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CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 2 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 2 février 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 11
Demande : 15/16414
Date : 2/02/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7417

CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 2 février 2018 : RG n° 15/16414 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La demande en dommages intérêts formée subsidiairement par TEGUR sur le fondement de l'article L. 442-6-I du Code de commerce aux termes duquel « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou « personne immatriculée au répertoire des métiers » : « 1° De pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence », est irrecevable en l'espèce en l'absence de démonstration que TEGUR de la création d'un désavantage ou un avantage à son endroit, dans la concurrence ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 11

ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/16414 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 juin 2015 - Tribunal de Commerce de PARIS – R.G. n° 2013054460.

 

APPELANTE :

SAS CADEXPERT

prise en la personne de ses représentants légaux, N° SIRET : XXX (Lyon), représentée par Maître Aude M., avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : P0193 substituant Maître Gérard L., avocat au barreau de VERSAILLES

 

INTIMÉE :

SAS TEGUR SOCIÉTÉ PAR ACTIONS SIMPLIFIÉE

prise en la personne de ses représentants légaux, N° SIRET : YYY (Bourg), représentée par Maître Laurence T. B., avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0241, assistée de Maître Louis H. avocat plaidant du barreau de LYON, substituant Maître Sandrine M., avocat au barreau de LYON

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise BEL, présidente de chambre et M. Gérard PICQUE, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente de la chambre, Mme Françoise BEL, présidente de chambre, M. Gérard PICQUE, magistrat honoraire en charge de fonctions juridictionnelles. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI

ARRÊT : - contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Michèle LIS SCHAAL, présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, greffier présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par jugement du 23 juin 2015, le tribunal de commerce de Paris a ordonné au bénéfice de l'exécution provisoire à la société CADEXPERT de rembourser à la société TEGUR la somme de 81.328 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2013, a condamné cette dernière à payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Le tribunal a énoncé que le payement fait par TEGUR est nul pour absence de cause, la clause financière ne s'appliquant que dans le cas d'une suspension de maintenance du contrat du 28 mars 2011 et non pas du contrat de maintenance 2010, que CADEXPERT n'a pas réalisé de prestations de maintenance au profit de TEGUR pendant l'année 2010,

et que TEGUR n'a pas procédé à une ratification tacite en exécutant par payement en toute connaissance de cause, mais l'a fait contrainte et forcée pour pouvoir conclure un nouveau contrat de maintenance,

que TEGUR n'a bénéficié d'aucune relation contractuelle de maintenance avec SAP en 2010 et qu'il n'est pas justifié de remise à jour lorsque CADESPERT a repris la maintenance.

 

Vu les conclusions notifiées et déposées le 27 octobre 2017 par la société CADEXPERT aux fins de voir la Cour,

Vu les articles 1131 et 1338 du Code civil,

Vu l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce,

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en date du 23 juin 2015,

Et statuant a nouveau,

Dire et juger que le paiement intervenu au titre de la maintenance 2010 est causé,

Et, sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts formulée par la société TEGUR,

Déclarer mal fondée la demande de la société TEGUR tendant à obtenir des dommages et intérêts à hauteur de la somme de 81.328 euros sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce,

En conséquence,

Débouter la société TEGUR de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions,

Condamner la société TEGUR à payer à la société CADEXPERT une indemnité de 10.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître M., sur son affirmation de droit.

L'appelant soutient essentiellement une cause valable au payement de la redevance 2010, dans la reprise de la maintenance des licences précédemment acquises, laquelle constitue, à elle seule, une contrepartie réelle à l'engagement de paiement mettant le client à l'abri de tout risque d'obsolescence du Progiciel, en lui faisant bénéficier des « Releases » (mises à jour) successives de l'Editeur, ainsi que de conserver le Progiciel à son meilleur niveau de performance ; le bénéfice de prestations de maintenance courant 2010 et des évolutions logicielles.

Elle fait valoir ensuite que l'exécution volontaire du paiement s'oppose à une demande de restitution, contractuellement irrecevable car tardive.

Enfin qu'aucune pratique abusive ne saurait lui être sur le fondement de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce.

 

Vu les conclusions notifiées et déposées le 22 juin 2016 par la Société TEGUR tendant à voir la Cour,

Vu les articles 1108, 1131, 1132 et 1338 du Code civil,

Vu l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce,

A titre principal,

Dire et juger que le paiement de la somme de 81.328 euros par la société TEGUR à la société CADEXPERT est nul pour absence de cause,

Dire et juger que la société CADEXPERT ne prouve pas que la société TEGUR aurait confirmé, au sens de l'article 1338 du Code civil, ce paiement entaché de nullité,

Par conséquent,

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 23 juin 2015,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la société TEGUR est recevable à agir contre la société CADEXPERT sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce,

Dire et juger que le paiement de la somme de 81.328 euros par la société TEGUR ne correspond à aucun service commercial effectivement rendu par la société CADEXPERT ou, à tout le moins, qu'il existe une disproportion manifeste entre cette somme et la valeur du service rendu,

Par conséquent,

Condamner la société CADEXPERT à verser à la société TEGUR la somme de 81.328 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 23 juin 2015,

En toute hypothèse,

Condamner la société CADEXPERT à payer à la société TEGUR la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société CADEXPERT aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

La société TEGUR fait valoir que le payement fait au titre d'une maintenance en 2010 est dépourvu de cause en l'absence de prestations de maintenance jamais réalisées en contrepartie du payement. Elle soutient une disproportion manifeste entre le montant de 81.328 euros et la valeur du service rendu.

Elle conteste une confirmation de l'obligation de payer en l'état de la contrainte exercée sous peine de voir devenir obsolète le logiciel SAP ; les conditions de la confirmation tacite au sens de l'article 1338 alinéa 2 précité du Code civil ne sont pas remplies en l'espèce.

Pour fonder subsidiairement la demande en dommages intérêts elle soutient que le paiement de la somme de 81.328 euros ne correspond à aucun service commercial effectivement rendu par la société CADEXPERT, ou est à tout le moins manifestement disproportionné par rapport à la valeur du service rendu, demande recevable car formée moins de cinq ans avant l'assignation délivrée.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

Il est amplement justifié par la production du mail de la société TEGUR du 28 mars 2011 à la société SAP, éditeur des progiciels, sous-couvert de la société CADEXPERT, d'une manifestation de volonté non-équivoque, par la souscription d'un nouveau contrat de maintenance, d'accepter l'offre commerciale de SAP, à raison des risques juridiques et industriels résultant de la cessation de la maintenance par suite de la résiliation par TEGUR au 31 décembre 2009 d'un précédent contrat.

La société intimée ne démontre ainsi aucune contrainte pour l'acceptation de l'offre qu'elle a elle-même sollicitée en se rapprochant de CADEXPERT pour conclure un contrat de maintenance.

Le courrier du 29 mars 2011 à CADEXPERT confirme la décision d'acceptation de la proposition commerciale et la régularisation du payement de la maintenance annuelle 2010 et 2011 par le biais de CADEXPERT.

La maintenance comprend les évolutions du progiciels et l'assistance, l'une et l'autre procurées par CADEXPERT en 2011.

L'appelant soutient à juste titre que TEGUR a bénéficié par la souscription du contrat le 30 mars 2011 des évolutions logicielles développées en 2010 puis 2011, dont elle justifie par la production de documents techniques (correctifs SP STACK 17 et 18), empêchant les logiciels de devenir obsolètes, de provoquer des anomalies bloquantes, et protégeant la performance du système, ce que reconnaît TEGUR dans son courriel du 28 mars 2011.

L'intimée ne peut valablement soutenir que c'est la conclusion du contrat de maintenance en 2011 et non pas le payement d'une redevance pour 2010 qui évitait l'obsolescence du progiciel alors que les évolutions logicielles sont indissociables des précédentes, que l’obligation délivrée par CADEXPERT portant sur l'installation d’évolutions successives est indivisible ainsi que le soutient à juste titre l'appelant.

L'intimée qui a bénéficié d'une remise commerciale ainsi qu'elle le mentionne dans son courrier du 29 mars 2011, n'a ainsi pas acquitté l'intégralité du montant de la redevance annuelle 2010, la remise accordée prenant nécessairement en compte partie des prestations non-réalisées à la suite de la résiliation du contrat au 31 décembre 2009.

Elle a toutefois bénéficié de certaines mises à jours sollicitées directement auprès de SAP par l'intermédiaire du support Portal et d'interventions directes ainsi qu'il résulte des productions de l'appelant, en dépit de la résiliation qu'elle a notifié au précédent mainteneur, outre des évolutions logicielles depuis 2010 après la conclusion du contrat 2011 ce qui constitue un avantage qui n'apparaît nullement dérisoire au regard du montant acquitté mais proportionné, et justifie le payement litigieux à CADEXPERT qui est intervenue pour l'installation des mises à jour.

Les négociations pré-contractuelles disposant expressément le payement de sommes pour voir bénéficier des évolutions logicielles à raison des risques encourus fondant le payement de la redevance 2010, le moyen tendant à juger que la clause financière dans le cas de suspension de maintenance 2011 n'est pas applicable au présent litige pour fonder la demande en restitution est dépourvu de pertinence et doit être écarté.

La contrepartie réelle au payement litigieux caractérise une cause valide, ce qui conduit à l'infirmation du jugement.

La demande en dommages intérêts formée subsidiairement par TEGUR sur le fondement de l'article L. 442-6-I du Code de commerce aux termes duquel « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou « personne immatriculée au répertoire des métiers » :

« 1° De pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence », est irrecevable en l'espèce en l'absence de démonstration que TEGUR de la création d'un désavantage ou un avantage à son endroit, dans la concurrence.

L'examen de tous autres moyens est sans objet.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

INFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

DIT causé le payement intervenu au titre de la maintenance de 2010 ;

DÉBOUTE la société TEGUR de sa demande en payement de la somme de 81.328 euros assortie d'intérêts au taux légal ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la société TEGUR à payer à la société CADEXPERT la somme de 10.000 euros ;

REJETTE toute demande autre ou plus ample ;

CONDAMNE la société TEGUR aux entiers dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier                             Le Président