CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 13 décembre 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7734
CA AIX-EN-PROVENCE (3e ch. B), 13 décembre 2018 : RG n° 16/09917 ; arrêt n° 2018/351
Publication : Jurica
Extrait : « La décision déférée doit en conséquence être confirmée, la preuve d'une violation de la commune intention des parties n'étant pas rapportée, le caractère abusif des clauses 3.17, 5.2.1 et 5.2.2 n'étant pas établi, les dites clauses étant opposables à Monsieur et Madame X. et ces derniers ne pouvant prétendre au versement de la totalité de l'indemnisation du sinistre déterminée sur la base d'un possible remplacement des biens sinistrés, sans production des factures de remplacement. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G n° 16/09917. Arrêt n° 2018/351. N° Portalis DBVB-V-B7A-6WBF. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 21 avril 2016 enregistré au répertoire général sous le R.G. n° 14/04596.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représenté et assisté par Maître Alain G. de l'ASSOCIATION G. A / C. B, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], de nationalité Française, demeurant [adresse], représentée et assistée par Me Alain G. de l'ASSOCIATION G. A / C. B, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
SA GMF ASSURANCES
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège [...], représentée et assistée par Maître Olivia D. C. de la SCP SCP F. D. C. M., avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 23 octobre 2018 en audience publique devant la Cour composée de : M. Jean-François BANCAL, Président, Mme Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice), Mme Sophie LEYDIER, Conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2018.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2018, Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
Madame X. a souscrit un contrat d'assurance habitation dit DOMO PASS, auprès de la société GMF concernant son habitation située [adresse], à effet du 31 octobre 2012.
Suite à un vol avec effraction survenu à leur domicile le 12 avril 2013, Monsieur et Madame X. ont sollicité l'indemnisation du sinistre auprès de la société GMF.
L'expert désigné par celle-ci a proposé une indemnisation à hauteur de 37.994,90 euros, dont 909 euros payable en différé.
Monsieur et Madame X. ayant contesté ce montant, la société GMF a proposé par courrier daté du 19 novembre 2013, de fixer l'indemnisation à la somme 66.975 euros pour les objets de valeur, dont 25.965 euros en différé sur présentation des factures de rachat, et à celle de 4.330,40 euros pour le mobilier, dont 1.268 euros en différé sur présentation des factures de rachat.
Monsieur et Madame X. ont contesté le principe d'un paiement en différé.
Par décision en date du 10 juin 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix en Provence a condamné la société GMF à payer à Monsieur et Madame X. une provision de 43.910 euros à valoir sur l'indemnisation du sinistre et a débouté ces derniers du surplus de leurs demandes.
Par acte d'huissier en date du 17 juillet 2014, Monsieur et Madame X. ont fait assigner la société GMF devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence.
Au terme de leurs dernières conclusions, ils demandaient pour l'essentiel au tribunal, au visa des articles 1134 et 1152 du code civil, L 132-1 du code de la consommation :
- de dire que les clauses 3-7, 5-2.1 et 5-2.2 n'étaient ni claires, ni précises, qu'elles constituaient des clauses ambiguës et obscures pour les assurés, et abusives, qu'elles leur étaient en conséquence inopposables,
- de constater l'impossibilité dans laquelle ils étaient de procéder matériellement au remplacement des biens volés et objet de leur déclaration de sinistre, y compris de bijoux équivalents,
- de condamner la GMF au paiement immédiat de la somme définitive de 66 975 euros, outre intérêts légaux à compter de l'assignation et capitalisation, sous déduction de la provision versée.
La société GMF a conclu au débouté de Monsieur et Madame X. de leurs demandes.
Par décision en date du 21 avril 2016, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a :
- débouté Monsieur et Madame X. de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné Monsieur et Madame X. aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement,
ainsi qu'à payer à la société GMF la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur et Madame X. ont interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 30 mai 2016.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 23 août 2016, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur et Madame X. demandent à la cour,
au visa de la recommandation n° 85-04 de la Commission des clauses abusives concernant les contrats d'assurances destinés à couvrir divers risques de la vie privée, des articles 1134, 1152 du code civil et L 132-1 du code de la consommation :
- de réformer la décision déférée,
- de constater que les clauses 3-7, 5-2.1 et 5-2.2 ne sont pas claires et précises et constituent des clauses ambiguës et obscures pour les assurés,
- de dire que les dites clauses constituent des clauses abusives,
- de dire les dites clauses inopposables aux concluants,
- de condamner la société GMF au paiement de la somme définitive de 26.965 euros tenant compte des sommes déjà versées par celle-ci, avec intérêts de retard à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
- de condamner la société GMF aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières écritures notifiées le 22 septembre 2016, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société GMF demande à la cour au visa des articles 1134, 1147, 1315 du code civil et des conditions particulières et générales du contrat souscrit :
- de confirmer la décision déférée,
- de dire que Monsieur et Madame X. n'établissent pas que les conditions de mise en œuvre de la police dont ils sollicitent l'application, justifient le règlement immédiat de la totalité de l'indemnité,
- de débouter Monsieur et Madame X. de leurs demandes,
- de condamner Monsieur et Madame X. aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement, ainsi qu'à payer à la concluante la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure est en date du 9 octobre 2018.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il résulte de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, d'ordre public, que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil (dans leur rédaction applicable au litige), le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat ;
que les clauses abusives sont réputées non écrites et que l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible, que le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.
Les conditions générales du contrat souscrit par Madame X., consommateur, comporte les dispositions suivantes, ainsi libellées pour partie en caractères gras :
« Article 3.17 - Rééquipement à neuf
Nous garantissons en cas de dommages garantis subis par les biens assurés : […] le rééquipement à neuf des biens mobiliers et des objets de valeur, c'est-à-dire une indemnisation en valeur à neuf sans vétusté quel que soit l'âge des biens, si les conditions suivantes sont remplies :
- les biens endommagés sont en état d'utilisation ou de fonctionnement au jour du sinistre,
- ils sont réparés ou remplacés dans un délai maximal de 2 ans à compter du sinistre.
A défaut, l'indemnisation s'effectue suivant les modalités prévues à l'article 5.2.1 des présentes conditions générales.
Les modalités de règlement en valeur à neuf sont précisées à l'article 5.2.2.
[…] Nous ne garantissons pas
Le rééquipement à neuf : - […] - des biens mobiliers et des objets de valeur qui ne sont pas remplaçables à neuf. »
« Article 3.18 - Dommages électriques et rééquipement à neuf spécial étudiant : […] »
« Article 5.2.1 - Comment sont évalués les dommages […]
En cas de mise en jeu de la garantie catastrophes technologiques […]
En cas de mise en jeu de la garantie rééquipement à neuf prévue sur vos conditions particulières
Les modalités d'indemnisation sont précisées aux articles 3.17 et 3.18 des présentes conditions générales.
Si vos conditions particulières ne prévoient pas la garantie rééquipement à neuf :
- estimation des dommages aux bâtiments […]
- estimation des dommages aux embellissements […]
- estimation des dommages aux biens mobiliers et objets de valeur
Ils sont réparables : l'indemnisation s'effectue sur la base du montant de la facture de réparation dans la limite de la valeur d'usage du bien au jour du sinistre ou de sa valeur à neuf dans les cas prévus ci-dessous.
Pour les meubles anciens (d'époque ou de style), les objets de valeur (sauf ceux achetés neufs depuis moins de 6 mois) et les objets d'antiquité, l'indemnisation s'effectue sur la base de la facture de restauration dans la limite de la valeur salle de vente, sans application de vétusté.
Ils ne sont pas réparables :
- nous indemnisons en valeur à neuf sans déduction de la vétusté si son taux n'excède pas 25 % :
* le mobilier d'ameublement si vos conditions particulières le prévoient,
* les objets de valeur, les appareils audiovisuels fixes et les appareils électroménagers achetés neufs depuis moins de 6 mois au jour du sinistre,
- nous indemnisons sur la base de leur valeur salle de vente au jour du sinistre, les objets de valeur (à l'exception de ceux achetés neufs depuis moins de 6 mois), les meubles anciens (d'époque ou de style) et les objets d'antiquité,
- nous indemnisons sur la base de leur valeur d'usage au jour du sinistre avec une vétusté maximum de 75 %, tous les autres biens mobiliers en appliquant pour les biens ci-après, les modalités suivantes… »
« Article 5.2.2 Les modalités de règlement
Indemnisation en valeur à neuf
Elle s'effectue en 2 temps. Nous versons d'abord l'indemnité correspondant à la valeur d'usage du bien sinistré, l'indemnité complémentaire correspondant à la vétusté est ensuite versée :
- pour les bâtiments et les embellissements : sur présentation des pièces justifiant des travaux et de leur montant,
- pour les autres biens : sur présentation de l'original de la facture de réparation ou de remplacement.
Indemnisation des travaux d'amélioration […]
En cas d'atteinte à l'environnement […]
Les bâtiments assurés, achetés ou construits à l'aide d'un prêt […]
La renonciation à la règle proportionnelle […]
Les frais de procès […] »
Il est constant que Madame X. a souscrit la garantie rééquipement à neuf.
La société GMF a procédé à l'évaluation des dommages en considérant que les biens étaient susceptibles d'être remplacés.
Monsieur et Madame X. ne critiquent pas l'évaluation faite par la société GMF sur cette base, tout en soutenant que les biens volés ne peuvent être remplacés à l'identique, et contestent le fait que l'indemnisation soit réglée en deux temps, soutenant que les différentes clauses se rapportant au rééquipement à neuf et au principe de l'indemnisation différée sont obscures et ambiguës par leur caractère contradictoire.
Toutefois, l'article 3.17 rappelé ci-dessus définit les conditions de la garantie rééquipement à neuf, avec renvoi à l'article 5.2.1 pour l'indemnisation lorsque les dites conditions ne sont pas remplies, et mentionne en caractères très apparents, que ne sont pas garantis à ce titre les biens mobiliers et objets de valeur qui ne sont pas remplaçables à neuf ;
l'article 5.2.1 relatif aux modalités d'évaluation des dommages, distingue selon que la garantie rééquipement à neuf a été souscrite ou pas :
il renvoie à l'article 3.17 et 3.18 si elle l'a été, et dans la négative il opère, concernant l'estimation des dommages aux biens mobiliers et objets de valeur, une sous-distinction selon que ceux-ci sont réparables ou pas, puis une nouvelle distinction en l'absence de possibilité de réparation, selon la date d'achat des objets de valeur ;
l'article 5.2.2 définit enfin les modalités de règlement de façon très claire en cas d'indemnisation en valeur à neuf, et ne comporte pas de contradiction avec l'article 3.17, dès lors que la vétusté n'est déduite qu'à titre provisoire, l'objet de chacun de ces textes n'étant pas le même.
Les termes de valeur à neuf, de valeur d'usage, de valeur salle de vente, de vétusté font par ailleurs l'objet d'une définition préalable dans les conditions générales, avec mention de façon très apparente en cas de garantie rééquipement à neuf, que les modalités de règlement en sont précisées à l'article 5.2.2.
Il s'ensuit que Monsieur et Madame X. sont mal fondés à arguer d'une contradiction entre ces différentes clauses et si l'emploi du terme de « réparation » à l'article 5.2.1 est inadéquat pour la garantie vol, il n'en résulte cependant aucune impossibilité d'indemnisation en cas de sinistre vol, l'article 3.17 qui renvoie à l'application de ce texte lorsque les conditions de la garantie rééquipement à neuf ne sont pas réunies, employant de façon équivalente les termes « réparés » et « remplacés ».
Ils ne peuvent davantage soutenir que le renvoi fait par l'article 3.17 aux articles 5.2.1 et 5.2.2 serait malaisé et qu'il existerait une incohérence entre les différentes modalités de remboursement des objets de valeur :
ce renvoi à deux articles ne peut être qualifié de dispersion des clauses définissant les risques couverts et le montant des garanties ;
par ailleurs, les notions auxquelles il est fait référence ont été définies au préalable et le principe d'une indemnisation pour partie en différé ne modifie pas l'étendue de la garantie.
Aucune erreur sur l'étendue de la garantie « rééquipement à neuf » n'est induite par la rédaction des différentes clauses des conditions générales, la prise en compte de la vétusté n'intervenant que lorsque cette garantie n'est pas applicable, à savoir dans l'hypothèse où le bien sinistré n'est pas susceptible d'être remplacé ;
il en est de même quant aux modalités d'indemnisation dans l'hypothèse de l'application de la garantie « rééquipement à neuf », le principe d'un différé d'indemnisation étant très clairement mentionné dans les clauses susvisées des conditions générales.
La décision déférée doit en conséquence être confirmée, la preuve d'une violation de la commune intention des parties n'étant pas rapportée, le caractère abusif des clauses 3.17, 5.2.1 et 5.2.2 n'étant pas établi, les dites clauses étant opposables à Monsieur et Madame X. et ces derniers ne pouvant prétendre au versement de la totalité de l'indemnisation du sinistre déterminée sur la base d'un possible remplacement des biens sinistrés, sans production des factures de remplacement.
Monsieur et Madame X. succombant en leurs prétentions, supporteront les dépens de la présente instance et seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
il n'est pas inéquitable de les condamner sur ce fondement au paiement de la somme de 1500 euros en cause d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme la décision du tribunal de grande instance d'Aix en Provence en date du 21 avril 2016.
Condamne Monsieur Michel X. et Madame Malika K. épouse X. aux dépens de la présente instance, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.
Condamne Monsieur Michel X. et Madame Malika K. épouse X. à payer à la société GMF la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et les déboute de leur demande présentée sur ce fondement.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
- 6007 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Interprétation en faveur du consommateur (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Illustrations
- 6384 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Habitation - Versement de l’indemnité