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CA RENNES (2e ch.), 19 janvier 2018

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 19 janvier 2018
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 15/00856
Décision : 18/34
Date : 19/01/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/01/2015
Numéro de la décision : 34
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7382

CA RENNES (2e ch.), 19 janvier 2018 : RG n° 15/00856 ; arrêt n° 34

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est à cet égard exact que les clauses d'exigibilité immédiate stipulées dans un contrat de crédit à la consommation conclu antérieurement à mai 2011 sont illicites dès lors qu'ajoutant à l'offre type applicable, elles permettent au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme pour une cause autre que la défaillance de l'emprunteur et que, partant, elles aggravent le sort de celui-ci en lui imposant de rembourser immédiatement la totalité des sommes restant dues.

Cependant, la société Ménafinance soutient avec raison que la clause litigieuse, afférente à la modification des capacités de remboursement de l'emprunteur en cours d'exécution du contrat de crédit renouvelable, n'ont aucun caractère illicite ou abusif, dès lors qu'elles instaurent dans ce cas une cause de résiliation sans déchéance du terme, ayant, selon les conditions générales du contrat, pour seul effet de supprimer de droit d'utiliser la réserve de crédit tout en maintenant le droit de l'emprunteur de rembourser le crédit déjà consommé aux échéances convenues. Et, au surplus, étant rappelé que la déchéance du terme est en l'espèce intervenue en raison de la défaillance de Mme X., celle-ci ne démontre pas en quoi la stipulation d'une telle clause dans le contrat de crédit lui aurait, à la supposer abusive, causé un préjudice indemnisable par l'octroi de dommages-intérêts. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 19 JANVIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/00856. Arrêt n° 34.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller

GREFFIER : Madame Marlène ANGER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 7 décembre 2017, devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 19 janvier 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

Représentée par Maître Jean-Paul R. de la SCP G.-R., Postulant, avocat au barreau de RENNES, Assistée de Maître Emmanuel N., Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO

 

INTIMÉE :

Société MENAFINANCE

Représentée par Maître Erwan L., avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 22 mai 2003, la société Ménafinance a consenti à Mme X. un crédit renouvelable à taux variable d'un montant de 3.400 euros, successivement porté par avenants des 22 mars 2006, 21 août 2008 et 11 août 2009 à 4.400 euros, 6.400 euros et 7.900 euros.

Prétendant que l'emprunteuse n'honorait plus les échéances de remboursement, le prêteur s'est prévalu de la déchéance du terme et a saisi le juge d'instance de Saint-Malo qui, par ordonnance du 22 mars 2012, a fait injonction à Mme X. de payer la somme de 4.673,12 euros, avec intérêts au taux de 16,38 % à compter du 5 mars 2012sur le principal de 4.085,38 euros.

Cette ordonnance a été signifiée à personne le 27 mars 2012 sans opposition de Mme X., laquelle a pourtant, par acte du 19 novembre 2013, fait assigner la société Ménafinance devant le tribunal d'instance de Saint-Malo en paiement de dommages-intérêts, en invoquant le caractère abusif de la clause de déchéance du terme, et afin d'obtenir un délai de grâce.

Estimant que la demande en paiement de dommages-intérêts se heurtait à l'autorité de chose jugée attachée à l'ordonnance du 22 mars 2012 et que la demande de délai de grâce échappait à son pouvoir juridictionnel, le premier juge a, par jugement du 25 novembre 2014 :

- déclaré Mme X. irrecevable en ses demandes,

- condamné Mme X. au paiement d'une indemnité de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme X. a relevé appel de cette décision le 30 janvier 2015, en demandant à la cour de :

- lui accorder les délais de paiement les plus larges, avec imputation prioritaire des règlements sur le principal,

- condamner la société Ménafinance au paiement d'une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société Ménafinance au paiement d'une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Ménafinance conclut quant à elle à la confirmation de la décision attaquée ou, en tous cas, au débouté des demandes de Mme X., sollicitant en outre la condamnation de Mme X. au paiement d'une indemnité de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme X. le 29 octobre 2015, et pour la société Ménafinance le 15 septembre 2015.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Ainsi que l'a à juste titre relevé le premier juge, il résulte de l'article 510 du code du procédure civile que le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l'exécution, sauf, en cas d'urgence, à en saisir le juge des référés ou, lorsqu'une mesure d'exécution est engagée, le juge de l'exécution.

En conséquence, dès lors que l'ordonnance d'injonction de payer est devenue irrévocable faute pour Mme X. d'y avoir fait opposition dans le mois de sa signification à personne, celle-ci est irrecevable à saisir le juge du fond d'une demande de délai de grâce.

En revanche, c'est tort que le premier juge a déclaré la demande en paiement de dommages-intérêts irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à cette ordonnance du 22 mars 2012.

L'action du prêteur en paiement des sommes dues au titre du crédit et celle de Mme X. en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice prétendument subi du fait d'une clause abusive du contrat n'ont en effet ni la même cause, ni le même objet.

Il est à cet égard exact que les clauses d'exigibilité immédiate stipulées dans un contrat de crédit à la consommation conclu antérieurement à mai 2011 sont illicites dès lors qu'ajoutant à l'offre type applicable, elles permettent au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme pour une cause autre que la défaillance de l'emprunteur et que, partant, elles aggravent le sort de celui-ci en lui imposant de rembourser immédiatement la totalité des sommes restant dues.

Cependant, la société Ménafinance soutient avec raison que la clause litigieuse, afférente à la modification des capacités de remboursement de l'emprunteur en cours d'exécution du contrat de crédit renouvelable, n'ont aucun caractère illicite ou abusif, dès lors qu'elles instaurent dans ce cas une cause de résiliation sans déchéance du terme, ayant, selon les conditions générales du contrat, pour seul effet de supprimer de droit d'utiliser la réserve de crédit tout en maintenant le droit de l'emprunteur de rembourser le crédit déjà consommé aux échéances convenues.

Et, au surplus, étant rappelé que la déchéance du terme est en l'espèce intervenue en raison de la défaillance de Mme X., celle-ci ne démontre pas en quoi la stipulation d'une telle clause dans le contrat de crédit lui aurait, à la supposer abusive, causé un préjudice indemnisable par l'octroi de dommages-intérêts.

Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de la société Ménafinance l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement rendu le 25 novembre 2014 par le tribunal d'instance de Saint-Malo, sauf en ce qu'il a déclaré la demande en paiement de dommages-intérêts irrecevable ;

Déclare cette demande recevable mais mal fondée, et en déboute Mme X. ;

Condamne Mme X. à payer à la société Ménafinance une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X. aux dépens d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT