CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 23 mai 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7618
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 23 mai 2018 : RG n° 16/07307
Publication : Jurica
Extrait (arguments de l’appelante) : « Concernant la remise du Document d'Information Précontractuelle, la société De Neuville se prévaut d'un récépissé complété et signé de la main de Madame X. où cette dernière reconnaît l'avoir reçu avec le projet de contrat de franchise. Cette reconnaissance ne constitue pas une clause déséquilibrée au sens de L. 442-6-I-2° du code de commerce ».
Extrait (motifs) : « Si le document d'information précontractuelle versé aux débats par la société De Neuville (pièce 2) n'est ni daté ni signé, et ne comporte aucun état du marché local, il ressort d'un récépissé daté du 17 mai 2011 qu'un DIP ainsi que le projet de contrat de franchise a bien été remis à Madame X. Par ailleurs, le franchisé a confirmé avoir reçu un DIP complet conforme à l'article L. 330-3 du code de commerce lorsqu'il a signé, le 29 juillet 2011, le contrat de franchise.
Il résulte de ces éléments que si le franchiseur justifie avoir communiqué un document d'information pré contractuelle dans les délais prévus par la loi, il ne démontre pas que l'état local du marché, daté de juin 2011, et figurant en pièce 38 dans son dossier, ait bien été transmis au franchisé avec le DIP, ou, postérieurement, par envoi séparé, en juin 2011, la simple affirmation par la société Couleurs et Chocolats qu'elle a reçu un document d'information pré contractuelle complet 29 juillet 2011 ne pouvant valoir reconnaissance de la réception de cet état local du marché.
Cet élément, qui ne constitue pas en soi un motif d'annulation du contrat de franchise pour dol, la société franchisée ne démontrant pas en quoi l'absence de cet état du marché local l'aurait conduite à se méprendre sur sa situation, doit toutefois être rapprochée des autres griefs faits par la société franchisée au franchiseur. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 23 MAI 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/07307 (20 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 mars 2016 - Tribunal de Commerce de MEAUX - R.G. n° 2014010813.
APPELANTE :
SAS DE NEUVILLE, dont le sigle est DNSA
Ayant son siège social : [adresse], N° SIRET : XXX (MEAUX), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Nicole D. P., avocat au barreau de PARIS, toque : A0377, Ayant pour avocat plaidant : Maître Jean-Baptiste G. de la SELARL G. AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1852
INTIMÉS :
- Maître Éric V., ès-qualités de liquidateur de la SARL COULEURS ET CHOCOLATS
(N° SIRET : XXX - AIX EN PROVENCE), désigné à cette fonction par jugement rendu le 2 septembre 2014 par le Tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE, Exerçant ses fonctions : [adresse]
- Monsieur Y., ès qualité de gérant de la SARL COULEURS ET CHOCOLATS
(N° SIRET : YYY - AIX EN PROVENCE), né le [date] à [ville], Demeurant : [adresse]
- Madame X.
née le [date] à [ville], Demeurant : [adresse], Représentés par Maître Anne G.-B. de la SCP G. B., avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, Ayant pour avocat plaidant : Maître Sophie B. et Maître Monique BEN S. du Cabinet BSM, avocats au barreau de PARIS, toque : R252
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 avril 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Irène LUC, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur, Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, Madame Xaure COMTE, Vice-Présidente Placée, qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Irène LUC, Présidente de chambre et par Madame Cécile PENG, greffier présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société De Neuville développe un réseau de magasins détaillants de chocolats par le biais de franchisés et de succursales.
Monsieur Y. et Madame X. sont d'anciens commerçants. Monsieur Y. a exploité un garage, tandis que Madame X. a dirigé une pizzeria.
Désireux d'ouvrir un magasin de chocolats, Monsieur Y. et Madame X. se sont rapprochés de la société De Neuville dans le courant de l'année 2011 et ont créé la même année la société Couleurs et Chocolats.
Le 29 juillet 2011, la société Couleurs et Chocolats a conclu un contrat de franchise avec la société De Neuville.
Monsieur Y. et Madame X. ont rapidement rencontré des difficultés d'exploitation et la société Couleurs et Chocolats a été mise en liquidation par jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 2 septembre 2014, désignant Maître V., en qualité de liquidateur.
Dans ces conditions, invoquant l'entière responsabilité du franchiseur, Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X. ont, par exploit du 1er décembre 2014, assigné la société De Neuville devant le tribunal de commerce de Meaux, afin de voir prononcer titre principal la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement et obtenir réparation.
Par jugement du 8 mars 2016, le tribunal de commerce de Meaux a, sous le régime de l'exécution provisoire :
- prononcé la nullité du contrat de franchise pour erreur,
- condamné la société De Neuville à payer à Maître Éric V., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, les sommes de :
* 38.517,60 euros TTC représentant le droit d'entrée, la redevance forfaitaire initiale et les redevances, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation valant mise en demeure et avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du code civil,
* 165.337,60 euros TTC au titre des dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation valant mise en demeure et avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du code civil,
- condamné la société De Neuville à payer à Monsieur Y., la somme de 95.000 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation valant mise en demeure et avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du code civil,
- condamné la société De Neuville à verser à Madame X., la somme de 95.000 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation valant mise en demeure et avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du code civil,
- condamné la société De Neuville à payer à Maître V., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, la somme de 5.000 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société De Neuville aux dépens.
Par déclaration du 24 mars 2016, la société De Neuville a relevé appel de ce jugement.
LA COUR
Vu l'appel de la société De Neuville et ses conclusions, déposées et notifiées le 30 mars 2018, par lesquelles il est demandé à la cour, au visa des articles 1134, 1184 et 1315 anciens code civil et 564 du code de procédure civile, de :
- recevoir la société De Neuville en ses présentes écritures et la dire bien fondée,
sur la nullité du contrat de franchise,
à titre principal,
- dire que la société De Neuville démontre avoir remis le Document d'Information Précontractuelle complet conformément à l'article L. 330-3 du code de commerce,
- dire que la société Couleurs et Chocolats ne démontre pas que son consentement aurait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de son exploitation susceptible de justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise,
- dire que la société Couleurs et Chocolats ne démontre pas que son consentement aurait été déterminé par une erreur sur la surface ou l'emplacement du local susceptible de justifier le prononcé de la nullité du contrat de franchise,
en conséquence,
- infirmer le jugement rendu le 8 mars 2016 par le tribunal de commerce de Meaux en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat pour erreur,
- infirmer le jugement rendu le 8 mars 2016 par le tribunal de commerce de Meaux en ce qu'il a condamné la société De Neuville au paiement de :
* la somme de 38.517,60 euros TTC correspondant à la restitution du droit d'entrée, de la redevance initiale forfaitaire et des redevances de franchise,
* la somme de 165.337,60 euros TTC correspondant aux investissements réalisés pour ouvrir le point de vente,
* la somme de 95.000 euros au titre du préjudice subi par Monsieur Y.,
* la somme de 95.000 euros au titre du préjudice subi par Madame X.,
- dire parfaitement valide le contrat de franchise,
- dire parfaitement valide l'engagement de caution solidaire de Monsieur Y. et Madame X.,
- débouter la société Couleurs et Chocolats, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité serait confirmée,
- dire que la société Couleurs et Chocolats ne justifie pas des sommes réclamées,
- dire que les demandes d'indemnisation de Monsieur Y. et Madame X. ne sont ni fondées ni justifiées,
- dire que la nullité du contrat de franchise doit entraîner des restitutions réciproques, le franchiseur restituant les sommes qu'il a reçues du franchisé, et le franchisé devant restituer la valeur des prestations qu'il a reçues du franchiseur,
- dire que la société De Neuville ne peut être condamnée à indemniser les intimés de la totalité des investissements réalisés, mais seulement la perte de chance de mieux contracter,
- dire parfaitement valide l'engagement de caution solidaire de Monsieur Y. et Madame X., même en cas de nullité du contrat de franchise,
en conséquence,
- ordonner les restitutions réciproques des obligations exécutées en vertu du contrat de franchise, ayant constaté que Maître V., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X. ont reconnu la valeur des prestations fournies par la société De Neuville,
en conséquence, condamner notamment le franchisé à restituer au franchiseur :
* la valeur du droit d'usage du savoir-faire dont il a bénéficié,
* la valeur de l'usage du droit de marque dont il a bénéficié,
* la valeur de l'exclusivité territoriale dont il a bénéficié,
* la valeur de la publicité nationale dont il a bénéficié,
* la valeur de l'assistance dont il a bénéficié,
* la valeur de la formation dont il a bénéficié,
cette valeur étant déterminée ainsi que l'ont reconnue Maître V., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X.,
- réduire la condamnation de la société De Neuville à la somme de 3.409,91 euros HT au titre des investissements réalisés pour ouvrir le point de vente,
- débouter Maître V., ès-qualités, et les consorts T. et L. de leurs demandes de condamnation de la société De Neuville à indemniser les pertes subies par la société Couleurs et Chocolats et le gain manqué par cette dernière par rapport aux prévisionnels,
- déclarer irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de restitution de la marge faite par le franchiseur, lors de la vente de chocolats au franchisé, qui suppose que soient annulés les contrats de vente qui ont été conclus entre le franchisé et le franchiseur en application du contrat-cadre de franchise,
- en tout état de cause, déclarer cette demande mal fondée,
- plus subsidiairement encore, déclarer que la marge à restituer sera diminuée de la marge faite par le franchisé lors de la revente des marchandises, ce qui conduit à fixer la somme à restituer à une somme nulle,
- débouter M. Y. et Mme X. de leur demande de condamnation de la société De Neuville à leur payer la somme de 107.761 euros chacun au titre des pertes subies,
- débouter M. Y. et Mme X. de leur demande de condamnation de la société De Neuville à leur payer la somme de 66.071 euros chacun au titre des gains manqués,
- débouter M. Y. et Mme X. de leur demande de condamnation de la société De Neuville à leur payer la somme de 30.000 euros chacun au titre du préjudice moral,
- débouter la société Couleurs et Chocolats, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X. de leurs autres demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement rendu le 8 mars 2016 par le tribunal de commerce de Meaux en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts complémentaires de la société Couleurs et Chocolats, représentée par Maître V., agissant en qualité de liquidateur judiciaire, Monsieur Y. et Madame X.,
sur la demande de résiliation du contrat de franchise aux torts De Neuville,
à titre principal,
- dire qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société De Neuville lors de la conclusion du contrat de franchise,
- dire qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société De Neuville lors de l'exécution du contrat de franchise,
en conséquence,
- débouter la société Couleurs et Chocolats, représentée par Maître V., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
- dire, dans l'hypothèse où la cour prononcerait la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société De Neuville, que la société Couleurs et Chocolats ne justifie pas des sommes réclamées à titre de dommages-intérêts,
- dire dans l'hypothèse où la cour prononcerait la résiliation du contrat de franchise aux torts de la société De Neuville, que les demandes d'indemnisation de Monsieur Y. et Madame X. ne sont ni fondées ni justifiées,
en conséquence,
- débouter la société Couleurs et Chocolats, représentée par Maître V., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, de sa demande tendant à la condamnation de la société De Neuville au paiement d'une somme de 165.337,60 euros H.T. au titre des dommages et intérêts,
- débouter Monsieur Y. et Madame X. de leur demande tendant à la condamnation de la société De Neuville au paiement d'une somme de 107.761 euros chacun au titre des pertes subies,
- débouter Monsieur Y. et Madame X. de leur demande tendant à la condamnation de la société De Neuville au paiement d'une somme de 66.071 euros chacun au titre du gain manqué,
- débouter Monsieur Y. et Madame X. de leur demande tendant à la condamnation de la société De Neuville au paiement d'une somme de 30.000 euros chacun à titre de préjudice moral,
sur les demandes de la société De Neuville,
- dire que la société Couleurs et Chocolats a violé l'article 5.6.6. de son contrat de franchise en procédant à des travaux de modification de l'aménagement, sans le consentement préalable ou écrit de la société De Neuville,
en conséquence,
- dire que le contrat de franchise est résilié aux torts exclusifs de la société Couleurs et Chocolats,
en tout état de cause,
- condamner solidairement la société Couleurs et Chocolats, représentée par Maître V., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X. au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner à Maître V., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, de les payer en priorité sur le fondement de l'article L.641-13 du code de commerce,
- condamner solidairement la société Couleurs et Chocolats, représentée par Maître V., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X. aux entiers dépens de première instance et d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Nicole D.-P. sur son affirmation de droit,
- ordonner à Maître V., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats, de les payer en priorité sur le fondement de l'article L.641-13 du code de commerce ;
Vu les dernières conclusions de Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, Monsieur Y. et Madame X., intimées, déposées et notifiées le 3 avril 2018, par lesquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles 1109, 1110, 1134, 1135, 1147, 1149, 1184, 1382 anciens et 2289 du code civil, L. 330-3 et R. 330-3 du code de commerce et L.341-2 du code de la consommation,
à titre principal,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise,
- le confirmer en ce qu'il a prononcé la nullité des engagements de caution de Monsieur Y. et de Madame X. envers la société De Neuville,
- l'infirmer sur le montant des condamnations prononcées en faveur de Maître V.,
- condamner la société De Neuville à verser à Maître V. la somme de 75.324 euros au titre des restitutions,
- condamner la société De Neuville à verser à Maître V. la somme de 206.286 euros au titre des dommages et intérêts,
- infirmer le jugement en date du 8 mars 2016 sur le montant des condamnations prononcées en faveur de Monsieur Y. et de Madame X.,
- condamner la société De Neuville à verser à Monsieur Y. et à Madame X. la somme de 107.761 euros chacun au titre des pertes subies,
- condamner la société De Neuville à verser à Monsieur Y. et à Madame X. la somme de 66.071 euros chacun au titre des gains manqués,
- condamner la société De Neuville à verser à Monsieur Y. et à Madame X. la somme de 30.000 euros chacun au titre du préjudice moral,
- débouter la société De Neuville de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions articulés tant à l'encontre de Maître V. que de Monsieur Y. et de Madame X.,
à titre subsidiaire,
- prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société De Neuville,
- condamner la société De Neuville à verser à Maître V. la somme de 206.286 euros au titre des dommages et intérêts,
- condamner la société De Neuville à verser à Monsieur Y. et à Madame X. la somme de 107.761 euros chacun au titre des pertes subies,
- condamner la société De Neuville à verser à Monsieur Y. et à Madame X. la somme de 66.071 euros chacun au titre des gains manqués,
- condamner la société De Neuville à verser à Monsieur Y. et à Madame X. la somme de 30.000 euros chacun au titre du préjudice moral,
- débouter la société De Neuville de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions articulés tant à l'égard de Maître V. que de Monsieur Y. et de Madame X. à titre personnel,
en tout état de cause,
- débouter la société De Neuville de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions articulés tant à l'égard de Maître V. que de Monsieur Y. et de Madame X. à titre personnel,
- condamner la société De Neuville aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de la Scp Grappotte B., et à verser à Monsieur Y., à Madame X. et à Maître Éric V. ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats une somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur l'incident de mise en état :
La société De Neuville soulève oralement avant l'ouverture de l'audience l'irrecevabilité des dernières conclusions des intimées, versées seulement quelques heures avant la clôture des débats. Les intimées s'opposent à cette demande, les seuls éléments nouveaux ayant été apportés par rapport aux avant-dernières conclusions portant sur le cautionnement des personnes physiques concernant les emprunts de la société Couleurs et Chocolats et, en toute hypothèse, demandent à la cour le maintien des pièces communiquées en même temps.
Il y a lieu de faire droit aux demandes des intimées, aucune atteinte aux droits de la défense n'étant établie par la société appelante du fait de ces conclusions et des pièces communiquées.
Sur la nullité du contrat de franchise :
La société De Neuville demande à la cour l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise pour dol et erreur. Elle soutient ne pas avoir induit en erreur son franchisé sur la rentabilité du projet, ni l'avoir trompé sur le choix du local, tant sur son emplacement que sur sa superficie et sur le montant des loyers et charges. Elle prétend avoir remis le document d'information pré contractuelle et l'état local du marché.
Les intimées demandent à la cour l'annulation du contrat, au motif qu'aucun document d'information pré contractuelle ne leur a été remis, que des prévisionnels mensongers leur ont été communiqués par le franchiseur et, enfin, que le local de 85 m² trouvé, négocié et validé par le franchiseur ne correspondait ni au concept ni à l'activité exercée et constituait, par son caractère excessivement élevé, un obstacle dirimant à la rentabilité du fonds de commerce.
[*]
En application des dispositions des articles 1108 et 1109 du code civil dans leur rédaction applicable, le consentement de la partie qui s'oblige est une condition essentielle de la validité d'une convention et il n'y a point de consentement valable si ce consentement n'a été donné que par erreur ou surpris par dol. L'article 1110 ancien du même code dispose que l'erreur n'est une cause de nullité que si elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet et l'article 1116 ancien précise que le dol est une cause de nullité lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et qu'il doit être prouvé.
Par ailleurs, l'article L. 330-3 du code commerce dispose que « toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ». Ce document d'information précontractuelle, « dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ».
Selon l'article R. 330-1 du code commerce, le DIP doit contenir : « (...) 4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants. Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché. Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ; 5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte : a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ; b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ; Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ; c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ; d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ; 6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités. Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation ».
Il résulte de la combinaison des articles susvisés qu'un manquement à l'obligation d'information précontractuelle prévue à l'article L. 330-3 du code de commerce n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé.
Sur la remise du Document d'Information Précontractuelle et de l'état local de marché :
La société De Neuville soutient que le franchisé ne peut prétendre que son consentement aurait été vicié du fait de l'absence de remise de l'état local de marché puisqu'il avait déjà choisi son emplacement et accepté le bail avant de rencontrer la société De Neuville et de signer son contrat de franchise. Concernant la remise du Document d'Information Précontractuelle, la société De Neuville se prévaut d'un récépissé complété et signé de la main de Madame X. où cette dernière reconnaît l'avoir reçu avec le projet de contrat de franchise. Cette reconnaissance ne constitue pas une clause déséquilibrée au sens de L. 442-6-I-2° du code de commerce.
En réplique, les intimés font valoir que la société De Neuville a approuvé l'emplacement des locaux alors qu'aucune décision n'était prise quant au bail et ne démontre pas avoir remis de DIP à la société Couleurs et Chocolats, ni d'état du marché local, caractérisant une violation de l'article L.330-3 du code de commerce. Ils soutiennent que l'absence de remise d'un DIP et l'absence de toute information sur le marché local n'a pas permis à la société Couleurs et Chocolats de s'engager en connaissance de cause et sollicitent dès lors la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise pour erreur.
* * *
Si le document d'information pré contractuelle versé aux débats par la société De Neuville (pièce 2) n'est ni daté ni signé, et ne comporte aucun état du marché local, il ressort d'un récépissé daté du 17 mai 2011 qu'un DIP ainsi que le projet de contrat de franchise a bien été remis à Madame X. Par ailleurs, le franchisé a confirmé avoir reçu un DIP complet conforme à l'article L. 330-3 du code de commerce lorsqu'il a signé, le 29 juillet 2011, le contrat de franchise.
Il résulte de ces éléments que si le franchiseur justifie avoir communiqué un document d'information pré contractuelle dans les délais prévus par la loi, il ne démontre pas que l'état local du marché, daté de juin 2011, et figurant en pièce 38 dans son dossier, ait bien été transmis au franchisé avec le DIP, ou, postérieurement, par envoi séparé, en juin 2011, la simple affirmation par la société Couleurs et Chocolats qu'elle a reçu un document d'information pré contractuelle complet 29 juillet 2011 ne pouvant valoir reconnaissance de la réception de cet état local du marché.
Cet élément, qui ne constitue pas en soi un motif d'annulation du contrat de franchise pour dol, la société franchisée ne démontrant pas en quoi l'absence de cet état du marché local l'aurait conduite à se méprendre sur sa situation, doit toutefois être rapprochée des autres griefs faits par la société franchisée au franchiseur.
Sur la remise de prévisionnels excessifs ayant entraîné une erreur substantielle sur la rentabilité :
La société De Neuville fait valoir que les comptes prévisionnels ont été formellement établis par le cabinet d'expertise comptable Inform à partir des données de chiffre d'affaires, de personnels et d'investissements définies par le franchisé avec l'assistance de son conseil, sans intervention du franchiseur. Elle reproche au tribunal d'avoir fait abstraction des déclarations effectuées par le franchisé au regard de l'établissement des comptes prévisionnels. La société De Neuville conclut dès lors qu'elle ne peut être l'auteur d'un dol consistant dans la communication d'un chiffre d'affaires erroné ou d'une erreur sur la rentabilité économique, puisqu'elle n'a délivré aucune information sur une prévision de chiffre d'affaires à la société Couleurs et Chocolats. Elle soutient, à titre subsidiaire, que le prévisionnel réalisé par la société Couleurs et Chocolats était réaliste et même prudent si on le compare aux seuls résultats des autres points de vente De Neuville installés en galeries commerciales. L'appelante fait valoir enfin que le tribunal a fait abstraction du comportement du franchisé dont il serait prouvé qu'il est à l'origine de la non-atteinte des chiffres prévisionnels déterminés par lui avec son expert-comptable.
En réplique, les intimés contestent ces allégations et soutiennent que le prévisionnel a été effectué par la société Inform, partenaire du réseau De Neuville, sur la base des éléments fournis par la société De Neuville qu'elle était seule à détenir. Ils concluent que la société De Neuville a engagé sa responsabilité en fournissant à la société Inform des données erronées et non significatives pour l'élaboration du prévisionnel et en provoquant dans l'esprit de son cocontractant une erreur sur la rentabilité de l'activité.
[*]
Si le franchiseur n'est pas tenu de remettre un compte d'exploitation prévisionnel au candidat à la franchise, aux termes du 6° de l'article R. 330-1 du code de commerce, le document d'information précontractuelle doit contenir « la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation ». Il appartient ensuite à chaque franchisé d'établir son compte prévisionnel à partir de ces données. En revanche, si le franchiseur remet un compte d'exploitation, il doit donner des informations sincères et vérifiables.
Or, il est mentionné dans le contrat de franchise que « le document d'information pré contractuelle a été complété par la remise d'un document comportant des éléments de réalisation de chiffre d'affaires de membres du réseau ». Sur les conseils de la société De Neuville, la société Couleurs et Chocolats a fait appel à la société Inform, cabinet d'expertise comptable qui travaille habituellement avec la société De Neuville (pièce 55 des intimées). Cette société a élaboré des prévisionnels, sur la base d'informations fournies par le franchiseur et par le franchisé. Ainsi que la société Inform l'a écrit explicitement (pièce 1 de De Neuville), « lorsqu'un futur franchisé nous est adressé, nous réalisons pour son compte l'établissement du prévisionnel sur la base des éléments standards fournis par l'enseigne, de notre expérience dans l'activité et en relation avec le franchisé en ce qui concerne son chiffre d'affaires, sa structure de personnel, ses apports et son financement ». Le franchiseur ne peut donc décliner sa responsabilité dans la transmission des comptes prévisionnels effectuée par la société Inform, puisque c'est essentiellement sur la base des informations communiquées par lui que cette société les a élaborés, conformément à la mission prévue dans le contrat de franchise.
Or, ces comptes prévisionnels 2012, 2013 et 2014 se sont révélés exagérément optimistes. Alors qu'il était prévu pour ces trois premières années la réalisation de chiffres d'affaires de 240.000 euros, 256.800 euros et 274.776 euros, la société Couleurs et Chocolats a enregistré des chiffres d'affaires respectivement de 139.926 euros, 165.216 euros et 129.268 euros, soit des chiffres sans commune mesure avec les prévisions. Il apparaît que ces chiffres sont très éloignés de la tendance générale qui se dégage du document de communication interne diffusé par la société De Neuville à tous les membres de son réseau, intitulé « De Neuville info » (pièce 40), qui classe tous les franchisés par chiffre d'affaires. Il ressort de ce tableau, au titre de l'année 2012, que sur 144 franchisés, 73 réalisaient un chiffre d'affaires inférieur à 171.000 euros et 38 un chiffre d'affaires supérieur à 240.000 euros et enfin seulement 20 % des franchisés atteignaient le prévisionnel de 274.000 euros. Dès lors, il apparaît au regard de ces chiffres que les prévisionnels communiqués au franchisé étaient grossièrement irréalistes.
La circonstance que les chiffres diffusés en interne soient légèrement postérieurs à la date d'établissement des prévisionnels, le 17 juin 2011, est sans conséquence sur l'appréciation de la sincérité des prévisionnels. Si la société De Neuville tente de démontrer l'exactitude des chiffres des prévisionnels en produisant un tableau portant sur 18 de ses franchisés, faisant ressortir une moyenne de chiffre d'affaires de 303.190 euros, aucun élément n'est donné à la cour sur la situation de ces franchisés, sur la population de leur zone de chalandise, l'année de leur création, et, enfin sur leur positionnement géographique (centre-ville, galeries commerciales). Il en est de même de la comparaison effectuée par l'appelante avec les chiffres d'affaires réalisés par des franchisés situés dans des galeries commerciales en 2010, insuffisamment précise.
L'écart entre les prévisionnels et les chiffres réalisés par le franchisé dépasse la marge d'erreur inhérente à toute donnée de nature prévisionnelle.
Le franchiseur ne démontre pas par ailleurs que le franchisé aurait été responsable de ces mauvais chiffres, les quelques recommandations effectuées par le franchiseur lors de ses visites retranscrites dans les compte rendus de visites sommaires versés aux débats, qui font état de lacunes sans gravité dans la mise en œuvre par le franchisé de techniques de vente et son absence de prospection des comités d'entreprise, ne permettant pas à la cour de fonder cette assertion. Au surplus, si de graves erreurs de gestion lui avaient été reprochées, le franchiseur, tenu à son obligation d'assistance, lui aurait adressé des courriers plus circonstanciés.
Enfin, si le franchisé a l'obligation de se renseigner sur l'état du réseau, il ne peut lui être reproché d'avoir omis de procéder à l'étude des chiffres d'affaires des franchisés, alors que le contrat de franchise lui garantissait la présentation de chiffres prévisionnels.
La société De Neuville a donc engagé sa responsabilité en fournissant à la société Inform des données erronées et non significatives pour l'élaboration du prévisionnel, et en transmettant ces prévisionnels sans en vérifier la cohérence, alors que la société Inform agissait en son nom. Ceux-ci ont provoqué dans l'esprit des cocontractants, novices dans le secteur économique concerné, une erreur sur la rentabilité de leur activité.
Les chiffres prévisionnels contenus dans le document de la société Inform, sous la responsabilité du franchiseur, étant exagérément optimistes au regard de l'écart très important qu'ils présentent avec les chiffres d'affaires réalisés par la société Couleurs et Chocolats, à laquelle il n'est reproché aucune faute de gestion, sont déterminants pour le consentement éclairé du franchisé et portent sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l'espérance de gain est déterminante.
Sur l'erreur résultant du choix du local :
La société De Neuville estime que le tribunal ne pouvait considérer que le choix de l'emplacement avait été dicté par le franchiseur et ne pouvait caractériser un dol, puisqu'il n'y avait eu aucune manœuvre du franchiseur pour déterminer le franchisé à s'engager sur un local que le franchisé avait trouvé tout seul et dont il avait accepté la prise à bail avant de rencontrer le franchiseur. Elle conclut que l'état du marché local, sa production et son contenu ne pouvaient en conséquence pas déterminer la signature du contrat de franchise, puisque le franchisé, avait choisi son local avant de connaître le franchiseur et voulait y vendre du chocolat. Elle soutient que le franchisé avait été informé de la superficie du local qu'il prenait à bail ainsi que des surfaces préconisées par l'enseigne et qu'il n'existait dès lors aucune manœuvre et aucune dissimulation relative à la surface du local qui pourrait être constitutive d'un dol justifiant l'annulation du contrat de franchise. Enfin, elle conteste tout caractère excessif des loyers et charges assumés par le franchisé, qui aurait définitivement obéré la rentabilité de la société franchisée, l'attestation du cabinet d'affaires S. étant, selon elle, contestable, en ce que celui-ci évalue la disproportion des loyers par rapport aux chiffres d'affaires réalisés, et fait valoir que les intimés ne peuvent affirmer, en contradiction avec leurs propres pièces, que le coût de ce local serait excessif car il correspond au loyer d'une surface de 48 m² (et non de 85 m²) et est situé dans la moyenne des loyers acquittés par les boutiques situées dans les galeries marchandes des grandes surfaces. Concernant l'emplacement géographique du local de la société franchisée, la société De Neuville expose que ce local était situé dans un des plus grands centres commerciaux de France, le centre commercial Plan de Campagne, qui comprend un hypermarché, générateur de trafic, attirant une clientèle quotidienne et nombreuse. L'appelante conclut qu'aucun vice de consentement ne peut donc être déduit d'une prétendue perte d'attractivité du centre commercial Plan de Campagne, aucune manœuvre ou omission de la société De Neuville ne pouvant être caractérisée à cet égard. Aucune omission ne peut lui être reprochée sur l'état de la concurrence locale puisque les faits allégués à ce titre par les intimés, à savoir l''installation d'enseignes concurrentes sur la zone géographique de Plan de Campagne, est postérieure à la signature du contrat de franchise.
En réplique, les intimés contestent ces allégations et font valoir que la société De Neuville a mené les négociations avec le bailleur et a servi d'intermédiaire entre la société Couleurs et Chocolats et celui-ci, que le local était trop grand, trop cher et mal placé. Ils concluent que le franchiseur n'a pas rempli son rôle d'assistance qui était contractuellement prévu et qui constitue une obligation essentielle du franchiseur, la superficie du local aussi bien que sa localisation n'étant pas adaptées à l'activité exercée.
***
Si la société de Neuville prétend qu'elle ne serait pas intervenue dans le choix et la validation du local, il ressort d'une part de l'article 4.5.2 du contrat de franchise que « le franchiseur doit assister le franchisé dans la recherche et la négociation d'un local. Il conseille et assiste le franchisé dans la localisation de son magasin ». D'autre part, il résulte du déroulement des faits qu'aucune décision définitive n'avait été prise par la société Couleurs et Chocolats dans le choix des locaux, lorsque les deux parties se sont rapprochées. S'il est exact que c'est le bailleur des locaux, contacté par le franchisé qui a, à son tour, mis en relation celui-ci avec la société De Neuville, c'est le franchiseur qui a validé l'emplacement (pièce 56 de l'intimé) et a mené toute la négociation sur les conditions du bail et le prix. Différents échanges ont d'ailleurs eu lieu entre le franchiseur et le bailleur, sans que le franchisé soit mis dans la boucle (pièces 72.1, 72.2 et 76).
Ce bail s'est révélé inadapté, la superficie étant trop vaste par rapport aux usages du secteur et du réseau De Neuville où la superficie des magasins des franchisés n'excède pas en moyenne 50 m² et le loyer exorbitant ayant grevé la rentabilité de l'exploitation, ainsi que le confirme le rapport du cabinet S. (pièce 36 du franchisé). Ce consultant en transactions de commerces et entreprises, consulté par Madame X. et Monsieur Y. dans le cadre de leur projet de cession du fonds en 2014, a relevé que « les charges liées à l'implantation en centre commercial nécessitaient des ratios a minima à hauteur de (…) 67 % », alors que l'activité en cause générait un taux de marge commerciale particulièrement faible, de 48,8 %. Il a également relevé que le montant des loyers et des charges représentait 23,18 % du chiffre d'affaires alors qu'il n'aurait pas dû dépasser 12 % du chiffre d'affaires. Il a donc conclu à la non viabilité de l'affaire du franchisé et à son incessibilité, « compte tenu des marges commerciales extrêmement faibles, du coût de la franchise lié au versement de royalties, et au montant du loyer disproportionné par rapport au chiffre d'affaires réalisé ». En outre, la galerie commerciale où était situé le magasin subissait, à l'époque de la signature du contrat, des baisses de fréquentation de la clientèle dues au développement d'autres centres commerciaux plus récents à proximité, ainsi que l'a souligné le rapport de l'administrateur judiciaire de la société Couleurs et Chocolats (pièce 17 de l'intimé). De nombreux magasins ont fermé, réduisant encore l'attractivité de la galerie et accentuant le problème de visibilité du local de la société Couleurs et Chocolats, résultant d'une situation enclavée dans un renfoncement de la galerie marchande.
Si ces éléments n'induisent pas en soi un vice de consentement du franchisé, au sens où le franchiseur n'a pas dissimulé ou falsifié des informations, mais a réalisé une mauvaise appréciation sur le choix du local, il n'en demeure pas moins que l'inadaptation de l'emplacement, la trop grande superficie des locaux et le caractère excessif du loyer, trop élevé pour garantir aux franchisés un taux de rentabilité minimale, constituent des manquements aux obligations de conseil du franchiseur, prévues à l'article 4.5.2 cité supra, renforçant encore la portée des informations erronées sur les prévisionnels et de l'absence d'état du marché local. En effet, le coût du bail représente une donnée essentielle en considération de laquelle le franchisé a élaboré son projet d'installation. Ces éléments sont aussi déterminants pour le consentement du franchisé, car ils portent sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l'espérance de gain est déterminante.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris, d'une part, en ce qu'il a estimé que la société De Neuville avait trompé la société Couleurs et Chocolat sur les conditions réelles dans lesquelles elle a contracté, et s'est rendue coupable d'une erreur ayant vicié le consentement de celle-ci, et, d'autre part, en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise.
Sur les restitutions après nullité :
Concernant la restitution par le franchiseur de la redevance forfaitaire initiale, la société De Neuville fait valoir que la société Couleurs et Chocolats ne justifie aucunement du paiement de la redevance forfaitaire initiale versée au titre du contrat de franchise, cette somme ne figurant pas au bilan de la société. Elle sollicite que soit déclarée irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande de restitution de la marge faite par le franchiseur, lors de la vente de chocolats au franchisé, qui suppose que soient annulés les contrats de vente qui ont été conclus entre le franchisé et le franchiseur en application du contrat-cadre de franchise. Elle conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à restituer la redevance forfaitaire initiale et sollicite par ailleurs l'infirmation du jugement en ce qu'il a refusé de condamner le franchisé à restituer en valeur les prestations qu'il a reçues, en les évaluant à la même somme que leur prix contractuel, les intimés ayant reconnu que ce prix contractuel équivalait à la valeur réelle des prestations.
Après compensation entre les restitutions dues par le franchiseur et celles dues par le franchisé, la société De Neuville sollicite la condamnation du franchisé à lui restituer la somme de 13.505, 71 euros, correspondant à la différence entre :
- la somme de 38.517,60 euros à restituer par le franchisé (12.000 euros au titre des prestations fournies en contrepartie du droit d'entrée ; 6.000 euros au titre des prestations fournies en contrepartie de la créance de redevance forfaitaire initiale, et 20.517,60 euros au titre des prestations fournies en contrepartie de la redevance permanente), et
- la somme de 25.011,89 euros à restituer par le franchiseur (4.494,29 euros au titre de la restitution du droit d'entrée non amorti ; 0 euro au titre de la redevance forfaitaire initiale non perçue ; et 20.517,60 euros au titre de la redevance permanente). L'appelante fait enfin valoir que le cautionnement de M. Y. et Mme X. devra garantir ces restitutions et sollicite en conséquence l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé ledit cautionnement.
En réplique, les intimés contestent ces allégations et font valoir que le prononcé de la nullité d'un contrat a pour but de sanctionner le co-contractant qui est à l'origine de celle-ci et qu'admettre le raisonnement du franchiseur reviendrait à vider de tout effet le prononcé de la nullité.
Ils demandent les restitutions de sommes indûment versées, soit 10.000 euros HT de droits d'entrée, 5.000 euros de redevance initiale forfaitaire, 17.098 euros HT de redevances de franchise et 43.226 euros HT de marge bénéficiaire perdue, soit la somme totale de 75.324 euros, et des dommages-intérêts complémentaires pour la société Couleurs et Chocolats.
* * *
La nullité d'un contrat emporte son effacement rétroactif. Il est donc censé n'avoir jamais existé et a pour effet de mettre les parties dans leur état initial même s'il est à exécution successive. Par suite, il y a lieu de restituer à Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, les sommes versées au franchiseur dans le cadre du contrat annulé, dont la preuve est rapportée.
Sur les restitutions :
Sur la restitution des droits d'entrée :
Il y a lieu de lui allouer à ce titre la somme de 10.000 euros versée au titre du droit d'entrée HT (soit 12.000 euros TTC) prévue à l'article 9.1 du contrat de franchise, qui figure à son bilan. Constituant le prix de l'accès au réseau, l'annulation du contrat de franchise entraîne logiquement sa restitution. La société De Neuville ne peut s'opposer au paiement de cette somme en alléguant que le contrat prévoit que les droits d'entrée sont versés en contrepartie de l'exclusivité territoriale et de la notoriété de la marque, dont la société franchisée a profité durant l'exécution du contrat, ces prestations du franchiseur étant rémunérées par les redevances de franchise. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la restitution de la redevance initiale forfaitaire :
La somme de 5.000 euros HT de redevance initiale forfaitaire (soit 6.000 TTC) prévue à l'article 9.2 a été acquittée le jour de la signature du contrat, selon les termes mêmes du contrat. Dès lors, même si celle-ci ne figure pas de manière identifiée au bilan, il y a lieu également d'allouer cette somme à l'intimé. Cette redevance rémunère l'assistance du franchiseur préalable à l'ouverture du magasin, acquittée au moment de l'entrée dans le réseau. L'annulation du contrat pour dol entraîne logiquement sa restitution. La société De Neuville ne peut s'opposer au paiement de cette somme en alléguant que le contrat prévoit que cette redevance est versée en contrepartie de prestations dont a profité le franchisé, celles-ci s'étant précisément révélées défaillantes. Il y a lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur la restitution des redevances de franchise :
La société De Neuville s'oppose à la restitution des redevances de franchise, de 17 098 euros, expliquant que le franchisé a bénéficié de ses prestations et de son savoir-faire pendant l'exécution du contrat. Dès lors, le franchisé, qui ne peut pas restituer ces prestations en nature, doit les restituer en valeur, soit le montant des redevances. L'intimée ne formulant pas de contestation sur l'évaluation de cette somme, réfutant seulement le principe-même de la restitution des prestations du franchiseur, il y a lieu de faire droit à la demande de la société De Neuville et de rejeter cette demande.
Sur la demande de restitution de la marge réalisée par le franchiseur sur les produits vendus au franchisé :
Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, demande également la restitution de la marge réalisée par le franchiseur sur la vente au franchisé des marchandises, fondant sa demande sur la nullité des contrats de vente intervenus dans le cadre de l'exécution du contrat, elle-même entraînée par l'annulation du contrat principal.
* * *
Cette demande, nouvelle en cause d'appel, est irrecevable, car elle n'oppose pas compensation, ne tend pas à faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, ni ne tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ni n'est virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge, ni ne constitue l'accessoire, la conséquence ou le complément de ces demandes.
A la supposer recevable, Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, prétend que les contrats de vente de marchandises doivent être annulés par voie de conséquence de l'annulation du contrat de franchise. Mais la société De Neuville relève à juste titre que l'intimée ne démontre pas que ces contrats constituent un tout indivisible et que le vice de consentement qui a entraîné la nullité du contrat de franchise entraînerait automatiquement la nullité de ces contrats de vente, distincts et exécutés.
Enfin, la cour souligne que, comme le soutient la société Couleurs et Chocolats, l'application du principe de restitution réciproque à ces ventes reviendrait, pour le franchisé, à restituer les marchandises en valeur, ces marchandises n'étant plus en sa possession, puisqu'elles ont été vendues par le franchiseur, et pour le franchiseur à restituer leur prix acquitté par le franchisé. La société Couleurs et Chocolats admet donc la compensation entre ces deux sommes, faisant ici application d'un raisonnement qu'elle réfute pour les redevances de franchise.
La société De Neuville sera donc condamnée à payer à Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, la somme totale de 18.000 euros au titre des restitutions, cette somme étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2014, lesdits intérêts capitalisés.
Sur les dommages-intérêts complémentaires demandés par Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats :
Il sera rappelé que les restitutions opérées ne s'opposent pas à l'allocation de dommages et intérêts supplémentaires tendant à couvrir l'entier préjudice, dès lors qu'est établi le lien de causalité entre la faute du franchiseur et le préjudice allégué.
Il sera également souligné que le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constitué par la perte de la chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, et non par les pertes subies. La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Sur les investissements :
Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, demande le remboursement des investissements effectués en pure perte par le franchisé, soit les sommes engagées aux fins d'ouvrir le point de vente : 30.687 euros en matériel et outillage, 102.338 euros en installations, aménagements divers, 3.500 euros en matériel de transport et 1.257 euros en mobilier.
La société De Neuville expose qu'il n'existe pas de lien de causalité entre ce préjudice et l'erreur imputable au franchiseur, les investissements n'ayant été perdus qu'à cause de l'ouverture des procédures de liquidation. A titre subsidiaire, elle demande que les frais non spécifiques à l'enseigne, 35.074 euros, soient déduits des sommes demandées, ainsi que la somme de 66.120 euros au titre des travaux d'agencement, non justifiée, les investissements restés dans le patrimoine du franchisé, 31.900 euros et les amortissements de 1.232 euros.
* * *
Le franchisé a engagé des investissements pour ouvrir son magasin, selon les normes préconisées par le franchiseur, de sorte que, à cause de la faute du franchiseur qui a trompé le consentement de la société Couleurs et Chocolats quant à la rentabilité de son entreprise, ces dépenses ont été engagées en pure perte. Toutes ces dépenses, effectuées en pure perte, sont donc en lien de causalité avec la faute.
Le franchisé verse aux débats un état des dotations du 01/10/2013 au 30/06/2014 (pièce 31 de l'intimé) qui détaille chacun des postes demandés, et qui est corroboré par les détails de l'actif figurant aux bilans (pièces 8 et 9 de l'intimée), sans que la société De Neuville ne conteste utilement ce décompte en établissant que ces investissements, spécifiquement dédiés au réseau de franchise, auraient pu être réutilisés dans une autre activité.
Toutefois, le franchisé ne peut être dédommagé que de sa perte de chance de n'avoir pas engagé ces dépenses, de sorte que son préjudice sera évalué à la somme de 124.000 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné le franchiseur à rembourser la somme globale de 165.337 euros, sur ce fondement.
La société De Neuville sera condamnée à payer la somme de 124 000 euros à Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, cette somme étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2014, lesdits intérêts capitalisés.
Sur les pertes de marge subies :
Si Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, demande le remboursement des pertes subies, soit la somme de 32.688 euros, la société De Neuville réplique que le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constituée par la perte de chance de ne pas contracter à des conditions plus avantageuses.
* * *
Les pertes subies durant l'exploitation n'auraient pas été supportées si la société Couleurs et Chocolats avait été dûment informée au moment de contracter.
Elle sera indemnisée de sa perte de chance de ne pas avoir subi ces pertes, que la cour évalue à la somme de 29.400 euros.
La société De Neuville sera condamnée à payer la somme de 29.400 euros à Maître V., ès -qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, cette somme étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2014, lesdits intérêts capitalisés.
Sur la perte de chance de rentabiliser des investissements :
Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, demande à ce titre la somme de 35.817 euros qui aurait pu raisonnablement être perçue par le franchisé, si le prévisionnel s'était concrétisé.
Mais faute d'expliciter cette demande, il en sera débouté. En toute hypothèse, il ne peut demander réparation de la perte de chance de recevoir les sommes figurant dans le prévisionnel, dont la réalisation n'était pas garantie. Cette demande sera donc rejetée.
La société De Neuville sera donc condamnée à payer à Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, la somme totale de 153.400 euros au titre des dommages-intérêts, cette somme étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2014, lesdits intérêts capitalisés.
Sur les demandes de dommages-intérêts de M. Y. et de Mme X. :
Ils exposent qu'ils ont subi un préjudice personnel et distinct et demandent le paiement :
- des avances en compte courant apportées à l'entreprise : 59.179 euros chacun,
- des condamnations mises à leur charge en leur qualité de caution : 48.582 euros,
- de leurs gains manqués : 66.071 euros chacun,
- de leur préjudice moral : 30.000 euros chacun.
Sur les gains manqués :
Le contrat annulé étant censé n'avoir jamais existé, M. Y. et Mme X. ne peuvent, sauf à méconnaître les conséquences de la nullité prononcée, réclamer l'indemnisation d'un gain manqué correspondant au défaut d'obtention de résultats commerciaux qu'ils auraient été en droit d'attendre de l'exploitation de la franchise.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur les apports en compte-courant :
Il résulte du bilan 2013 (pièce 9 des intimés) et du rapport de l'administrateur judiciaire (pièce 17) qu'ils ont apporté la somme de 118.358 euros, soit 59.179 euros chacun, en apports de compte-courants.
S'ils avaient été informés, ils n'auraient pas engagé ces apports. Toutefois, ils ne peuvent être indemnisés que de leur perte de chance, que la cour évalue à 53.260 euros chacun.
Il y a lieu de condamner la société De Neuville à leur payer à chacun la somme de 53.260 euros sur ce fondement.
Sur le cautionnement :
Il n'est pas contesté que les cautions ont été condamnées à payer la somme de 48.582 euros au titre de leur engagement de caution (pièce 63 des intimés). Toutefois, elles ne justifient pas s'en être acquittées, de sorte qu'elles seront déboutées de leur demande de ce chef.
Sur le préjudice moral :
Enfin, M. Y. et Mme X. ont subi un préjudice moral, distinct de celui subi par la société Couleurs et Chocolats, qu'il convient d'évaluer à 2.000 euros chacun.
La société De Neuville sera donc condamnée au total à payer à M. Y. et Mme X. la somme de 53.260 euros chacun à titre de dommages-intérêts, cette somme étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2014, lesdits intérêts capitalisés, outre la somme de 2.000 euros pour leur préjudice moral.
Sur les conséquences de la nullité du contrat sur les cautionnements :
Si l'appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité des contrats de cautionnement de M. Y. et de Mme X. par suite de la nullité du contrat de franchise, il y a lieu de souligner que le dispositif du jugement ne reprend pas cette condamnation, de sorte que le jugement entrepris n'a pas prononcé cette nullité et que la demande est irrecevable.
Sur les demandes de la société De Neuville à l'encontre de la société Couleurs et Chocolats :
La société De Neuville fait valoir que la société Couleurs et Chocolats, représentée par Maître V., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de cette dernière, a violé l'article 5.6.6. du contrat de franchise en procédant à des travaux de modification de l'aménagement du magasin, sans le consentement préalable et écrit de la société De Neuville. Elle sollicite dès lors la résiliation judiciaire du contrat de franchise aux torts exclusifs du franchisé.
En réplique, les intimées contestent ces allégations et font valoir que les pièces qu'elles communiquent prouvent que le franchiseur était non seulement informé, mais qu'il a lui-même fait les plans et supervisé le projet de travaux. Elles concluent au débouté de la société De Neuville de sa demande de résiliation du contrat aux torts du franchisé.
Cette demande ne saurait prospérer, compte tenu de l'annulation du contrat pour vice de consentement.
Sur les frais et dépens :
Succombant au principal, la société De Neuville sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Maître V., ès-qualités, ainsi qu'à M. Y. et Mme X. la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur la restitution des redevances à Maître V., ès-qualités, et les dommages-intérêts alloués à Maître V., ès-qualités ainsi qu'à M. Y. et Mme X.,
L'INFIRME sur ces points,
et, statuant à nouveau,
DÉBOUTE Maître V., ès qualités de sa demande en paiement de la somme de 17.098 euros au titre des redevances de franchise,
CONDAMNE la société De Neuville à payer à Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, la somme de 18.000 euros au titre des restitutions, cette somme étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2014, lesdits intérêts capitalisés,
CONDAMNE la société De Neuville à payer à Maître V., ès-qualités de liquidateur de la société Couleurs et Chocolats, la somme de 153.400 euros au titre des dommages-intérêts, cette somme étant majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2014, lesdits intérêts capitalisés,
CONDAMNE la société De Neuville à payer à M. Y. et Mme X. la somme de 53.260 euros chacun à titre de dommages-intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2014, lesdits intérêts capitalisés,
CONDAMNE la société De Neuville à leur payer la somme de 2.000 euros chacun à titre de réparation de leur préjudice moral,
y ajoutant,
DÉCLARE irrecevable comme nouvelle la demande de restitution de la marge réalisée par le franchiseur sur les produits vendus au franchisé,
CONDAMNE la société De Neuville aux dépens d'appel,
LA CONDAMNE à payer à Maître V., ès-qualités, ainsi qu'à M. Y. et Mme X. la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC