CA RENNES (1re ch. B), 17 septembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 7337
CA RENNES (1re ch. B), 17 septembre 2009 : RG n° 08/06327
Publication : Jurica
Extrait : « Que, pour l'application des dispositions de l’article 42 du code de procédure civile, le lieu où demeure le défendeur à prendre en considération pour déterminer la compétence territoriale, est celui où il demeurait au jour de la délivrance de l'acte introductif d'instance et non celui du lieu où il demeure au jour où le juge se prononce ;
Que la société Cetelem, dont le siège social est fixé [...], n'avait aucun établissement secondaire dans le ressort du tribunal d'instance de Rennes le 5 mars 2008, celui dont elle dispose maintenant [...] ayant été immatriculé au registre du commerce et des sociétés le 17 avril 2008 ;
Qu'ainsi que l'admettent les parties, la délivrance d'une somme d'argent en exécution d'un contrat de prêt ne peut en elle-même être tenue pour une prestation de service au sens de l’article 46 du code de procédure civile ; Que la livraison effective de la chose au sens de l'article 46 susvisé suppose le déplacement matériel de la chose objet du contrat ; qu'un tel déplacement n'existe pas dans l'hypothèse de fonds ayant fait l'objet de virements au moyen de simples jeux d'écritures comptables ; qu'en raison de cette dématérialisation des fonds prêtés, la délivrance par virement d'une somme d'argent en exécution d'un contrat de prêt ne constitue pas la livraison effective d'une chose ;
Que l’article 46 du code de procédure civile ne pouvant recevoir application, le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal d'instance de Rennes, ce tribunal étant incompétent au profit du tribunal d'instance de Paris 16ème ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/06327.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Françoise SIMONNOT, Président, Mme Elisabeth SERRIN, Vice-Président placé auprès du Premier Président, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller.
GREFFIER : Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé.
DÉBATS : A l'audience publique du 25 juin 2009 devant Madame Françoise SIMONNOT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, entendue en son rapport et qui a rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 17 septembre 2009 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
APPELANTE :
Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE SA, venant aux droits de la Société CETELEM
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT & LE COULS-BOUVET, avoués, assistée de Maître GAUTIER, avocat
INTIMÉS :
Monsieur X.
représenté par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués, assisté du cabinet SEVESTRE SIZARET, avocats (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2008/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
Madame Y.
représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués, assistée du cabinet SEVESTRE SIZARET, avocats (A déposé une demande d'aide juridictionnelle numéro BAJ 2009/YY le [date] près le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Saisi par monsieur X. et madame Y. d'une demande tendant à voir déclarer abusives et illicites deux clauses insérées à l'offre préalable de prêt qu'ils ont souscrit le 28 mars 2003 auprès de la société Cetelem, le tribunal d'instance de Rennes, par jugement contradictoire du 4 août 2008, s'est déclaré compétent et a :
- déclaré recevable l'action de monsieur X. et de madame Y.,
- déclaré abusives et illicites :
* la clause du paragraphe II-6 disposant que l'emprunteur devra informer le prêteur de sa décision de procéder à un remboursement anticipé par lettre recommandée deux mois avant une échéance mensuelle et régler au prêteur le montant du remboursement à la date d'échéance concernée,
* la clause du paragraphe II-7 qui prévoit que le prêteur pourra résilier le contrat après envoi à l'emprunteur d'une mise en demeure par lettre recommandée en cas d'inexactitude des renseignements confidentiels fournis par l'emprunteur,
- déclaré en conséquence la société Cetelem déchue des intérêts,
- condamné la société Cetelem à restituer à monsieur X. et à madame Y. les sommes perçues au titre des intérêts du prêt, soit 2.41,11 euros, avec intérêts au taux légal sur les sommes versées à compter de la date de leur versement,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Cetelem aux dépens et à payer 800 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
La société BNP Paribas Personal Finance désormais aux droits de la société Cetelem a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 8 avril 2009 auxquelles il est renvoyé pour exposé de ses moyens, elle conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour de :
- déclarer incompétent le tribunal d'instance de Rennes au profit de celui de Paris 16ème et renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Paris,
- subsidiairement, déclarer monsieur X. et madame Y. irrecevables à agir,
- infiniment subsidiairement, dire que les clauses objet du litige ne sont pas abusives,
- en tout état de cause, dire que la sanction des clauses abusives n'est pas la déchéance des intérêts mais l'éradication des clauses abusives, et débouter monsieur X. et madame Y. de toutes leurs demandes,
- encore plus subsidiairement, dire qu'au cas où la déchéance des intérêts serait prononcée, que le montant auquel elle pourrait être condamnée ne saurait excéder 1.440,33 euros.
Elle sollicite 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 5 mai 2009 auxquelles il est renvoyé pour exposé de leurs moyens, monsieur X. et madame Y. concluent à la confirmation du jugement et, y ajoutant, à la condamnation de la société BNP Paribas Personal Finance à payer - dans le dispositif des écritures 3.000 euros et dans les motifs 2.000 euros, par application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 11 juin 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION :
a) Sur la compétence territoriale :
Que le tribunal d'instance, qui avait été saisi en premier lieu par la société BNP Personal Finance d'une exception d'incompétence territoriale au profit du tribunal d'instance de Paris 16ème, après avoir relevé que l'obligation de remise de la somme d'argent prêtée s'était faite par virement de celle-ci sur le compte de monsieur X. et de madame Y. ouvert auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de [ville R. G.], soit dans le ressort du tribunal d'instance de Rennes, a considéré que l'opération de transfert d'argent s'analysait en un acte pouvant être assimilé à la livraison effective des fonds prêtés et retenu sa compétence par application du second alinéa de l’article 46 du code de procédure civile ;
Que la société BNP Paribas Personal Finance expose que le 5 mars 2008, date de délivrance de l'assignation introductive d'instance, la société Cetelem n'avait aucun établissement secondaire à Rennes ;
Qu'elle considère que les conditions d'application de l’article 46 alinéa 2 du code de procédure civile ne sont pas réunies ; qu'elle fait valoir à cet égard que la délivrance d'une somme d'argent en exécution d'un contrat de prêt n'est pas une prestation de service et que la livraison par virement d'une somme d'argent ne peut être assimilée à la livraison d'une chose ;
Que monsieur X. et madame Y. rétorquent que la société BNP Paribas Personal Finance dispose d'un établissement secondaire à Rennes, ce qui justifie la compétence des juridictions rennaises sur le fondement de l’article 42 du code de procédure civile ;
Qu'ils allèguent que la livraison des fonds matérialisée par le versement d'une somme d'argent sur leur compte bancaire constitue la livraison de la chose au sens de l'article 46 alinéa 2 du code précité, ce qui permettait de retenir la compétence du tribunal d'instance de Rennes ;
Qu'aux termes de l’article 42 du code de procédure civile, la juridiction compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ; que, selon l'article 46, le demandeur peut, en matière contractuelle, saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service ;
Que, pour l'application des dispositions de l’article 42 du code de procédure civile, le lieu où demeure le défendeur à prendre en considération pour déterminer la compétence territoriale, est celui où il demeurait au jour de la délivrance de l'acte introductif d'instance et non celui du lieu où il demeure au jour où le juge se prononce ;
Que la société Cetelem, dont le siège social est fixé [...], n'avait aucun établissement secondaire dans le ressort du tribunal d'instance de Rennes le 5 mars 2008, celui dont elle dispose maintenant [...] ayant été immatriculé au registre du commerce et des sociétés le 17 avril 2008 ;
Qu'ainsi que l'admettent les parties, la délivrance d'une somme d'argent en exécution d'un contrat de prêt ne peut en elle-même être tenue pour une prestation de service au sens de l’article 46 du code de procédure civile ;
Que la livraison effective de la chose au sens de l'article 46 susvisé suppose le déplacement matériel de la chose objet du contrat ; qu'un tel déplacement n'existe pas dans l'hypothèse de fonds ayant fait l'objet de virements au moyen de simples jeux d'écritures comptables ; qu'en raison de cette dématérialisation des fonds prêtés, la délivrance par virement d'une somme d'argent en exécution d'un contrat de prêt ne constitue pas la livraison effective d'une chose ;
Que l’article 46 du code de procédure civile ne pouvant recevoir application, le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal d'instance de Rennes, ce tribunal étant incompétent au profit du tribunal d'instance de Paris 16ème ;
Qu'en application du second alinéa de l’article 79 du code de procédure civile, l'affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Paris, juridiction d'appel du tribunal d'instance de Paris 16ème ;
Qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Que l'instance se poursuivant devant la cour d'appel de Paris, le sort des dépens sera tranché par cette juridiction ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré,
Déclare incompétent territorialement le tribunal d'instance de Rennes,
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris,
Ordonne la transmission par les soins du greffe de la cour de céans du dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel de Paris,
Réserve les dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,