CA CHAMBÉRY (2e ch.), 25 janvier 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7409
CA CHAMBÉRY (2e ch.), 25 janvier 2018 : RG n° 16/02793
Publication : Jurica
Extrait : « La société Brasserie Météor a accepté d'apporter son soutien financier à condition que les associés, MM. X. et Y., s'engagent pour une durée de cinq ans à se fournir exclusivement auprès d'elle en boissons. Il y avait en conséquence une contrepartie au cautionnement, en rapport direct avec l'activité professionnelle de la société de brasserie. La créance est née dans l'exercice de la profession du créancier, et en rapport direct avec son activité professionnelle de débitant de boissons.
Par ailleurs, il sera constaté que la société Brasserie Météor a pris l'initiative d'appeler MM. X. et Y. en qualité de cautions, après s'être elle-même portée caution. Cette démarche démontre que la société Brasserie Météor était parfaitement avisée de l'opération financière qu'elle réalisait, tant en amont qu'en aval de son cautionnement. Il en résulte qu'elle doit être considérée comme un créancier professionnel. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 25 JANVIER 1978
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/02793. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 15 juillet 2014 : R.G. n° 2013J00254.
APPELANT :
M. X.
né le [date] à [ville], demeurant Chez M. et Mme X. - [adresse], assisté de la SCP M. D. T., avocats postulants au barreau d'ALBERTVILLE et de la SCP B.-M. & S., avocats plaidants au barreau de SAINT-BRIEUC
INTIMÉS :
M. Y.
demeurant [adresse], sans avocat constitué
M. D. Z.
dont la dernière adresse connue est [adresse], sans avocat constitué
M. T. Z.
né le [date] à [ville], demeurant [adresse], assisté de Maître Cécile R., avocat postulant au barreau de CHAMBÉRY et de la SELARL JURISAVOIE, avocats plaidants au barreau d'ANNECY
SA BRASSERIE METEOR
dont le siège social est sis [adresse] prise en la personne de son représentant légal, assistée de la SCP G., avocats au barreau d'ANNECY
COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 14 novembre 2017 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffier, Et lors du délibéré, par : - Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président, - Monsieur Franck MADINIER, Conseiller, - Monsieur Philippe LE NAIL, Vice-Président Placé, qui a procédé au rapport
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
En date du 21 avril 2010, la Sarl Le Wembley's exploitant un fonds de commerce de débit de boissons à Meythet, a signé un contrat de prêt d'un montant de 15.375 euros auprès du CIC EST remboursable en 58 mensualités de 265,09 euros chacune, arrivant à terme le 25 avril 2015.
Le CIC EST a accepté ce concours financier à condition que la société Brasserie Météor s'engage en qualité de caution solidaire. Afin d'obtenir son engagement de caution, cette dernière sollicitait l'engagement de caution de MM. Y. et X., co-gérants au moment de la souscription du contrat de prêt le 21 avril 2010 ainsi que l'inscription d'un nantissement sur le fonds de commerce le 11 avril 2011.
Par la suite MM. D. Z. et T. Z. sont devenus associés et se sont portés cautions à l'égard de la Brasserie le 31 mars 2011.
Par jugement du 3 octobre 2012, le Tribunal de Commerce d'Annecy a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl Le Wembley's et l'établissement bancaire s'est retourné contre la Brasserie Météor en qualité de caution, qui a versé en lieu et place de la société emprunteuse la somme de 12.193,92 euros.
La société Brasserie Météor a mis en demeure, en leur qualité de cautions, les quatre associés Monsieur Y., X., D. Z. et T. Z., de procéder au règlement des montants restant dus.
Sans évolution de la situation, la société Brasserie Météor a fait assigner les quatre associés devant la juridiction commerciale d'Annecy.
Par jugement du 15 juillet 2014, le Tribunal de Commerce d'Annecy a :
- débouté la Brasserie Météor de toutes ses demandes à l'encontre de Monsieur T. Z.,
- condamné solidairement MM. Y., X. et D. Z. à payer à la Brasserie Météor la somme de 11.398,65 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné solidairement MM. Y., X. et D. Z. à payer à la Brasserie Météor la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre entiers dépens de l'instance,
- condamné la Brasserie Météor à payer à Monsieur T. Z. la somme de 800 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, le tout avec exécution provisoire.
Le 28 juin 2016, la Brasserie Météor a fait délivrer à Monsieur X. un acte de dénonciation d'un procès-verbal de saisie attribution sur son compte bancaire en date du 23juin 2016, en vertu du jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Annecy le 15 juillet 2014, pour le paiement de la somme totale de 14.948,84 euros.
Monsieur X. a assigné la Brasserie Météor devant le juge de l'exécution en date du 8 juillet 2016, aux fins de déclarer nuls les actes de signification du jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Annecy le 15 juillet 2014.
Le 15 décembre 2016, le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Saint-Malo a notamment prononcé la nullité de la saisie attribution du 23 juin 2016 et ordonné sa mainlevée.
Par déclaration au greffe en date du 29 décembre 2016, Monsieur X. a interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Annecy le 15 juillet 2014.
Selon conclusions notifiées le 25 octobre 2017, Monsieur X. demande à la Cour d'infirmer le jugement dont appel, et conséquemment de :
A titre principal,
- dire inopposables les engagements de caution de Monsieur X. à l'égard de la société Brasserie Météor comme étant disproportionnés,
- débouter de leurs demandes respectives la Brasserie Météor et Monsieur T. Z.,
A titre reconventionnel,
- condamner la société Brasserie Météor à verser à Monsieur X. la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
- condamner la société Brasserie Météor à verser à Monsieur X. la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
A titre liminaire, Monsieur X. expose que la demande de Monsieur Y. à son encontre est infondée, et qu'elle ne peut qu'être rejetée par la Cour puisqu'elle ne repose sur aucune argumentation de fait ou de droit.
Sur le fond et s'agissant de la société Brasserie Météor, il soutient que celle-ci a la qualité de créancier professionnel, d'autant plus qu'elle s'est portée caution de la société le Wembley's en contrepartie de l'exclusivité de son approvisionnement en bière pour une durée de 5 ans.
Monsieur X. dénonce le fait qu'il n'a rempli aucun formulaire sur ses revenus ou son patrimoine préalablement à son engagement.
Il indique qu'il avait souscrit deux engagements de caution similaires auprès de la banque Laydernier et que ces derniers lui ont été déclarés inopposables par un jugement de mai 2015 rendu par le Tribunal de Commerce d'Annecy, décision confirmée en appel en mai 2017.
Au jour de l'appel en garantie, il ne disposait d'aucun patrimoine et avait de faibles revenus, en paiement de missions en intérim.
A titre reconventionnel, il demande des dommages et intérêts correspondant à sa perte de chance d'avoir pu se défendre en première instance, la société Brasserie Météor l'ayant assigné à la mauvaise adresse, pour obtenir un jugement de condamnation par défaut.
Il précise qu'il est obligé de passer par la voie de l'appel pour faire valoir ses droits, procédure plus longue et plus coûteuse.
Par conclusions notifiées 9 mai 2017, la société Brasserie Météor demande à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Annecy le 15 juillet 2014,
- rejeter l'intégralité des demandes de Monsieur X.,
- condamner Monsieur X. à payer à la société Brasserie Météor la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société Brasserie Météor fait valoir qu'en tant que brasserie familiale, elle ne peut être qualifiée de créancier professionnel.
La société Brasserie Météor rappelle qu'elle n'était pas créancière au moment de la souscription du prêt, et qu'elle a fait appel au sous-cautionnement de Monsieur X. pour apporter son propre cautionnement, et que dès lors ce sous-cautionnement de Monsieur X. n'entre pas dans le champ d'application des dispositions des articles L. 341-1 et suivants du Code de la consommation.
Elle indique que tant au moment de la conclusion de l'engagement de caution, qu'au moment de la mise en œuvre du cautionnement, les documents produits par Monsieur X. ne témoignent pas d'une disproportion.
Par conclusions notifiées 18 mai 2017, Monsieur T. Z. demande à la Cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Annecy le 15 juillet 2014,
- rejeter l'intégralité des demandes de Monsieur X.,
- condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Monsieur Y. rappelle que la juridiction de première instance l'a mis hors de cause, notamment en raison du dol commis à son égard par la société Brasserie Météor. Il fait valoir qu'il a donné sa caution, alors qu'il n'avait pas conscience de la situation financière de la société Wembley's, contrairement au créancier.
MM. Y. et Y. n'ont pas été touchés par l'assignation. Ils n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 octobre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
* Sur la qualité de créancier professionnel de la société Brasserie Météor :
La société Brasserie Météor a accepté d'apporter son soutien financier à condition que les associés, MM. X. et Y., s'engagent pour une durée de cinq ans à se fournir exclusivement auprès d'elle en boissons.
Il y avait en conséquence une contrepartie au cautionnement, en rapport direct avec l'activité professionnelle de la société de brasserie.
La créance est née dans l'exercice de la profession du créancier, et en rapport direct avec son activité professionnelle de débitant de boissons.
Par ailleurs, il sera constaté que la société Brasserie Météor a pris l'initiative d'appeler MM. X. et Y. en qualité de cautions, après s'être elle-même portée caution.
Cette démarche démontre que la société Brasserie Météor était parfaitement avisée de l'opération financière qu'elle réalisait, tant en amont qu'en aval de son cautionnement.
Il en résulte qu'elle doit être considérée comme un créancier professionnel.
* Sur la disproportion de l'engagement :
L'article L. 341-4 du Code de la consommation dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
L'appréciation de la disproportion se fait donc à la date de la conclusion du contrat de cautionnement, sauf si au moment où elle est appelée son patrimoine lui permet de payer.
Il appartient alors au créancier de démontrer qu'au moment où il assigne en paiement la caution, celle-ci disposait d'un patrimoine suffisant. A défaut, l'acte lui serait inopposable.
En revanche, la preuve de la disproportion initiale incombe à la caution.
Il n'est pas contesté que la société Brasserie Météor n'a pas fait remplir à Monsieur X. une fiche de renseignements au moment de son engagement, permettant d'apprécier sa situation financière, tant en terme de ressources que de patrimoine.
Il ne peut être reproché à ce dernier de ne pas avoir fourni des renseignements qui ne lui ont pas été demandés.
En revanche, force est de constater que Monsieur X., à qui il appartient de démontrer qu'à la date de son engagement le 21 avril 2010, celui-ci était manifestement disproportionné, ne verse aucune pièce permettant d'appréhender ses revenus à cette date ou au cours de l'année 2010.
La fourniture de son avis d'imposition 2012, sur le revenus 2011, est à cet égard indifférente, d'autant plus que Monsieur X. a exercé son activité au sein de la société Wembley's du 4 mars 2010 au 14 janvier 2011.
Il n'y a pas de pièces témoignant de son incapacité financière le jour de son engagement de caution.
Il ressort de la combinaison des articles 9 et 146 du Code de Procédure Civile qu'il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention et qu'il n'appartient pas au juge de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
La preuve d'un cautionnement disproportionné n'étant pas rapportée, ce dernier sera déclaré opposable à Monsieur X.
* Sur la demande reconventionnelle de Monsieur X. :
Monsieur X. soutient qu'il doit être indemnisé de sa perte de chance de faire valoir ses droits en première instance.
Monsieur X. a été régulièrement assigné par acte d'huissier à sa dernière adresse connue le 9 juillet 2013. Cet acte a donné lieu à un procès-verbal de recherches infructueuses.
Rien ne démontre le caractère intentionnel de la brasserie Météor à assigner Monsieur X. à une adresse qu'elle aurait su ne plus être valable. Il ne peut être conclu rétroactivement de la délivrance du procès-verbal de saisie-attribution du 28 juin 2016 à la bonne adresse, que la société Météor connaissait cette adresse de Monsieur X. trois ans auparavant.
Il sera fait observer que cette nouvelle adresse de Monsieur X. a donné lieu à un procès-verbal de recherche infructueuse le 8 novembre 2017.
En conséquence, Monsieur X. sera débouté de ce chef de demande.
* Sur les demandes de Monsieur Y. :
Monsieur X. n'a pas de demande à l'égard de Monsieur Y., si ce n'est de débouter ce dernier de ses demandes à son encontre.
Monsieur Y. demande à la Cour de confirmer le jugement du 15 juillet 2014 et de débouter Monsieur X. de ses demandes.
Un certain nombre de griefs sont formulés par Monsieur Y. à l'égard de la société Brasserie Météor, mais les demandes qui en résultent sont formées contre Monsieur X.
Il doit être constaté qu'il n'y a en définitive aucune demande fondée en fait ou en droit de Monsieur Y. à l'égard de Monsieur X.
Les demandes de Monsieur Y. seront déclarées irrecevables.
La seule demande de Monsieur Y. à l'encontre de Monsieur X. est celle fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile, qui n’a pas de fondement justifiant son application.
* Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :
La société Brasserie Météor a dû engager des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits dans la présente instance ; Il est équitable de lui allouer en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile la somme de 2.000 euros mise à la charge de Monsieur X.
* Sur les dépens :
Monsieur X. sera condamné aux dépens avec distraction au profit de Maître Philippe G., Avocat, en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi, et par défaut,
CONFIRME le jugement du 15 juillet 2014, du Tribunal de Commerce d'Annecy en toutes ses dispositions,
DÉCLARE irrecevables les demandes de Monsieur Y. à l'égard de Monsieur X.,
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société Brasserie Météor la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens d'appel, avec en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile, au profit de Maître Philippe G., Avocat, autorisation de recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans provision préalable.
Ainsi prononcé publiquement le 25 janvier 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.