CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 4 avril 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7508
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 4 avril 2018 : RG n° 16/03721
Publication : Jurica
Extrait : « Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la proposition émise par la société Delta Car Trade et acceptée par M. X. n'était pas constitutive d'une offre au sens juridique du terme. Cette proposition ne peut en effet s'analyser que comme une information tarifaire personnalisée, prenant en compte, notamment, les options choisies par le destinataire, proposition dont il est du reste expressément précisé sur le site internet de la société dans la rubrique « comment acheter ma voiture neuve » qu'il s'agit d'une offre sans engagement. Ledit engagement résulte ainsi de la conclusion du contrat auprès du garage vendeur, dans les conditions précisées ci-dessus, contrat auquel la société intimée n'est pas partie, l'accord entre les parties sur la chose et le prix n'étant à cet égard pas formalisé à tout le moins avant la signature du bon de commande auprès du garage vendeur, dont le premier juge a par ailleurs justement relevé qu'il n'était pas attrait en la présente cause. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 4 AVRIL 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 16/03721. Décision déférée à la Cour : 24 juin 2016 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPÉTENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG.
APPELANT :
Monsieur X.
Représenté par Maître Laurence F., avocat à la Cour
INTIMÉE :
Société DELTA CAR TRADE
société de droit suisse, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège, Représentée par Maître Guillaume H., avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme DECOTTIGNIES, Conseillère, faisant fonction de président, M. ROUBLOT, Conseiller, entendu en son rapport, Mme HARRIVELLE, conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER,
ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Françoise DECOTTIGNIES, présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par jugement rendu le 24 juin 2016, le tribunal de grande instance de Strasbourg a débouté M. X. de tous les chefs de sa demande envers la société de droit suisse Delta Car Trade et rejeté la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Delta Car Trade contre M. X., condamnant M. X. aux dépens et au paiement à la société Delta Car Trade d'une indemnité de procédure d'un montant de 3.000 euros.
Il a notamment retenu que la proposition de vente d'un véhicule Audi S8 Tiptronic pour un montant de 668 euros figurant sur le site internet de la défenderesse à la suite d'une erreur informatique ne constituait pas une offre au sens juridique du terme, et en cas d'acceptation, pas une vente, la société Delta Car Trade n'entrant pas en relation directe avec les candidats à l'achat d'un véhicule mais cédant ce dernier aux garagistes d'un réseau « multimarques ».
Il a ajouté qu'en tout état de cause le prix d'achat proposé, dont il n'est pas établi qu'il ait été versé, constitue une contrepartie dérisoire à la prestation promise, ce qui entraînerait la nullité d'un éventuel contrat de vente.
M. X. a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 25 juillet 2016.
Dans ses dernières écritures déposées le 20 octobre 2016, il conclut à l'infirmation de la décision entreprise et à la condamnation de la société Delta Car Trade à lui livrer le véhicule vendu sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; subsidiairement à lui payer la somme de 133.650 euros ou tout autre montant qui paraîtra adapté à titre de dommages-intérêts.
Il sollicite également la condamnation de la société Delta Car Trade aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 4.000 euros à titre d'indemnité de procédure.
Il fait notamment valoir que la responsabilité de la proposition incombe à la société Delta Car Trade, quelles que soient les modalités de vente au demeurant non justifiées, et conteste toute erreur purement matérielle d'étiquetage alors que la vente a été confirmée, sans preuve que cette confirmation soit automatique, par le vendeur professionnel après acceptation par le client, peu important toute considération quant à l'éventuelle mauvaise foi ou malveillance du consommateur, qu'il conteste par ailleurs.
En conséquence et dès lors que l'acheteur a proposé de payer le prix, elle affirme que le contrat n'est pas dépourvu de cause. Elle ajoute qu'aucun déséquilibre significatif des droits et obligations des parties au contrat, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, ne peut concerner l'adéquation du prix au bien vendu, et ce d'autant qu'en l'espèce l'offre a fait l'objet d'une confirmation.
Pour sa part, par conclusions en date du 21 décembre 2016, la société Delta Car Trade sollicite la confirmation du jugement entrepris outre la condamnation de M. X. aux dépens, ainsi qu'à lui payer une indemnité de procédure d'un montant de 5.000 euros.
Elle conteste notamment toute conclusion d'un contrat de vente, à défaut tout d'abord d'offre de vente par la concluante, la commande et la transaction devant s'effectuer auprès d'un garage partenaire de la société Delta Car Trade, qui a la qualité de mandataire et ne formulait qu'une offre de service. Elle ajoute que le courriel reçu par M. X. n'est en rien confirmatif de la conclusion d'une vente compte tenu de son caractère automatique et purement récapitulatif de l'offre, et ce alors qu'il appartenait à M. X. de mandater la société Delta Car Trade à fin de recherche et d'acquisition d'un véhicule, ce dont il ne justifie pas, non plus que d'avoir passé commande du véhicule auprès du garage partenaire.
A titre subsidiaire, elle invoque la nullité du contrat, en premier lieu faute de contrepartie, et en second lieu en l'absence de consentement du vendeur.
Elle expose ainsi que le caractère dérisoire du prix proposé exclut toute contrepartie, impliquant une nullité absolue du contrat à défaut de consentement du vendeur et en raison de l'interdiction de vendre en-dessous du prix d'achat.
Quant à l'absence de consentement, il soutient qu'elle résulte de l'erreur dont la nature matérielle vicie le consentement, à la différence d'une erreur sur la valeur, M. X. n'apportant aucun élément crédible pour établir la réalité d'une offre commerciale.
S'agissant enfin de la demande en dommages-intérêts, elle la considère comme fantaisiste et non étayée.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.
La clôture de la procédure a été prononcée le 3 mars 2017 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 7 février 2018 puis mise en délibéré à la date du 4 avril 2018, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur les demandes de M. X. :
Il résulte des débats et des pièces produites par les parties que M. X. a reçu en date du 10 mars 2014 un courriel émanant d'une adresse intitulée « offres multimarques » dont l'extension correspond aux coordonnées de la société intimée, qui ne le conteste pas, lui adressant, suite à demande de sa part, « sa meilleure » offre relative à un véhicule Audi S8 Tiptronic Quattro pour une valeur de 668 euros TTC après déduction de 99,5 % par rapport à la valeur catalogue d'un montant de 133.650 euros.
Il est établi que ce courriel faisait suite à une annonce publiée par la société intimée et à laquelle M. X. avait répondu, le courriel invitant le destinataire à contacter le garage « multimarque » le plus proche, à savoir le garage Georges à Illkirch-Graffenstaden, pour toute question.
Cela étant, ainsi que cela résulte des pièces produites par l'intimée, et comme l'a justement caractérisé le premier juge, l'acquisition du véhicule ne s'opérait pas directement auprès de la société Delta Car Trade et supposait au préalable de passer commande auprès d'un garagiste partenaire « multimarque » auprès duquel le véhicule était ensuite réceptionné et payé après contrôle.
La validation de la commande supposait ainsi la remise au garagiste d'un mandat d'achat, du contrat de vente et des conditions générales signées, d'une copie d'une pièce d'identité et d'un acompte de 10 % de la valeur du véhicule.
Aux termes des conditions générales de vente, la commande était acceptée et le contrat définitivement conclu dans un délai de deux jours ouvrés, pendant lesquels le vendeur vérifiait la disponibilité effective d'un véhicule conforme à la commande en termes de spécification, de prix et de délai de livraison.
Dans ce cadre, la société Delta Car Trade intervenait en qualité de mandataire dans la fourniture du véhicule, le règlement du solde du prix s'effectuant entre les mains du garagiste partenaire, désigné comme le vendeur dans les conditions générales contractuelles.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a retenu que la proposition émise par la société Delta Car Trade et acceptée par M. X. n'était pas constitutive d'une offre au sens juridique du terme.
Cette proposition ne peut en effet s'analyser que comme une information tarifaire personnalisée, prenant en compte, notamment, les options choisies par le destinataire, proposition dont il est du reste expressément précisé sur le site internet de la société dans la rubrique « comment acheter ma voiture neuve » qu'il s'agit d'une offre sans engagement.
Ledit engagement résulte ainsi de la conclusion du contrat auprès du garage vendeur, dans les conditions précisées ci-dessus, contrat auquel la société intimée n'est pas partie, l'accord entre les parties sur la chose et le prix n'étant à cet égard pas formalisé à tout le moins avant la signature du bon de commande auprès du garage vendeur, dont le premier juge a par ailleurs justement relevé qu'il n'était pas attrait en la présente cause.
Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X. de tous les chefs de sa demande formée contre la société Delta Car Trade.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. X. succombant en ses demandes sera tenu des dépens.
L'équité commande de condamner M. X. à payer à la société Delta Car Trade la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tout en rejetant la demande formée par l'appelant à ce titre, et en confirmant les dispositions du jugement entrepris de ce chef.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. X. aux dépens,
CONDAMNE M. X. à payer à la société Delta Car Trade la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE M. X. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER : LA PRÉSIDENTE :