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CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 5 juillet 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 5 juillet 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 2
Demande : 16/16828
Décision : 2018-237
Date : 5/07/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 1/08/2016
Numéro de la décision : 237
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7633

CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 5 juillet 2018 : RG n° 16/16828 ; arrêt n° 2018-237

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le jugement déféré a parfaitement relevé que, antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, fixée au 1er juillet 2015, qui exclut dans son article préliminaire les personnes morales de sa définition du consommateur, les personnes morales peuvent revendiquer la qualité de consommateur, sous réserve que le contrat litigieux soit sans rapport avec leur activité professionnelle.

Selon l’article 3 de ses statuts, l’association a pour but d’entretenir des relations suivies et des liens de camaraderie entre les ingénieurs diplômés ETP, de créer entre eux des rapports d’intérêts réciproques et d’assurer la liaison avec la SID -ETP. Si, comme l’indique le jugement, l’association d’étudiants a pour ressources les cotisations de ses membres, des subventions des entreprises partenaires, une cotisation due par la SID-ETP, il ressort des informations recueillies sur le site de l’école et produites aux débats qu’elle a recours à la contribution financière des participants aux événements qu’elle organise. Il ressort d’un entretien avec son président publié sur son site à l’occasion des élections du Bloc 2012 que l’association gère un budget de plus de 280.000 euros et peut être considérée comme une micro-entreprise. Si le bureau de l’association est renouvelé tous les ans et ne dispose d’aucun permanent, comme le retient le tribunal, la réservation de salles pour les projets organisés tout au long de l’année est une de ses tâches principales et au cours des années successives, l’association a acquis un savoir-faire indéniable en cette matière, de sorte que cette activité est directement liée à son objet. L’association ayant contracté dans le cadre de son activité doit être considérée comme un professionnel au sens de l’article L. 132-1 précité. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 2

ARRÊT DU 5 JUILLET 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/16828. Arrêt n° 2018-237 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 juin 2016 - Tribunal de Grande Instance de Paris – R.G. n° 14/15666.

 

APPELANTE :

La SARL EDEN SYSTEM

agissant en la personne de son représentant légal, N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Pierre-Louis R., avocat au barreau de PARIS, toque : E1508, Assistée à l’audience de Maître [non renseigné]

 

INTIMÉE :

Association BLOC ETP

prise en la personne de son représentant, Représentée par Maître François D., avocat au barreau de PARIS, toque : E1676

 

COMPOSITION DE LA COUR : Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2018, en audience publique, devant la cour composée de : Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre, Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère, Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l’appel interjeté le 1er août 2016, par la SARL Eden System d’un jugement en date 30 juin 2016, par lequel le tribunal de grande instance de Paris a principalement :

- Déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par l’association Bloc ETP,

- déclaré abusive et non écrite la clause 6 du contrat du 2 juillet 2014 conclu entre la société Eden System et l’association Bloc ETP,

- débouté la société Eden System de l’ensemble de ses demandes,

- condamné la société Eden System à payer à l’Association BLOC ETP la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Eden System aux dépens,

- ordonné l’exécution provisoire.

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 1er mai 2018 aux termes desquelles la SARL Eden System, pour l’essentiel demande à la cour, au visa des articles L. 110-1 et L. 121-1 du code de commerce, L. 132-1 du code de la consommation, 1134, 1147 et 1998 du code civil, de :

- Infirmer le jugement sauf en ce qu’il a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence,

- condamner l’association Bloc ETP à lui verser la somme de 24.657,50 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 août 2014, compte tenu de la violation de l’article 6 du contrat,

A titre subsidiaire,

- condamner l’association au paiement de cette somme pour rupture abusive du contrat,

En toute hypothèse,

- condamner l’association Bloc ETP à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l’article 1147 du code civil en réparation du préjudice subi,

- la condamner à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu l’ordonnance du magistrat chargé de la mise en état déclarant les conclusions, notifiées par voie électronique le 2 mai 2017, par l’association Bloc ETP irrecevables.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; il convient de rappeler que :

* Le 2 juillet 2014, le trésorier de l’association Bloc ETP, association à but non lucratif d’étudiants de l’école spéciale de travaux publics de bâtiment et de l’industrie (ESTP) a signé avec la société Eden System un contrat de mise à disposition de l’hôtel Marriot Rive gauche pour y organiser une soirée de gala le 27 février 2015 pour un prix de 49.315 euros ;

* le 11 juillet 2014, par lettre recommandée avec avis de réception, le président de l’association a dénoncé ce contrat, au motif que le trésorier n’avait pas pouvoir pour engager l’association ;

* la société prestataire a refusé cette rétractation et exigé le paiement de la somme de 24.657,50 euros, se fondant sur l’article 6 du contrat ;

* le 27 octobre 2014, la société Eden System a fait assigner l’association Bloc ETP pour recouvrer cette somme outre une somme de 10.000 euros en application de l’article 1147 du code civil et une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* le 30 juin 2016 est intervenue la décision de débouté dont appel.

La société Eden System fait pour l’essentiel valoir que le trésorier disposait des pouvoirs suffisants pour engager l’association, étant membre du bureau et disposait à tout le moins d’un mandat apparent dans la mesure où il lui avait été indiqué que M. Y. serait le seul interlocuteur en charge de signer le contrat.

Elle ajoute que l’association doit être considérée comme un professionnel puisque le contrat litigieux a été conclu dans le cadre de son activité économique de sorte que l’article L. 132-1 du code de la consommation est inapplicable.

Elle conteste le déséquilibre de la clause de résiliation, arguant d’un engagement ferme de sa part auprès du Marriot pour une somme de 38.000 euros.

La société Eden System fait en outre valoir que la résiliation qui a été faite sans motif légitime est abusive.

* * *

Il est constant que le contrat litigieux, conclu à distance, a été négocié pour l’association par Mme X. et pour la société Eden System par M. Y., son directeur commercial.

Selon un échange de mail du 20 juin 2014, Mme X. a confirmé à 12 h 18 le choix du Marriot en demandant : « à quel moment le contrat doit être signé, est ce que la signature d’A. vous suffit, voulez-vous vous entretenir avec J. »

A 13 h 08, M. Y. a répondu : « si A. est trésorière, je fais porter le contrat à son nom et elle peut signer »

A 17 h 48 Mme X. a répondu : « Alors Z. est le trésorier de l’association son adresse mail est la suivante. »

Ainsi, le jugement déféré a parfaitement relevé que, s’il n’est pas démontré que le président de l’association a donné mandat à M. Z., trésorier, de signer le contrat litigieux, il n’en demeure pas moins que la société pouvait légitiment croire à la capacité de celui-ci de signer le contrat, alors qu’il l’a signé « en qualité de trésorier de l’association, dûment habilité à l’effet des présentes », celui-ci ayant été présenté par Mme X. comme étant la personne habilitée à cette signature et en l’absence de toute intervention ou observation du président de l’association qui était parfaitement informé de la négociation du contrat de réservation d’un espace, étant destinataire des mails de la demanderesse afférents au choix de l’espace et à la négociation du contrat, capacité à engager l’association encore manifestée par la signature par ce trésorier de la lettre de renonciation du contrat, laquelle n’est pas contestée par l’association en contradiction avec ses propres déclarations sur ce point.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a jugé que le contrat signé engage l’association Bloc ETP à l’égard de la société Eden System.

Selon les dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation : « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Le jugement déféré a parfaitement relevé que, antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, fixée au 1er juillet 2015, qui exclut dans son article préliminaire les personnes morales de sa définition du consommateur, les personnes morales peuvent revendiquer la qualité de consommateur, sous réserve que le contrat litigieux soit sans rapport avec leur activité professionnelle.

Selon l’article 3 de ses statuts, l’association a pour but d’entretenir des relations suivies et des liens de camaraderie entre les ingénieurs diplômés ETP, de créer entre eux des rapports d’intérêts réciproques et d’assurer la liaison avec la SID -ETP.

Si, comme l’indique le jugement, l’association d’étudiants a pour ressources les cotisations de ses membres, des subventions des entreprises partenaires, une cotisation due par la SID-ETP, il ressort des informations recueillies sur le site de l’école et produites aux débats qu’elle a recours à la contribution financière des participants aux événements qu’elle organise.

Il ressort d’un entretien avec son président publié sur son site à l’occasion des élections du Bloc 2012 que l’association gère un budget de plus de 280.000 euros et peut être considérée comme une micro-entreprise.

Si le bureau de l’association est renouvelé tous les ans et ne dispose d’aucun permanent, comme le retient le tribunal, la réservation de salles pour les projets organisés tout au long de l’année est une de ses tâches principales et au cours des années successives, l’association a acquis un savoir-faire indéniable en cette matière, de sorte que cette activité est directement liée à son objet.

L’association ayant contracté dans le cadre de son activité doit être considérée comme un professionnel au sens de l’article L. 132-1 précité.

L’article 6 du contrat prévoit que : « en cas d’annulation totale ou partielle de la part du producteur, sans autre motif que les cas de force majeure, celui-ci s’engage à devoir à Eden System :

*en cas d’annulation à moins de 90 jours de la réception, la totalité de la somme sera exigée au producteur

*en cas d’annulation à plus de 90 jours de la réception, l’acompte de 50 % sera intégralement conservé par Eden System ».

Par courrier recommandé du 14 juillet 2014, l’association du Bloc ETP a, sous la signature de son trésorier Z., adressé à la société Eden System une rétractation officielle confirmant son mail du 11 juillet et indiquant « Après réflexion, nous pensons que le Marriot n’a pas le standing nécessaire pour le gala 2014 de l’ESTP ».

Cette rétractation de pure convenance doit dans ces conditions être sanctionnée dans les termes du contrat signé le 2 juillet 2014, le jugement réformé et l’association condamnée à payer à la société Eden System la somme de 24.657,50 euros.

L’ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil prévoit que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

En l’espèce la société Eden System ne justifie d’aucun paiement au profit du propriétaire de la salle, la dénonciation du contrat étant intervenue neuf jours après sa conclusion et huit mois avant la date fixée au contrat.

Elle ne démontre pas non plus l’atteinte à sa réputation invoquée à l’appui de sa demande au titre d’un préjudice moral, en l’absence de tout courrier de protestation de la part du Marriot, l’historique de l’affaire étant davantage de nature à porter atteinte à la réputation de l’association qu’à la sienne.

 

Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser à la société Eden System la totalité de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 30 juin 2016 ;

Condamne l’association Bloc ETP à payer à la société Eden System la somme de 24.657,50 euros ;

Déboute la société Eden System de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne l’association Bloc ETP à payer à la société Eden System la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE                             LA PRÉSIDENTE