CA ANGERS (1re ch. A), 16 septembre 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 663
CA ANGERS (1re ch. A), 16 septembre 1996 : RG n° 9501158 ; arrêt n° 579/96
Publication : Juris-Data n° 048741
Extrait : « La loi sur le démarchage à domicile, actuellement article L. 121-22 du Code de la Consommation, exclut de sa réglementation les ventes et prestations de service ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une profession. Il n'y a aucun rapport entre le système d'alarme et l'activité de cordonnier et cette vente est donc soumise aux règles impératives de cette loi. L'arrêt cité par la société COGESERVICES n'a rien à voir avec ce problème puisqu'il concerne le texte, rédigé différemment, de la loi du 10 janvier 1978 et non les ventes à domicile. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
PREMIÈRE CHAMBRE A
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 9501158. Arrêt n° 579/96.
APPELANT :
Société COGESERVICES
[adresse], Représentée par Maître VICART, avoué, Assistée de Maître MAROT, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉ :
Monsieur X.
Représenté par LA SCP CHATTELEYN GEORGE, avoué, Assisté de Maître J. A. FURHRER, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme PANATARD, Conseiller le plus ancien faisant fonction de président de chambre a tenu seule l'audience conformément al articles 910 et 786 du nouveau code de procédure civile.
GREFFIER : Melle LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme PANATARD, président - MM. JUTTEAU et LEMAIRE, conseillers
DÉBATS : à l'audience publique du 17 juin 1996
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, l'audience publique du 16 septembre 1996, date indiquée par le président à l'issue des débats.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] M. X., ayant un commerce de cordonnerie maroquinerie à M., a passé le 19 septembre 1991 un contrat d'abonnement de télésurveillance avec une société PROSERCOM et le même jour un contrat de location avec la société SAM COGESERVICES portant sur un système de sécurité vendu par PROSERCOM à SAM COGESERVICES.
Alors que la location était prévue pour 4 ans, M. X. a arrêté son activité le 31 décembre 1992 et ne réussissant pas à faire reprendre le contrat par son successeur s'est arrêté de payer.
La société COGESERVICES l'a fait assigner le 21 avril 1994 devant le tribunal de commerce d'ANGERS pour lui réclamer 13.581,93 Francs représentant 3 loyers impayés du 20 novembre 1993 au 20 février 1994 avec intérêts et clause pénale et 20 loyers à échoir avec intérêts et clause pénale.
Par jugement du 8 février 1995 le tribunal a déclaré nuls « les » contrats de COGESERVICES au motif que la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile n'avait pas été respectée puisqu'il manquait des mentions obligatoires qui ne pouvaient être complétées par le contrat de prestation de service qui était conclu avec une autre société et complètement indépendant.
Il a dit que COGESERVICES devait rembourser à M.X. une somme de 12.275,10 Francs mais il a dit aussi que M. X. devait régler une somme de 13.342,50 Francs au titre de l'utilisation du matériel soit 23 mois sur la base du loyer mensuel de 533,70 Francs. Donc après compensation il restait à M. X. à payer 1.067,40 Francs.
Il a condamné COGESERVICES aux dépens de l'instance et à payer 2.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.
La société COGESERVICES fait appel.
Elle conteste l'application faite de la loi de 1972, alléguant que celle ci n'est pas d'ordre public et que le contrat est susceptible de confirmation et de ratification ; d'ailleurs les seules mentions faisant défaut sur le contrat de location sont le nom du démarcheur et le lieu de formation du contrat ; mais le contrat conclu avec PROSERCOM le même jour et au même endroit comporte très clairement le nom du démarcheur et du lieu. Toutes les autres dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ont été respectées. Il y a une complète dépendance entre les deux contrats et d'ailleurs il est précisé au contrat de location que les loyers représentent tant la location du système d'alarme que sa maintenance et l'abonnement de télésurveillance.
M. X. a exécuté pendant plusieurs mois ses obligations et a utilisé le matériel jusqu'au 19 octobre 1993, date de son démontage. Il n'a pas invoqué la nullité du contrat jusqu'à ce que COGESERVICES l'assigne en résiliation.
Par application du contrat la somme demandée est bien due et M. X. doit être condamné à restituer le système d'alarme.
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour confirmait le jugement [minute page 3] en ce qu'il a annulé le contrat de location, il faudrait le confirmer en ce qu'il a condamné M. X. à lui régler la somme de 1.067,40 Francs.
Elle demande 8 000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC.
M. X. fait appel incident pour qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu d'allouer à COGESERVICES une indemnité correspondant à l'usage du matériel litigieux. Il demande que la société COGESERVICES soit condamnée à lui verser la somme de 13.342,25 Francs (et non celle indiquée à l'origine de 12.275,10 Francs qui est erronée) avec les intérêts de droit à compter du jour de la demande reconventionnelle.
Il fait valoir que les deux contrats sont indépendants, ce qui est dit dans l'article 13 du contrat de location ; que le contrat de location ne comporte pas de manière apparente les dispositions des articles 2,3 et 4 de la loi du 22 décembre 1972 et que le formulaire de rétractation n'est pas réellement détachable ; qu'il manque le nom du démarcheur et le lieu ; que ces irrégularités ne sont pas susceptibles d'être couvertes ; que la loi est d'ordre public ; que de toute façon l'autre contrat est lui-même incomplet.
Il critique le jugement pour la condamnation mise à sa charge correspondant au montant des loyers, ce qui ôte tout objet à la nullité ; une action pour enrichissement sans cause serait également mal fondée car l'avantage tiré de la mise à sa disposition du matériel a pour cause la faute de la société, et il n'a d'ailleurs pas tiré d'avantage particulier, le matériel ayant été de surcroît restitué en bon état. Il n'y a pas non plus d'appauvrissement de la société.
Si une indemnité devait être retenue, elle devrait être réduite et en toute hypothèse, après compensation, il lui resterait acquis, compte tenu des loyers payés au titre d'octobre et de novembre 1993, un solde créditeur de 740,29 Francs.
Il demande 5.000 Francs au titre des frais irrépétibles devant la Cour.
Par conclusions postérieures COGESERVICES, reprenant un moyen soulevé en première instance mais jusque là laissé de côté en appel, déclare que la loi de 1972 ne s'applique pas, en citant un arrêt de cassation du 21 février 1995.
M. X. déclare alors reprendre un moyen subsidiaire invoqué en première instance, à savoir que le contrat était résilié de plein droit à la date de sa cessation d'activité par application de l'article 6 C, la clause pénale prévue pour ce cas devant être réputée non écrite comme manifestement abusive. Dans ce cas il demande les sommes de 355,80 Francs et 4 803,30 Francs.
La société COGESERVICES réplique que la clause en question n'a rien d'abusif.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LA COUR
La loi sur le démarchage à domicile, actuellement article L. 121-22 du Code de la Consommation, exclut de sa réglementation [minute page 4] les ventes et prestations de service ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une profession.
Il n'y a aucun rapport entre le système d'alarme et l'activité de cordonnier et cette vente est donc soumise aux règles impératives de cette loi.
L'arrêt cité par la société COGESERVICES n'a rien à voir avec ce problème puisqu'il concerne le texte, rédigé différemment, de la loi du 10 janvier 1978 et non les ventes à domicile.
Le contrat de location ne mentionnait pas le nom du démarcheur, l'indication des conditions d'exécution du contrat et notamment des modalités et délais de livraison du matériel donné en location. S'il était indiqué en caractères plus apparents qu'il allait être donné des extraits de la loi du 22 décembre 1972, le texte même des articles 2 à 4 de cette loi était reproduit dans un graphisme très fin, de même que le formulaire de rétractation qu'il était bien difficile de repérer dans le texte fort dense du contrat.
Il existe donc plusieurs causes de nullité.
La société COGESERVICES ne peut se prévaloir du fait que l'autre contrat (d'abonnement) comportait certains des éléments manquants car la corrélation entre les contrats n'impliquait aucune indivisibilité puisqu'ils étaient passés avec deux contractants différents et surtout puisque COGESERVICES avait inséré dans son formulaire un article 13 stipulant l'indépendance des deux contrats.
Il n'est pas impossible de ratifier un contrat nul comme contraire à une loi d'ordre public mais seulement quand ce contrat a produit tous ses effets. Tel n'est pas le cas quand le litige naît justement des conditions d'extinction de ce contrat, et le fait que X. l'ait exécuté au delà même de la période où il exploitait son fonds ne lui retire pas le droit de venir en discuter la validité.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande reconventionnelle de M. X.
La société COGESERVICES ne conteste pas que les échéances réglées par celui-ci sont au nombre de 25, du 20 novembre 1991 au 20 octobre 1993 et le 20 décembre 1993, ce qui correspond d'ailleurs à la réclamation faite des autres loyers dans l'assignation (23).
La somme à restituer est donc bien de 13.342,50 Francs comme il est réclamé.
Il reste à déterminer les conséquences de cette nullité dès lors que M.X. a bénéficié du matériel, et d'ailleurs de l'abonnement qui était aussi payé par ce même loyer. Il est censé en avoir profité jusqu'au jour où le matériel a été enlevé soit jusqu'au 19 octobre 1993, n'ayant pas demandé cet enlèvement plus tôt mais ayant tenté d'obtenir un accommodement avec son successeur qui a en fin de compte refusé (après que selon lui les sociétés cocontractantes aient fait traîner les choses, ce qui a incité son successeur à changer d'avis).
[minute page 5] Il y a lieu d'évaluer à 8.000 Francs la rémunération du service rendu hors bénéfices et de faire les comptes entre les parties sur cette base après nullité.
La société COGESERVICES devra rembourser 5.342 Francs 25 avec les intérêts à partir du jugement.
Il y a lieu en outre d'allouer à M. X. une indemnité sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement sur la nullité du contrat.
Réformant sur le compte à faire,
Condamne la société COGESERVICES à rembourser à M.X. la somme de 5.342 Francs 25 avec les intérêts à partir du jugement.
Porte à 5.000 Francs l'indemnité globale à sa charge au titre des frais irrépétibles.
La condamne aux dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par la SCP CHATTELEYN GEORGE conformément à l'article 699 du NCPC.
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5888 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères – Démarchage - Identité temporaire de critère avec les clauses abusives (rapport direct)
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel