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CA VERSAILLES (6e ch.), 6 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (6e ch.), 6 février 2018
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 6e ch.
Demande : 16/00261
Date : 6/02/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7496

CA VERSAILLES (6e ch.), 6 février 2018 : RG n° 16/00261 ; arrêt n° 74 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Dans la mesure où M. X. forme des demandes portant notamment dénonciation de clauses contractuelles illicites, l'Union Locale CGT de Chatou est recevable à invoquer une atteinte aux intérêts collectifs de la profession des salariés éventuellement victimes de ces clauses types. »

 2/ « M. X. soutient que le contrat de travail contient une obligation de rendre compte de toutes ses activités à la direction de la société, ce qui constitue une atteinte à sa vie privée, contraire à l'article L. 1121-1 du code du travail. La société, se référant à l'obligation d'informer l'employeur de tout changement d'adresse et de situation de famille, estime que cette clause ne constitue pas une violation de la vie privée du salarié.

Or, la clause critiquée est celle relative à l'obligation du salarié de rendre compte de toutes ses activités à la direction de la société, clause qui est effectivement constitutive d'une atteinte à la vie privée de M. X., eu égard d'une part à l'absence de justification d'une telle clause au vu de l'emploi de conducteur de ligne de M. X. et d'autre part à l'absence d'intérêt légitime de la société; il y a donc lieu de faire droit à sa demande de nullité vu le caractère abusif d'une telle clause. Toutefois, M. X. n'établissant pas avoir subi un préjudice spécifique et important du fait de la seule existence de cette clause, ni n'alléguant de velléités de la société d'appliquer cette clause, la cour lui accordera seulement la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, consistant en la crainte d'un contrôle possible de son employeur sur sa vie privée.

La somme de 100 euros sera allouée à titre de dommages et intérêts à l'Union Locale CGT de Chatou au titre du préjudice moral porté aux intérêts collectifs de la profession des salariés travaillant au sein de la société, du fait d'une telle clause abusive insérée dans leur contrat de travail. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SIXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 6 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/00261. Arrêt n° 74. Code nac : 80A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 janvier 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE : RG n° 15/00128.

LE SIX FÉVRIER DEUX MILLE DIX HUIT, [minute page 2] La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 19 décembre 2017 puis prorogé au 6 février 2018, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

 

APPELANTS :

Monsieur X.

Comparant en personne, assisté de M. Y. syndical ouvrier, selon pouvoir

L'Union Locale CGT CHATOU

Représentée par M. Y. syndical ouvrier

 

INTIMÉE :

La SAS FRANCE PLASTIQUES RECYCLAGE

[adresse], Représentée par Maître Julien DUFFOUR de la SCP DUFFOUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0470

 

Composition de la cour : L'affaire a été débattue le 26 septembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, Madame Sylvie BORREL, Conseiller, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller, qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame E. D.

[minute page 3]

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 8 mars 2010 M. X. a été embauché par la société France Plastiques Recyclage, spécialisée dans la récupération et le recyclage du plastique, en qualité de conducteur de ligne, avec la qualification professionnelle d'ouvrier, coefficient 160, niveau II, en contrat à durée indéterminée à temps plein contre une rémunération de 1.600 euros brut, complétée par une prime d'assiduité de 77 euros, ainsi qu'une prime de 13ème mois.

Une clause de mobilité (dans la région parisienne) était incluse dans son contrat de travail.

Le 12 mai 2011, la société lui a notifié un avertissement pour retards répétitifs.

Le 27 décembre 2011, il a été convoqué à un entretien disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, tout en étant mis à pied.

Par courrier du 18 janvier 2012 il a été licencié pour cause réelle et sérieuse pour non-respect des règles de badgeage et des horaires de travail.

M. X. a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie le 6 avril 2012 aux fins d'obtenir la condamnation de la société aux sommes suivantes :

- 11.918,34 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 11.918,34 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire, radiée par une ordonnance du 1er octobre 2012 pour défaut de diligences, a été ré-enrôlée le 8 novembre 2012.

Lors de l'audience devant le bureau du jugement du 1er février 2013, le conseil a ordonné la radiation.

L'ordonnance de radiation a été notifiée aux parties le 8 février 2013.

Le 13 mai 2015 M. X. a demandé la réinscription de l'affaire au rôle après qu'il ait justifié avoir communiqué à l'avocat de la société FPR, par l'intermédiaire de son nouveau défenseur syndical, l'Union Locale CGT de Chatou, ses conclusions de ré-enrôlement et ses pièces par mail du 11 mai 2015.

Il a formé les demandes suivantes :

- Fixer la moyenne mensuelle de salaire à 2.198,84 euros bruts sur les 3 derniers mois,

- Juger que les clauses contractuelles de mobilité et d'exclusivité et de « subordination privée » (attentatoire à la vie privée, religieuse et sexuelle, et aux libertés d'association d'activité politique ou syndicale) sont illicites et qu'elles ont généré chacune d'importants préjudices distincts,

- Juger que le licenciement du 18 janvier 2012 serait en réalité un licenciement pour motif économique et serait donc sans cause réelle et sérieuse de ce seul fait,

- Condamner la société à lui verser, avec le bénéfice de la capitalisation des intérêts, les sommes suivantes :

* [minute page 4] 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour clause de mobilité illicite,

* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour clause d'exclusivité illicite,

* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour clause de subordination privée illicite,

* 50.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse (article L. 1235-5 du code du travail, 6 mois de salaire minimum),

* 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour fraude au licenciement pour motif économique (perte de chance de conserver son emploi par l'application des critères de choix de l'ordre de licenciement et perte de chance d'être reclassé, vu les articles L. 1233-4, L. 1233-5 du code du travail),

* 5.000 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure requise à l'article L. 1233-8 du code du travail (non consultation du comité d'entreprise),

* 5.000 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure individuelle en cas de licenciement économique (article L. 1233-11, L. 1233-13, L. 1233-15 et L.1233-16 du code travail),

* 20.000 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage,

* 10.000 euros à titre d'indemnité pour défaut de proposition de la CSP (pour perte du statut de stagiaire de la formation professionnelle),

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte du bénéficie de l'allocation pôle emploi de sécurisation professionnelle à 80 % du salaire brut (perte mensuelle de 560 euros en moyenne),

* 500 euros à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le cadre de son intervention volontaire, l'Union Locale CGT de Chatou a sollicité :

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en sa qualité de partie civile pour le préjudice subi par la collectivité des salariés résultant de l'inclusion dans les contrats de travail de clauses illicites notamment la clause d'exclusivité et la clause de subordination privée et pour fraude au licenciement économique,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la capitalisation des intérêts et l'exécution provisoire.

Par jugement du 13 janvier 2016, dont M. X. a interjeté appel, le conseil a constaté la péremption de l'instance.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 26 septembre 2017, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

M. X. demande l'infirmation du jugement et maintient l'ensemble de ces demandes.

La société France Plastiques Recyclage, ci-après la société, soulève une fin de non-recevoir, la péremption de l'instance, à laquelle l'appelant s'oppose. Elle soulève aussi l'irrecevabilité des demandes de l'Union Locale CGT de Chatou. Elle sollicite la confirmation du jugement déféré à titre principal, et subsidiairement conclut au débouté de l'Union Locale CGT de Chatou et de M. X., de l'ensemble de leurs demandes et la condamnation respective de ces derniers à leur payer les sommes [minute page 5] de 1.500 euros et 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la péremption d'instance :

Aux termes de l'article R. 1452-8 du code du travail, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.

La société soutient qu'il y a péremption d'instance car M. X. n'a accompli aucune diligence pendant deux ans.

M. X. soutient qu’il n'y a pas de péremption d'instance, au motif qu'il n'a pas été informé de la radiation du 8 février 2013, le courrier de radiation étant revenu non réclamé en raison de son changement d'adresse, de sorte que le délai de deux ans ne peut courir à compter de cette date tant que la société ne lui a pas signifié l'ordonnance de radiation.

Il s'avère en effet que le conseil de prud'hommes a procédé lors de l'audience du 1er février 2013 à une radiation de l'affaire avec obligation d'accomplir les diligences dans le délai de deux ans à peine de péremption ; le 8 février 2013 l'ordonnance de radiation a été notifiée par lettre recommandée avec accusé réception à M. X. à l'adresse du [adresse A.] à [ville M.], lettre revenue avec la mention non réclamée ; il ne ressort pas du dossier du conseil que M. X. ou son défenseur syndical aient informé le conseil de l'éventuel changement d'adresse de M. X., alors qu'il ressort de la lettre de licenciement en date du 18 janvier 2012 que son adresse n'était plus au [adresse A.] à [ville M.] (comme indiqué sur son contrat de travail) mais au [adresse B.] à [ville M.].

Il est donc certain que M. X. n'a pas reçu l'ordonnance de radiation, qu'il n'est pas établi que c'est par sa négligence, de sorte que le délai de péremption de deux ans n'a pas couru à son égard.

En conséquence, la péremption d'instance n'est pas intervenue et l'instance s'est valablement poursuivie devant le conseil, dont la cour infirmera le jugement.

 

Sur l'irrecevabilité de l'intervention de l'union locale CGT de Chatou :

La société soutient que l'Union Locale CGT de Chatou ne produit pas la délibération de son bureau exécutif ayant pris la décision de mandater M. Y. pour intervenir dans le présent litige, conformément à ses statuts, de sorte que cette intervention serait irrecevable.

Au surplus, elle estime que l'Union Locale CGT de Chatou ne rapporte pas la preuve d'une atteinte effective aux intérêts collectifs de la profession, s'agissant d'un litige individuel dans lequel aucune discrimination syndicale n'est évoquée, et vu l'absence de preuve que l'Union Locale CGT de Chatou défend les intérêts du secteur du recyclage.

L'Union Locale CGT de Chatou fonde son intervention par l'existence d'un préjudice subi par la collectivité des salariés résultant de l'inclusion dans les contrats de travail de clauses illicites et d'une fraude au licenciement économique.

Selon ces statuts, l'Union Locale CGT de Chatou regroupe à la fois des salariés à titre individuel et des sections syndicales de la CGT au sein de différentes entreprises, ayant des domaines d'activité différents et situées à Chatou et dans d'autres communes environnantes, de fait essentiellement dans les Yvelines, telles que Poissy, Rueil-Malmaison, Versailles, Montesson, Verneuil sur Seine, mais aussi dans des départements voisins (les Hauts de Seine).

[minute page 6] Il s'avère que la société France Plastiques Recyclage a son siège social dans les Yvelines, et qu'il n'est pas allégué que M. X. ne serait pas adhérent à l'Union Locale.

Par ailleurs, selon l'article 14 des statuts de l'Union Locale CGT de Chatou, lesquels ont été déposée le 10 août 2011 en la mairie de Chatou, les membres du secrétariat de l'union locale ont mandat permanent de représentation en justice ; il est précisé qu'en matière prud'homale chaque secrétaire a le pouvoir, comme le Secrétaire Général, pour donner mission ou mandat à tout délégué afin d'assister ou représenter les salariés devant les juridictions, sans limite géographique.

Ces statuts confèrent donc à M. Y., secrétaire du secteur juridique, comme à chaque secrétaire de l'union locale, un mandat permanent de représentation en justice, sans qu'il ait besoin d'une décision du bureau ou d'un pouvoir écrit de l'Union Locale, comme le précisent expressément dans l'article 14 de ses statuts.

M. Y. a donc qualité pour agir dans le présent litige.

Dans la mesure où M. X. forme des demandes portant notamment dénonciation de clauses contractuelles illicites, l'Union Locale CGT de Chatou est recevable à invoquer une atteinte aux intérêts collectifs de la profession des salariés éventuellement victimes de ces clauses types.

La cour rejettera donc l'exception d'irrecevabilité.

 

Sur les demandes liées l'exécution du contrat de travail :

M. X. était chargé, en qualité de conducteur de ligne au sein de l'atelier extrusion, de manœuvrer une extrudeuse aux fins de produire des granulés de qualité alimentaire.

Il devait optimiser les réglages de la ligne, réaliser les contrôles qualité sur les granulés et mettre à jour les résultats sur un fichier excel, compléter les documents utiles permettant la traçabilité des produits, effectuer les changements de tamis en fonction d'une périodicité définie, puis stocker les produits à l'aide d'une transpalette électrique.

Il travaillait avec une équipe en 5/8 pour assurer la continuité du fonctionnement de la ligne du lundi au dimanche.

Selon la fiche de poste les difficultés du poste sont en lien avec des situations ou actions complexes, et à fort enjeu, avec des interactions entre les aspects humains et techniques.

 

Sur la clause d'exclusivité :

Une clause d'exclusivité, par laquelle le salarié s'oblige, tout au long de l'exécution de son contrat, à travailler exclusivement pour l'employeur et à n'avoir aucune activité professionnelle rémunérée en dehors de l'entreprise, doit remplir cumulativement trois conditions : être indispensable à la protection des intérêts de l'entreprise, être justifiée par la nature des fonctions du salarié, et être proportionnée au but recherché.

M. X. soutient la nullité de cette clause contractuelle, par laquelle il s'est engagé sans contrepartie financière à travailler exclusivement pour la société, et ce en application du principe de liberté du travail et de droit au travail, reconnus par le préambule de la Constitution de 1946, de l'article L. 120-2 du Pacte social économique et culturel de l'ONU et de l'article L. 1121-1 du code du travail.

La société objecte que cette clause est justifiée par le travail en équipe de 2x8 et 5x8 qui suppose que l'employeur puisse s'assurer que le salarié a bien pris ses temps de repos.

[minute page 7] En effet, M. X. en tant que salarié travaillant à temps complet et dans le cadre d'un travail posté en équipe, pouvait difficilement travailler pour un autre employeur, vu le risque d'accumuler de la fatigue par non-respect des temps de repos, s'agissant d'un travail exigeant beaucoup de concentration et présentant des tâches multiples, comme l'indique la fiche de poste du conducteur de ligne.

Par ailleurs, il n'aurait pu tout au plus ne travailler que quelques heures de plus par semaine, ce qui n'établit pas un préjudice de perte de salaire, faute d'établir avoir pu trouver un travail à temps partiel pouvant s'intercaler entre ses jours de travail, ce qui apparaît compliqué vu ses horaires de travail non identiques chaque semaine.

En conséquence il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de nullité.

 

Sur la clause de subordination privée :

M. X. soutient que le contrat de travail contient une obligation de rendre compte de toutes ses activités à la direction de la société, ce qui constitue une atteinte à sa vie privée, contraire à l'article L. 1121-1 du code du travail.

La société, se référant à l'obligation d'informer l'employeur de tout changement d'adresse et de situation de famille, estime que cette clause ne constitue pas une violation de la vie privée du salarié.

Or, la clause critiquée est celle relative à l'obligation du salarié de rendre compte de toutes ses activités à la direction de la société, clause qui est effectivement constitutive d'une atteinte à la vie privée de M. X., eu égard d'une part à l'absence de justification d'une telle clause au vu de l'emploi de conducteur de ligne de M. X. et d'autre part à l'absence d'intérêt légitime de la société ; il y a donc lieu de faire droit à sa demande de nullité vu le caractère abusif d'une telle clause.

Toutefois, M. X. n'établissant pas avoir subi un préjudice spécifique et important du fait de la seule existence de cette clause, ni n'alléguant de velléités de la société d'appliquer cette clause, la cour lui accordera seulement la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, consistant en la crainte d'un contrôle possible de son employeur sur sa vie privée.

La somme de 100 euros sera allouée à titre de dommages et intérêts à l'Union Locale CGT de Chatou au titre du préjudice moral porté aux intérêts collectifs de la profession des salariés travaillant au sein de la société, du fait d'une telle clause abusive insérée dans leur contrat de travail.

 

Sur la clause de mobilité :

Selon l'article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

Contrairement à ce que soutient M. X., la clause de mobilité inclue dans son contrat de travail est valable car elle comporte une limite géographique strictement précisée, la région parisienne ; au surplus, la société n'a jamais utilisé cette clause et M. X. ne peut donc invoquer un préjudice éventuel ; ce n'est que si une mutation lui avait été proposée en région parisienne que la cour pouvait alors examiner son éventuel préjudice familial, résultant d'un changement de ses conditions de vie.

La demande de M. X. sera donc rejetée.

 

Sur l'annulation de l'avertissement du 12 mai 2011 :

M. X. devait arriver 5 mn avant la faction pour le passage de consignes et avait 15 mn de temps [minute page 8] d'habillage et de déshabillage par jour de travail, ses temps étant comptés comme temps de travail, sa journée étant de 8 h au total, pause repas de 30 mn inclue mais non rémunérée.

Suivant les jours, il devait être à son poste, 5 mn avant soit 5 h du matin, soit 13 h, soit 21 h. Ces consignes sont rappelées par la société dans sa note de service du 22 octobre 2011.

La société a reproché à M. X. des retards répétés à sa prise de poste (11 en 22 jours entre le 21 mars et le 24 avril 2011) perturbant le fonctionnement de la ligne de production des granulés et le fonctionnement de l'atelier extrusion.

M. X. soutient que la société ne précise pas, ni ne démontre, l'importance des retards, alors qu'il indique que la badgeuse présentait des dysfonctionnements et se trouvait éloignée des vestiaires, ce qui peut expliquer ses retards à badger après son arrivée.

La société fait valoir que M. X. n'a jamais contesté cette sanction, les faits étant établis par les relevés de la badgeuse.

Il ressort effectivement du relevé de la badgeuse qu'à trois reprises sur la période concernée M. X. est arrivé moins de 5 mn avant l'heure de prise de poste, empêchant de ce fait un relais correct avec l'équipe venant de terminer son service.

Les attestations de témoins produites par l'appelant ne précisent pas les dates de constatation des dysfonctionnements de la badgeuse.

L'avertissement apparaît donc justifié, de sorte que la demande d'annulation sera rejetée.

 

Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse :

M. X. soutient qu'antérieurement à son licenciement la société rencontrait des difficultés économiques, la direction ayant consulté le CHSCT le 29 décembre 2011 puis 12 janvier 2012 au sujet d'un projet de réorganisation prévoyant de diminuer les effectifs, notamment les postes à l'extrusion (service où il était affecté).

De fait, de 2012 à début 2013, la société aurait procédé en un an à 12 licenciements pour motif personnel (dont 4 sont contestés devant le conseil) et 5 ruptures conventionnelles.

Il estime donc que son licenciement pour faute serait un licenciement économique déguisé, comme la presse s'en est fait l'écho le 8 février 2013, en rapportant les propos du vice- président du conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie, qui aurait déclaré que la société avait procédé à 25 licenciements pour faute qui seraient en réalité des licenciements économiques.

Il convient d'examiner en premier lieu la réalité et le sérieux des deux motifs personnels contenus dans la lettre de licenciement, et éventuellement de rechercher si le cas échéant l'absence de cause réelle et sérieuse permet de requalifier le licenciement pour motif personnel en motif économique.

 

Sur le non-respect du badgeage :

La société reproche à M. X. de ne pas avoir badgé à 10 reprises, soit 10 fois en début de poste entre le 10 octobre et le 12 décembre, et une fois le 27 décembre 2011 en fin de poste, obligeant son responsable à effectuer une saisie manuelle de son temps de travail sur le système de gestion de temps, et questionnant sur sa capacité à respecter ses horaires de début de poste.

M. X. soulève la prescription des faits du 10, 11 et 13 octobre, datant de plus de 2 mois avant le [minute page 9] début de la procédure de licenciement engagée le 27 décembre 2011.

Or, selon une jurisprudence constante (Cass soc 30 septembre 2005, 22 septembre 2011, 4 juillet 2012) l'employeur peut sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature.

Tous ces faits des 10, 11 et 13 octobre, sont bien de même nature que ceux des 11, 20, 22, 24 et 30 novembre et ceux des 2, 12 et 27 décembre 2011, de sorte qu'aucun n'est prescrit.

La société produit des éditions de relevés de badgeage de M. X., avec mention d'un relevé manuel pour les jours concernés, en l'absence de badgeage de sa part.

Comme indiqué plus haut au sujet de l'avertissement du 12 mai 2011, les attestations produites par M. X. ne précisent pas la période concernée (ni l'année, ni les mois, ni les jours) par les dysfonctionnements de la badgeuse, ce qui ne permet pas de contredire les documents produits par la société.

Dès lors, la cour retiendra ce grief.

 

Sur le non-respect des horaires de travail :

La société reproche à M. X. d'être arrivé en retard les jours de travail mobiles (travail en journée) le 27 octobre (à 9 h 31 au lieu de 9 h) et le 17 novembre 2011 (9 h 51 au lieu de 9 h), alors que le responsable d'atelier lui fait régulièrement remarquer qu'il doit respecter ses horaires de travail et qu'il a déjà reçu un avertissement à ce sujet.

Ces faits sont mentionnés sur l'édition de relevés de badgeage de M. X.

M. X. conteste la fiabilité de la badgeuse, dont la société ne démontre pas la fiabilité et le caractère infalsifiable, ni de démontre qu'il a respecté l'obligation de déclaration à la CNIL, après consultation du comité d'entreprise. En tout état de cause il estime que ces retards sont rares et ne sont pas graves.

Toute gestion de pointage horaire, s'agissant d'un traitement automatisé d'informations nominatives doit être déclarée à la CNIL ; en application de l'article L. 2323-32 du code du travail, en vigueur en 2011, le comité d'entreprise doit être informé et consulté en amont sur les moyens visant à contrôler les activités et le temps de travail des salariés.

Sur ces points juridiques soulevés par l'appelant, la société ne répond pas, faisant valoir que M. X. n'a jamais formellement contesté ces retards, que les attestations des salariés prétendant que la badgeuse ne fonctionnait pas toujours sont imprécises, outre qu'elles ont été établies trois ans après les faits.

Au regard de l'imprécision des deux attestations produites au sujet des dysfonctionnements de la badgeuse, la cour considère que les faits sont établis au vu de l'édition de relevés de badgeage.

Au vu des deux griefs établis, et du contexte de sanction disciplinaire antérieure fondée sur le même type de grief (le non-respect des horaires de travail), il convient de déclarer le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Concernant le lien de causalité entre les difficultés économiques et la procédure de licenciement de M. X. initiée le 27 décembre 2011 et finalisée le 18 janvier 2012, il n'est pas formellement établi.

En effet, s'il existait, de manière contemporaine à la procédure de licenciement de M. X., des [minute page 10] difficultés économiques au sein de la société, ce qui n'est pas dissimulé ni contesté, comme en attestent la baisse constante des effectifs au cours de l'année 2011 (de 84 salariés en janvier à 74 en décembre) et le projet de réorganisation annoncé le 29 décembre 2011 au comité d'entreprise, le licenciement de M. X. pour motif personnel n'en ait pas moins justifié, sans qu'il soit possible de faire un amalgame avec la situation de ce salarié et celles des autres salariés licenciés pour motif personnel à une période en outre postérieure ; c'est ainsi que par deux arrêts du 19 janvier 2017 la cour, dans une autre composition, a rejeté les demandes de deux salariés licenciés pour motif personnel en juillet et décembre 2012, estimant qu'il n'y avait pas lieu de retenir la fraude au licenciement économique.

En conséquence, la cour déboutera M. X. de toutes ses demandes liées à son licenciement.

 

Sur les demandes accessoires :

M. X. ayant été débouté de quasiment toutes ses demandes, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de capitalisation des intérêts devenue sans objet, ni à sa demande au titre des frais irrépétibles.

La cour ayant pris en compte la demande de l'appelant au titre de la clause de subordination privée, elle laissera chacune des parties assumer la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel, tout en déboutant la société de sa demande au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Mantes-la-Jolie en date du 13 janvier 2016, et statuant à nouveau ;

REJETTE les exceptions de péremption d'instance et d'irrecevabilité de l'intervention volontaire de l'Union Locale CGT de Chatou, et statuant au fond ;

DÉCLARE le licenciement de M. X. justifié pour une cause réelle et sérieuse, et déboute ce dernier de toutes ses demandes afférentes, ainsi que de ses demandes relatives à l'annulation de son avertissement et aux clauses de mobilité et d'exclusivité ;

CONDAMNE la société France Plastiques Recyclage à payer à M. X. la somme de 200 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral pour insertion dans son contrat de travail d'une clause de subordination privée ;

LA CONDAMNE à payer à l'Union Locale CGT de Chatou la somme de 100 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession pour insertion de ladite clause dans le contrat de travail de M. X. ;

DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DIT n'y avoir lieu d'allouer de sommes au titre des frais irrépétibles ;

DIT que chacune des parties assumera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en [minute page 11] ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,                    Le PRÉSIDENT,