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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 12 mai 2015

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 12 mai 2015
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 14/02097
Date : 12/05/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/04/2014
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7343

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 12 mai 2015 : RG n° 14/02097

Publication : Jurica

 

Extraits (arguments de l’appelant) : « Elle invoque encore le protocole transactionnel intervenu avec le Docteur Y. le 10 novembre 2010 selon lequel « il existe un contentieux en cours pour lequel les responsabilités du Docteur Y. et la société CVLA sont recherchées... le Docteur Y. s'engage à relever et garantir la CVLA de toutes éventuelles actions et condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au titre dudit contentieux ».

Extraits (arguments d’intimés) : « Le docteur Y. et la société médicale d'assurances et de défense professionnelles LE SOU MEDICAL demandent de leur côté par conclusions du 12 mars 2015 : - de dire irrecevable la demande de la clinique de se voir relever et garantir par eux sur le fondement du protocole transactionnel du 10 novembre 2010, demande présentée pour la première devant la cour d'appel, […] - de dire abusive, nulle et non avenue la clause du protocole transactionnel signé le 10 novembre entre le Dr Y. et la société CVLA et ses associés, à tout le moins inopposable au SOU MEDICAL assureur du Docteur Y. en l'absence d'intervention à l'acte de cette compagnie ».

Extraits (motifs) : « La distinction entre les conséquences des responsabilités de la clinique du fait de l'article L. 1142-1-I et du Dr Y. dont la distinction structurelle est mal caractérisée justifie, alors qu'un protocole est intervenu le 10 novembre 2010, pour faire supporter au Dr Y. comme à la clinique les conséquences pécuniaires de la responsabilité de plein droit de la clinique, pour faute du Docteur Y., une condamnation in solidum. »

Extraits (dispositif) : « déclare irrecevable comme nouvelle en cause la demande de la clinique VISION LASER DES ALPES d'être relevée et garantie par le Docteur Y. et la société médicale d'assurances et de défense professionnelles LE SOU MEDICAL en vertu d'un protocole d'accord du 10 novembre 2010 ».

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 MAI 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/02097. Appel d'un jugement (R.G. n° 10/05357) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 3 avril 2014, suivant déclaration d'appel du 22 avril 2014.

 

APPELANTE :

SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Dominique B. de la SCP B. & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉS :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentée par Maître Denis D., avocat au barreau de GRENOBLE, substituée par Maître B.-T., avocat au barreau de GRENOBLE

Monsieur Y.

de nationalité Française, Représenté par Maître Josette D. de la SELARL D. ET M., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Maître C., avocat au barreau de LYON

Société MEDICALE D'ASSURANCES ET DE DEFENSE PROFESSIONNELLES - LE SOU MEDICAL

prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Josette D. de la SELARL D. ET M., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Maître C., avocat au barreau de LYON

 

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Organisme CPAM DE L'ISÈRE (SITE DE V.)

prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Marianne T., avocat au barreau de GRENOBLE

Compagnie d'assurances COVEA RISKS SA

Régie par le Code des Assurances, au capital de XXX euros, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. Représentée par Maître Yves B., avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Dominique FRANCKE, Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier.

DÉBATS : A l'audience publique du 31 mars 2015 Monsieur FRANCKE a été entendu en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le Docteur Y., exerçant à la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES, a réalisé le 27 novembre 2006 une intervention au laser afin de corriger la presbytie dont souffrait Madame X. après l'avoir reçue en consultation le 21 novembre 2006.

Suite à d'importantes douleurs, et après 6 consultations et actes médicaux effectués entre le 28 novembre et le 20 décembre auprès du Docteur Y., Madame X. a été admise aux urgences du CHU de GRENOBLE le 22 décembre 2006, pour être hospitalisée durant trois semaines pour une première greffe de la membrane amniotique le 3 janvier 2007, puis, devant la persistance de l'infection, pour une seconde greffe similaire le 20 février 2007.

Le Dr Z., médecin désigné en qualité d'expert par la juridiction concluait dans ses rapports du 22 mai 2008 et 16 août 2010 que Madame X. avait été victime d'une infection nosocomiale caractérisée par un abcès cornéen postopératoire, conclusion non contestée par les parties.

Madame X. a fait assigner la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES, le Docteur Y. et la compagnie d'assurances COVEA RISKS, assureur de la clinique ainsi que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne.

Par jugement contradictoire du 3 avril 2014, le tribunal de grande instance de GRENOBLE a :

- entériné les conclusions du rapport d'expertise judiciaire du docteur Z.,

- dit que Madame X. a été victime d'une infection nosocomiale lors de l'intervention pratiquée par le Docteur Y. au sein de la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES,

- dit que la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES est un établissement de soins au sens de l'article L. 1142-1-I du code de la santé publique et est entièrement responsable du dommage subi par Madame X. à la suite de cette intervention,

- débouté Madame X. de sa demande à l'encontre du Docteur Y. en l'absence de faute prouvée,

- mis la compagnie d'assurances COVEA RISKS hors de cause,

- condamné la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES à verser à Madame X. à titre de dommages et intérêts la somme totale de 44.700 euros,

- condamné la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne la somme de 57.598,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2009 ainsi que la somme de 980 euros au titre de l'article L. 376-1du code de la sécurité sociale,

- condamné la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES à verser à Madame X. la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES aux dépens, y compris les frais d'expertise.

La SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES a relevé appel de la décision le 22 avril 2014.

Dans le dernier état de ses conclusions du 4 septembre 2014, elle demande de :

- réformer le jugement,

- constater que la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES n'est pas un établissement de soins au sens de la loi du 4 mars 2002,

- constater en conséquence que la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES ne peut faire l'objet d'une présomption de responsabilité en matière d'infections nosocomiales,

- constater que Madame X. ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES ainsi que d'un lien de causalité avec le préjudice subi,

en conséquence :

- débouter Madame X. de toutes ses demandes contre la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES,

- constater que le Docteur Y. a commis des fautes de surveillance, avant et pendant l'opération, lors de la stérilisation et la décontamination des dispositifs médicaux, et après l'opération, lors du suivi postopératoire, dans les soins, diagnostic et choix des traitements,

- constater que le Docteur Y. engage sa responsabilité sur le fondement des articles L. 1142-1 du code de la santé publique et 1147 du code civil,

- dire que le Docteur Y. doit être déclaré seul responsable des préjudices subis par Madame X. et le condamner à les réparer et à rembourser les sommes avancées par la Caisse primaire d'assurance maladie de Vienne,

si par extraordinaire la cour considérait que la SAS CLINIQUE VISION LASER DES ALPES a une quelconque responsabilité :

- condamner son assureur, la Société COVEA RISKS à la relever et garantir de l'intégralité des sommes éventuellement mises à sa charge,

- constater que le Docteur Y. s'est engagé à relever et garantir la clinique VISION LASER DES ALPES de toute condamnation qui pourraient être prononcées à son encontre suivant protocole de transaction en date du 10 novembre 2010,

en conséquence :

- condamner le Dr Y. à relever et garantir la société CVLA des sommes qui pourraient être mise à sa charge dans vis-à-vis de Madame X. quelconque de la CPAM de Vienne,

- condamner Madame X., le Docteur Y., la société COVEA RISKS ou qui d'entre eux mieux le devra aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont ceux d'expertise.

Elle récuse la qualité d'établissement de soins au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, à savoir « établissement, services ou organismes au sein desquels sont pratiqués des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins » qui requiert selon elle l'autorisation de l'agence régionale de santé qu'elle n'a pas, pour revendiquer une simple activité de mise à disposition de matériel médical, en l'espèce l'exploitation de lasers ophtalmologiques, sans dispenser de soins et bénéficier de remboursements de ses prestations par la sécurité sociale.

Elle ajoute qu'en application de l'article L. 6122-3 du code de la santé publique, seule la personne titulaire de l'autorisation est responsable, en l'espèce le Dr Y., qui a conclu avec elle une convention de mise à disposition et de prestations, donnant lieu à une facturation séparée à l'égard du patient, qu'ainsi l'obligation de résultat en matière d'infections nosocomiales ne s'applique pas à elle, mais seulement au médecin, qu'en l'espèce aucune faute n'est démontrée à son égard

Elle ajoute n'être pas assurée pour les risques professionnels civils par COVEA RISKS.

Elle invoque la responsabilité du médecin pour :

- ne s'être pas assuré que les règles d'hygiène et de sécurité étaient bien respectées pour la réalisation de son opération, à savoir notamment la stérilisation et la décontamination des dispositifs médicaux,

- un suivi postopératoire tardif, qui a entraîné une perte de chance d'éviter des complications, en ne prescrivant pas immédiatement des collyres renforcés, en maintenant la prescription d'un collyre auquel Madame X. était allergique

Elle invoque encore le protocole transactionnel intervenu avec le Docteur Y. le 10 novembre 2010 selon lequel « il existe un contentieux en cours pour lequel les responsabilités du Docteur Y. et la société CVLA sont recherchées... le Docteur Y. s'engage à relever et garantir la CVLA de toutes éventuelles actions et condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au titre dudit contentieux ».

Elle demande à titre subsidiaire la condamnation de la société COVEA RISKS à la relever et garantir des sommes éventuellement mises à sa charge, soutenant que le contrat d'assurance prévoit une garantie « assurances clients », qui doit couvrir les accidents nosocomiaux.

Madame X. demande par conclusions récapitulatives du 16 janvier 2015, :

- à titre principal, de :

- retenir la responsabilité de plein droit de la clinique Vision Laser des Alpes,

subsidiairement, de :

- retenir la responsabilité de la CVLA en tant que prestataire de services professionnels ayant manqué à ses obligations envers ses clients,

- constater les manquements du Docteur Y. au titre du suivi postopératoire et de son obligation d'information,

plus subsidiairement, de :

- retenir la responsabilité du Docteur Y. si la clinique était mise hors de cause, pour s'être abstenu, en sa qualité d'associé de cette dernière, d'informer sa patiente sur la structure de la « CLINIQUE », lui interdisant de bénéficier des garanties offertes par la loi en cas d'infection nosocomiale.

Elle demande de condamner in solidum le Docteur Y., la CVLA, et son assureur COVEA RISKS à lui payer les sommes de :

- 10.800 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

- 10.000 euros au titre des souffrances endurées,

- 2.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- 40.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 10.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 4.000 euros au titre du préjudice matériel,

outre la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Concernant la responsabilité de la clinique :

Elle soutient que la complication infectieuse au niveau de la cornée de l'œil gauche relève d'une infection nosocomiale survenue à l'occasion de l'intervention chirurgicale au sein de la clinique à laquelle doit s'appliquer la qualification d'établissement de soins au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, - qui ne requiert pas l'autorisation de l'agence régional de santé - puisqu'y sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic et de soins, qu'elle dispose d'une équipe médicale et d'un équipement médical de pointe,

que si la qualité d'établissement de soins n'était pas retenue, la responsabilité de la clinique devrait être en tout état de cause retenue pour s'être présentée comme telle de façon dolosive, ou subsidiairement celle du Dr Y. pour ne pas avoir averti sa patiente que l'établissement n'était pas soumis au code de la santé publique puisque simple prestataire de services.

Concernant la responsabilité du Docteur Y. :

Elle soutient que l'ordonnance préopératoire ne lui a été remise de 24 heures après l'intervention, que le Dr Y. n'a pas réalisé de prélèvements bactériologique, mycologique ou d'amibes lors de la reprise opératoire, n'a pas prescrit de collyres renforcés après le constat d'une affection grave de la cornée, ni n'a pris l'avis du centre hospitalier universitaire de Grenoble qu’elle a pris l'initiative de consulter le 22 décembre 2006, ce qui, après diagnostic, a entraîné une hospitalisation de trois semaines, avec greffe le 3 janvier 2007 d'une membrane amniotique.

Elle invoque encore la brièveté du délai entre la consultation préopératoire et la réalisation de l'acte chirurgical, soit six jours, constitutive d'un manquement à l'obligation d'information.

 

Le docteur Y. et la société médicale d'assurances et de défense professionnelles LE SOU MEDICAL demandent de leur côté par conclusions du 12 mars 2015 :

- de dire irrecevable la demande de la clinique de se voir relever et garantir par eux sur le fondement du protocole transactionnel du 10 novembre 2010, demande présentée pour la première devant la cour d'appel,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la CVLA est un établissement de soins au sens de l'article L. 1142-1-I du code de la santé publique, entraînant sa responsabilité de plein droit du fait des infections nosocomiales,

- de dire abusive, nulle et non avenue la clause du protocole transactionnel signé le 10 novembre entre le Dr Y. et la société CVLA et ses associés, à tout le moins inopposable au SOU MEDICAL assureur du Docteur Y. en l'absence d'intervention à l'acte de cette compagnie,

subsidiairement, de :

- dire, si une faute était retenue contre le Dr Y., que la clinique VISION LASER DES ALPES devra le relever et garantir, ou supporter la quasi-totalité de l'indemnisation en raison des liens quasi exclusifs entre l'infection nosocomiale et les séquelles de Madame X. ;

- dire, si la cour considérait que le Sou Médical est lié par le protocole transactionnel du 10 novembre 2010, que la quote-part laissée à leur charge ne peut correspondre aux conséquences de la faute causale du Docteur Y. ;

- réduire les demandes indemnitaires,

- débouter Madame X. et la compagnie COVEA RISKS de leur appel incident,

- condamner la clinique VISION LASER DES ALPES et/ ou Madame X. à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

ils soutiennent que :

- la clinique répond la définition de l'établissement de santé, dans lequel l'infection nosocomiale a été contractée, à l'occasion de l'utilisation, dans ses locaux, de matériel lui appartenant, entretenu et surveillé par elle.

Ils récusent toute responsabilité professionnelle pour faute dans la prise en charge de Madame X., au titre de l'information comme au titre du suivi postopératoire, alors que le lien de causalité entre d'éventuels manquements et l'infection nosocomiale subie n'est pas établie, l'expert indiquant qu'il ne peut affirmer « qu'une prise en charge différente aurait amené un résultat différent ».

Ils soutiennent qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les soins qu'il a dispensés et le préjudice subi par la victime.

Ils reprennent poste par poste pour les discuter les chefs de préjudice allégués.

La caisse primaire d'assurance-maladie de l'Isère (site de V.) demande par conclusions du 25 juillet 2014 de lui donner acte de son intervention, et de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la responsabilité de la clinique et celle du Docteur Y.

Elle demande de :

- condamner la clinique et le Dr Y., in solidum avec l'assureur, la société COVEA RISKS, à lui payer le montant des prestations servies à ce jour à Madame X., soit 57.598,61 euros, capitalisés à compter du 5 avril 2007, outre intérêts au taux légal à compter des conclusions signifiées le 28 septembre 2009.

- lui réserver le droit de réclamer ultérieurement le remboursement de débours à venir,

- condamner la clinique et le Docteur Y. avec la société COVEA RISKS à lui payer la somme de 1.028 euros représentant l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamner la clinique et le Dr Y., solidairement avec la société COVEA RISKS in solidum à lui payer la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, statuer sur les dépens.

La compagnie d'assurances COVEA RISKS demande par conclusions du 18 septembre 2014 de confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause,

subsidiairement, de :

- dire que la clinique n'est pas responsable de la complication infectieuse, que le Docteur Y. est seul responsable de celle-ci, le condamner à prendre en charge le préjudice subi par Madame X.,

- condamner la clinique, Madame X., et le Dr Y. à lui payer in solidum la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle oppose une exception de garantie, faisant valoir que le contrat d'assurance qui la lie à la clinique VISION LASER DES ALPES vise seulement l'activité exercée et liée aux bâtiments d'exploitation, exclusif de « la responsabilité civile raison des actes professionnels, que ceux-ci aient été commis ou omis », la clinique ayant admis n'avoir pas souscrit de garantie « responsabilité civile professionnelle ».

Elle ajoute que le Dr Y., auquel incombait la souscription d'une assurance couvrant la mise en œuvre de sa responsabilité civile pour l'exercice de ses activités au sein de la clinique n'a pas souscrit d'assurance responsabilité civile auprès d'elle.

Subsidiairement, elle indique que l'infection, survenue 19 jours après l'intervention du Dr Y., est associée aux soins et non à l'intervention.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La demande de la clinique VISION LASER DES ALPES d'être relevée et garantie par le Dr Y. en vertu d'un protocole du 10 novembre 2010 est une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel.

Il résulte du rapport d'expertise du Docteur Z. du 22 mai 2008 qu’après avoir consulté le Docteur Y. le 21 novembre 2006 en vue d’une chirurgie réfractive de la presbytie, Madame X., alors âgée de 56 ans, a été opérée des deux yeux le 27 novembre 2006, s'être rendue ensuite en consultation post opératoire auprès du même chirurgien :

- le 28 novembre alors qu'elle souffrait beaucoup, sans s'être vu la veille prescrire de collyre,

- le 11 décembre 2006, date à laquelle été constaté un œdème du capot du côté gauche,

- le 15 décembre 2006, date à laquelle a été constatée une infection nécessitant une injection sous conjonctivale de CELESTENE et de CILOXAN,

- le 18 décembre 2006 pour une reprise chirurgicale au bloc opératoire,

- le 19 décembre 2006 pour consultation postopératoire,

- le 20 décembre 2006 avec changement d'antibiotiques.

avant hospitalisation à sa seule initiative au service d'ophtalmologie du CHU de GRENOBLE où elle a séjourné une première fois du 22 décembre 2006 au 10 janvier 2007, puis du 19 février 2007 au 2 mars 2007 pour une nouvelle intervention suite à une récidive d'abcès cornéen post lasik.

La vision de l'œil droit était de 3/10 sans correction, 10/10 avec sa correction (10/10 le 16 août 2010) de l'œil gauche de 2/10.

L'expert relève que l'interface de l'œil droit n'est pas très propre, qu.il existe des micros opacités du côté gauche, où sont relevés des reliquats d'opacités stromales, probablement consécutives à l'abcès sous le capot.

il indique que :

« la survenue d'une lésion infectieuse ou inflammatoire cornéenne gauche sous le capot est en relation directe et certaine avec cette intervention »,

« il n'existe pas d'état antérieur pouvant prédisposer à une telle complication infectieuse chez Mme X. »,

« la survenue d'un abcès cornéen postopératoire est une éventualité parfaitement documentée et relève de la définition de l'infection nosocomiale.

« C'est une infection de site opératoire qui rentre dans la définition des infections nosocomiales »

en ce qui concerne le Dr Y., que :

« le délai entre la consultation préopératoire et la réalisation de l'acte n'a été que de six jours, les pratiques habituelles des chirurgiens réfractifs laissant généralement plus de temps à la réflexion des patients entre l'indication de l'acte let a réalisation de celui-ci »

« Mme X. n'a pas bénéficié immédiatement après l'intervention d'un traitement postopératoire puisqu'elle a disposé de l'ordonnance préopératoire 24 heures après, ce que ne conteste pas le DR Y. »,

Lors de la reprise chirurgicale par le Docteur Y. pour nettoyer l'interface sur le capot, il n'a pas été réalisé, comme on aurait pu s'y attendre, de prélèvements bactériologique, mycologique ou pour recherche d'amibes »

« Devant la présence d'un abcès cornéen sur une cornée récemment opérée de lasik, le Docteur Y. aurait pu utiliser des collyres renforcés qui sont généralement l'état de l'art devant les affections graves de cornée »,

« S'il a été pris un avis complémentaire auprès du docteur W. qui pratique la chirurgie réfractive au centre clinique VISION LASER, il n'a pas été proposé à Mme X. de prendre un avis au CHU elle y est allée d'elle-même consulter dans le cadre des urgences, l'interne ayant alors dans la foulée hospitalisé Mme X. »

L'expertise complémentaire du 22 mai 2010 ne fait pas apparaître d'évolution péjorative de son état clinique depuis le 22 mai 2008, mais la persistance de séquelles de cette infection cornéenne amenant une baisse d'acuité visuelle ainsi qu'une cataracte débutante et une altération du champ visuel dans le cadre d'une pathologie glaucomateuse.

« L'altération de la transparence cornéenne et irrégularité cornéenne centrale induisant un trouble réfractive majeure sont en rapport avec l'infection qu'elle a présentée dans les suites de sa procédure de lasik ».

Sur les diligences du Dr Y., l'expert note que « s'il n'existe pas de référentiel concernant la prise en charge des cas rares d'infection cornéenne post lasik, il existe un consensus en faveur de l'utilisation de collyres renforcés et ceci de manière précoce et intensive, associée à un lavage de l'interface cornéen après avoir soulevé le capot. On peut évoquer ici une perte de chance de récupérabilité, la constatation le 11 décembre 2006, puis le 15 décembre 2006 d'un problème infectieux par le Docteur Y. ne débouchant in fine sur une reprise chirurgicale que le 18 décembre 2006 sans mise en route d'une antibiothérapie intensive avant l'hospitalisation ».

L'expert conclut que « l'opération s'est bien déroulée sur le plan technique, que le Docteur Y. a procuré des soins consciencieux, diligents et conformes aux règles de l'art en ce qui concerne l'indication et la réalisation de l'acte chirurgical,

que Mme X. a malheureusement présenté une complication infectieuse au niveau de la cornée de l'œil gauche qui doit être considérée comme un aléa thérapeutique non fautif, infection mise en évidence à partir du 11 décembre 2006 par le Docteur Y. qui effectuera une reprise chirurgicale le 18 décembre 2006.

« Si le suivi du Docteur Y. a été diligent, il aurait pu être proposé de façon plus précoce à Mme X. une reprise chirurgicale avec lavage de l'interface cornéen et l'utilisation sans délai, notamment à partir du 15 décembre 2006, de collyres antibiotiques renforcés. Il est par contre impossible d'affirmer qu'une attitude différente de celle du Docteur Y., en ce qui concerne la prise en charge de la complication, aurait amené une évolution différente sur le plan cornéen chez Mme X. »

 

1. Sur la responsabilité de la clinique VISION LASER DES ALPES :

Comme l'a retenu le premier juge, l'article L. 1142-1 I du code de la santé publique retient la responsabilité de droit des établissements, services ou organismes au sein desquels sont pratiqués des actes notamment de soins.

Selon la convention de mise à disposition et de prestations du 1er juin 2006 entre les sociétés CLINIQUE VISION LASER DES ALPES et la société CHIRURGIE LASER DE LA VISION, représentée par le Dr Y., toutes deux domiciliées [...],

« la clinique exploite un centre ambulatoire de chirurgie ophtalmologique, offre aux médecins la possibilité d'utiliser ses lasers ophtalmologiques dans l'enceinte de son établissement avec l'assistance de son personnel et du matériel nécessaire.

La clinique met à la disposition du médecin pour l'exercice de son art :

- un bureau de consultation équipé,

- un plateau technique installé dans un bloc opératoire et comprenant :

description du laser,

pour chaque patient, un kit de matériel consommable,

le personnel nécessaire au fonctionnement du laser... »

la clinique s'engage à entretenir, modifier, compléter le cas échéant, ses installations techniques pendant la durée du contrat, de sorte qu'à tout moment l'établissement satisfasse aux conditions d'agrément imposées par les règlements en vigueur et réponde aux caractéristiques normales de l'exercice de la chirurgie ophtalmologique, ainsi qu'aux impératifs concernant la sécurité des malades »

La clinique fournira de façon permanente le concours d'un personnel qualifié conformément à la réglementation en vigueur »

La clinique répond ainsi comme l'a relevé le premier juge à la définition de l'établissement de soins au sens de l'article L. 1142-1-I du code de la santé publique, sans qu'une absence d'autorisation ou un défaut d'assurance puisse être à cet égard opposé aux autres parties pour se dispenser des obligations qui en découlent.

C'est justement que le premier juge a ainsi retenu la responsabilité de droit de la clinique du fait de l'infection nosocomiale survenue dans l'établissement.

 

2 - Sur la responsabilité du Dr Y. :

Les conclusions de l'expert sont claires en ce qui concerne l'obligation d'information, hâtive ou précipitée, et l'intervention elle-même du 28 novembre 2006 : elles ont été conformes aux règles de l'art pour les secondes, elle n'a pas été déterminante de l'infection pour la première de sorte que la responsabilité du Dr Y. ne peut être engagée sur ces motifs.

En revanche, ses interventions post opératoires et la circonstance, non discutée qu'il n'a pas prescrit de collyre adapté la veille de l'intervention puis lors des consultations postérieures, n'a pas effectué les prélèvements nécessaires, n'a pas sollicité d'avis extérieur autorisé devant la persistance des symptômes a indiscutablement fait perdre une chance à Madame X. de stopper l'infection en cours et ses graves conséquences.

La distinction entre les conséquences des responsabilités de la clinique du fait de l'article L. 1142-1-I et du Dr Y. dont la distinction structurelle est mal caractérisée justifie, alors qu'un protocole est intervenu le 10 novembre 2010, pour faire supporter au Dr Y. comme à la clinique les conséquences pécuniaires de la responsabilité de plein droit de la clinique, pour faute du Docteur Y., une condamnation in solidum.

 

3. Sur la responsabilité de la compagnie d'assurances COVEA RISKS :

La mise hors de cause de la société COVEA RIKS, qui n'assure que les risques liés à l'exploitation, à l'exclusion des risques professionnels de la clinique doit être confirmée.

 

4 - Sur les demandes de Madame X. :

- le déficit temporaire, soit la période pendant laquelle, du fait des lésions et de leur évolution, la victime est dans l'incapacité de poursuivre ses activités habituelles, qu'elle exerce ou non une activité rémunérée, a été évalué à 25 % par l'expert sur une période de 18 mois à compter de la chirurgie.

L'évaluation faite par le tribunal, en l'absence d'activité professionnelle de la victime, à 5 euros par jour sur une base journalière de 20 euros pour 540 jours doit être approuvée, soit 2.700 euros.

- les souffrances endurées avant consolidation, évaluées à 3/7 par l'expert doivent tenir compte du retentissement psychologique et de l'état dépressif justifié consécutif à des opérations et hospitalisations répétées suite à une intervention qui se présentait comme bénigne à laquelle Madame X. ne pouvait attacher de telles conséquences.

La somme de 8.000 euros lui sera allouée à ce titre.

- le premier juge a fait une juste appréciation de la somme, soit 1.500 euros, allouée au titre de la réparation du préjudice esthétique.

- le déficit fonctionnel permanent a été justement réparé par la somme de 26.000 euros.

- le préjudice d'agrément ne peut être sérieusement discuté, quelle que soit l'activité pratiquée. Toutefois, l'expert relève que des gestes chirurgicaux auxquels Mme X. se refuse et auxquels on ne peut bien évidemment la contraindre permettraient de le réduire. Il a été justement fixé à la somme de 7.000 euros.

- la réparation du préjudice annexe a été justement fixée par le premier juge à la somme de 3.000 euros.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Madame X. l'ensemble des frais qu'elle a dû engager à l'occasion de la procédure.

La somme de 4.500 euros lui sera allouée pour les procédures de première instance et d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire :

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que Madame X. a été victime d'une infection nosocomiale lors de l'intervention pratiquée par le docteur Y. au sein de la clinique VISION LASER des ALPES le 27 novembre 2006,

- dit que la clinique VISION LASER des ALPES est un établissement de soins au sens de l'article L. 1142-1-I du code de la santé publique,

- condamné la société VISION LASER DES ALPES à réparer le préjudice de Madame X.,

- mis hors de cause la société d'assurances COVEA RISKS,

- l'infirme pour le surplus, et,

STATUANT A NOUVEAU :

- déclare irrecevable comme nouvelle en cause la demande de la clinique VISION LASER DES ALPES d'être relevée et garantie par le Docteur Y. et la société médicale d'assurances et de défense professionnelles LE SOU MEDICAL en vertu d'un protocole d'accord du 10 novembre 2010,

- déclare le Dr Y. responsable des suites de l'infection nosocomiale,

- dit que la clinique VISION LASER des ALPES est, in solidum avec le Dr Y., responsable du dommage survenu à Madame X.,

- condamne in solidum la clinique VISION LASER des ALPES et le Dr Y. à payer à Madame X. la somme de 48.200 euros,

- condamne la société clinique VISION LASER DES ALPES, in solidum avec le Dr Y. à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Isère, site de Vienne, la somme de 57.598,61 euros capitalisée à compter du 5 avril 2007, outre intérêts au taux légal à compter des conclusions signifiées le 28 septembre 2009, outre la somme de 1.028 euros représentant l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- dit que la société médicale d'assurances et de défense professionnelles LE SOU MEDICAL devra relever et garantir le Dr Y. des condamnations mises à sa charge,

- condamne in solidum la CLINIQUE VISION LASER DES ALPES, le docteur Y., la société médicale d'assurances et de défense professionnelles LE SOU MEDICAL à payer à Madame X. la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- condamne la CLINIQUE VISION LASER DES ALPES, le docteur Y., la société médicale d'assurances et de défense professionnelles LE SOU MEDICAL aux dépens incluant le coût des deux expertises.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Monsieur FRANCKE, Président, et par Madame OLLIEROU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                            Le Président