CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AO1), 20 novembre 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 7334
CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AO1), 20 novembre 2007 : RG n° 06/6623
Publication : Legifrance
Extrait : « Le contrat liant les parties dispose que : « l’architecte n’assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règles en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du code civil, que dans la mesure de ses fautes personnelles. Il ne pourra être tenu responsable, ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par d’autres intervenants à l’opération objet du présent contrat. »
Cette clause, cependant, ne peut s’opposer à la condamnation de l’architecte à la réparation de la totalité du préjudice, dès lors qu’il vient d’être jugé responsable de l’entier dommage subi par la victime, la distinction opérée entre les obligations solidaires et les obligations in solidum, qui sont certes de nature et de régime différents, étant à cet égard inopérante. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION AO1
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/6623. Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 SEPTEMBRE 2006 : TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER : RG n° 06/2081.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité française [adresse], représenté par Maître Michel ROUQUETTE, avoué à la Cour, assisté de la SCP SCHEUER-VERNHET, avocats au barreau de MONTPELLIER
Madame Z. épouse X.
née le [date] à [ville], de nationalité française [adresse], représentée par Maître Michel ROUQUETTE, avoué à la Cour, assisté de la SCP SCHEUER-VERNHET, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
Société d’architectes SELARL Y.
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité au siège social, [adresse], représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour, assistée de la SCP DELMAS-RIGAUD-LEVY-BALZARINI, avocats au barreau de MONTPELLIER
SA COVEA RISKS
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité au siège social ; ordonnance de désistement partiel en date du 11 janvier 2007 ; [adresse]
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 10 OCTOBRE 2007
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 OCTOBRE 2007, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nicole FOSSORIER, Président et Mme Sylvie CASTANIÉ, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Nicole FOSSORIER, Président, Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller, Monsieur Claude ANDRIEUX, Conseiller
Greffier, lors des débats : Melle Colette ROBIN
ARRÊT : - contradictoire, - prononcé publiquement par Madame Nicole FOSSORIER, Président, - signé par Madame Nicole FOSSORIER, Président, et par Mademoiselle Marie-Françoise COMTE, Greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS - PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES :
Les époux X. passent, pour la construction de leur maison, un contrat de maîtrise d’œuvre avec la SELARL Y. et confient à José C., entrepreneur en maçonnerie, aujourd’hui en liquidation judiciaire, selon marché du 8 juin 2004, l’exécution des travaux de gros œuvre. Les époux X. se plaignant de désordres, de malfaçons, de retards dans les travaux et d’un abandon de chantier, obtiennent en référé la désignation d’un expert qui dépose son rapport le 8 novembre 2005.
Par jugement du 28 septembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER :
- déclare recevable l’intervention volontaire de la Société COVEA RISKS, assureur de la responsabilité civile professionnelle de l’entreprise C.,
- prononce la mise hors de cause de la compagnie M.M.A. qui n’a plus la qualité d’assureur de l’entreprise C.,
- condamne la Société COVEA RISKS à payer en deniers ou quittance aux époux X. la somme de 5.014 € correspondant à la reprise de dégradations résultant exclusivement de l’action fautive de l’entreprise C., sauf à déduire la provision d’un montant de 4.640 € déjà allouée par l’ordonnance de référé du 26 janvier 2006,
- déboute les époux X. du surplus de leurs demandes formées contre la Société COVEA RISKS,
- condamne, après avoir validé la clause exclusive de solidarité ou in solidum, la SELARL d’architectes à payer aux époux X. la somme de 9 638, 10 € en réparation de leurs préjudices, soit 15 % du préjudice global fixé après apurement des comptes entre parties, c’est-à-dire : 37.811 € x 15/100 et 15 % des préjudices immatériels, soit 26.443 € x 15/100,
- condamne les époux X. à payer à la société d’architectes la somme de 13.716,50 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2005,
- ordonne la compensation de ces créances réciproques,
- condamne les époux X. et la société d’architectes aux dépens, en ce compris les frais d’expertise.
Les époux X. relèvent appel de ce jugement selon déclaration au greffe enregistrée le 18 octobre 2006, puis ils se désistent de leur appel uniquement à l’encontre de la Société COVEA RISKS.
Le Conseiller de la mise en état constate en conséquence par ordonnance du 11 janvier 2007 l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la Cour à l’égard de l’assureur et la poursuite de l’appel contre l’architecte.
Dans leurs dernières écritures déposées le 16 février 2007, les époux X. demandent qu’il soit jugé que l’architecte a commis une faute au stade de la direction des travaux et qu’il a failli à l’obligation d’information et de conseil lui incombant de sorte qu’ils ont traité avec un entrepreneur insolvable, insuffisamment assuré et incompétent. Il doit donc réparer leur entier préjudice sans partage de responsabilité.
Ils concluent en conséquence au paiement par l’architecte des sommes de 37.881 €, 26.443 €, 10.000 € et 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. La clause exclusive de garantie solidaire ou in solidum est nulle et de nul effet pour au moins trois raisons :
Elle heurte les dispositions de la loi du 3 janvier 1977, obligeant tout architecte à garantir sa responsabilité avant réception. Ils se prévalent à cet égard d’un arrêt de la Cour de Cassation du 25 novembre 1987.
Elle est nulle également au regard de l’article L. 132-1 du code de la consommation, dès lors qu’elle a pour effet de créer dans un contrat conclu entre un professionnel et un non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations du contrat, au détriment du non-professionnel.
Elle fait obstacle enfin au jeu de l’article 1215 du code civil, pourtant applicable en l’espèce. Le créancier a en effet renoncé à l’action solidaire en vertu du contrat mais postérieurement, l’autre débiteur est devenu insolvable par l’effet d’un dépôt de bilan.
Dans ses dernières écritures déposées le 22 août 2007, la SELARL Y. conclut à la réformation du jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité et à sa confirmation en ce qu’il a dit que la clause d’exclusion de garantie solidaire et in solidum était valable. Les époux X. doivent en conséquence être déboutés de l’intégralité de leurs demandes et condamnés à lui payer la somme de 14.696, 50 € au titre d’un solde d’honoraires plus les intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2005 et celle de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
C’est à tort que le premier Juge a considéré que l’architecte n’avait pas dirigé correctement le chantier et qu’il avait manqué à son devoir de conseil. Il a, au contraire, parfaitement suivi le déroulement des travaux et il a pris les mesures qui s’imposaient au niveau des lots affectés, selon l’expert, de désordres et malfaçons. Il n’a pas davantage manqué à son obligation de conseil, tant au niveau du choix de l’entreprise que de la vérification de ses conditions d’assurance.
Le premier Juge a, en revanche, justement validé la clause contractuelle d’exclusion de garantie solidaire. L’architecte est certes soumis à une obligation d’assurance mais cette obligation ne modifie pas les conditions de mise en œuvre de sa responsabilité. Si l’article 1792-5 du code civil interdit toute exclusion de responsabilité ou de garantie, en matière décennale, rien n’empêche une telle exclusion, lorsque le litige relève, comme c’est le cas en l’espèce, de la responsabilité contractuelle de droit commun. Il est donc possible, pour faire échec à l’application de l’article 1215 du code civil qui n’est pas d’ordre public, d’exclure contractuellement les obligations solidaires et in solidum. Les jurisprudences invoquées par les époux X. ayant exclu la solidarité concernent des contrats comportant seulement une clause d’exclusion de solidarité alors que le contrat litigieux exclut les deux types de responsabilité (solidaire et in solidum).
L’ordonnance de clôture est en date du 10 octobre 2007.
Le courrier de la SCP SCHEUER en date du 24 octobre 2007 et la pièce annexée ainsi que la lettre de réponse de la SCP RIGAUD du 26 octobre 2007 doivent d’office être déclarés irrecevables.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
Le dommage s’étant produit avant la réception des travaux, l’architecte est recherché au titre de sa responsabilité contractuelle de droit commun, sur le fondement de l’article 1147 du code civil. Les époux X. doivent donc démontrer l’existence d’une faute à son encontre.
L’expert judiciaire indique dans son rapport qu’il y a lieu de reprendre les murs périphériques enterrés, la chape de rattrapage, les sols intérieurs, la structure métal de la terrasse cuisine et les niveaux de l’escalier intérieur et de l’escalier extérieur.
Le premier Juge a justement observé que ces défauts étaient suffisamment généralisés pour être aisément remarqués en cours de chantier et qu’il incombait donc à l’architecte, investi d’une mission complète, de s’attacher dans le cadre de la direction des travaux à la reprise de ces désordres. Relevant que les comptes rendus des réunions de chantier, pourtant circonstanciés, n’en faisaient pas état, il en a conclu à bon droit que l’architecte avait sur ce point manqué à ses devoirs.
C’est également par des moyens que la Cour adopte que le premier Juge a considéré que si l’architecte s’était livré à des recherches élémentaires sur l’historique de l’entreprise C. placée en redressement judiciaire le 3 décembre 2004 et donc quelques mois à peine après la signature du contrat, il aurait recueilli des éléments objectifs, de nature à le faire douter de la capacité financière de celle-ci à mener à terme le chantier. Le premier Juge doit donc être approuvé en ce qu’il a estimé que l’architecte avait manqué à son obligation de conseil et d’information.
C’est encore par des moyens pertinents, adoptés par la Cour, que le premier Juge a estimé qu’il ne pouvait être reproché à l’architecte, d’une part, de ne pas avoir informé les époux X. des insuffisances de l’entreprise C., alors que rien ne permettait de penser, avant le début du chantier, qu’elle était notoirement incompétente et, d’autre part, de s’être satisfait d’une assurance garantissant la responsabilité civile professionnelle de droit commun, sans couvrir cependant les dommages aux ouvrages, causés par l’assuré avant réception, le fait qu’il ait vérifié l’existence des assurances obligatoires et de certaines assurances facultatives étant amplement suffisant.
Les fautes ainsi commises par l’architecte ont contribué à la réalisation de l’entier dommage et l’obligent en conséquence à réparer la totalité du préjudice subi par les époux X.
Le contrat liant les parties dispose que : « l’architecte n’assumera les responsabilités professionnelles définies par les lois et règles en vigueur et particulièrement celles édictées par les articles 1792 et 2270 du code civil, que dans la mesure de ses fautes personnelles. Il ne pourra être tenu responsable, ni solidairement ni in solidum, des fautes commises par d’autres intervenants à l’opération objet du présent contrat. »
Cette clause, cependant, ne peut s’opposer à la condamnation de l’architecte à la réparation de la totalité du préjudice, dès lors qu’il vient d’être jugé responsable de l’entier dommage subi par la victime, la distinction opérée entre les obligations solidaires et les obligations in solidum, qui sont certes de nature et de régime différents, étant à cet égard inopérante.
L’expert dont les calculs ne sont contestés par aucune des parties, a dégagé un solde en faveur des époux X. d’un montant de 37 811 €, correspondant à la différence entre les travaux d’achèvement et de reprise imputables à l’entreprise, d’un montant global de 62.518 € et le solde théorique restant dû à celle-ci d’un montant de 24.707 €.
Les autres postes de préjudice, relatifs aux pénalités contractuelles, aux frais de déménagement, de réaménagement et de garde-meubles et enfin à la perte de la valeur locative de la maison pendant six mois, examinés par l’expert, ne sont pas davantage discutés par les parties.
Ils s’élèvent à la somme globale de 26.443 € (8.650 € + 3.993 € + 13.800 €).
La demande des époux X., qui concluent au paiement de la somme complémentaire de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble de jouissance, du préjudice moral et des multiples déplacements créés par leur hébergement provisoire à [ville S.] alors que leurs trois enfants étaient scolarisés à [ville M.], se confond avec la somme de 13.800 € qui leur a été allouée au titre de la perte de la valeur locative pendant six mois. Elle doit donc être rejetée.
La SELARL Y. doit en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, être condamnée à payer aux époux X. les sommes de 37.881 € et de 26.443 €.
Le premier Juge dont la décision sera confirmée de ce chef, a justement condamné les époux X. à payer à la société d’architectes, après déduction de la somme de 980 € correspondant à la phase « assistance à la réception des travaux » qui n’a jamais eu lieu, la somme de 13.716,50 € au titre d’un solde d’honoraires, outre les intérêts légaux à compter du 3 novembre 2005, ladite somme venant en compensation de leur propre créance.
La SELARL d’architectes qui succombe dans l’essentiel de ses prétentions, doit être déboutée de sa demande en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile et condamnée par considération d’équité, sur le fondement de ce texte, à payer aux époux X. la somme de 1.500 €.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
DÉCLARE d’office IRRECEVABLES les courriers et la pièce transmis après l’ordonnance de clôture.
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a dit que l’architecte avait commis des fautes engageant sa responsabilité et en ce qu’il a condamné les époux X. à payer à la SELARL Y. la somme de 13.716,50 € (treize mille sept cent seize euros cinquante centimes) outre les intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2005.
INFIRME le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau :
CONDAMNE la SELARL Y. à payer aux époux X. les sommes de :
- 37.881 € (trente-sept mille huit cent quatre-vingt-un euros),
et 26.443 € (vingt-six mille quatre cent quarante-trois euros)
à titre de dommages et intérêts.
ORDONNE la compensation de ces créances réciproques.
DÉBOUTE les époux X. de leur demande en paiement de la somme de 10.000 € (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts complémentaires.
DÉBOUTE la SELARL Y. de sa demande en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE la SELARL Y. à payer aux époux X. la somme de 1.500 € (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
CONDAMNE la SELARL Y. aux dépens d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de Maître ROUQUETTE, avoué, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
- 6117 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit antérieur au décret du 18 mars 2009 – Arguments propres aux clauses limitatives
- 6302 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Construction - Architecte et maître d’œuvre