CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. C), 5 avril 2005
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 727
CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. C), 5 avril 2005 : RG n° 00/16836 ; arrêt n° 2005/233
Publication : Juris-Data n° 274993
Extrait : « Si la SCI les CÈDRES est donc recevable en sa demande, elle est cependant non fondée en ce qu'il est acquis que l'indemnité de résiliation qui peut être réclamée en raison du jeu de la clause résolutoire de plein droit, dont la [licéité] n'est pas remise en cause, constitue une clause pénale soumise au pouvoir de modération du juge en vertu de l'article 1152 du code civil. Par voie de conséquence, le caractère excessif ne saurait être déterminant du déséquilibre économique du contrat et donc de son caractère abusif qui, en outre, est insusceptible d'entraîner la nullité de l'intégralité du contrat. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
PREMIÈRE CHAMBRE C
ARRÊT DU 5 AVRIL 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Rôle N° 00/16836. Arrêt n° 2005/233. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 28 juin 2000 enregistré au répertoire général sous le n° 97/7775.
APPELANT :
Maître Martine LEVASSEUR épouse BONARDI, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI LES CEDRES,
Intervenante Forcée, né le [date] à [adresse], demeurant [adresse], représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour, plaidant par Maître Philippe JANIOT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMÉS :
- SA SLIBAIL IMMOBILIER,
prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice, dont le siège est [adresse], représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, plaidant par la SCP GRANRUT VATIER BAUDELOT ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Maître Christophe BOURDEL, avocat au barreau de PARIS
- SA CRÉDIT LYONNAIS,
dont le siège est [adresse], représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, plaidant par Maître Gachucha COURREGE, avocat au barreau de PARIS
- Monsieur X.
Demeurant [adresse], représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour, plaidant par Maître Philippe JANIOT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE [minute page 2]
- Monsieur Y.
Demeurant [adresse], représenté par la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU, avoués à la Cour, plaidant par Maître Philippe JANIOT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 8 Mars 2005 en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Dominique BRUZY, Président, Madame Anne VIDAL, Conseiller, Madame Anne FENOT, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Françoise COUSSAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 05 avril 2005.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 avril 2005, Signé par Madame Anne VIDAL, Conseiller pour le Président empêché et Madame Françoise COUSSAIN, greffier présent lors de la mise à disposition au greffe de la décision.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société Aluminium Acier Systèmes (AAS) qui était locataire de locaux sur le site de Gemenos ayant souhaité s'agrandir, une SCI dénommée les CEDRES a été constituée entre la société AAS et ses deux dirigeants Messieurs X. et Y. avec pour but de donner à bail à la société AAS de nouveaux locaux, les loyers devant servir à payer les redevances du financement à intervenir pour leur acquisition.
C'est ainsi que par un acte authentique du 19 octobre 1994 la société SLIBAIL SICOMI devenue SLIBAIL IMMOBILIER a consenti à la SCI LES CÈDRES un contrat de crédit bail immobilier concernant un terrain et la construction d'un bâtiment à usage de bureaux et d'atelier à Gemenos.
La société AAS ayant fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 10 janvier 1996, la SCI Les CÈDRES a cessé de payer les redevances trimestrielles à la société SLIBAIL et par une ordonnance du 4 octobre 1996, le juge des référés a constaté le jeu de la clause résolutoire du contrat de crédit bail et condamné la SCI les CÈDRES à payer la somme de 495.990,32 francs.
Saisi d'une instance initiée par la société SLIBAIL, mais aussi d'une opposition à commandement de payer par la SCI Les CÈDRES et Messieurs X. et Y. dirigée contre la société SLIBAIL et le CREDIT LYONNAIS, le Tribunal de Grande Instance de Marseille, a, par un jugement du 28 juin 2000 :
- rejeté les demandes en nullité du contrat de crédit bail :
* estimant cette demande irrecevable à l'encontre du Crédit Lyonnais
* estimant la demande irrecevable à l'encontre de SLIBAIL en ce qu'elle était exercée par la SCI les CÈDRES qui avait exécuté volontairement le contrat
* déboutant Messieurs X. et Y. de leurs demandes contre la société SLIBAIL
- débouté la SCI les CÈDRES et Messieurs X. et Y. de leurs actions en responsabilité contre le Crédit Lyonnais et SLIBAIL
- condamné la SCI les CÈDRES à payer à SLIBAIL la somme de 7.435.841,21 francs avec intérêts au taux légal sur la somme de 331.518,46 francs à compter du 11 avril 1996 et pour le surplus à compter du 4 juin 1997
- [minute page 4] déclaré irrecevables les demandes en paiement de la société SLIBAIL contre Messieurs X. et Y. en leur qualité d'associés de la SCI
- condamné la SCI Les CÈDRES et Messieurs X. et Y. à payer à la société SLIBAIL et au Crédit Lyonnais la somme de 8.000 francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Suivant une déclaration du 24 août 2000, la SCI les CÈDRES a interjeté appel de cette décision à l'encontre de la société SLIBAIL et du Crédit Lyonnais
Messieurs X. et Y. ont été mis en cause respectivement le 9 et 12 mars 2001 par voie d'appel provoqué.
La SCI les CÈDRES a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 14 mai 2002 et Maître BONARDI nommée en qualité de liquidatrice a été appelée en intervention forcée par un acte du 8 juillet 2002.
En l'état de ses dernières écritures déposées le 3 février 2005 auxquelles il est renvoyé pour le détail de son argumentation, Maître BONARDI soutient qu'elle est recevable et bien fondée à agir en nullité du contrat de crédit bail. A ce sujet, elle observe que le montant de l'indemnité de résiliation (6.841.636,67 francs) que le bailleur réclame par le jeu de la clause résolutoire est supérieur au coût total de l'opération (4.313.800 francs) et en déduit qu'il a ainsi un intérêt certain à obtenir la résiliation du contrat, d'autant qu'en sus de cette indemnité, il a perçu en outre les loyers de la première année et le prix de vente de l'immeuble soit au total, plus de 10.000.000 francs.
Elle conclut à la nullité du contrat de crédit bail en l'état de la nullité de cette clause qui crée un déséquilibre entre les parties et qui a incité SLIBAIL à en faire application afin de pouvoir réaliser une plus value importante, alors que seulement deux échéances étaient impayées.
Maître BONARDI soulève encore la nullité du contrat pour dol au motif que le consentement de la SCI les CÈDRES a été vicié :
* en laissant croire aux associés de la SCI, qui ne s'étaient pas portés cautions que leurs engagements personnels ne seraient pas recherchés en cas de difficulté de paiement des échéances
* [minute page 5] en ne permettant pas aux associés de mesurer l'étendue de leur engagement puisque le contrat ne mentionnait pas le montant du loyer mensuel, trimestriel ou annuel alors qu'il s'agissait d'un élément déterminant du contrat et qu'en réalité celui-ci s'avérait quatre fois supérieur à celui payé précédemment par la société AAS.
A cet égard elle entend rappeler le rôle prépondérant joué par le Crédit Lyonnais dans le montage de l'opération et le fait que le dol peut être retenu contre un tiers au contrat qui a été complice des agissements du cocontractant,
Elle réclame ainsi la condamnation solidaire de SLIBAIL IMMOBILIER et du Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 1.133.586,68 euros correspondant au montant du commandement de payer ainsi que 76.225 euros à titre de dommages et intérêts
Subsidiairement si le contrat ne devait pas être annulé elle estime que la responsabilité du Crédit Lyonnais et de SLIBAIL est engagée pour manquement à leur obligation de vigilance et d'information et réclame à leur encontre des sommes d'un montant identique.
Pour cela, elle rappelle que la pérennité de la SCI était liée à celle de AAS puisqu'en vertu de l'acte notarié, elle avait l'obligation de lui louer les locaux objet du crédit bail, que dès lors l'étude de la solvabilité de la SCI passait par celle de AAS dans la mesure où Messieurs X. et Y. n'avaient quant à eux aucun patrimoine propre.
Or elle souligne que la MBA (marge brute d'autofinancement) qui seule permet d'évaluer ce qu'une entité économique peut consacrer à son développement, était insuffisante pour assurer le remboursement des loyers qui représentaient un supplément de 400 KF par rapport au loyer antérieur et qu'ainsi AAS au vu de son compte d'exploitation générale était dès la signature du contrat dans l'impossibilité de faire face aux échéances.
Cette analyse économique établit selon elle la faute de Crédit Lyonnais qui a méconnu les règles élémentaires d'analyse des risques.
Elle ajoute que l'établissement financier n'est pas exonéré de son devoir de vigilance par le fait que son cocontractant soit un dirigeant d'entreprise
Elle conclut au rejet de la demande formée contre Messieurs X. et Y. et sollicite la réduction de la clause pénale.
Enfin, elle réclame la condamnation de SLIBAIL et du Crédit Lyonnais à lui payer 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC
[minute page 6]
En l'état de ses dernières écritures déposées le 7 février 2005 auxquelles il est renvoyé pour le détail de son argumentation, SLIBAIL soulève à titre liminaire l'irrecevabilité des demandes de la SCI au motif que Maître BONARDI n'a pas constitué avoué es qualité ainsi que l'irrecevabilité de l'appel à défaut de régularisation de la procédure par Maître BONARDI.
SLIBAIL observe par ailleurs que la SCI Les CÈDRES qui avait saisi le juge des référés pour obtenir des délais de paiement n'avait pas entendu soulever devant lui la nullité du contrat pour s'opposer au jeu de la clause résolutoire et qu'ainsi elle est réputée avoir renoncé au moyen de nullité.
Elle conclut de ce fait à l'irrecevabilité des demandes formulées par la SCI.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que la SCI n'a ni caractérisé, ni démontré les manœuvres dolosives qu'elle allègue. Elle rappelle que le projet a été établi sous la seule responsabilité du crédit preneur et que cela exclut tout dol par réticence sur la faisabilité. Elle ajoute que le premier juge a justement retenu le devoir du crédit preneur de se renseigner et les compétences particulières de Messieurs X. et Y. qui en tant que dirigeants de AAS possédaient toutes les informations comptables et financières de leur entreprise.
Elle indique que le manquement de son devoir de conseil invoqué par la SCI ne saurait entraîner la nullité du contrat et que cette obligation ne constitue qu'une obligation de moyen. A ce sujet elle rappelle que Messieurs X. et Y. ont présenté le projet de crédit bail immobilier comme indispensable au développement de l'entreprise et qu'ils sont particulièrement mal fondés à lui reprocher de ne pas avoir regardé d'un œil critique les comptes remis.
Elle ajoute que la preuve de la situation obérée de AAS n'est pas rapportée et que la banque n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client.
Elle expose encore que les difficultés rencontrées par AAS résulteraient essentiellement de détournements de fonds dont l'organisme financier n'est pas responsable. Elle observe par ailleurs que la SCI ne justifie pas avoir déclaré une quelconque créance au passif de la société AAS démontrant par là la confusion d'intérêts existant entre ces sociétés.
Elle expose enfin que la SCI ne peut pas soutenir sérieusement ne pas avoir perçu la portée de ses propres engagements alors que son intervention dans les opérations de la construction a été déterminante et fondamentale, que durant les six mois de négociations précontractuelles la SCI a reçu des informations précises et écrites sur l'opération envisagée, que la SCI a été assistée de son notaire pour [minute page 7] la signature du crédit bail après avoir participé à la signature de l'achat du terrain et qu'elle a sollicité un avenant le 27 novembre 1995 établissant sa parfaite connaissance de la portée de son engagement.
Elle estime en conséquence que sa responsabilité ne saurait être engagée.
Elle justifie avoir vainement tenté d'exécuter la SCI Les CÈDRES et dès lors elle soutient être fondée à agir contre les associés en vertu de l'article 1858 du code civil.
Elle rappelle que sa créance à hauteur de 1.133.586,68 euros a été inscrite au passif de la SCI.
Elle sollicite la confirmation du jugement qui a déclaré sa demande recevable contre la SCI et poursuit la réformation du jugement qui l'a déboutée de ses demandes contre Messieurs X. et Y. à l'encontre desquels elle réclame la condamnation de chacun d'entre eux à lui payer la somme de 521.650,50 euros à proportion de leurs parts sociales.
Elle demande enfin la condamnation de Maître BONARDI à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
En l'état de leurs dernières écritures déposées le 19 mai 2004 auxquelles il est renvoyé pour le détail de leur argumentation, Messieurs X. et Y. font valoir qu'ils sont recevables à agir en nullité de l'acte et que leur préjudice est établi par le montant de l'indemnité à payer et le fait qu'ils ne seront pas propriétaires de l'immeuble objet du crédit bail du fait de la résiliation.
Concernant la nullité du contrat, la responsabilité de la banque et de SLIBAIL et le montant de la clause pénale, ils reprennent des moyens identiques à ceux présentés par la SCI et formulent les mêmes demandes à l'encontre de SLIBAIL et du Crédit Lyonnais.
En l'état de ses dernières écritures déposées le 8 juin 2004 auxquelles il est renvoyé pour le détail de son argumentation, le Crédit Lyonnais soutient que Messieurs X. et Y. sont irrecevables à agir au nom de la SCI qui ne peut être représentée que par Maître BONARDI.
Subsidiairement il indique que la nullité du contrat ne peut lui être opposée à défaut d'avoir été partie à l'acte, puisque même si SLIBAIL est une filiale du Lyonnais, ils constituent des entités distinctes.
Elle fait valoir que la SCI a, au regard de son comportement procédural en référé, [minute page 8] renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat.
Il indique que le caractère excessif d'une clause pénale ne saurait entraîner la nullité du contrat puisqu'elle peut faire l'objet d'une réduction.
Il conteste toute manœuvre dolosive au motif que les associés d'une SCI ne pouvaient ignorer les règles de droit découlant de leur qualité et que l'appréciation par les dirigeants d'une entreprise de la faisabilité de leur projet ne peut à l'évidence être assimilée à des manœuvres du cocontractant.
Subsidiairement, sur le devoir de vigilance il rappelle que Messieurs X. et Y. étaient en leur qualité de dirigeants les mieux placés pour apprécier et déterminer les facultés de paiement des loyers de AAS et qu'ils se sont comportés en chefs d'entreprise normalement avertis.
Il reconnaît avoir étudié le projet de crédit bail et avoir conclu qu'il était viable au regard des documents comptables et des expériences professionnelles de ses dirigeants.
Il indique que les appelants ne peuvent lui reprocher la défaillance ultérieure de AAS en raison des agissements indélicats de l'un de ses préposés.
Il conclut ainsi à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants à lui payer 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les irrecevabilités :
Maître BONARDI es qualité de liquidatrice de la SCI les CÈDRES a conclu par des écritures déposées le 3 février 2005 sous la constitution de la SCP d'avoués BOISSONNET-ROUSSEAU
Les conclusions valant constitution, l'exception d'irrecevabilité des demandes formées par Maître BONARDI sera rejetée.
Il en sera de même par voie de conséquence de l'exception d'irrecevabilité de l'appel interjeté par la SCI les CÈDRES au seul motif tiré de l'absence de constitution de Maître BONARDI devenue seule représentante de cette SCI en l'état de la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet.
[minute page 9]
Sur la nullité du contrat de crédit bail :
La SCI entend demander la nullité du contrat de crédit bail en raison de la nullité de la clause résolutoire.
Le paiement par elle des loyers, antérieurement au jeu de la clause résolutoire, ne constitue pas l'exécution volontaire de la clause aujourd'hui arguée de nullité.
Dès lors, SLIBAIL ne peut invoquer par application de l'article 1338 du code civil une exécution volontaire par la débitrice de la clause litigieuse rendant irrecevable sa demande en nullité.
Il en est de même de sa simple demande de délai en référé qui ne vaut ni renonciation expresse à invoquer au fond une telle exception, ni confirmation, ni exécution volontaire.
Si la SCI les CÈDRES est donc recevable en sa demande, elle est cependant non fondée en ce qu'il est acquis que l'indemnité de résiliation qui peut être réclamée en raison du jeu de la clause résolutoire de plein droit, dont la licéité [N.B. : minute « licité »] n'est pas remise en cause, constitue une clause pénale soumise au pouvoir de modération du juge en vertu de l'article 1152 du code civil.
Par voie de conséquence, le caractère excessif ne saurait être déterminant du déséquilibre économique du contrat et donc de son caractère abusif qui, en outre, est insusceptible d'entraîner la nullité de l'intégralité du contrat.
La SCI les CÈDRES sera déboutée de sa demande de ce chef.
Messieurs X. et Y. qui ne sont pas cocontractants à l'acte à titre personnel ne sont pas recevables à soulever la nullité de la clause de résiliation. En toute hypothèse, au vu de ce qui précède ce moyen n'est pas fondé.
C'est vainement qu'ils soutiennent que leur consentement aurait été vicié par dol en ce qu'on leur aurait caché la possibilité d'être personnellement poursuivis en cas de défaillance de la SCI.
En effet, Messieurs X. et Y. n'ont certes pas entendu se porter cautions personnelles du paiement des loyers par la SCI auprès de SLIBAIL, mais en tant qu'associés de la SCI les CÈDRES ils ont signé le 19 avril 1994, dans le cadre de sa constitution, les statuts de cette société, qui, en leur article 13 intitulé [minute page 10] « responsabilité des associés », précise « les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ».
Ils connaissaient ainsi clairement leurs risques en qualité d'associés et à l'inverse, ils n'établissent aucune manœuvre des organismes financiers par lesquelles ces derniers auraient pu leur faire croire qu'ils ne seraient jamais recherchés sur leur patrimoine.
C'est également vainement que la SCI et ses associés soutiennent l'existence d'un dol au motif qu'ils n'auraient pas été en mesure d'apprécier l'étendue de leurs engagements en l'absence de mention au contrat du montant des loyers.
En effet, d'une part c'est de manière erronée que la SCI fait valoir que la société AAS s'est vue contrainte de payer un loyer quatre fois supérieur au précédent alors que l'opération, aujourd'hui litigieuse, avait pour but l'acquisition par la SCI (et non plus seulement la location de locaux par AAS, associée dans la SCI) du terrain, pour lequel elle avait entièrement mené les négociations, ainsi que des locaux qu'elle avait faits construire et dont le financement était assuré par le contrat de crédit bail ainsi que cela est rappelé au dit contrat en ses pages 5 et suivantes.
D'autre part, la SCI a assuré le paiement des loyers jusqu'à la procédure collective de AAS sans manifester un quelconque étonnement sur le montant. En outre, elle a sollicité, compte tenu d'une augmentation du coût des travaux, un avenant en novembre 1995 aux termes duquel le montant des loyers a été modifié selon un barème joint à l'acte. La SCI est en conséquence malvenue aujourd'hui à soulever son incompréhension.
En dernier lieu, le premier juge a justement relevé que :
* le dol ne se présume pas mais doit se prouver
* les parties ont été en pourparlers dès mars 1994 sur la base d'un contrat à hauteur de 4.200.000 francs
* ont été remises à la SCI [des] propositions financières mentionnant un barème sur les modalités de calcul du loyer et de la TVA
* si le contrat présente un mode de calcul complexe pour déterminer le montant du loyer, la SCI et ses associés ont bénéficié de six mois de délai pour se renseigner alors qu'ils connaissaient le montant de l'opération qui permettait à la SCI de devenir propriétaire
* [minute page 11] Messieurs X. et Y. associés de AAS étaient également les dirigeants de la SCI.
Il y sera ajouté qu'il résulte de l'acte lui même que la SCI et ses associés étaient assistés de leur notaire susceptible de fournir toutes explications utiles à ses clients.
Il s'en déduit qu'aucune manœuvre ou réticence dolosive en vue de cacher le montant du loyer qui a en outre été payé durant deux ans n'est mise en évidence.
La SCI et Messieurs X. et Y. seront déboutés de leurs demandes tendant à voir annuler le contrat.
Sur la responsabilité de SLIBAIL et du CREDIT LYONNAIS :
Le Crédit Lyonnais ne conteste pas son rôle dans les pourparlers en vue de la finalisation de l'opération pour lequel il a, d'ailleurs, réclamé sa rémunération par une facture relative à sa commission pour le montage du dossier.
Il est, en conséquence, tenu à un devoir d'information et de son conseil. Il en est de même de SLIBAIL avec qui le contrat a été signé.
La pérennité de la SCI était effectivement liée à celle de la société AAS qui par le paiement de son loyer permettait à la SCI de régler les redevances financières à SLIBAIL.
Les documents produits aux débats établissent que la faisabilité de l'opération a été appréciée au regard de la situation financière de la société AAS, de ses bilans et de son bilan prévisionnel pour l'exercice 1995.
Messieurs X. et Y. associés de la SCI qui a remis ces documents étaient également les dirigeants de la société AAS (troisième associé de la SCI) et donc parfaitement informés des possibilités financières de la société dont les activités devaient, au final, financer les opérations de crédit bail
Le premier juge a par ailleurs exactement :
* relevé la place prépondérante de la SCI dans la mise en place de l'opération projetée en ce qui concerne l'évaluation et la souscription de marchés de travaux pour 3,3 millions de francs, le dépôt du permis de construire et le transfert de risques sur la tête du preneur
* analysé les documents comptables pour retenir qu'aucun élément ne permettait de penser que AAS ne poursuivrait pas sa période de croissance et que son chiffre [minute page 12] d'affaire ne se développerait pas comme prévu au bilan provisionnel
* retenu qu'au regard des chiffres communiqués, le loyer du crédit bail n'était pas disproportionné par rapport aux possibilités de remboursement de son bénéficiaire.
Au vu de ce qui précède et dans la mesure où il n'est pas établi que la banque aurait eu connaissance d'éléments d'information sur les capacités de remboursement de la SCI ou de la société AAS, ou, sur les risques de l'opération projetée que Messieurs X. et Y. auraient ignorés et qui auraient dû la conduire à refuser de traiter, la responsabilité de SLIBAIL et du Crédit Lyonnais ne sera pas retenue en l'absence de manquement à leur devoir de conseil et de vigilance.
Sur les demandes de SLIBAIL contre les associés de la SCI :
Les créanciers ne peuvent, en application de l'article 1858 du code civil, poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.
La société SLIBAIL a fait délivrer à la SCI le 4 juin 1997 un commandement de payer visant la condamnation à titre provisionnel prononcée par le juge des référés le 4 octobre 1996 et signifiée le 24 novembre 1996. Ce commandement a été dénoncé à Messieurs X. et Y.
Par une ordonnance du 7 juin 2001, le conseiller de la mise en état a condamné la SCI les CÈDRES à payer à la société SLIBAIL la somme provisionnelle de 590.000 francs.
Le 18 juillet 2001, la société SLIBAIL a fait délivrer un nouveau commandement à la SCI pour en obtenir paiement.
Relevant la carence de la SCI dans l'exécution de ces décisions judiciaires exécutoires, SLIBAIL l'a faite assigner le 17 janvier 2002 en redressement judiciaire.
Par un jugement du 14 mai 2002, le Tribunal de Grande Instance de Marseille a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI.
Ce jugement dont il n'a pas été interjeté appel établit l'insolvabilité de la SCI.
Par ces diverses procédures, la société SLIBAIL justifie avoir vainement et préalablement poursuivi la SCI en paiement. Elle est fondée en application des dispositions de l'article 1858 du code civil à poursuivre ses associés en la personne [minute page 13] de Messieurs X. et Y.
Ces derniers ne pouvant être tenus qu'à proportion de leurs 52 parts chacun dans le capital social composé de 117.
Sur le montant de la demande :
SLIBAIL réclame le paiement de la somme de 1.133.586,68 euros décomposée comme suit :
* loyers et accessoires : 30 979,23 euros (203.151,42 francs)
* indemnité d'occupation et accessoires : 59.615,66 euros (391.053,12 francs)
* indemnité de résiliation : 1.043.000,79 euros (6.841.636,67 francs)
La SCI et Messieurs X. et Y. ne contestent pas le calcul de ces sommes mais sollicitent la modération de l'indemnité de résiliation constituant une clause pénale, rappelant que son montant est supérieur au coût total de l'opération et que SLIBAIL qui demeurait propriétaire des constructions a d'ailleurs revendu.
Selon le contrat, l'indemnité de résiliation est « égale au prix de vente défini au § 303-2 ci après, déterminé à la date d'effet de la résiliation, augmenté du montant des reversements de taxes visées au § 303-3, le tout majoré de deux années de loyers calculées sur la base du dernier appel de loyer périodique effectif formulé auprès du preneur avant la résiliation. Cette indemnité sera augmentée de la TVA exigible ».
La vente par la société SLIBAIL des locaux et du terrain suivant un acte du 12 mai 1997 pour un prix de 3.500.000 francs HT qui a été invoquée n'a pas fait l'objet de contestation.
Or est manifestement excessive l'indemnité qui ne déduit pas de son montant le prix de vente des biens immobiliers objet du contrat alors que ce prix vient manifestement en diminution du préjudice subi par le créancier.
Par voie de conséquence, l'indemnité de résiliation sera réduite à la somme de 399.513,47 euros (2.620.636,60 francs).
La SCI étant en procédure collective, aucune condamnation ne peut plus être prononcée à son encontre.
La créance sera fixée à la procédure collective de la SCI les CÈDRES à la somme de (594.204,54 + 2.620.636,60 = 3.214.841,10 francs) 490.099,37 euros.
[minute page 14] Messieurs X. et Y. seront condamnés chacun au paiement de 217.821,94 euros en principal outre intérêts.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
Les dépens seront laissés à la charge de la SCI et de Messieurs X. et Y. qui succombent.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en matière civile,
Déclare recevable l'appel interjeté par la SCI les CÈDRES
- Rejette les fins de non recevoir soulevées par la société SLIBAIL
- Réforme le jugement en ce qu'il a débouté la société SLIBAIL de ses demandes contre Messieurs X. et Y.
Le confirme pour le surplus mais l'émende sur le montant des condamnations et statuant à nouveau des chefs réformés
- Fixe la créance de la société SLIBAIL à la procédure collective de la SCI les CÈDRES à la somme de 490.099,37 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 331.518,46 francs du 11 avril 1996 au 14 mai 2002 et pour le surplus du 4 juin 1997 au 14 mai 2002.
Condamne Messieurs X. et Y. à payer chacun à la société SLIBAIL les 52/117èmes de cette condamnation
- Déboute la société SLIBAIL et le Crédit Lyonnais de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du NCPC
- Met les dépens à la charge de la SCI les CÈDRES et de Messieurs X. et Y. et en autorise le recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du NCPC.