CA BOURGES (ch. civ.), 1er février 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7408
CA BOURGES (ch. civ.), 1er février 2018 : RG n° 16/00839
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Attendu qu'ainsi que le rappelle EDF, depuis le 1er janvier 2008, seule ERDF devenue ENEDIS a la qualité de distributeur et RTE celle de gestionnaire du réseau de transport d'électricité ; que seuls ces derniers sont susceptibles d'engager leur responsabilité à raison de l'inexécution des obligations qui leur incombent en ces qualités respectives de distributeur et transporteur d'énergie ;
Attendu que la responsabilité contractuelle d'EDF, dont il n'est pas contesté qu'elle a mis l'électricité à disposition sur le réseau public de transport géré par RTE, ne saurait être retenue pour un manquement à une obligation qui ne lui incombe pas ; que la convention rappelle au demeurant, en sa clause relative à la responsabilité, que chacune des parties est responsable de l'exécution des obligations mises à sa charge par le contrat et qu'aucune des parties n'encourt de responsabilité vis-à-vis de l'autre à raison des dommages ou défauts d'exécution qui sont, notamment, la conséquence du fait d'un tiers ;
Que EDF a pour seule obligation de fournir de l'électricité, c'est-à-dire de la mettre à disposition sur le réseau, puisque le transport et la distribution finale lui échappent de par l'effet de la loi et ne peuvent donc être garantis par lui ; qu'il est constant, en l'occurrence, que seule l'interruption dans l'acheminement de l'énergie du point de production au point de livraison a placé le fournisseur dans l'impossibilité de remplir son obligation envers ses clients ;
Attendu qu'ainsi, EDF ne peut être déclaré responsable des conséquences d'un incident survenu sur le réseau public de transport de l'électricité géré par RTE et que, par ce seul motif, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné EDF à indemniser les sociétés PARAGON des préjudices qu'elles invoquent ».
2/ « Attendu que les sociétés PARAGON ne visent, à l'appui de leurs demandes de condamnation de RTE, que les dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, se plaçant ainsi sur le terrain de la responsabilité contractuelle, alors qu'elles ne se prévalent d'aucun contrat qui les lierait à ce transporteur d'énergie et prétendent même être sans lien avec cette dernière ; Que, sur le terrain d'une éventuelle responsabilité délictuelle qu'elles n'invoquent pas, elles ne font état, à l'encontre de RTE, d'aucun fait concret et précis qui pourrait revêtir la qualification de faute quasi-délictuelle susceptible d'engager cette responsabilité ».
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/00839. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NEVERS en date du 25 mai 2016.
PARTIES EN CAUSE :
I - SA ÉLECTRICITÉ DE FRANCE
agissant poursuites et diligences de son Président du Directoire domicilié en cette qualité au siège social : [adresse] Représentée par Maître Hervé R. de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES, Plaidant par Maître Pierre P. de la SELARL Pierre P., avocat au barreau de PARIS - timbre dématérialisé n° XX
APPELANTE suivant déclaration du 14 juin 2016
II - SA PARAGON TRANSACTION
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social : [adresse]
- SAS PARAGON MARKETING SERVICES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social : [adresse]
Représentées par Maître Estelle I., avocat au barreau de BOURGES, Plaidant par Maître François F. de la SELARL ACTAH, avocat au barreau de BEZIERS - timbre dématérialisé n° YY
INTIMÉES
III - SA RTE RÉSEAU DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social : [adresse], Représentée par Maître Dominique G. de la SCP G., S., avocat au barreau de NEVERS, Plaidant par Maître Pierre S.-C. de la SELARL S.- C. & L., avocat au barreau de STRASBOURG, substitué à l'audience par Me Dominique G. - timbre dématérialisé n° ZZ
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 mars 2017 en audience publique, la Cour étant composée de : M. FOULQUIER Président de Chambre, M. PERINETTI Conseiller, Mme MERLET Conseiller, entendu en son rapport.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les sociétés PARAGON TRANSACTION et PARAGON MARKETING SERVICES exploitent une imprimerie sise à [ville C.], ville qui le 24 septembre 2013 a été privée d'électricité durant environ 9 heures consécutivement à la rupture d'un câble haute tension.
La société PARAGON TRANSACTION avait conclu avec la SA EDF un contrat dit expert portant sur la fourniture d'énergie électrique et la SAS PARAGON MARKETING SERVICES qui vient aux droits d'une société MOORE RESPONSE MARKETING un contrat dit émeraude amendé par deux avenants en date des 5 mars et 14 juin 2002 qui englobe des prestations de fournisseur et distributeur.
A la suite de l'incident et afin d'être indemnisé des préjudices résultant de cette panne, elles ont présenté une réclamation à EDF transmise à ERDF (devenue ENEDIS) qui après expertise de RTE n'y a pas donné suite.
Suivant actes extra judiciaires du 31 décembre 2014, elles ont assigné EDF et ERDF devant le Tribunal de commerce de NEVERS afin de les voir condamner solidairement sur la base de l'article 1147 du Code civil à leur payer respectivement les sommes de 254.096 et 13.494,33 euros HT en réparation de leurs préjudices outre 6.000 euros pour chacune au titre des frais irrépétibles.
EDF a appelé en garantie RTE (RÉSEAU DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ).
Par jugement contradictoire du 25 mai 2016, le Tribunal de commerce de NEVERS a condamné EDF à payer à la société PARAGON TRANSACTION à titre de dommages intérêts la somme de 48.527 euros HT majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, débouté la SAS PARAGON MARKETING SERVICES de ses demandes, condamné EDF à 4.000 euros au titre des frais irrépétibles, dit n'y avoir matière à exécution provisoire, rejeté toute autre demande.
Le 14 juin 2016, EDF a interjeté appel de cette décision à l'encontre des sociétés Paragon Transaction et PARAGON Marketing Solutions et RTE.
Par conclusions transmises le 16 décembre 2016, EDF demande à la Cour à titre principal d'infirmer le jugement, de débouter les sociétés PARAGON TRANSACTION et PARAGON MARKETING SERVICES de leurs prétentions et de condamner in solidum les sociétés PARAGON TRANSACTION et PARAGON MARKETING SERVICES à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Après avoir expliqué que l'énergie électrique qu'elle produit ou achète est acheminée jusqu'à des postes sources par RTE (en sa qualité de transporteur) puis conduite aux points de livraison et distribuée par ERDF (ENEDIS) (en tant que distributeur), elle expose que le 24 septembre 2013, RTE a « opéré des manœuvres sur son réseau de transport » à l'origine de la panne, qu'ENEDIS s'est chargée de traiter les réclamations des sociétés PARAGON auxquelles il n'a pas été donné suite.
Si elle admet que les dommages causés par des incidents sur le réseau peuvent engager la responsabilité contractuelle du distributeur comme l'a retenu le tribunal, elle soutient qu'elle n'a pas cette qualité mais celle de producteur ou de fournisseur d'électricité.
Elle rappelle que depuis le 1er janvier 2008, seule ERDF (ENEDIS) a la qualité de distributeur et qu'elle seule ainsi que RTE en sa qualité de gestionnaire du réseau de transport d'électricité sont susceptibles d'engager leur responsabilité à ce titre car une coupure d'électricité résulte d'une interruption dans l'acheminement de l'énergie du point de production au point de livraison et place ainsi le fournisseur dans l'impossibilité de remplir son obligation envers ses clients, qu'il s'en suit qu'elle n'est pas responsable de tels incidents puisqu'elle ne peut pas garantir la bonne exécution des obligations du producteur ou du distributeur, que ses contrats ne prévoient d'ailleurs aucune obligation d'acheminer l'électricité à son point de livraison, qu'elle ne pouvait donc pas être condamnée.
Subsidiairement, elle fait valoir que le contrat EXPERT passé avec la SAS PARAGON TRANSACTION comporte une clause (article 15 des conditions générales) exonératrice de responsabilité à raison des dommages ou défauts d'exécution qui sont la conséquence du fait d'un tiers, que s'agissant de la SAS PARAGON MARKETING SERVICES, les dispositions combinées des conditions générales (articles 6 et 7) et du 4ème avenant du contrat Emeraude prévoient une tolérance en matière de coupures brèves et longues ce dont il découle que sa responsabilité ne peut être engagée si ces seuils ne sont pas dépassés hormis la démonstration d'une faute (ou d'une négligence), qu'au cours de l'année 2013, sa cliente a subi deux coupures longues et qu'ainsi le seuil n'est pas dépassé, que de telles clauses sont valables.
Reprenant l'argumentation adverse, elle soutient :
* que la législation consumériste (L. 132-1 du Code de la consommation) relative aux clauses abusives ne concerne pas les sociétés commerciales,
* que la jurisprudence élaborée en matière d'obligations essentielles n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce puisqu'elle ne peut jouer qu'en matière de faute lourde en l'occurrence l'inexécution fondamentale du contrat alors qu'en l'espèce, elle a bien respecté son obligation essentielle qui consiste à fournir de façon continue mais non permanente de l'électricité, que les clauses n'ont qu'une portée restreinte et ne jouent qu'en l'absence de faute du distributeur ce qu'a admis la Cour de cassation,
* que l'article 1162 du Code civil est invoqué à propos d'autres clauses sans rapport avec le litige et que le contrat ÉMERAUDE est clair.
Par ailleurs, elle fait valoir que les deux sociétés PARAGON ne rapportent pas la preuve d'un préjudice causé directement par la faute alléguée. Elle relève également l'imprévoyance de la société PARAGON TRANSACTION qui ne disposait pas de solution alternative à une coupure d'électricité toujours prévisible et relève l'absence de pièces relatives à l'organisation du réseau informatique de cette société.
Quant aux indemnités réclamées, elle considère que le versement des salaires est une obligation de l'employeur et qu'il ne peut représenter un poste de préjudice en l'absence de preuve, que seule la perte de marge brute est indemnisable à la condition de démontrer l'absence de production ou de commandes, qu'il n'est pas établi que l'indisponibilité de la plate-forme informatique a entraîné une perte marchande, que la perte de marge sur le client ATAC ne peut être indemnisée faute de lien de causalité avec l'incident, que la rupture des liens commerciaux résulte du manque de fiabilité de la solution proposée par l'imprimeur à la société ATAC, qu'au demeurant, la rupture des relations n'est même pas certaine, qu'il n'est enfin pas rapporté la preuve des dommages matériels résultant de la coupure de courant, notamment la perte de la gâche (6.319 kg valorisés à hauteur de 11.310 euros). Elle considère que cette demande nouvelle n'est pas justifiée tant dans sa matérialité que son calcul. S'agissant du préjudice subi par la société PARAGON MARKETING SERVICES, elle reconduit son analyse relative aux salaires.
Subsidiairement, dans la perspective d'une condamnation, elle demande à RTE qui ne peut lui opposer une clause d'exonération ne la concernant pas, de la garantir car en l'espèce, la coupure d'électricité est survenue sur le réseau de transport en raison d'un manque d'entretien du matériel.
Par écritures transmises le 31 janvier 2017, RTE qui rappelle les circonstances entourant sa constitution et son autonomie juridique vis à vis d'EDF conclut à la confirmation de la décision au rejet de toute demande de garantie ou de condamnation présentée à son encontre.
Elle relève que le fondement juridique de l'appel en garantie n'est pas précisé et qu'aucune faute contractuelle ne peut lui être reprochée. Elle expose qu'un contrat (CART : contrat d'accès au réseau de transport) la lie à ERDF et qu'il subordonne l'indemnisation au dépassement d'un seuil de coupures (articles 7.2.2., 9 ) et à un préjudice subi par le client final, qu'en l'espèce, le seuil n'est pas atteint, que les conditions particulières à laquelle la convention CART renvoie ont bien été signées de telle sorte qu'elles sont opposables, qu'au surplus le niveau d'engagement est bien supérieur à celui prévu par des textes réglementaires en l'occurrence le Décret 2007-1826 et l'arrêté du 24 décembre 2007, qu'enfin, la coupure litigieuse résulte d'un aléa lié au régime normal d'exploitation et résultant d'une conjonction de causes étrangères. En tout état de cause, elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute dans la maintenance de ses installations ou la gestion du réseau et a réagi avec diligence.
S'agissant des demandes formées à son encontre par les sociétés PARAGON, elle rappelle ne pas être liée à elles de telle sorte qu'aucune condamnation, au surplus solidaire, ne peut intervenir à son encontre.
Elle réclame enfin la condamnation d'EDF à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Suivant conclusions transmises le 03 février 2017, les SA PARAGON TRANSACTION et SAS PARAGON MARKETING SERVICES demandent à la Cour de confirmer la décision en ce qu'elle a retenu la responsabilité d'EDF mais de l'infirmer pour le surplus, de recevoir leur appel incident et de condamner solidairement EDF, ERDF et RTE à leur payer respectivement outre 9.000 euros au titre des frais irrépétibles, 254.096 et 13.494,33 euros HT en réparation de leur préjudice.
Elles soutiennent que des travaux entrepris sans précaution sur une ligne haute tension ont entraîné une coupure inopinée et prolongée d'électricité, que leur activité a été interrompue brutalement ce qui leur a causé de nombreux préjudices dont elles n'ont pu obtenir amiablement réparation, qu'elles demandent à EDF de les indemniser au titre de la rupture totale d'approvisionnement en électricité pendant 9 heures qui s'analyse bien en une inexécution du contrat de fourniture d'énergie, que la clause d'exonération de responsabilité du fait d'un tiers invoquée par EDF ne s'applique pas au litige, qu'EDF n'a pas exécuté correctement le contrat, que de toute façon, elles ont mis en cause ERDF, EDF, RTE, que la position d'ERDF qui consiste à imputer le sinistre à RTE ne peut les concerner puisqu'elle est leur interlocuteur contrairement à RTE, que les conditions générales du contrat doivent être interprétées contre ERDF car elles sont plus sévères que l'avenant, que les clauses invoquées par ERDF ne s'appliquent pas au cas d'espèce, que l'article 5.1.2.4. relatif aux coupures d'une durée supérieure à six heures imputable à une défaillance des réseaux publics de transport et de distribution renvoie aux dispositions de l'article 6 I du décret 2001-365 du 26 avril 2001 qui a été abrogé le 11 décembre 2014, qu'en tout état de cause, les clauses litigieuses limitant la responsabilité de leur cocontractant doivent être écartées car elles sont abusives au regard du code de la consommation, qu'elle visent également à la dégager d'une obligation essentielle : la fourniture continue d'électricité et ne prévoient qu'une indemnisation dérisoire, qu'ERDF ne pouvait donc être mise hors de cause et que le jugement doit donc être infirmé de ce chef.
Elles détaillent leur préjudice :
celui commun résultant des coûts salariaux alors qu'aucune activité n'était possible
ceux propres à la seule PARAGON TRANSACTION en l'occurrence celui résultant de :
- la perte de marge sur coûts variables,
- l'indisponibilité de la plate-forme internet et la perte d'un marché avec un client ATAC dont le flux des commandes a été interrompu durant plusieurs heures ce dont il a conçu un doute rédhibitoire sur leur aptitude à les traiter outre des préjudices divers dont la gâche.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI,
Attendu qu'EDF expose qu'elle est un producteur et un fournisseur d'électricité et non pas un distributeur et ne peut être tenue d'une obligation de résultat envers son client puisqu'elle ne maîtrise pas la distribution ou le transport d'électricité et qu'en l'espèce la cause de la coupure résulte d'une panne survenue sur le réseau de transport géré par RTE en l'occurrence la rupture d'un câble haute tension ;
Attendu qu'il est constant et résulte tant d'un courrier d'ERDF datant du 11 octobre 2013 que d'un rapport établi par RTE que le 24 septembre 2013, la ville de C. où était implanté le serveur numérique commandant l'activité des sociétés PARAGON disséminée sur plusieurs sites, a été privée d'électricité de 3 à 13 heures soit durant environ 9 heures ;
Que comme le démontrent les propres pièces de RTE, cette panne a pour cause « la perte de ligne HTA RTE de C. + P. le 24 septembre à 03 heures 05 » consécutive à la chute d'un câble haute tension résultant d'un emballement thermique survenu sur le réseau de transport d'électricité géré par RTE qui procédait concomitamment à des travaux d'entretien sur les autres lignes transport qui alimentent les postes sources « Cosne » et « P. » ;
Qu'en raison de cette panne, le serveur qui commandait les activités de l'imprimerie industrielle numérique exploitée par les SA PARAGON TRANSACTION et SAS PARAGON MARKETING SERVICES, a cessé de fonctionner ; que les deux sociétés ont vainement demandé réparation amiable des préjudices résultant de cette interruption inopinée de courant ; que pour retenir uniquement la responsabilité d'EDF, le tribunal de commerce a retenu qu'elle avait la qualité de distributeur et mis hors de cause ERDF (ENEDIS) et RTE sans d'ailleurs le préciser dans son dispositif ;
Attendu que les responsabilités encourues nécessitent de déterminer au préalable les qualités respectives des différents protagonistes ;
Attendu que la transposition de la directive n° 2003/54/CE du 26 juin 2003 par la Loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie modifiant la Loi n° 2004-803 du 09 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ont entraîné la dissociation des activités de fournisseur, distributeur et transporteur initialement exercées par EDF à compter du 1er janvier 2008 ;
Que la gestion du transport et la distribution de l'électricité a été attribuée respectivement à RTE et ERDF (ENEDIS) ;
Que par ailleurs, le contrat dit Expert « contrat électricité expert » conclu les 26 et 27 janvier 2012 entre la SA PARAGON TRANSACTION et EDF a pour unique objet la fourniture d'électricité pour la période 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ;
Que conformément aux dispositions du Code de l'énergie, il s'articule avec un contrat CARD passé le 9 février 2012 entre ce client et ERDF (ENEDIS) qui, pour sa part, est bien un distributeur d'électricité ; que si un mandat a été donné par la SA PARAGON TRANSACTION à EDF relativement à ses relations avec ERDF, il n'exerce aucune influence sur sa qualité de fournisseur et ne peut permettre de l'assimiler à un distributeur ;
Qu'un contrat dit « Emeraude » a été conclu les 14 et 21 mars 2002 par la société MOORE RESPONSE MARKETING aux droits de laquelle vient la SAS PARAGON MARKETING SERVICES ; qu'il porte sur la fourniture d'électricité et inclut également des prestations de distribution ; que toutefois, ce contrat a été conclu à une époque où EDF exerçait son monopole et ne peut être assimilé à un contrat unique faute pour lui de répondre aux conditions du Code de l'énergie ;
Que EDF a la qualité de fournisseur d'énergie et non de distributeur comme l'a retenu à tort le Tribunal de commerce ;
Sur la responsabilité d'ERDF :
Attendu que si elles ont formé appel incident de la décision et sollicitent la condamnation solidaire des sociétés EDF ERDF et RTE, les sociétés PARAGON n'ont pas formé appel à l'encontre d'ERDF, qui n'a pas été intimée par EDF, ni ne lui a signifié leurs écritures, de telle sorte que la demande n'est pas régulièrement formée à son encontre ;
Que dès lors la Cour ne peut examiner que la responsabilité encourue par EDF en sa qualité de fournisseur d'électricité ;
Sur la responsabilité d'EDF :
Attendu qu'il est constant que le 23 septembre 2013, les sociétés Paragon, liées à EDF par un contrat de fourniture d'électricité, n'ont pu bénéficier de l'électricité qui devait leur être fournie par celle-ci en raison de l'indisponibilité durant 9 heures du réseau de transport liée à une chute d'un câble haute tension à l'occasion d'opérations d'entretien de ce réseau par RTE ;
Attendu qu'ainsi que le rappelle EDF, depuis le 1er janvier 2008, seule ERDF devenue ENEDIS a la qualité de distributeur et RTE celle de gestionnaire du réseau de transport d'électricité ; que seuls ces derniers sont susceptibles d'engager leur responsabilité à raison de l'inexécution des obligations qui leur incombent en ces qualités respectives de distributeur et transporteur d'énergie ;
Attendu que la responsabilité contractuelle d'EDF, dont il n'est pas contesté qu'elle a mis l'électricité à disposition sur le réseau public de transport géré par RTE, ne saurait être retenue pour un manquement à une obligation qui ne lui incombe pas ; que la convention rappelle au demeurant, en sa clause relative à la responsabilité, que chacune des parties est responsable de l'exécution des obligations mises à sa charge par le contrat et qu'aucune des parties n'encourt de responsabilité vis-à-vis de l'autre à raison des dommages ou défauts d'exécution qui sont, notamment, la conséquence du fait d'un tiers ;
Que EDF a pour seule obligation de fournir de l'électricité, c'est-à-dire de la mettre à disposition sur le réseau, puisque le transport et la distribution finale lui échappent de par l'effet de la loi et ne peuvent donc être garantis par lui ; qu'il est constant, en l'occurrence, que seule l'interruption dans l'acheminement de l'énergie du point de production au point de livraison a placé le fournisseur dans l'impossibilité de remplir son obligation envers ses clients ;
Attendu qu'ainsi, EDF ne peut être déclaré responsable des conséquences d'un incident survenu sur le réseau public de transport de l'électricité géré par RTE et que, par ce seul motif, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné EDF à indemniser les sociétés PARAGON des préjudices qu'elles invoquent ;
Sur la responsabilité de RTE :
Attendu que les sociétés PARAGON ne visent, à l'appui de leurs demandes de condamnation de RTE, que les dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, se plaçant ainsi sur le terrain de la responsabilité contractuelle, alors qu'elles ne se prévalent d'aucun contrat qui les lierait à ce transporteur d'énergie et prétendent même être sans lien avec cette dernière ;
Que, sur le terrain d'une éventuelle responsabilité délictuelle qu'elles n'invoquent pas, elles ne font état, à l'encontre de RTE, d'aucun fait concret et précis qui pourrait revêtir la qualification de faute quasi-délictuelle susceptible d'engager cette responsabilité ;
Qu'elles ne pourront qu'être déboutés de cette demande d'indemnisation :
Sur les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens :
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable d'abandonner à chaque partie ses frais irrépétibles ; que les sociétés PARAGON qui succombent, supporteront chacune pour moitié les dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme le jugement rendu le 25 mai 2016 par le Tribunal de commerce de NEVERS,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes formées par les SA PARAGON TRANSACTION et SAS PARAGON MARKETING SERVICES contre ERDF ;
Déboute la SA PARAGON TRANSACTION et la SAS PARAGON MARKETING SERVICES de l'ensemble de leurs autres demandes ;
Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SA PARAGON TRANSACTION et la SAS PARAGON MARKETING pour moitié chacune aux dépens de première instance et d'appel.
L'arrêt a été signé par M. FOULQUIER, Président, et par Mme GUILLERAULT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. GUILLERAULT Y. FOULQUIER