l'absence d'adéquation entre les dimensions des éléments figurant sur le bon et la configuration matérielle de la cuisine. La vente du 8 avril 2012 n'est donc pas parfaite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 28 NOVEMBRE2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/04870. Arrêt n° 826/2017. Décision déférée du 10 mai 2016 - Tribunal de Grande Instance d'ALBI (R.G. n° 14/01607).
APPELANTE :
SARL 2 BGP
Représentée par Maître Florence P. de la SCP P. T. P. B.-R., avocat au barreau D'ALBI, Représentée par Maître Guillaume M., avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉS :
Monsieur X.
Représenté par Maître Angéline B. de la SCP A. ET ASSOCIES, avocat au barreau de CASTRES
Madame X.
Représentée par Maître Angéline B. de la SCP A. ET ASSOCIES, avocat au barreau de CASTRES
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 octobre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. BEAUCLAIR, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : A. BEAUCLAIR, président, A. MAZARIN-GEORGIN, conseiller, P. MAZIERES, conseiller.
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par A. BEAUCLAIR, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE.
Vu l'appel total interjeté le 5 octobre 2016 par la SARL 2 BGP à l'encontre d'un jugement du tribunal de grande instance d'ALBI en date du 10 mai 2016.
Vu les conclusions de la SARL BGP en date du 4 janvier 2017.
Vu les conclusions des consorts X. et X. en date du 27 février 2017.
Vu l'ordonnance de clôture du 2 octobre 2017 pour l'audience de plaidoiries fixée au 16 octobre 2017.
Le 8 avril 2012, les consorts X. et X. ont commandé, selon le bon de commande dressé à la foire de TOULOUSE, à la SARL 2 BGP une cuisine équipée avec îlot central, livrable en octobre 2012 et au plus tard le 30 novembre 2012, d'un coût de 14.500,00 euros avec versement d'un acompte de 2.900,00 euros.
Par un second bon du 18 octobre 2012 dressé au domicile des consorts X. et X., les plans ont été modifiés et le prix porté à 12.000,00 euros avec délai de livraison en décembre et au plus tard le 18 décembre 2012.
Le 8 novembre 2012, les consorts X. et X. ont annulé la commande.
Par acte du 11 août 2014, au visa des articles 1134, 1583, 1184 et 1650 et suivants du code civil, L. 121-21 et suivants du code de la consommation L. 515 du code des procédures civiles d'exécution et L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, la SARL 2 BGP a assigné les acquéreurs afin de voir :
- juger la vente parfaite,
- les condamner à prendre rendez-vous pour la livraison,
- les condamner à payer le solde de 9.100,00 euros, outre 1.900,00 euros pour frais de stockage et 2.000,00 euros en application l'article 700 du code de procédure civile et voir ordonner l'exécution provisoire.
Par jugement en date du 10 mai 2016, le tribunal de grande instance d'ALBI a :
- prononcé la nullité du contrat du 18 octobre 2012 souscrit entre la SARL 2 BGP et les consorts X. et X.,
- dit que la vente du 8 avril 2012 n'est pas parfaite, et débouté la SARL 2 BGP de ce chef,
- condamné la SARL 2 BGP à restituer aux consorts X. et X. la somme de 2.900,00 euros,
- débouté les consorts X. et X. de leur demande en dommages et intérêts,
- condamné la SARL 2 BGP à leur verser la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de la SARL 2 BGP,
- autorisé l'exécution provisoire de la décision.
La SARL 2 BGP demande à la cour, le dispositif de ses écritures reprenant ses moyens, de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- et statuant à nouveau, dire que la vente de la cuisine conclue le 18 octobre 2012 entre Madame X., Monsieur X. et la société 2BGP est parfaite,
- dire que les dispositions relatives au démarchage à domicile ne trouvent pas à s'appliquer dans le cadre du contrat conclu le 18 octobre 2012 au domicile de Monsieur X. et Madame Aurélie X., dont le principe et les caractéristiques essentielles ont été convenues lors de la foire de TOULOUSE le 8 avril 2012,
- dire que Monsieur X. et Madame X. ont manqué à l'exécution de leurs obligations contractuelles de prendre livraison et de payer le prix,
- dire que le défaut de livraison est exclusivement imputable à Monsieur X. et Madame X.,
- en conséquence, condamner Monsieur X. et Madame X., in solidum, à exécuter le contrat les liant à la société 2 BGP,
- enjoindre Monsieur X. et Madame X. de prendre rendez-vous avec la société 2 BGP pour fixer la date de livraison, sous astreinte de 80,00 euros par jour de retard, à compter du jour de la signification du jugement à intervenir,
- condamner Monsieur X. et Madame X., in solidum, à verser à la société 2 BGP le solde du prix convenu, soit la somme de 9.100,00 euros,
- condamner Monsieur X. et Madame X., in solidum, à verser à la société 2 BGP la somme de 4.800,00 euros, sauf à parfaire, au titre des frais de stockage assumés par la société 2BGP,
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où serait jugé nul le contrat de vente conclu le 18 octobre 2012 entre la société 2 BGP et Monsieur X. et Madame X., dire que le métré sur place n'est pas une condition préalable à la conclusion d'un contrat de vente de cuisine dès lors que le consommateur a été informé des caractéristiques essentielles des biens acquis,
- en conséquence, condamner Monsieur X. et Madame X., in solidum, à exécuter le contrat les liant à la société 2 BGP, signé le 8 avril 2012, lors de la foire de Toulouse,
- enjoindre Monsieur X. et Madame X. de prendre rendez-vous avec la société 2 BGP pour fixer la date de livraison, sous astreinte de 80,00 euros par jour de retard, à compter du jour de la signification du jugement à intervenir,
- condamner Monsieur X. et Madame X., solidairement, à verser à la société 2 BGP le solde du prix convenu, soit la somme de 11.600,00 euros,
- en tout état de cause, dire qu'aucune faute n'est imputable à la société 2 BGP, débouter Monsieur X. et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner Monsieur X. et Madame X., in solidum, au paiement de la somme de 3.000,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur X. et Madame X. aux entiers dépens.
Les consorts X. et X. demandent à la cour de :
- prononcer la nullité du bon de commande du 18 octobre 2012,
- prononcer la nullité du bon de commande du 8 avril 2012,
- à titre subsidiaire, de dire que la vente du 8 avril 2012 n'est pas parfaite et débouté la société 2 BGP de ce chef,
- en conséquence, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
* condamné la société 2 BGP à restituer l'acompte de 2.900,00 euros,
* condamner la société 2 BGP au paiement de la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
- pour le surplus, condamner la société 2 BGP au paiement de la somme complémentaire de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Ils font valoir que :
- le premier bon de commande signé à la foire de TOULOUSE en avril 2012 n'a pas été suivi d'effet, le second bon portant sur des meubles différents a été signé en octobre 2012 à leur domicile, ce dernier est soumis aux règles du démarchage à domicile,
- il est reconnu qu'il y a eu volonté de remplacer le premier bon par le second en raison des modifications apportées,
- sur le second bon ne figure aucun formulaire détachable de rétractation,
- le plan annexé au bon était très sommaire et ne permet pas de connaître les caractéristiques essentielles du bien vendu, ni la période sur laquelle les pièces détachées seront disponibles sur le marché,
- la SARL 2 BGP est de mauvaise foi, elle leur a fait signer un bon de commande alors qu'ils n'avaient pas encore acquis leur maison et ne connaissaient pas les dimensions de leur cuisine, ne disposaient pas d'un temps de réflexion et n'avaient aucune donnée permettant d'apprécier la faisabilité du projet. Elle les a laissés sans nouvelles alors qu'ils la relançaient en juin pour constater en octobre que le projet initial n'était pas réalisable, et leur faire signer un nouveau bon de commande. Le bon de commande d'avril est donc devenu sans objet,
- le stockage avancé n'est pas démontré, aucune somme ne peut être réclamée de ce chef.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le bon de commande du 8 avril 2012 a été signé à la foire de TOULOUSE. Il décrit les éléments et équipements d'une cuisine complète et précise les dimensions et le prix de chacun des éléments, pose comprise. Il mentionne le versement d'un acompte de 2.900,00 euros et un délai de livraison au mois d'octobre 2012 et au plus tard le 30 novembre 2012.
Le bon de commande du 18 octobre 2012 a été signé à [ville M.], au domicile des consorts X. et X. qui résident [...]. Il porte la mention « confirme et remplace le bon de commande fait à la foire de TOULOUSE le 8 avril 2012. » Il mentionne une marque différente - ARREX en avril et AR-DUE en octobre - des meubles et plans de travail de dimensions, disposition et prix différents, aucun lave-vaisselle, aucun piano ni aucun réfrigérateur, il maintient la mention de l'acompte de 2.900,00 euros, le délai de livraison est reporté à décembre 2012 et au plus tard le 18 décembre 2012.
1 - Sur le bon de commande du 18 octobre 2012 :
La mention « confirme et remplace » mentionnée sur le second bon établit, la résiliation par les parties de la première commande, et ce d'autant plus qu'il apparaît que les dimensions et la disposition des éléments de la cuisine objet du second bon sont différentes de celles figurant sur le premier. Le premier juge a justement retenu l'existence d'une volonté commune des parties de mettre à néant le premier bon de commande ainsi qu'il ressort d'une lettre de la SARL 2 BGP en date du 20 novembre 2012 relevant des différences significatives entre les bons de commande, l'évolution de l'objet et le changement du prix.
La différence des plans des deux cuisines, l'absence de commande d'électroménager dans la seconde convention, la différence de montant du marché et du délai de livraison établissent donc le caractère distinct des deux contrats.
C'est à bon droit que le premier juge a retenu que le second contrat, conclu au domicile des consorts X. et X., ne peut être considéré comme la continuation du premier, comme le laisserait entendre la mention « confirme et remplace » qui ne peut être utilement invoqué pour voir écarter les dispositions protectrices du consommateur en cas de vente à domicile.
Le second bon de commande a été conclu au domicile des consorts X. X. à [ville M]. Ce bon de commande ne respecte pas les dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-26 du code de la consommation : ce bon ne comporte pas de formulaire détachable de rétractation et ne précise pas les conditions dans lesquelles ladite rétractation peut s'exercer.
C'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité du contrat conclu le 18 octobre 2012.
2 - Sur le bon de commande du 8 avril 2012 :
Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au jour de la conclusion du contrat, tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.
En l'espèce, il apparaît que les consorts X. et X. ne connaissaient pas les dimensions de leur future cuisine en avril 2012, que les plans alors élaborés se sont révélés inapplicable lors de la visite du vendeur au domicile des acquéreurs en octobre 2012.
Il en résulte que les préconisations de la recommandation n° 82-03 de la commission des clauses abusives concernant les contrats d'installation de cuisine qui prévoit que ces contrats comportent notamment les caractéristiques et les conditions d'exécution techniques des fournitures et des travaux inclus dans le prix convenu, comprenant notamment un plan détaillé avec cotes, et s'il y a lieu des plans techniques par corps de métier, n'ont pas été respectées.
Le plan sommaire proposé par le vendeur ne répondait pas aux exigences de l'article L. 111-1, il s'est avéré qu'il était inadapté à la cuisine effectivement édifiée, c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré qu'il n'y avait pas accord des parties sur la chose vendue en l'absence d'adéquation entre les dimensions des éléments figurant sur le bon et la configuration matérielle de la cuisine. La vente du 8 avril 2012 n'est donc pas parfaite.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point et en ce qu'il a condamné la SARL 2 BGP à rembourser aux consorts X. et X. la somme de 2.900,00 euros versée à titre d'acompte.
3 - Sur les demandes accessoires :
Le premier juge a justement retenu que les consorts X. et X. qui ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct de celui de l'obligation d'ester en justice, et les a déboutés de leur demande en dommages et intérêts.
La SARL 2 BGP succombe, elle supportera la charge des dépens, augmentée d'une somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,
Condamne la SARL 2 BGP à payer aux consorts X. et X. la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL 2 BGP aux entiers dépens d'appel.
Le greffier Le président
M. BUTEL A. BEAUCLAIR