CASS. CIV. 1re, 26 septembre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7673
CASS. CIV. 1re, 26 septembre 2018 : pourvoi n° 17-15495 ; arrêt n° 898
Publication : Legifrance
Extrait : « qu’après avoir constaté que la SCI invoquait le caractère abusif de la clause contractuelle prévoyant la modification du montant de la mensualité du prêt en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction, la cour d’appel a énoncé que les modalités d’application de cette clause étaient clairement et précisément exposées aux conditions particulières du contrat, outre qu’elles étaient reprises et explicitées dans les conditions générales ; qu’il en résulte qu’une telle clause, qui définissait de manière claire et précise l’objet principal du contrat, ne pouvait donner lieu à l’appréciation d’un éventuel caractère abusif ; que, par ce motif de pur droit, substitué, selon les modalités de l’article 1015 du code de procédure civile, à ceux que critique le moyen, l’arrêt se trouve légalement justifié ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 17-15495. Arrêt n° 898.
DEMANDEUR à la cassation : Société civile immobilière Volontia
DÉFENDEUR à la cassation : Société Crédit foncier de France
Mme Batut (président), président. SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 2016), que, suivant offre préalable acceptée le 10 janvier 2005, la société Crédit foncier de France (la banque) a consenti un prêt immobilier à la société civile immobilière Volontia (la SCI) ; que celle-ci a assigné la banque aux fins de voir déclarer abusive la clause contractuelle modifiant chaque année, à la date anniversaire du point de départ de la période d’amortissement, le montant de la mensualité du prêt en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que ce grief n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur les trois dernières branches du moyen, ci-après annexé :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la SCI fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’aux termes de l’article L. 132-1 , alinéa 1er, devenu L. 212-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que, selon l’alinéa 7 du même article, devenu l’alinéa 3 de l’article L. 212-1, l’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert, pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible ; qu’après avoir constaté que la SCI invoquait le caractère abusif de la clause contractuelle prévoyant la modification du montant de la mensualité du prêt en fonction de l’évolution de l’indice du coût de la construction, la cour d’appel a énoncé que les modalités d’application de cette clause étaient clairement et précisément exposées aux conditions particulières du contrat, outre qu’elles étaient reprises et explicitées dans les conditions générales ; qu’il en résulte qu’une telle clause, qui définissait de manière claire et précise l’objet principal du contrat, ne pouvait donner lieu à l’appréciation d’un éventuel caractère abusif ; que, par ce motif de pur droit, substitué, selon les modalités de l’article 1015 du code de procédure civile, à ceux que critique le moyen, l’arrêt se trouve légalement justifié ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière Volontia aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-huit.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Volontia
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen fait grief à l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d’AVOIR déclaré irrecevable l’action de la SCI Volontia tendant à la restitution des sommes réglées au Crédit Foncier de France avant le 14 avril 2008 et recevable celle tendant à la restitution des sommes réglées au Crédit Foncier de France avant le 14 avril 2008 en exécution de la clause litigieuse et d’AVOIR débouté la SCI Volontia de l’ensemble de ses demandes à l’encontre du Crédit Foncier de France ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE (sur le caractère abusif de la clause litigieuse) selon l’article L. 132-1 du code de la consommation dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l’article R. 132-2-1 du code de la consommation énonce à cet égard que les dispositions des articles R. 132-1, 4º et 6º et R. 132-2 qui listent les clauses dites noires (présumée irréfragablement abusives) et grises (présumées abusives) ne s’appliquent pas aux transactions concernant les valeurs mobilières, instruments financiers et autres produits ou services dont le prix est liée aux fluctuation d’un cours, d’un indice ou d’un taux que le professionnel ne contrôle pas ; qu’il appartient donc à l’emprunteur de démontrer le caractère abusif de la clause critiquée ; que la clause est ainsi rédigée « Toutefois chaque année à la date anniversaire du point de départ de la période d’amortissement, de nouvelles charges seront calculées en majorant l’échéance précédente du pourcentage de variation de la moyenne des quatre derniers indices du coût de la construction ou ICC publié par l’INSEE, moyenne visée aux conditions particulières présentes » ; qu’elle figure aux conditions générales du prêt immobilier souscrit par la SCI Volontia auprès du CCF dit FONCIER LOCAPLUS, sur la détermination et le paiement des charges mais elle ne peut être lue qu’au regard des conditions particulières du prêt qui déterminent l’économie du contrat et prévoit cette possibilité de variation des charges en renvoyant aux conditions générales et particulièrement à la clause critiquée ; que les conditions particulières du contrat de prêt prévoient une durée initiale prévisionnelle de 25 ans se décomposant en deux périodes, une première période d’amortissement d’une durée de 15 ans et une seconde période d’amortissement de 10 ans, cette durée prévisionnelle étant susceptible soit d’une réduction sans limite soit d’un allongement dans la limite maximum de 5 ans, d’où une durée maximale prévisionnelle de 30 ans ; qu’il est stipulé concernant les caractéristiques financières, un taux fixe sur la première période d’amortissement de 4,70% l’an, un montant de la charge mensuelle d’amortissement, hors assurance, de 558,87€, étant précisé que les charges sont révisables à chaque anniversaire du point de départ de la première période d’amortissement et qu’elles sont alors indexées sur 100 % du taux de progression de la moyenne des 4 derniers indices de la construction ICC jusqu’à l’expiration du prêt, et que les modalités de révision des charges de la première période d’amortissement et du taux de la deuxième durée, déterminant le cas échéant une nouvelle durée, sont définies aux conditions générales jointes ; qu’il s’en déduit que la clause litigieuse prévoit une variabilité des charges mensuelles dont les modalités d’application sont clairement et précisément exposées aux conditions particulières du contrat et reprises et explicitées dans les conditions générales, l’ensemble de ces documents contractuels ayant été portés à la connaissance de l’emprunteur qui a signé l’offre et paraphé toutes les pages de l’ensemble des documents contractuels ; que l’application de cette clause de variabilité n’est pas laissée à la discrétion du prêteur, elle s’applique automatiquement à une date anniversaire précisée au contrat et en fonction d’une clause d’indexation objective et proportionnelle définie au contrat à savoir 100 % du taux de progression de la moyenne des 4 derniers indices de la construction ICC publié par l’INSEE étant précisé que la moyenne pris en compte est celle constatée 5 jours ouvrables avant le début du mois de la date anniversaire du point de départ du prêt, la moyenne de départ étant la dernière moyenne constatée 5 jour ouvrables avant le début du mois de l’émission de l’offre ; qu’il est encore précisé que les échéances ainsi recalculées ne pourront pas être inférieures à celles de l’année précédente et si par suite de ce calcul, le montant de la nouvelle charge se révélait inférieur à celui de l’année précédente, ce dernier serait maintenu pour la nouvelle période annuelle ; que cette clause, qui introduit un système de variabilité des échéances connu à l’avance par l’emprunteur en fonction de la variabilité d’un indice national qui ne dépend pas du prêteur, ne modifie pas l’économie générale et le coût du contrat puisque l’augmentation des charges a pour effet corrélatif la diminution de la durée d’amortissement du contrat et la réduction de la somme payée au titre des intérêts dont le taux reste fixe sur la première période d’amortissement du crédit ; que s’agissant d’une clause insérée dans un contrat de prêt destiné à l’achat d’un bien à destination locative, elle présente l’intérêt économique d’ajuster le montant des échéances à la progression du prix des loyers qui dépend également de l’ICC ; qu’il apparaît ainsi que la clause litigieuse ne crée pas un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur et ne saurait être qualifiée d’abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ; qu’en conséquence, la SCI Volontia sera déboutée de l’ensemble de ses demandes.
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE le juge doit observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, le Crédit Foncier n’a jamais soutenu, en cause d’appel, que les dispositions du code de la consommation listant les clauses (noires et grises) présumées abusives seraient inapplicables à l’espèce ; qu’en relevant d’office ce moyen sans avoir préalablement invité les parties à s’en expliquer, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU’est abusive toute clause qui a pour effet de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel, créant ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties, peu important que le consommateur ait eu connaissance de la clause litigieuse lors de la conclusion du contrat ; qu’en l’espèce, pour considérer que la clause litigieuse n’était pas abusive, la cour d’appel a notamment retenu que « le système de variabilité des échéances » avait été porté à la connaissance de l’emprunteur ; que cette circonstance était impropre à exclure tout caractère abusif à la clause relative à la détermination et au paiement des charges ; qu’en statuant par ce motif inopérant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132- 1, R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation ;
3°) ALORS QU’est abusive toute clause qui a pour effet de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel, créant ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties, peu important que sa mise en œuvre ne soit pas laissée à la discrétion du professionnel ; qu’en l’espèce, pour considérer que la clause litigieuse n’était pas abusive, la cour d’appel a notamment retenu que « l’application de cette clause de variabilité n’est pas laissée à la discrétion du prêteur » ; qu’une telle circonstance était, elle aussi, sans influence sur le caractère abusif ou non de la clause litigieuse ; qu’en statuant encore par un motif inopérant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 132-1, R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation ;
4°) ALORS QU’enfin, est abusive toute clause qui a pour effet de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du professionnel, créant ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties ; que la clause relative à la variabilité des charges conduisait, d’une part, à modifier très substantiellement la durée du crédit en la diminuant de plus de 10 ans, d’autre part, à augmenter les échéances à un montant excédant largement les capacités de remboursement de la SCI emprunteuse et, enfin, à permettre à l’établissement de crédit d’obtenir le remboursement dans un délai beaucoup plus court que celui initialement prévu ; que cette clause, qui bouleversait l’équilibre contractuel au détriment de l’emprunteur, était abusive ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 132-1, R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation.