CA VERSAILLES (13e ch.), 26 mars 2015
CERCLAB - DOCUMENT N° 7387
CA VERSAILLES (13e ch.), 26 mars 2015 : RG n° 13/04021
Pourvoi rejeté par Cass. com., 4 mai 2017 : pourvoi n° 15-19141 ; arrêt n° 630
Publication : Jurica
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
TREIZIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 26 MARS 2015
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. N° 13/04021. Code nac : 53B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 mars 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE (5e ch.) : R.G. n° 12F01824.
LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE QUINZE, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTES :
- Madame X. épouse Y.
- SAS DH INVEST Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentées par Maître Emmanuel J. de l'AARPI JRF AARPI, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 20130390 et par Maître T. L., avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE PARIS
Représentée par Maître Pierre G., avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 13000286 et par Maître B.C. L., avocat plaidant au barreau de PARIS
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 janvier 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Annie VAISSETTE, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente, Madame Anne BEAUVOIS, Conseiller, Madame Annie VAISSETTE, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La SAS DH invest a été constituée le 14 avril 2009 entre M. Y. et Mme X. son épouse ; Mme X. associée majoritaire titulaire de 75 % des actions, a été désignée présidente.
La société DH invest a ouvert un compte dans les livres de la Caisse régionale du crédit agricole d'Ile de France (la banque) le 11 mai 2009. Et par acte sous seing privé du 12 mai 2009, la banque a consenti à la société DH invest un prêt d'un montant de 468.647, 82 euros d'une durée de 84 mois au taux effectif global de 5,4136 % l'an destiné à financer l'acquisition de 100 % des actions de la société Optique teil billard, laquelle a eu lieu par acte sous seing privé du 15 mai 2009, moyennant un prix de 485.000 euros.
Mme X. et M. Y. se sont chacun rendus cautions solidaires de la société DH invest au sein de l'acte de prêt, chacun dans la limite de 304.621,08 euros.
La société DH invest a cessé de payer les échéances du prêt en octobre 2010 et, après des mises en demeure adressées à la société débitrice principale et à Mme X. restées sans effet, la banque les a assignées en paiement devant le tribunal de commerce de Nanterre qui, par un jugement du 19 mars 2013, a :
- condamné la société DH invest à payer à la banque la somme de 4.418,03 euros au titre du solde débiteur du compte courant ouvert le 11 mai 2009,
- condamné la société DH invest à payer à la banque la somme de 374.630,55 euros au titre du solde du prêt du 12 mai 2009 avec intérêts postérieurs au taux contractuel de 4,15 % majoré de l'intérêt de retard de 5 % à compter du 5 octobre 2012 et jusqu'à la date du présent jugement, avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- dit que le paiement de la somme de 374.630,55 euros par la société DH invest s'effectuera à raison de 23 mensualités de 4.000 euros, le solde lors de la 24ème mensualité,
- condamné Mme X. au paiement de la somme de 304.621,08 euros en sa qualité de caution solidaire,
- ordonné le report de deux années, à compter de la signification du jugement, du paiement de cette somme par Mme X. avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2012,
-dit qu'à défaut pour la société DH invest de respecter une seule échéance, Mme X., caution, devra honorer ladite échéance, que faute pour Mme X. de satisfaire à cette obligation, la déchéance du terme sera acquise tant à l'égard de la société DH invest que de Mme X.,
- réduit à 5.000 euros le montant de l'indemnité de recouvrement,
- condamné solidairement la société DH invest et Mme X. à payer à la banque une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné solidairement la société DH invest et Mme X. aux dépens.
Sur requête de la banque en omission de statuer et en rectification d'erreur matérielle, un jugement est intervenu le 26 juillet 2013 pour ajouter au dispositif :
« condamne la société DH invest à payer la somme de 5.000 euros à la CRCAM de Paris et d'Ile de France »
et a rejeté la demande de rectification d'erreur matérielle.
le 23 mai 2013, la société DH invest et Mme X. ont relevé appel du jugement du 19 mars 2013.
Par dernières conclusions signifiées le 26 janvier 2015, elles prient la cour de :
- dire que le tribunal a statué ultra petita et que la banque reconnaissait devant le tribunal avoir été désintéressée au titre du solde du compte courant remboursé le 19 octobre 2012,
- constater que la banque ne forme aucune demande de ce chef et infirmer le jugement sur ce point,
- constater que la société DH invest a payé une somme totale de 110.211,97 euros entre le 1er juin 2012 et le 3 septembre 2013,
- juger que cette somme et les règlements ultérieurs doivent venir en déduction du capital restant dû à la déchéance du terme d'un montant initial de 412.568,92 euros conformément à l'article 1244-1, alinéa 2, du code civil,
- prononcer une condamnation en deniers ou quittances pour tenir compte des paiements intervenus après le 3 septembre 2013,
- dire que la pénalité dénommée « indemnité de recouvrement » sollicitées à hauteur de 28.879, 76 euros sont excessives et les réduire à 0 euros,
- subsidiairement, compte tenu de la déchéance des intérêts contractuels pour défaut de stipulation d'un taux effectif global exact, ordonner par arrêt avant dire droit à la banque de recalculer le montant de sa créance à la date de déchéance du terme, en expurgeant les intérêts contractuels et en recalculant le prêt au taux d'intérêt légal,
- dire que la majoration de 5 points du taux d'intérêt contractuel est excessive et la réduire à 0,
- dire que les pénalités calculées par rapport à un taux contractuel nul pour erreur du taux effectif global ne peuvent être appliquées,
- constater le caractère erroné du taux effectif global mentionné sur l'offre de prêt,
- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts et en conséquence leur déchéance,
- réduire la créance de la banque à 87.927,79 euros,
- annuler le cautionnement de Mme X. pour dol et subsidiairement constater qu'il est manifestement disproportionné,
- débouter la banque de ses demandes dirigées contre Mme X.,
- constater que M. H. a réglé à la banque la somme de 50.000 euros et que la société DH invest effectue des remboursements mensuels de 4.000 euros depuis le mois de juin 2012,
- confirmer le jugement sur les délais octroyés, sauf quant au point de départ des délais,
-l'infirmer de ce chef et fixer le point de départ des deux délais au jour auquel l'arrêt à intervenir aura acquis force de chose jugée,
-dire par décision spéciale et motivée que les paiements de la débitrice ou des cautions s'imputeront d'abord sur le capital,
- dire que Mme X. pourra s'acquitter de sa dette par mensualités de 500 euros,
en tout état de cause,
- condamner la banque à payer à Mme X. une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la banque de toutes ses demandes,
- la condamner aux dépens.
La banque a conclu en dernier lieu le 23 janvier 2015 pour voir :
- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande des appelantes visant à voir qualifier la clause de majoration d'intérêt de clause pénale,
- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande visant à solliciter la nullité de la stipulation d'intérêt pour taux effectif global erroné,
- déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes de Mme X. d'annulation du cautionnement pour dol et d'impossibilité de se prévaloir du cautionnement en raison de son caractère disproportionné,
- à titre subsidiaire, déclarer les demandes d'annulation de la stipulation d'intérêt et d'annulation du cautionnement prescrites et débouter les appelantes de ces demandes,
- confirmer le jugement du 19 mars 2013 en ce qu'il a :
* condamné Mme X. au paiement de la somme de 304.621,08 euros en sa qualité de caution solidaire,
* condamné la société DH invest au paiement de l'arriéré au titre du prêt du 12 mai 2009 et prononcé la capitalisation des intérêts,
- y ajoutant, fixer sa créance à l'égard de la société DH invest à la somme de 404.386,05 euros selon décompte provisoirement arrêté au 20 novembre 2014, outre intérêts postérieurs au taux contractuel majoré de 9,15 % jusqu'à parfait paiement et condamner cette société au paiement des sommes correspondantes,
- infirmer le jugement en ce qu'il a réduit l'indemnité de recouvrement à la somme de 5.000 euros et, y ajoutant, condamner la société DH invest au paiement de 28.879,82 euros au titre de cette indemnité,
- infirmer le jugement en ce qu'il a accordé un délai de 24 mois à la société DH invest et un report à 24 mois du paiement dû par Mme X. en sa qualité de caution,
- condamner solidairement la société DH invest et Mme X. à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le solde du compte courant :
Les parties sont en accord pour préciser qu'il n'existe plus de créance de la banque à ce titre ; celle-ci, précisant avoir été désintéressée par un versement du 19 octobre 2012, ne formait aucune demande en paiement pour le solde du compte courant devant le tribunal et n'en forme pas davantage devant la cour.
Il y a donc lieu de retrancher du jugement la disposition excédant la saisine du tribunal par laquelle ce dernier condamne la société DH invest à payer à la banque la somme de 4.418,03 euros au titre du solde débiteur du compte courant ouvert le 11 mai 2009.
Sur le solde du prêt :
- la clause de majoration des intérêts
La société DH invest et Mme X. font valoir qu'une telle clause constitue une clause pénale et observent que la majoration de 5 points prévue du taux contractuel porte le taux à 9,15 %, ce qui correspond à une somme annuelle sur le prêt de 18 731 euros, de sorte que la majoration est manifestement excessive.
La banque soulève l'irrecevabilité de la demande de modération qui serait nouvelle en appel, oppose le principe de la concentration des moyens et conteste la qualification de clause pénale donnée à la clause de majoration du taux d'intérêt qui ne viserait pas à contraindre les parties à exécuter leurs obligations.
Sur ce :
Le contrat de prêt prévoit que « toute somme non payée à son échéance ou à sa date d'exigibilité donnera lieu de plein droit et sans mise en demeure préalable au paiement d'intérêts de retard dont le taux est précisé au paragraphe taux des intérêts de retard », ce paragraphe stipulant que « le taux des intérêts de retard sera égal au taux du prêt majoré de 5,0000 points ».
La clause pénale se caractérise comme étant l'engagement d'une partie à verser une certaine somme à son cocontractant en cas d'inexécution de son obligation ; cette somme est une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice résultant de l'inexécution et qui s'applique du seul fait de celle-ci.
En l'espèce, la clause de majoration du taux d'intérêt sanctionne le défaut de paiement à l'échéance et est destinée à réparer le préjudice subi par le créancier en raison du retard de paiement. Elle remplit donc à la fois une fonction comminatoire, incitant le débiteur à exécuter, et réparatrice du préjudice du créancier en cas d'inexécution et elle constitue ainsi une clause pénale.
Il résulte des conclusions déposées devant le tribunal de commerce et des énonciations du jugement qu'en première instance, la société DH invest et Mme X. n'ont pas demandé la modération de la clause de majoration des intérêts.
Mais, conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, est recevable en appel la demande tendant à faire écarter ou modérer la clause pénale sur laquelle l'adversaire fonde sa demande en paiement.
Et s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci, le principe de concentration des moyens n'impose pas que tous les moyens soient présentés devant le tribunal et ne fait pas obstacle à l'application devant la cour d'appel des dispositions des articles 563 à 567 du code de procédure civile.
Pour autant, le caractère manifestement excessif de la majoration prévue n'est pas établi et il n'y a pas lieu de modérer le taux applicable.
- l'indemnité de recouvrement
Les conditions générales du contrat de prêt stipulent que si pour parvenir au recouvrement de sa créance, le prêteur a recours à un mandataire de justice ou exerce des poursuites ou produit à un ordre, l'emprunteur s'oblige à payer, outre les dépens mis à sa charge, une indemnité forfaitaire de 7 % calculée sur le montant des sommes exigibles avec un montant minimum de 2.000 euros.
La société DH invest et Mme X. font valoir qu'il s'agit également d'une clause pénale réclamée à concurrence de 28.879,76 euros (correspondant à 7 % de la créance invoquée de 412.568 euros), rappellent qu'elle a été réduite à 5.000 euros par le tribunal et en demandent la mise à néant.
La banque rétorque que l'indemnité de recouvrement n'est pas une clause pénale parce qu'elle n'a pas pour objet de faire assurer par l'une des parties l'exécution de son obligation, mais seulement d'assurer au prêteur une indemnité dans le cas où il devrait assurer des frais pour recouvrer sa créance, elle s'oppose donc à toute réduction.
Sur ce :
L'indemnité litigieuse destinée à couvrir la banque des frais imposés par le recours à un mandataire judiciaire ou à l'exercice de poursuites est stipulée à la fois comme un moyen de contraindre l'emprunteur à l'exécution spontanée, moins coûteuse pour lui, et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le prêteur du fait de l'obligation d'engager une procédure, elle constitue donc une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès manifeste, comme l'ont exactement retenu les premiers juges.
Eu égard au préjudice effectif du prêteur tenant au recours à des mandataires de justice et à l'exercice de poursuites judiciaires, la somme réclamée de 28.879,76 euros est manifestement excessive et sa réduction à la somme de 5.000 euros décidée par le tribunal est de nature à compenser le dommage de la banque.
- la demande d'annulation de la stipulation d'intérêt en raison du caractère erroné du taux effectif global
Les fins de non-recevoir soulevées par la banque au titre de la nouveauté de la demande et de la concentration des moyens ne peuvent être retenues pour les motifs déjà exposés précédemment, étant ajouté au regard de l'application de l'article 567 du code de procédure civile, que nonobstant les contestations de la banque, il existe un lien suffisant entre la demande en paiement du Crédit agricole au titre du solde du prêt et la demande reconventionnelle relative à la nullité de la stipulation d'intérêts formée par la société DH invest.
La prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel engagée par un emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le taux effectif global. Et la règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle ne s'applique que si l'action en exécution de l'obligation litigieuse est introduite après l'expiration du délai de prescription de l'action en nullité.
En l'espèce, le prêt a été consenti à la société commerciale DH invest pour les besoins de son activité professionnelle et Mme X., en sa qualité de gérante de cette société, ne peut se prévaloir du point de départ de la prescription applicable à l'emprunteur non professionnel. Le délai de cinq ans pour contester la validité du taux effectif global a donc pour point de départ la date de la signature du prêt, soit le 12 mai 2009.
L'assignation en paiement délivrée les 18 avril et 7 mai 2012 par la banque ne peut en aucun cas constituer un acte interruptif de prescription de la demande en nullité du taux effectif global formée par l'emprunteur. En effet, la citation en justice n'interrompt la prescription qu'au profit de celui qui la diligente.
Les appelantes ne peuvent davantage se prévaloir d'un effet interruptif attaché à leurs conclusions du 12 octobre 2012 devant le tribunal de commerce puisque ces écritures ne comportaient aucune demande relative au caractère erroné du taux effectif global ou à l'annulation de la stipulation d'intérêt. Au demeurant, aucune demande relative au taux effectif global et à la nullité du taux contractuel stipulé n'a été formée devant le tribunal.
Comme le relève la banque, la demande d'annulation du taux stipulé fondée sur l'allégation d'un taux effectif global erroné a été faite, pour la première fois, par les conclusions des appelantes signifiées au cours de l'instance d'appel le 19 novembre 2014. Il en résulte que, formée plus de cinq ans après la signature du prêt le 12 mai 2009, et en l'absence de tout acte interruptif antérieur, la demande d'annulation du taux d'intérêt contractuel est prescrite et donc irrecevable.
- quantum de la créance de la banque au titre du solde du prêt
La banque produit la mise en demeure signifiant la déchéance du terme à défaut de paiement sous huit jours des échéances arriérées qu'elle a adressée à la société DH invest le 19 décembre 2011 et qui était accompagnée d'un décompte détaillant les échéances impayées depuis le 20 octobre 2010 et le capital restant dû à la date précitée conforme au tableau d'amortissement produit. Il en résulte un solde exigible au 19 décembre 2011 de 412.568,92 euros entièrement justifié et qui ne fait au demeurant l'objet d'aucune critique, à l'exception de celle relative au caractère excessif de la majoration des intérêts, non retenue par la cour.
La banque produit en outre devant la cour un décompte actualisé au 20 novembre 2014, reprenant le solde précité et imputant l'ensemble des versements reçus depuis le 1er juin 2012 (50.000 euros de M. H.) puis les échéances de 4.000 euros versées par la société débitrice entre juin 2012 et le 29 avril 2014, soit un total versé de 136.711,97 euros. Il n'est pas contesté que les versements de la société DH invest ont cessé après le 29 avril 2014.
Le décompte comporte en outre le détail du calcul des intérêts contractuels au taux majoré et il en ressort, hors indemnité de recouvrement, une créance certaine, liquide et exigible au 20 novembre 2014 de 375.506,23 euros outre les intérêts au taux majoré de 9,15 % à compter de cette date, étant précisé que la société DH invest est en outre redevable de l'indemnité de recouvrement réduite à 5.000 euros en application de l'article 1152 du code civil.
Sur les demandes de la société DH invest au titre de l'article 1244-1 du code civil :
La société DH invest a bénéficié de délais de paiement accordés par les premiers juges qu'elle n'a plus respectés au moins à compter du mois de mai 2014, sans que Mme X. effectue le paiement des échéances non acquittées en ses lieu et place comme l'avait prescrit le jugement. La déchéance du terme est donc acquise et il n'y a pas lieu pour la cour d'accorder de nouveaux délais, ni d'ordonner une dérogation aux règles de l'imputation des paiements. En effet, la société DH invest ne verse aucune pièce comptable récente de nature à établir l'existence de difficultés susceptibles de justifier les demandes qu'elle forme au titre de l'article 1244-1 du code civil, étant observé que les derniers comptes annuels produits sont ceux de l'exercice clos au 31 décembre 2012 et qu'elle a déjà bénéficié de larges délais de paiement.
Sur le cautionnement de Mme X. :
La fin de non-recevoir soulevée par la banque pour nouveauté des demandes de la caution fondée sur le dol et sur la disproportion n'est pas fondée pour les motifs déjà énoncés à ce titre et tirés notamment des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Mme X. demande en premier lieu l'annulation de son engagement de caution pour dol consécutif à l'annonce d'un taux effectif global sciemment minoré.
Mais cette demande est irrecevable comme prescrite pour les motifs précédemment exposés sur la demande tendant à l'annulation de la stipulation d'intérêt.
Mme X. se prévaut ensuite du caractère disproportionné de son cautionnement au regard des dispositions de l'article L. 341-4 du code de commerce.
Il résulte des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation applicable en la cause, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. La disproportion de l'engagement de caution s'apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus et l'appréciation de la disproportion doit être effectuée au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.
En présence d'un cautionnement qui n'était pas disproportionné lors de sa conclusion, il est inopérant de rechercher s'il est devenu disproportionné au moment où la caution est appelée.
En l'espèce, la banque produit un document signé le 4 mars 2009, intitulé « renseignements confidentiels sur la caution » qui mentionne que Mme X. perçoit des revenus annuels de 17.527 euros au titre de son emploi de responsable d'un magasin d'optique et qu'elle détient des instruments financiers qui constituent des biens propres pour 350.000 euros, avec la charge d'un loyer annuel de 31.200 euros, les revenus de son conjoint étant mentionnés pour une somme annuelle de 145.302 euros.
Devant la cour, Mme X. conteste avoir rempli et signé ce document.
Il ressort effectivement de la comparaison de l'écriture figurant sur cette fiche et de celle apposée sur l'acte de prêt et de caution que les signatures sont sensiblement différentes et que les renseignements inscrits sur le questionnaire ne peuvent lier Mme X., eu égard au doute existant sur l'auteur de la signature.
Il peut néanmoins être relevé que le montant des revenus indiqués n'est pas remis en cause par Mme X. et que cette dernière n'a expressément contesté détenir un patrimoine mobilier de 350.000 euros qu'aux termes de ses conclusions n°6 déposées devant la cour le 26 janvier 2015.
En tout état de cause, en l'absence de questionnaire liant la caution, cette dernière est libre de rapporter par tous moyens la preuve qui lui incombe de la disproportion du cautionnement à ses biens et revenus lors de la conclusion de son engagement.
Force est de constater que Mme X. ne fournit aucune pièce permettant d'apprécier la réalité de sa situation patrimoniale, ni même le montant de ses revenus au moment de la conclusion du cautionnement le 12 mai 2009.
Elle se contente de dénier avoir possédé les certificats de dépôt inscrits sur le questionnaire et, si elle reconnaît qu'elle était à l'époque propriétaire indivise avec son mari d'un appartement situé [...], elle n'établit nullement que sa participation dans le bien indivis était faible, comme elle le prétend, alors qu'elle verse au débat l'ordonnance de non-conciliation prononcée le 8 novembre 2013 par le juge aux affaires familiales qui relate une acquisition de l'appartement à parts égales entre les époux, de sorte qu'elle ne peut être suivie lorsqu'elle affirme qu'elle ne détenait aucun patrimoine.
Elle ne fournit en outre aucun bulletin de salaire des années 2008 ou 2009 et ne verse aucun avis d'imposition permettant de connaître la réalité de sa situation en mai 2009.
Dans ces conditions, elle manque à rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné du cautionnement souscrit, de sorte que la banque est fondée à s'en prévaloir.
La condamnation prononcée par les premiers juges contre la caution à concurrence de 304.621,08 euros, c'est-à-dire pour le plafond de son engagement doit en conséquence être confirmée.
Sur la demande de Mme X. fondée sur l'article 1244-1 du code civil :
Comme la débitrice principale, la caution a bénéficié des délais accordés par tribunal et elle ne s'est pas substituée à la société pour éviter la déchéance du terme qui est désormais acquise.
Elle ne fournit aucun renseignement récent sur sa situation financière qui justifierait l'octroi de nouveaux délais par la cour ou l'application en sa faveur de l'article 1244-1, alinéa 2, du code civil. Les demandes de Mme X. fondées sur le texte précité seront donc rejetées.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Constate que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France n'a formé, devant le tribunal comme devant la cour, aucune demande en paiement au titre du solde débiteur du compte courant de la société DH invest qui a été apuré le 19 octobre 2012,
Vu l'article 464 du code de procédure civile,
Retranche du jugement la disposition suivante :
« Condamne la société DH invest à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel la somme de 4.418, 03 euros au titre du solde débiteur du compte courant ouvert le 11 mai 2009 »,
Rejette les fins de non-recevoir de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France tirées de la nouveauté des demandes en appel et du principe de la concentration des moyens,
Déclare irrecevables comme prescrites les demandes de nullité de la société DH invest et de Mme X. fondées sur le caractère erroné du taux effectif global du prêt,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 19 mars 2013, complété par jugement du 26 juillet 2013, en ce qu'il a réduit à 5.000 euros le montant de l'indemnité de recouvrement, condamné la société DH invest à payer la somme de 5.000 euros à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France au titre de l'indemnité de recouvrement, ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil et en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Infirme le jugement sur le quantum de la créance de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel au titre du solde du prêt,
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de modération de la clause de majoration du taux d'intérêt contractuel de cinq points en cas de retard de paiement,
Condamne la société DH invest à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France, selon décompte arrêté au 20 novembre 2014, la somme de 375.506,23 euros outre les intérêts au taux majoré de 9,15 % à compter de cette date et leur capitalisation,
Ajoutant au jugement,
Déboute Mme X. de sa demande tendant à voir déclarer son cautionnement manifestement disproportionné,
Condamne en conséquence Mme X., en sa qualité de caution solidaire de la société DH invest, à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France la somme de la somme de 304.621,08 euros,
Constate l'acquisition de la déchéance du terme quant aux délais accordés par les premiers juges à la société DH invest et à Mme X.,
Dit n'y avoir lieu à accorder de nouveaux délais et rejette les demandes formées en cause d'appel sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil,
Condamne solidairement la société DH invest et Mme X. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France la somme de 2.000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne solidairement la société DH invest et Mme X. aux dépens et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Laure BELAVAL, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, La présidente,