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CA MONTPELLIER (1re ch. B), 2 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. B), 2 mai 2018
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 15/03871
Date : 2/05/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7553

CA MONTPELLIER (1re ch. B), 2 mai 2018 : RG n° 15/03871

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu en revanche que par application de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, le vendeur professionnel est tenu d'une obligation précontractuelle d'information, visant à faire connaître au consommateur les caractéristiques essentielles du bien vendu qui lui impose, notamment, de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de l'informer de l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est recherchée ; et qu'il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu'il a bien satisfait à cette obligation ; Qu'il ressort en l'occurrence de ce qui précède […] ;

Et que ces erreurs et insuffisances affectent l'objet même de l'accord en ce qu'elles portent sur le nombre et la nature des éléments et donc sur le prix, alors que le vendeur de cuisine, surtout lorsqu'il se charge de la pose, ne peut s'affranchir de la nécessité de connaître les mesures exactes des lieux pour déterminer ce nombre et ces dimensions, au résultat d'une étude préalable avec mesurage et relevé précis sur le lieu destiné à être équipé, approuvée par les acquéreurs et permettant à ceux-ci de donner un consentement éclairé, et ce sans qu'il puisse sérieusement opposer au cas précis la disposition selon laquelle toute modification d'implantation serait à sa charge dès lors que les modalités de cette nouvelle implantation qui impliquent littéralement la conclusion d'un nouvel accord ne sont pas mieux définies ;

Qu'il s'ensuit du tout qu'en l'absence de ce consentement éclairé, le contrat de vente n'a pas pu valablement se former ».

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 2 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/03871. Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 AVRIL 2015, TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTPELLIER : R.G. n° 13/02117.

 

APPELANTE :

SASU CUCINE STBO

immatriculé au RCS de MONTPELLIER sous le numéro XXX agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège, représentée et assistée de Maître Denis B., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

 

INTIMÉS :

Madame X.

née [date] à [ville], de nationalité Française, comparante, représentée et assistée de Maître Hélène C., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, comparant, représenté et assisté de Maître Hélène C., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

 

RÉVOCATION DE L'ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 février 2018 avec NOUVELLE CLÔTURE prononcée le 7 MARS 2018.

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 MARS 2018, en audience publique, monsieur Christian COMBES, conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, Madame Chantal RODIER, Conseiller, M. Christian COMBES, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

A la suite d'une commande portant sur la réalisation d'une cuisine passée le 2 mars 2013 lors de la foire-exposition d'Orange dans des conditions qu'ils estimaient discutables, M. et Mme X. ont fait citer le vendeur devant le tribunal d'instance de Montpellier lequel par jugement du 2 avril 2015 a dit le bon de commande nul et condamné l'EURL CUCINE STBO à leur payer les sommes de 7.500 euros à titre de remboursement du chèque remis au vendeur, de 500 euros à titre de dommages et intérêts et de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

L'EURL CUCINE STBO a relevé appel de cette décision dans des formes et des délais qui n'apparaissent pas critiquables.

Les parties sont convenues avant l'ouverture des débats d'une cause grave tenant au respect du principe du contradictoire, justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture initiale en date du 14 février 2018 et le prononcé d'une nouvelle clôture au 7 mars 2018 permettant ainsi d'accueillir les conclusions déposées par l'appelante le 1er mars 2018.

Aux termes de ces conclusions, l'EURL CUCINE STBO considère le contrat valable sans qu'il ressorte des circonstances de la vente que le consentement des acquéreurs ait pu être vicié, notamment par dol alors que le bon de commande reprend les références, le descriptif, les dimensions et les prix unitaires et totaux de l'ensemble.

Elle souligne que le document produit par ses adversaires est une copie obtenue dans des conditions obscures qui diffère de l'original, lequel constitue non un simple devis mais un bon de commande qu'ils ont approuvé par l'apposition d'une formule manuscrite explicite.

Répondant aux critiques formées à l'égard du plan d'implantation, elle soutient que les époux X. lui ont remis un plan coté sur lequel ont été implantés les éléments commandés leur permettant de connaître ainsi et avec précision les caractéristiques de la cuisine alors même qu'était prévu le passage d'un métreur au domicile de l'acquéreur à fin de leur adaptation de telle sorte que s'est trouvée remplie l'obligation d'information pesant sur elle en vertu de l'article L 111-1 du code de la consommation.

Elle soutient encore qu'ils ont été informés de l'impossibilité de se rétracter en reconnaissant avoir pris connaissance des conditions générales figurant au verso du bon de commande qui contrairement à ce qui est soutenu ne contiennent aucune clause abusive.

Concluant à l'infirmation de la décision déférée, elle sollicite la condamnation de ses adversaires à lui payer la somme de 16.490 euros outre celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Par conclusions dernières en date du 14 février 2018, M. et Mme X. qui indiquent être venus à la foire sans projet arrêté, soutiennent avoir été victime d'un dol commis au moyen d'un document qu'ils ont signé sous la pression du vendeur, ne précisant pas s'il s'agissait d'un devis ou d'un bon de commande, ne contenant pas le détail des meubles ni leur prix unitaire, ensuite complété par le vendeur alors qu'ils étaient partis déjeuner non sans que celui-ci ait auparavant exigé la remise d'un chèque.

C'est ainsi qu'ils expliquent les ratures et incohérences relevées par le premier juge entre les sommes indiquées et les pourcentages affichés.

Concluant à la confirmation de la décision déférée qui a annulé la commande à défaut de consentement éclairé, ils invoquent encore une pratique commerciale agressive telle que définie à l'article L. 121-7 du code de la consommation du fait de la pression morale subie durant plusieurs heures entraînant la nullité du contrat par application de l'article L. 132-10 du même code et encore le caractère abusif des clauses des conditions générales portant sur le caractère ferme et définitif de la commande, les conditions d'une annulation et des modifications alors qu'ils n'ont pas été informés de l'impossibilité de se rétracter et que l'implantation telle que figurant au plan dépourvu de cotes et de mesures est irréalisable.

Sur leur appel incident ils demandent de porter à 1.500 euros le montant de la réparation et à 1.500 euros l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de condamner leur adversaire à leur payer une indemnité complémentaire de 1.500 euros sur ce même fondement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que si les parties sont en contradiction quant aux circonstances dans lesquelles a été signé le bon de commande litigieux, elles s'entendent sur le fait que la discussion qui avait débuté dans la matinée du 2 mars 2013 sur le stand de la société CUCINE, s'est trouvée interrompue à l'occasion du déjeuner, les époux X. obtenant alors la copie du document qu'ils produisent et dont le vendeur ne peut comme il le fait actuellement invoquer le caractère suspect en le qualifiant de « fausse copie » dès lorsqu'il a reconnu, répondant par courrier du 27 mars 2013 à la réclamation du 6 mars précédent, que « le devis dressé [leur] a été remis alors [qu'ils avaient] décidé d'aller déjeuner » ;

Que chacun de ces documents porte le n° 00899/201 dont la comparaison conduit à relever que l'original comporte des mentions que la copie ne contient pas ;

Qu'ainsi celui en copie ne fait pas la distinction entre un devis descriptif et un bon de commande dès lors que ce choix prévu sous la forme d'une case à cocher n'est pas renseigné, laisse également en blanc le choix du type de plan à partir duquel la cuisine est proposée, plans au sol et élévation à l'échelle ou plan fourni par le client, et ne distingue pas le prix unitaire des éléments composant la cuisine dès lors que seul figure en bas de première page un total de meubles pour 18.066 euros ;

Et qu'à l'inverse le document final fait un choix clair entre les mentions « Devis descriptif » qui est barrée et « Bon de commande » dont la case est cochée, ajoute que le projet a été établi selon le plan fourni par le client et détaille les prix unitaires des éléments mobiliers pour aboutir à un total qui de 18.066 euros se trouve ramené à 16.657 euros, sans d'ailleurs qu'au résultat de cette remise de 1.409 euros, le total de la commande ne s'en trouve modifié pour toujours être de 23.995 euros ;

Que le versement d'un acompte de 7.500 euros est déjà mentionné sur le premier de ces deux documents alors que M. et Mme X. déclarent qu'ils ont remis le chèque correspondant au vendeur avant le déjeuner, ce que ce dernier ne conteste pas ;

Attendu que si ces derniers dénoncent la durée de la négociation, le fait que des offres plus alléchantes les unes que les autres leur ont été successivement faites, la prétendue remise de ce chèque à titre de simple garantie et le fait que le document qu'ils ont signé leur aurait été présenté comme un simple devis, ces éléments sont insuffisants à constituer les manœuvres caractéristiques du dol qu'ils invoquent dès lors que les deux premiers éléments participent de l'économie générale et de l'esprit des lieux des foires où exposant et chaland sont réunis pour chacun réaliser une bonne affaire, et qu'au-delà du fait que les deux autres éléments ne sont étayés par aucune preuve tangible, la formule finale du document « bon pour commande » sous laquelle l'un des époux a apposé sa signature exclut qu'ils aient pu, par ce visa et la remise d'un chèque correspondant à l'acompte prévu à la commande, avoir cru simplement accuser réception d'un devis et être ainsi les victimes d'une erreur provoquée, qui en tout état de cause ne serait pas excusable ;

Et que pour les raisons déjà dites les sollicitations du vendeur, bien que présentées comme insistantes et répétées, ici encore sans autre illustration que la durée de la discussion, ne peuvent caractériser une pratique commerciale agressive au sens de l'article L. 121-6 du code de la consommation pour cette raison que les époux X. qui ne démontrent donc pas l'existence de pressions psychologiques ou morales, ni n'invoquent un ou plusieurs des cinq cas énumérés par le texte pour qualifier un harcèlement ou une contrainte, étaient libres de quitter le stand à tout moment pour mettre un terme à une situation qui serait devenue par trop insupportable ;

Attendu en revanche que par application de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, le vendeur professionnel est tenu d'une obligation précontractuelle d'information, visant à faire connaître au consommateur les caractéristiques essentielles du bien vendu qui lui impose, notamment, de se renseigner sur les besoins de l'acheteur et de l'informer de l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est recherchée ; et qu'il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu'il a bien satisfait à cette obligation ;

Qu'il ressort en l'occurrence de ce qui précède que c'est au vu des éléments contenus au premier des deux documents que les époux X. se sont engagés, sur un prix des éléments de mobilier composant la cuisine fixé en conséquence de manière globale dès lors que seul figure en bas de la première page un total de meubles pour 18.066 euros, qui ajouté aux autres postes ne correspond d'ailleurs pas au prix global de 23.995 euros (18.066 + 3.289 + 3.289 + 350 + 1 = 24.995 euros), en versant dès cet instant un acompte de 7.500 euros dont le premier juge a pu exactement relever qu'il ne correspondait pas aux 40 % du prix prévus à la commande, et ce enfin au vu d'un plan dont ils contestent qu'ils l'aient fourni eux-mêmes, ainsi que l'affirme ici encore le vendeur, mais qui en tout état de cause ne peut correspondre à « un plan précis coté au 1/20 » tel qu'il le qualifie ;

Qu'en réalité ce document qui ne comporte aucune élévation permettant d'apprécier la hauteur des divers éléments, ni a fortiori leur volume comme cela se pratique couramment est un plan particulièrement sommaire, dressé sans échelle, ne comportant de fait que deux mesures, la première de 3.84 m portée sur le plus long coté figurée 18.8 cm et la seconde portée sur l'autre coté de 2.25 m et figurée 13.2 cm et donc selon deux rapports différents, sans cohérence entre elles ;

Qu'encore ce plan ne comporte aucune mesure intéressant les portes, fenêtres, dégagements et murs de la pièce alors que les époux X. qui se trouvent ainsi objectivement confortés dans le fait que ce plan n'émane pas d'eux, relèvent exactement une erreur majeure d'implantation dès lors que la pose sur la face mesurée de 2.25 mètres, si elle permet d'intégrer les trois éléments figurés pour 60 cm + 45 cm + 90 cm, ne permet pas de recevoir sur les 30 cm restant, l'élément d'angle également prévu pour cette raison évidente que celui-ci présente une profondeur de 56 cm, tant sur cette face que sur l'autre ;

Et que ces erreurs et insuffisances affectent l'objet même de l'accord en ce qu'elles portent sur le nombre et la nature des éléments et donc sur le prix, alors que le vendeur de cuisine, surtout lorsqu'il se charge de la pose, ne peut s'affranchir de la nécessité de connaître les mesures exactes des lieux pour déterminer ce nombre et ces dimensions, au résultat d'une étude préalable avec mesurage et relevé précis sur le lieu destiné à être équipé, approuvée par les acquéreurs et permettant à ceux-ci de donner un consentement éclairé, et ce sans qu'il puisse sérieusement opposer au cas précis la disposition selon laquelle toute modification d'implantation serait à sa charge dès lors que les modalités de cette nouvelle implantation qui impliquent littéralement la conclusion d'un nouvel accord ne sont pas mieux définies ;

Qu'il s'ensuit du tout qu'en l'absence de ce consentement éclairé, le contrat de vente n'a pas pu valablement se former ;

Que la décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions y compris en celle fixant le montant du préjudice né de la difficulté rencontrée par les intimés pour obtenir le remboursement de l'acompte versé ;

Attendu que succombant, l'EURL CUCINE STBO doit les dépens ainsi que le paiement à ses adversaires d'une indemnité complémentaire de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare les appels tant principal qu'incident recevables en la forme,

Confirme le jugement déféré,

Rejette toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires formées par les parties,

Condamne l'EURL CUCINE STBO aux dépens ainsi qu'à payer à M. et Mme X. une indemnité complémentaire de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                   LE PRÉSIDENT