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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 28 mai 2018

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 28 mai 2018
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 17/01192
Décision : 18/0349
Date : 28/05/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/03/2017
Numéro de la décision : 349
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2018-008986
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7574

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 28 mai 2018 : RG n° 17/01192 ; arrêt n° 18/0349 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La SARL Actency n'ayant formé aucune demande reconventionnelle en dommages-intérêts devant le premier juge, elle est irrecevable à hauteur d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile à présenter une demande reconventionnelle au visa de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, cette demande qui n'entre dans aucun des cas des articles 564 à 566 du code de procédure civile, ne se rattachant en outre pas aux prétentions originaires par un lien suffisant. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 28 MAI 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 3 A 17/01192. Arrêt n° 18/0349. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 février 2017 par le Tribunal d'Instance de STRASBOURG.

 

APPELANTE :

SAS PROGERIS

ayant son siège social [adresse], Représentée par Maître Dominique D'A., avocat à la cour

 

INTIMÉE :

SARL ACTENCY

ayant son siège social [adresse], Représentée par la SELARL ACTA & LITIS, avocats au barreau de STRASBOURG

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme MARTINO, Présidente de chambre, et Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme MARTINO, Présidente de chambre, Mme FABREGUETTES, Conseiller, M. RUER, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement après prorogation du 14 mai 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Annie MARTINO, présidente et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par lettre recommandée envoyée le 21 juillet 2015 et reçue au greffe du tribunal d'instance de Strasbourg le 22 juillet 2015, la SARL Actency a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer n° 67482/21/15/001394 en date du 17 juin 2015, et signifiée à personne morale le 13 juillet 2015, rendue contre elle à la demande de la SAS Progeris pour un montant en principal de 5.245,78 euros au titre d'une facture.

Par jugement contradictoire du 10 février 2017, le tribunal d'instance de Strasbourg :

- a dit la SAS Progeris dépourvue de tout mandat de recouvrement conforme aux prescriptions de l'article R. 124-3 du code des procédures civiles d'exécution ;

- l'a débouté de toutes ses demandes de ce chef ;

- a condamné la SAS Progeris à payer à la SARL Actency la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné la SAS Progeris aux frais et dépens qui comprendront les frais de l'ordonnance de payer n° 67482/21/15/001394 ;

- a ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a estimé que la convention conclue le 22 mai 2013 entre les parties aux termes de laquelle la SARL Actency a donné à la SAS Progeris un mandat général de recouvrement n'est pas nulle mais ne peut constituer à elle seule un mandat valable sans être complétée par un mandat spécifiant les éléments imposés légalement (fondement et montant des sommes dues par le débiteur notamment) et qu'ainsi la SAS Progeris ne dispose d'aucun contrat de mandat et doit donc être déboutée de sa facturation d'un dossier de recouvrement concernant la société Kerensen Consulting d'un montant de 64.107,96 euros que la SARL Actency a recouvré par ses propres moyens.

La SAS Progeris a interjeté appel de ce jugement par voie de déclaration du 13 mars 2017.

Par dernières conclusions notifiées le 21 décembre 2017, la SAS Progeris a sollicité voir :

- dire et juger son appel recevable et bien-fondé ;

en conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Strasbourg le 10 février 2017 dans toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

- dire et juger l'opposition formée par la SARL Actency non fondée ;

- la condamner à verser à la SAS Progeris :

- la somme de 5.245,78 euros majorés des intérêts conventionnels de 10,5 % annuel à compter du 28 mars 2015 ;

- la somme de 4,53 euros au titre des frais accessoires ;

- la somme de 40 euros au titre de l'article D. 441-5 du code de commerce ;

en tout cas,

- rejeter la demande reconventionnelle de la SARL Actency ;

- condamner la SARL Actency aux entiers frais et dépens ainsi qu'au versement de la somme de 2500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Progeris a fait valoir, notamment, qu'elle est liée avec la SARL Actency par une convention cadre indiquant le type de créances à recouvrer ; que la SARL Actency a renseigné sur la plate-forme Internet de la SAS Progeris les éléments de la créance à recouvrer auprès de la société Kerensen Consulting conformément à l'article R. 124-3 du code des procédures civiles d'exécution ; que si ce texte exige un document écrit, la matérialisation de cet écrit par une plate-forme numérique n'est nullement prohibée ; que l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit papier conformément à l'article 1366 du code civil ; qu'elle avait donc mandat spécial de recouvrer la créance ; que le barème de ses honoraires est opposable à la SARL Actency ; que cette dernière est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile à présenter une demande reconventionnelle au visa de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce.

Par dernières conclusions notifiées le 13 juillet 2017, la SARL Actency a sollicité voir :

- déclarer l'appel de la SAS Progeris mal fondé ;

en conséquence,

à titre principal :

- débouter la SAS Progeris de ses entières fins et conclusions ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 10 février 2017 ;

à titre subsidiaire :

- déclarer inopposable à la SARL Actency le barème d'honoraires prévu par la convention de partenariat du 22 mai 2013 ;

- débouter la SAS Progeris de ses entières fins et conclusions ;

à titre infiniment subsidiaire :

- constater le caractère manifestement excessif de la clause pénale ;

- réduire la clause pénale à des proportions plus justes, soit 100 euros ;

- débouter la SAS Progeris pour le surplus ;

en tout état de cause, sur demande reconventionnelle :

- condamner la SAS Progeris à payer à la SARL Actency une somme de 5.245,78 euros à titre de dommages-intérêts ;

- ordonner, le cas échéant, la compensation des créances ;

- condamner la SAS Progeris à payer à la SARL Actency la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SAS Progeris aux entiers frais et dépens d'instance.

La SARL Actency a fait valoir, notamment, que la SAS Progeris n'avait pas de mandat spécial de recouvrer la créance auprès de la société Kerensen Consulting conforme à l'article R. 124-3 du code des procédures civiles d'exécution ; qu'il n'y a pas d'écrit électronique ; que la SAS Progeris ne rapporte pas la preuve que sa plate-forme Internet respecte les conditions posées par le code civil pour l'écrit électronique ; que le barème d'honoraires lui est inopposable ; que les montants réclamés sont excessifs et constituent une clause pénale ; que le contrat est déséquilibré au sens de l'article L 442-6-I-2° du code de commerce.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Vu les écritures des parties ci-dessus spécifiées et auxquelles il est référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile,

Vu les pièces régulièrement communiquées entre les parties ;

 

Sur la demande en paiement :

Aux termes de l'article 1366 du code civil, anciennement 1316-1 du même code avant le 1er octobre 2016, l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

Aux termes de l'article R. 124-3 du code des procédures civiles d'exécution, la personne chargée du recouvrement amiable ne peut procéder à celui-ci qu'après avoir conclu une convention écrite avec le créancier dans laquelle il lui est donné pouvoir de recevoir pour son compte. Cette convention précise notamment : 1° Le fondement et le montant des sommes dues, avec l'indication distincte des différents éléments de la ou des créances à recouvrer sur le débiteur ; 2° Les conditions et les modalités de la garantie donnée au créancier contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en raison de l'activité de recouvrement des créances ; 3° Les conditions de détermination de la rémunération à la charge du créancier ; 4° Les conditions de reversement des fonds encaissés pour le compte du créancier.

En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que la SARL Actency a signé le 22 mai 2013 avec la SAS Progeris un mandat général de recouvrement de quatre pages prévoyant des honoraires HT, page 1 et 2, de 6 % au-delà d'une créance supérieure à 7.500 euros et, en son article 4 des conditions générales, que les honoraires sont dus dès l'enregistrements du dossier sur tous les dossiers solutionnés par quelque partie que ce soit.

La SARL Actency a signé à la même date un autre document intitulé « pouvoir » donnant les pouvoirs les plus étendus à la SARL Actency pour recouvrer « la créance sur le débiteur indiqué en marge » sans qu'il y ait de précision sur ladite créance, le pouvoir donné étant en blanc.

Enfin, si la SARL Actency met en doute la plate-forme Internet de la SAS Progeris, elle ne conteste pas avoir enregistré sur cette plate-forme Internet le 3 juin 2014 le dossier en question comportant le nom du débiteur, soit la société Kerensen Consulting, la référence de la facture, soit FAC-1203-1401 du 31 janvier 2014 d'un montant de 64.107,96 euros à échéance au 28 février 2014, et ne justifie pas que ces éléments, que l'on retrouve intégralement dans la mise en demeure envoyée par la SAS Progeris le 18 juin 2014 à la société débitrice et dans le protocole d'accord transactionnel signé par la SARL Actency le 2 octobre 2014 avec la société Kerensen Consulting, seraient erronés et auraient été modifiés par la SAS Progeris, confirmant dès lors la validité de cette plate-forme Internet.

En conséquence, contrairement à l'analyse du premier juge, le mandat donné par la SARL Actency à la SAS Progeris n'est pas nul mais a été réalisé par deux écrits sur papier le 22 mai 2013 et un écrit sous forme électronique le 3 juin 2014 qui est admis comme preuve au même titre que l'écrit sur support papier aux termes de l'article 1366 du code civil, anciennement 1316-1 du code civil introduit par la loi du 13 mars 2000.

Le jugement déféré sera donc infirmé en sa totalité.

S'agissant du montant des honoraires, comme rappelé ci-dessus, la convention signée par la SARL Actency mentionne clairement le pourcentage des honoraires à deux endroits différents et ce pourcentage ne constitue pas une clause pénale dès lors que le début de l'article 4 des conditions générales prévoit que les honoraires sont dus dès l'enregistrements du dossier sur tous les dossiers solutionnés par quelque partie que ce soit, la mention in fine de l'article 4 des conditions générales précisant que « lorsque le créancier omet d'informer Progeris, l'ensemble des frais et honoraires est dû par lui » ne faisant que préciser que les honoraires sont dus dès le début du dossier et apparaît superfétatoire.

Par contre, le taux d'intérêt conventionnel prévu à l'article 10 des conditions générales et correspondant au taux de la BCE + 10 points constitue une clause pénale qu'il convient de réduire au taux légal comme étant manifestement excessive.

Enfin, si la convention signée par les parties prévoit clairement un barème d'honoraires hors taxes de 6 % au-delà de 7500 euros, la facture des honoraires sur la base du montant à recouvrer, soit 64.107,96 euros, et non du montant qui serait effectivement perçu et qui ne peut être retenu car inconnu à l'enregistrement du dossier, mentionne des honoraires de 4.371,48 euros HT qui ne correspondent pas à 6 % de 64.107,96 euros mais à près de 7 %.

En l'absence d'explication sur le calcul de la facturation faite par la SAS Progeris, il y a lieu de retenir des honoraires HT d'un montant de 3.846,47 euros HT correspondant à 6 % de 64.107,96 euros, soit 4615,76 euros TTC.

La SARL Actency sera donc déboutée de ses demandes et condamnée à payer :

- la somme de 4.615,76 euros majorés des intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2015 ;

- la somme de 4,53 euros au titre des frais accessoires ;

- la somme de 40 euros au titre de l'article D 441-5 du code de commerce ;

 

Sur la demande reconventionnelle :

La SARL Actency n'ayant formé aucune demande reconventionnelle en dommages-intérêts devant le premier juge, elle est irrecevable à hauteur d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile à présenter une demande reconventionnelle au visa de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, cette demande qui n'entre dans aucun des cas des articles 564 à 566 du code de procédure civile, ne se rattachant en outre pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure seront infirmées.

Partie perdante à hauteur d'appel, la SARL Actency sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du même code.

En revanche, il sera fait droit la demande de la SAS Progeris au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1.000 euros.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

DÉBOUTE la SARL Actency de ses demandes ;

CONDAMNE la SARL Actency à payer à la SAS Progeris :

- la somme de 4.615,76 euros (quatre mille six cent quinze euros soixante-seize centimes) majorés des intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2015 ;

- la somme de 4,53 euros (quatre euros cinquante-trois centimes) au titre des frais accessoires ;

- la somme de 40 euros (quarante euros) au titre de l'article D. 441-5 du code de commerce ;

DÉBOUTE la SAS Progeris du surplus de ses demandes ;

DÉCLARE irrecevable la SARL Actency en sa demande reconventionnelle ;

CONDAMNE la SARL Actency à payer à la SAS Progeris la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL Actency aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais de l'ordonnance de payer n° 67482/21/15/001394 du tribunal d'instance de Strasbourg.

Le greffier                             La présidente de chambre