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TGI MARSEILLE (10e ch.), 28 juin 2000

Nature : Décision
Titre : TGI MARSEILLE (10e ch.), 28 juin 2000
Pays : France
Juridiction : TGI Marseille. 10e ch.
Demande : 97/7775
Date : 28/06/2000
Nature de la décision : Irrecevabilité
Date de la demande : 24/06/1997
Décision antérieure : CA AIX-EN-PROVENCE (1re ch. C), 5 avril 2005
Numéro de la décision : 510
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 507

TGI MARSEILLE (10e ch.), 28 juin 2000 : RG n° 97/7775 ; jugement n° 510

(sur appel CA Aix-en-Provence (1e ch. C), 5 avril 2005 : RG n° 00/16836 ; arrêt n° 2005/233)

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE

DIXIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 28 JUIN 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 97/7775. Jugement n° 510.

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS :

Madame FAYAUBOST, Président, Madame GAUDIN, Juge, Madame TERNY, Juge

Melle A. TCHEUREKDJIAN, Greffier Divisionnaire

A L'AUDIENCE PUBLIQUE DU : 4 AVRIL 2000 à l'issue de laquelle une date de délibéré a été indiquée : 6 JUIN 2000

PRONONCÉ : A L'AUDIENCE PUBLIQUE DU 28 JUIN 2000 après prorogation par :

Madame FAYAUBOST Président

Assistée de Melle A. TCHEUREKDJIAN, Greffier Divisionnaire

NATURE DU JUGEMENT : Contradictoire et en premier ressort,

[minute page 2]

EN LA CAUSE DE :

La Société SLIBAIL IMMOBILIER

anciennement dénommée SOCIÉTÉ LYONNAISE IMMOBILIÈRE POUR LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE, Société Anonyme, au capital de 220.000.000,00 Francs, inscrite au RCS de PARIS sous le N° B XXX, dont le Siège Social est [adresse] agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, M. Claude VIVIEN – DEMANDEUR - Ayant Maître Mathieu BAFFERT pour Avocat postulant ET : Maître Christophe BOURDEL pour Avocat plaidant (PARIS)

 

CONTRE :

- La SCI LES CÈDRES

dont le Siège Social est [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit Siège

- Monsieur X.

demeurant [adresse]

- Monsieur Y.

demeurant [adresse]

DÉFENDEURS - Ayant Maître Jean-Louis BONAN pour Avocat postulant ET : Maître GOLDSTEIN pour Avocat plaidant (AIX EN PROVENCE) ;

- Le CRÉDIT LYONNAIS

en son Service VRC Richelieu [adresse] – DÉFENDEUR - Ayant Maître Alain PROVANSAL pour Avocat postulant ET : Maître MOLAS pour Avocat plaidant (PARIS)

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

 [minute page 3] FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par exploit d'huissier en date du 24 juin 1997, la SCI LES CÈDRES, Monsieur X. et Monsieur Y. ont formé opposition à commandement de payer avec assignation devant ce Tribunal à l'encontre de la Société SLIBAIL IMMOBILIER et le CRÉDIT LYONNAIS aux fins suivantes :

- À titre principal, dire et juger que le consentement des associés a été vicié lors de la signature du contrat de crédit-bail et que le contrat est donc nul et sans effet,

- À titre subsidiaire, dire et juger que le CRÉDIT LYONNAIS et sa filiale ont manqué à leurs devoirs professionnels par l'octroi de crédit avec légèreté dans des circonstances injustifiables ainsi qu'à leur devoir de conseil à l'égard de la SCI LES CÈDRES et de ses associés,

- condamner en conséquence le CRÉDIT LYONNAIS et sa filiale à payer aux demandeurs la somme de 7.435.841,21 Francs, à parfaire éventuellement, montant du commandement de payer délivré par eux,

- condamner en tout état de cause les défendeurs au paiement d'une somme de 500.000 francs de dommages et intérêts,

- condamner en tout état de cause les défendeurs au paiement d'une somme de 30.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner les défendeurs aux dépens, distraits au profit de Maître BONAN, Avocat.

Par exploit d'huissier du 26 juin 1997, la Société SLIBAIL IMMOBILIER a attrait devant ce Tribunal, la SCI LES CÈDRES, Monsieur X. et Monsieur Y. aux fins suivantes :

- condamner la SCI LES CÈDRES à payer à la Société SLIBAIL IMMOBILIER la somme de 7.435.841,21 Francs TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 1996, avec capitalisation des intérêts,

- condamner Messieurs X. et Y. au paiement des sommes dues par la SCI LES CÈDRES à proportion de leurs parts dans le capital social, à savoir :

* Monsieur X. : 3.421.803,03 Francs TTC outre intérêts au taux légal à compter du 4 juin 1997,

* [minute page 4] Monsieur Y. : 3.421.803,03 Francs TTC outre intérêts au taux légal à compter du 13 juin 1997,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,

- condamner solidairement les défendeurs au paiement d'une somme de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner solidairement les défendeurs aux dépens.

Les deux affaires ont été jointes par décision du Juge de la Mise en État du 13 novembre 1997.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2000 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoirie du 4 avril 2000.

 

Par acte authentique du 19 octobre 1994, la Société SLIBAIL SICOMI aujourd'hui SLIBAIL IMMOBILIER, a financé par voie de crédit-bail immobilier l'acquisition par la SCI LES CÈDRES d'un terrain situé Commune de GEMENOS, ainsi que la construction d'un bâtiment à usage d'atelier et de fabrication, pour un montant total de 4,2 millions de francs hors taxes.

Depuis le 1er janvier 1996, la SCI LES CÈDRES a cessé de procéder au règlement des loyers et accessoires afférents au contrat de crédit-bail immobilier.

Par acte d'huissier du 11 avril 1996, la Société SLIBAIL IMMOBILIER a fait délivrer à la SCI LES CÈDRES un commandement de payer le montant des loyers des 1er et 2ème trimestres 1996 pour la somme de 331.518,46 Francs TTC.

La SCI LES CÈDRES a alors saisi la juridiction des référés en sollicitant des délais de paiement.

Par ordonnance de référé du 4 octobre 1996, le Président de ce Tribunal a constaté la résiliation du contrat de crédit-bail immobilier à dater du 11 mai 1996 en application de la clause résolutoire insérée au contrat, a condamné à titre provisionnel, la SCI LES CÈDRES à payer à la Société SLIBAIL IMMOBILIER la somme de 495.990,32 Francs, a fixé l'indemnité d'occupation précaire mensuelle à 54.414,42 francs exigible à compter du 1er octobre 1996 et a condamné la SCI LES CÈDRES au paiement d'une somme de 5.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 5] Cette ordonnance n'a pas été frappée d'appel.

Devant la résistance opposée par la SCI LES CÈDRES, la Société SLIBAIL IMMOBILIER a de nouveau fait délivrer un commandement de payer à l'encontre de celle-ci le 4 juin 1997, objet de la présente opposition, pour la somme de 7.436.841,21 Francs.

Les demandeurs à l'opposition précisent que la SCI LES CÈDRES a été spécialement créée pour l'opération litigieuse, par Messieurs X. et Y. et la Société AAS, laquelle créée en 1991 et ayant parmi ses Associés Messieurs X. et Y., devait prendre à bail l'immeuble construit et devait permettre par le versement de loyers, le paiement des échéances du crédit-bail.

Ils arguent que le contrat de crédit-bail ainsi conclu serait nul en raison des manœuvres dolosives du CRÉDIT LYONNAIS, à l'origine du montage du contrat, qui d'une part aurait laissé croire aux associés de la SCI LES CÈDRES que l'engagement personnel des associés, Messieurs X. et Y., ne serait pas recherché en cas de difficultés de paiement des échéances du crédit-bail par la SCI LES CÈDRES et qui par ailleurs se serait abstenu de faire figurer clairement dans ledit contrat, le montant du loyer mensuel, trimestriel ou annuel qui allait être dû par la SCI LES CÈDRES, ne permettant pas à ceux-ci de mesurer exactement l'étendue de leur engagement.

À titre subsidiaire, les demandeurs à l'opposition font valoir que l'étude de l'ensemble des éléments qu'a nécessairement dû effectuer le CRÉDIT LYONNAIS, (marché peu porteur, marge réduite sur le chiffre d'affaire réalisé avec des associés, prévisions non tenues, peu d'antériorité), aurait dû conduire celui-ci à refuser l'opération de crédit-bail envisagée.

La Société SLIBAIL IMMOBILIER conclut à l'irrecevabilité de l'action de la SCI LES CÈDRES et de Messieurs X. et Y., ceux-ci ayant implicitement renoncé à toute action en nullité concernant le contrat de crédit-bail, et faute d'intérêt à agir et faute de préciser le fondement juridique de leur action en nullité.

Sur les demandes formulées à titre subsidiaire, la Société SLIBAIL IMMOBILIER conclut au débouté des demandes, faisant valoir qu'elle a rempli ses obligations de conseil et d'information, lesquelles doivent être appréciées en fonction des propres connaissances en la matière du cocontractant, ainsi que des informations que celui-ci était à même d'obtenir auprès d'autres personnes, et notamment auprès de son propre notaire ou de celui de la concluante durant les longs mois nécessaires à la mise en place de l'opération aujourd'hui contestée (6 mois).

[minute page 6] Le CRÉDIT LYONNAIS conclut à l'irrecevabilité de la demande dirigée à son encontre en nullité du contrat de crédit-bail, n'étant pas partie à ce contrat.

Sur la demande développée à titre subsidiaire, il conclut au débouté de cette demande en dommages et intérêts, faisant valoir que le CRÉDIT LYONNAIS a respecté son obligation de conseil et d'information et rappelant que l'étendue de ces obligations doit être appréciée en fonction de la personnalité du client, et trouve ses limites dans l'interdiction de la banque de s'immiscer dans les affaires de son client.

Il sollicite la condamnation de la SCI LES CÈDRES et de Messieurs X. et Y. à lui payer une somme de 25.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les conclusions récapitulatives de l'ensemble des parties en date des 12 janvier, 17 janvier et 20 janvier 2000,

Vu l'article 753 du Nouveau Code de Procédure Civile modifié par le décret N° 98.1231 du 28 décembre 1998 aux termes duquel les parties sont réputées avoir abandonné les prétentions et moyens non repris dans leurs dernières conclusions ;

 

1) Sur l'action en nullité du contrat de crédit-bail  immobilier :

Attendu que par acte notarié du 19 octobre 1994, un contrat de crédit-bail immobilier a été consenti par la Société SLIBAIL SICOMI à la SCI LES CÈDRES ;

Que s'il n'est pas contesté que la Société SLIBAIL SICOMI est une filiale du CRÉDIT LYONNAIS, il n'en demeure pas moins que celle-ci est une entité juridique distincte ;

Que le CRÉDIT LYONNAIS n'étant pas partie au contrat, l'action en nullité dudit contrat à l'encontre de la Société SLIBAIL SICOMI, aujourd'hui SLIBAIL IMMOBILIER, et du CRÉDIT LYONNAIS, est irrecevable à l'encontre du CRÉDIT LYONNAIS ;

Attendu que l'opposition à commandement de payer délivrée à la requête de la SCI LES CÈDRES et de Messieurs X. et Y. le 24 juin 1997 ne contient aucun fondement juridique à l'appui de l'action en nullité ainsi exercée ;

[minute page 7] Que les demandeurs à l'opposition arguent seulement d'un vice du consentement ;

Que toutefois, avant le décret du 28 décembre 1998 modifiant le Nouveau Code de Procédure Civile notamment en son article 56, les parties n'avaient pas obligation de préciser le fondement juridique de leur demande ;

Qu'il appartenait au juge du fond d'examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur étaient applicables ;

Que l'action est donc parfaitement recevable de ce chef ;

Qu'il convient encore de relever que par voie de conclusions postérieures, la SCI LES CÈDRES et Messieurs X. et Y. ont fondé la demande en nullité sur le dol commis par le CRÉDIT LYONNAIS (lequel a procédé au montage de l'opération du crédit-bail immobilier) qui a trompé son cocontractant, la SCI LES CÈDRES comme les associés de celle-ci, sur le montant de l'engagement de la SCI LES CÈDRES et sur l'étendue de l'engagement des associés de cette SCI en cas de défaillance de cette dernière ;

Que toutefois il n'est pas contesté que du jour de la première échéance de loyer exigible jusqu'au 1er janvier 1996, la SCI LES CÈDRES a spontanément réglé les loyers prévus au contrat ;

Que l'exécution volontaire et sans réserve de l'obligation par le débiteur vaut confirmation tacite ;

Que dès lors la SCI LES CÈDRES a renoncé à agir en nullité contre ledit contrat ;

Que l'action exercée de ce chef aujourd'hui par la SCI LES CÈDRES est irrecevable sur le fondement de l'article 1338 du Code Civil ;

Qu'en revanche aucun motif de renonciation à agir en nullité dudit contrat ne peut être valablement opposé aux associés de la SCI LES CÈDRES, parties au contrat ;

Attendu qu'il est exact que le montant précis du loyer trimestriel dû par la SCI LES CÈDRES ne ressort d'aucune clause du contrat ;

Que celles-ci ne font que rappeler le coût total de l'opération consentie (4.200.000 Francs) et les modalités, nombreuses et alambiquées, pour déterminer le montant des loyers ;

[minute page 8] Que cependant celui qui invoque le dol doit le prouver; qu'il doit notamment démontrer l'intention de tromper ;

Qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que dès le mois de mars 1994, les parties étaient en pourparlers sur la base d'un contrat de crédit-bail immobilier à hauteur de 4.200.000 francs (cf. courrier du CRÉDIT LYONNAIS du 21 avril 1994) ;

Que dès le mois d'avril 1994, ont été remises à la SCI LES CÈDRES des propositions financières, ainsi qu'une notice de présentation des principales caractéristiques d'une opération de crédit-bail immobilier, avec un barème de crédit-bail immobilier proposé par la Société SLIBAIL-SICOMI ;

Que la Société SCI LES CÈDRES pas plus que ses associés ne contestent que ces documents ont bien été remis ;

Que figurent expressément sur le barème remis les modalités de calcul de la TVA des préloyers et des loyers ;

Que le contrat établi selon les mêmes modalités, certes peu compréhensible au profane, n'a été conclu que le 19 octobre suivant ;

Qu'à supposer que les termes du calcul des loyers n'aient pas été compris de la SCI LES CÈDRES ou des associés de celle-ci, ceux-ci ont bénéficié de six mois, soit pour solliciter de la Société SLIBAIL SICOMI, ou d'un tiers toutes informations supplémentaires, les créanciers de l'obligation d'information étant eux-mêmes tenus de se renseigner ;

Que le devoir de se renseigner est d'autant plus grand que l'opération envisagée entre les parties revêt un caractère professionnel et est conclue entre deux professionnels, même si l'un est novice en matière financière ;

Que Messieurs X. et Y., respectivement associés de la Société « Aluminium Acier Systèmes » (AAS), elle-même associée dans la SCI LES CÈDRES, et Président Directeur Général de la SCI LES CÈDRES pour le premier et Directeur Général pour le second, ne peuvent donc sciemment prétendre que leur consentement a été surpris par la présentation qui a été faite du contrat par la Société SLIBAIL SICOMI ;

Que de même, on ne saurait retenir l'existence d'aucune manœuvre dolosive dans la circonstance que, en renonçant à solliciter des cautions personnelles des associés de la SCI LES CÈDRES, le CRÉDIT IMMOBILIER aurait ainsi laissé croire aux associés de celle-ci qu'il ne rechercherait pas le paiement des sommes dues éventuellement par la SCI LES CÈDRES auprès des associés de celle-ci alors que, d'une part le dol ne se présume pas et que d'autre part on ne saurait déduire de ce [minute page 9] que le créancier a renoncé à prendre une garantie supplémentaire qu'il a également renoncé à faire valoir les droits qu'il tire de la loi et en l'espèce de l'article 1857 du Code Civil, qui dispose que, à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social ;

Que Messieurs X. et Y. doivent donc être déboutés de leur action en nullité ;

 

2) Sur l'action en responsabilité :

Attendu que la SCI LES CÈDRES et Messieurs X. et Y. soutiennent que le CRÉDIT LYONNAIS et sa filiale la Société SLIBAIL SICOMI ont manqué à leur devoir de conseil et ont octroyé avec une légèreté fautive le crédit sollicité ;

Attendu que le CRÉDIT LYONNAIS ne conteste pas son rôle actif dans les pourparlers ayant conduit à la conclusion du contrat entre sa filiale et les demandeurs à l'action en responsabilité ;

Que contrairement aux dires du CRÉDIT LYONNAIS, le devoir de conseil de la Banque envers un client, serait-il chef d'entreprise, subsiste dès lors que celui-ci n'est pas un spécialiste en matière financière ;

Que cette obligation du banquier est seulement limitée quand l'emprunteur le sollicite pour une opération à titre professionnel, par l'interdiction qui est faite à la banque de s'immiscer dans les affaires de son client ;

Qu'en l'espèce, le CRÉDIT LYONNAIS a été sollicité par Messieurs X., Président Directeur général de la SCI LES CÈDRES et Y. Directeur Général de cette SCI, tous deux étant par ailleurs dirigeants du troisième associé de la SCI LES CÈDRES, la Société AAS ;

Qu'il n'est pas contesté que l'opération de crédit-bail immobilier a été accordée après étude par la banque de la seule situation de la Société AAS, laquelle devait prendre à bail l'immeuble construit et devait permettre par le versement de ses loyers, le paiement des échéances du crédit-bail par la SCI LES CÈDRES ;

Que le chef d'entreprise, qui plus est, dirigeant d'une société sur laquelle va reposer la garantie de réussite de l'opération financière projetée, est présumé averti de la situation de son entreprise ;

[minute page 10] Que ne pèse sur la banque un devoir de mise en garde à l'égard d'un tel client que si la banque avait connaissance d'éléments qui auraient dû la conduire à considérer que ce dernier n'était pas aussi averti que ses fonctions le laissaient présumer ;

Qu'en l'espèce, il ressort des pièces produites que Messieurs X. et Y. en leur qualité d'associés de la SCI LES CÈDRES ont élaboré et fait réaliser le projet immobilier ;

Qu'ils ont choisi le terrain, négocié son prix d'achat, défini les caractéristiques de la construction en fonction des besoins de la Société AAS, négocié et évalué les travaux en qualité de maître d'ouvrage délégué, souscrit les marchés de travaux, déposé le permis de construire, suivi et réceptionné les travaux (cf. acte notarié du 19 octobre 1994 p. 5-12) ;

Que compte tenu de la part prépondérante de la SCI LES CÈDRES dans la mise en place de l'opération projetée, les parties ont convenu un transfert des risques sur la tête du preneur des obligations et risques qui normalement incombent au constructeur et du propriétaire de l'immeuble (p. 12) ;

Que Messieurs X. et Y., bien loin de s'être révélés comme des interlocuteurs peu avisés, se sont comportés comme de véritables chefs d'entreprise, rompus à la vie des affaires ;

Qu'ils ne sauraient donc aujourd'hui prétendre, par l'extrême vigilance qu'ils ont montrée pour négocier les prix, prévoir les travaux nécessaires, et discuter les devis, qu'ils ne pouvaient apprécier la répercussion finale de l'ensemble des dépenses engagées sur le coût total de l'opération de crédit-bail immobilier ;

Que par ailleurs, le caractère fautif d'un concours bancaire doit s'apprécier au jour de la convention ;

Qu'il convient de relever que Messieurs X. et Y., détenteurs de 51 % des parts de la Société AAS, bénéficiaient d'une expérience professionnelle de nombreuses années dans le secteur d'activité de la Société AAS, laquelle nouvellement créée en 1991, avait pour fondateur des anciens salariés d'une Société dénommée ABCD ayant le même objet social (fabrication de cloisons) ;

Que cette jeune entreprise s'était vu décerner en 1992 le prix national du concours « Casino Chances » récompensant sa capacité d'innovation ;

Que d'après les propres documents financiers et comptables de l'Entreprise AAS, l'activité de celle-ci avait progressé de 58 % en 1993 ;

[minute page 11] Que pour l'année 1994, en un an, le chiffre d'affaires de cette Société était de 2.800.000 francs, auquel devaient s'ajouter des marchés auprès d'administrations pour la somme totale supplémentaire de 6.700.000 Francs ;

Qu'un chiffre d'affaire provisionnel de 14 à 15 Millions de Francs en 1994 apparaissait réaliste ;

Qu'à l'appui de sa demande, la SCI LES CÈDRES a en outre produit auprès de la banque, un bilan prévisionnel pour 1995, laissant apparaître dans l'hypothèse haute d'un chiffre d'affaires net de 20 Millions de Francs, un excédent brut d'exploitation de 1.345.664 Francs, donnée devant être prise en compte pour mesurer la capacité d'autofinancement de l'entreprise (cf. Comptabilité Générale de l'Entreprise - Coll. expertise comptable par J.F. CAPIMIM, B. CASPAR et M. CORIAN édition LITEC) et dans l'hypothèse basse d'un chiffre d'affaires net de 15 Millions de Francs, soit un chiffre stable par rapport à 1994, un excédent brut d'exploitation de 695.664 francs ;

Qu'à l'époque des pourparlers (printemps 1994) comme à celle de la conclusion du contrat (automne 1994), aucun élément porté à la connaissance de la banque n'aurait dû conduire celle-ci à refuser son concours alors que rien ne permettait de penser que la Société AAS ne continuerait pas à connaître une période de croissance et qu'il n'apparaissait donc pas invraisemblable que son chiffre d'affaires net puisse se développer conformément au bilan provisionnel établi d'autant que la Société AAS réalisait à l'époque 40 % de son chiffre d'affaires avec ses propres associés, et qu'une partie importante de son activité était tournée auprès d'administrations publiques ;

Qu'au regard de chiffres ainsi communiqués, les loyers nés du contrat de crédit-bail immobilier initialement conclu de 478.000 francs (et non de 512.000 Francs) n'apparaissaient pas disproportionnés par rapport aux possibilités de remboursement du bénéficiaire ;

Qu'aucune faute ne saurait donc être retenue à l'encontre de l'organisme bancaire ;

Que la SCI LES CÈDRES et Messieurs X. et Y. doivent donc être déboutés de l'intégralité de leurs demandes ;

 

3) Sur la demande en paiement à l'encontre de la SCI LES CÈDRES et de Messieurs X. et Y. :

Attendu que la Société SLIBAIL IMMOBILIER sollicite la condamnation de la SCI LES CÈDRES d'un part en paiement de la somme de 7.435.841,21 Francs montant de sa créance, et de Messieurs X. et Y. au montant des sommes dues par la SCI LES CÈDRES à proportion de leurs parts dans le capital social, à savoir 3.421.803,03 Francs chacun T.T.C. ;

[minute page 12] Que par ordonnance de référé du 04 octobre 1996, non frappée d'appel, le Président du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a constaté la résiliation du contrat de crédit-bail immobilier à dater du 11 mai 1996 en application de la clause résolutoire insérée au contrat, condamné à titre provisionnel la SCI LES CÈDRES à payer à la Société SLIBAIL IMMOBILIER la somme de 495.990,32 francs et fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation précaire mensuelle à 54.414,42 Francs exigible à compter du 1er octobre 1996 ;

Attendu que la SCI LES CÈDRES n'élève aucune contestation sur le montant des sommes aujourd'hui réclamé par la Société SLIBAIL IMMOBILIER ;

Qu'un commandement de payer a été délivré à la SCI LES CÈDRES le 11 avril 1996, pour la somme de 331.518,46 Francs ;

Qu'un deuxième commandement de payer a été délivré à l'encontre de celle-ci le 4 juin 1997 pour un montant total de 7.435.841,21 Francs ;

Que ces actes sont demeurés sans effet ;

Qu'il convient en conséquence de condamner la SCI LES CÈDRES à payer à la Société SLIBAIL IMMOBILIER, la somme de 7.435.841,21 Francs, avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 1996 sur la somme de 331.518,46 Francs et à compter du 4 juin 1997 pour le surplus ;

Attendu par ailleurs qu'aux termes de l'article 1858 du Code Civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ;

Qu'il est de jurisprudence constante que l'envoi d'un simple commandement de payer, seul acte dont il est justifié par la Société SLIBAIL IMMOBILIER, qui ne constitue pas une mesure d'exécution, n'est pas suffisant ;

Qu'il convient en conséquence de déclarer irrecevable la Société SLIBAIL IMMOBILIER dans son action en paiement dirigée contre Messieurs X. et Y., ceux-ci pris en leur qualité d'associés de la SCI LES CÈDRES ;

Qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision ;

Que la SCI LES CÈDRES, Messieurs X. et Y. doivent être cependant condamnés à payer à la Société SLIBAIL IMMOBILIER d'une part et au CRÉDIT LYONNAIS d'autre part, une somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

[minute page 13] Que la SCI LES CÈDRES et Messieurs X. et Y. qui succombent supporteront les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare l'action en nullité du contrat de crédit-bail immobilier irrecevable à l'encontre du CRÉDIT LYONNAIS,

Déclare recevable l'action en nullité dudit contrat à l'encontre de la Société SLIBAIL SICOMI aujourd'hui dénommée SLIBAIL IMMOBILIER, par Messieurs X. et Y. et irrecevable en ce qu'elle est exercée par la SCI LES CÈDRES,

Déboute Messieurs X. et Y. de leur action en nullité du contrat de crédit-bail immobilier en litige,

Dit qu'aucune faute n'est établie à l'encontre du CRÉDIT LYONNAIS et de sa filiale, la Société SLIBAIL IMMOBILIER,

Déboute la SCI LES CÈDRES et Messieurs X. et Y. de leur action en responsabilité de ce chef,

Déclare l'action en paiement de la Société SLIBAIL IMMOBILIER irrecevable en ce qu'elle est exercée à l'encontre de Messieurs X. et Y. en leur qualité d'associés de la SCI LES CÈDRES,

Déclare cette action recevable et fondée à l'encontre de la SCI LES CÈDRES,

Condamne en conséquence la SCI LES CÈDRES à payer à la Société SLIBAIL IMMOBILIER la somme de 7.435.841,21 Francs selon décompte joint dans l'acte introductif d'instance, avec intérêts au taux légal sur la somme de 331.518,46 Francs à compter du 11 avril 1996 et pour le surplus, à compter du 4 juin 1997,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,

Condamne la SCI LES CÈDRES, Messieurs X. et Y. à payer à la Société SLIBAIL IMMOBILIER et au CRÉDIT LYONNAIS une somme de 8.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la SCI LES CÈDRES, et Messieurs X. et Y. aux dépens.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE DE LA DIXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE LE 28 JUIN 2000

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,